Il y a des coupables relaxés ou acquittés à cause de l'infirmité de la justice ou de ses principes mais il paraît que cela relève de l'honneur d'une démocratie.
En revanche, qu'un innocent véritable ait failli être englouti par la machine judiciaire, et c'est un scandale pour la République. C'est normal et salutaire même si j'ai "la rage" parfois devant une morale publique qui s'enorgueillit des désastres presque inéluctables qu'elle va permettre.
Le Monde, dans un article signé par Yan Gauchard, nous apprend qu'"un jeune Nantais, condamné à dix ans d'emprisonnement pour vol à main armée, a été acquitté par la cour d'assises d'appel après que l'avocat général à Rennes, Philippe Petitprez, a dénoncé une faiblesse dans le dossier d'instruction".
Quand on est soi-même accusateur public depuis plus de quinze ans et qu'on est passionné par tout ce qui touche au mystère et à la conviction judiciaires, comment ne pas attacher tout le prix qu'elle mérite à une telle affaire ? Il ne s'agit pas de se poser en censeur et de s'estimer à l'abri d'errements d'autant plus angoissants qu'ils sont tellement englués dans la quotidienneté et les habitudes qu'on ne les distingue plus. Ils se fondent dans le panorama et seule une vigilance de chaque instant parviendrait à les débusquer.
Youssef Zouini avait été renvoyé devant la cour d'assises de Nantes avec deux "braqueurs" dont l'un l'avait accusé faussement. Celui-ci, cru sans doute d'autant plus qu'il donnait l'impression à la justice d'accomplir une oeuvre salutaire, a laissé Youssef Zouini dans un embarras certain car rien n'est plus difficile que de se souvenir de son emploi du temps quand aucun crime ne l'a rendu marquant.
Heureusement, quand le vol à main armée se commettait, on a pu constater que M.Zouini téléphonait à son amie depuis son domicile et que l'appel a duré plus d'une heure.
Mais l'un de ses conseils a demandé trop tardivement un supplément d'information, au demeurant refusé. Les investigations nécessaires, grâce à un nouvel avocat, n'ont pu être diligentées que quinze jours avant le procès en appel avec la délivrance que l'on sait, Youssef Zouini ayant effectué à peu près deux ans de détention abusive.
Au cours de celle-ci, Zouini a écrit la bagatelle de quatre cents courriers réclamant à tous les magistrats en charge d'une manière ou d'une autre de ce dossier, les diligences complémentaires qu'il souhaitait. On ne les a pas lus, on ne lui a pas répondu.
Avant le miracle de Rennes, on n'a cessé de lui opposer qu'il voulait se constituer "un alibi" et que sa cause était entendue.
Les conclusions à tirer d'une telle histoire sont simples. Il y a des avocats qui ne sont pas bons. Il y a des avocats généraux qui exercent leur belle fonction en rendant la magistrature fière d'eux. Il ne faut pas manquer de curiosité mais accepter l'idée, qui n'est d'ailleurs pas insupportable, que tel ou tel accusé, protestant de son innocence, peut peut-être dire la vérité. Une lettre est faite pour être lue et appeler une réponse, même sommaire. A force, devant une telle répétition de missives, l'intelligence aurait été de s'étonner et d'aller y voir de près.
Je ne suis pas persuadé que le projet de réforme de la cour d'assises annoncé par la Commission Léger (le point.fr) va représenter un progrès sensible dans l'administration de la preuve, la qualité des débats et des présidents, la légitimité de la justice. Sauf s'il est enrichi notamment par ceux qui théorisent moins qu'ils ne pratiquent.
Cherchez l'erreur, les erreurs ! Devant cet acquittement, l'angoisse est mêlée d'espoir : le salut est à la portée des magistrats.
Mon ami Guy Peiffer qui est soutenu par Maître Thierry Lévy (Paris) et maître Roby Schons (Luxembourg) est dans une telle situation absurde. C'est toujours la même chose et je ne confonds pas (comme preuve affaire Bourgaud et d'autres bien sûr) du moment qu'un responsable d'une enquête faille à ses responsabilités, ses devoirs, vous êtes coupable. Le juge Alphen dans son livre « le Bal des hypocrites » l'a très bien décrit. Ce sont ces facteurs qui font de toi un coupable ou un innocent. Monsieur Bilger à chaque fois que je vous ai pu voir dans une des nombreuses émissions télévisés j'ai pu voir un homme honnête dans ses déclarations.
http://dutron.wordpress.com/2009/07/20/comite-de-soutien-«-verite-et-justice-pour-guy-peiffer-»/
http://lequotidien.editpress.lu/feed/le-pays/1319.txt
Rédigé par : Guy Georges | 09 août 2009 à 18:54
Il ne faut constater qu'une chose concernant cette affaire : les juges (d'instruction, de la Chambre de l'Instruction, de la première Cour d'Assises) se sont contentés des déclarations d'un co-accusé pour asseoir leur conviction. Alibi téléphonique ou pas, il faudra qu'on m'explique comment et pourquoi les seules déclarations, non pas d'un témoin (qui peut de surcroît se tromper), mais d'une personne, qui a démontré que l'on pouvait douter de sa moralité puisqu'elle a reconnu un VAMA, suffisent à emporter une condamnation.
Un accusé qui accuse dit forcément la vérité ; un accusé qui disculpe ment toujours : voilà la religion des juges.
Quant à tresser des lauriers à un avocat général qui fait son travail, il faudra là encore que l'on m'explique. Une médaille, aussi ??? Va pour la médaille, ils aiment ça, même si ça fait ton sur ton.
Rédigé par : The Lawyer | 04 juin 2009 à 18:22
Un correspondant de presse locale a ainsi rapporté un aspect de cette affaire qui visiblement était mal engagée dès l'instruction et en dépit de demandes émanant de la défense.
"Le juge d'instruction n'avait pas jugé utile de savoir à qui ces coups de fil avaient été passés."
(http://www.ouest-france.fr/actu/actuLocale_-Braqueurs-ver-un-acquittement-_40731-932524------44109-add_actu.Htm)
Rédigé par : GL | 27 mai 2009 à 07:38
Un peu facile de mettre cette erreur judiciaire sur le dos de l'avocat qui aurait tardé à former une demande de complément d'information "au demeurant refusée".
Comme il est un peu facile de jeter des fleurs à votre collègue qui, une fois n'est pas coutume, a fait preuve d'indépendance d'esprit...
Au demeurant, le juge d'instruction instruit toujours à charge et à décharge, et nonobstant les demandes d'actes de la défense, les justiciables sont en droit d'attendre de ce dernier un minimum d'objectivité concernant la manifestation de la vérité, à laquelle il concourt encore de manière active.
Rédigé par : Un avocat mauvais | 26 mai 2009 à 18:26
@ Catherine Jacob
Le plus simple est de bloquer le prélèvement et de changer d'opérateur.
Je porte à votre attention le nouveau service de Google qui permet de rediriger un numéro de téléphone unique vers d'autres. Il n'est qu'aux US, mais il viendra bien un jour.
Mais ça ne résout pas votre problème de mot de passe, ni la portée de votre illustration.
Juste pour souligner que les progrès techniques sont aussi une arme pour se défendre. Et que l'offre et la demande, c'est encore le plus rapide pour beaucoup de différends.
Rédigé par : Alex paulista | 25 mai 2009 à 15:46
"Au cours de celle-ci, Zouini a écrit la bagatelle de quatre cents courriers réclamant à tous les magistrats en charge d'une manière ou d'une autre de ce dossier, les diligences complémentaires qu'il souhaitait. On ne les a pas lus, on ne lui a pas répondu."
Vaste question que celle du courrier en général.
Personnellement, il existe un énoncé qui me met en rage moi aussi et qui est "Faites (nous/moi) un courrier.".
Vous prenez la peine d'expliquer clairement des choses auxquelles il est tout à fait possible de remédier dans l'instant et voici que l'on vous rétorque
- au mieux "faites un courrier", demande dilatoire par excellence,
- au pire non pas, "Je vous entends mal, pouvez-vous répéter" mais "J'comprends pas c'que vous dites.", comme si vous n'aviez fait qu'exprimer une demande fantaisiste dans un français de bric et de broc, de façon inaudible et incompréhensible à toute oreille normalement constituée, alors qu'en réalité, dans un cas comme dans l'autre, on a seulement fait semblant de vous prêter attention tout en pensant à autre chose, attendant simplement d'être réveillé(e) par le point d'orgue de votre exposé.
Comme il n'y a rien d'autre à faire, on se résout habituellement à rédiger un courrier détaillé et documenté mais qui ne sera que le premier d'une longue série et ne sera pas davantage lu que votre discours n'avait été écouté.
Ce n'est de loin pas un problème spécifique au monde judiciaire.
Ex. Un époux qui s'occupait de toutes les questions techniques décède de façon inattendue. Son épouse éprouve des difficultés à reprendre le flambeau sur ces questions, en particulier lorsqu'il s'agit de désactiver certaines fonctionnalités de la ligne téléphonique du domicile conjugal principal à cause des mots de passe dont il a emporté le secret avec lui dans la tombe.
Prenons le cas du transfert d'appel. Ce service vous permet de réceptionner les appels téléphoniques adressés à un numéro domicilié à un endroit donné sur une ligne domiciliée à un endroit différent par le biais d'un transfert d'une ligne sur l'autre. Outre l'abonnement bimensuel, vous est facturé le coût du basculement de chaque appel d'un numéro sur l'autre. Quand vous réintégrez le domicile d'origine du transfert, il convient alors de le désactiver pour récupérer normalement vos appels jusqu'à votre prochain déplacement. Que faire sinon appeler l'opérateur et solliciter la désactivation de cette fonctionnalité tout en manifestant le souhait de conserver l'abonnement au service pour le cas où. L'opérateur vous informe que la manoeuvre a été réalisée. Vous constatez qu'en effet vous avez parfaitement récupéré vos appels et pensez que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu'au moment où vous recevez votre facture téléphonique et où vous constatez que chaque appel reçu au numéro concerné par l'abonnement à ce service a néanmoins fait l'objet d'une facturation dans le cadre du transfert d'appel, ce pour une centaine d'euros. En regardant attentivement la facturation, vous constatez que loin d'avoir été désactivé, le transfert a en réalité, par le fait d'une erreur de l'opérateur, été activé sur lui-même. Autrement dit, à chaque appel que vous recevez, votre numéro s'autotransfère l'appel à lui-même, ce qui génère une sorte de transfert fantôme, qui pour être fantôme est néanmoins objet de facturation. Vous contactez le service contestation de facture qui ne comprend pas ce que vous lui voulez, constate que le montant de la facturation contestée a cependant bel et bien été l'objet d'un prélèvement, que la facture est par conséquent payée en totalité, que ce n'est donc pas la peine de s'émouvoir vu que dès lors rien ne presse et raccroche sur ces mots : "Faites nous un courrier".
Vous vous exécutez, prenez la peine d'expliquer le cas, contactez verbalement et par écrit divers services pour obtenir la désactivation de ce transfert fantôme ainsi que son remboursement. Arrive la facturation suivante et là vous constatez que rien n'a changé. Non seulement le transfert fantôme n'a fait l'objet d'aucun remboursement, mais le numéro d'appel concerné par ce service continue de s'autotransférer à lui-même chaque appel reçu et l'opérateur de persévérer itou à le facturer et à le prélever.
Quelque deux ans de courriers dans toutes les directions plus tard, y compris la direction de la consommation, arrive une réponse sous forme de lettre type disant: "Nous avons accordé à votre réclamation la plus grande attention, mais ne comprenons pas bien l'objet exact de votre courrier."
En désespoir de cause, vous faites une ultime tentative en direction du service technique, votre appel est réceptionné par un personnage qui, ô miracle, vous écoute sans vous interrompre, vous demande de patienter quelques instants, puis au bout de effectivement quelques instants, vous informe que divers techniciens des plate-formes orange étaient intervenus sur votre ligne bien que cette dernière ne soit concernée en aucune façon par cet opérateur, que ces techniciens n'étaient pas compétents à intervenir sur les lignes France Télécom mais que votre problème était enfin résolu. Vous vous préoccupez donc de savoir combien de temps exactement avait été nécessaire à la résolution du problème technique en dehors de la consultation du dossier informatique de la ligne; la terrible réponse arrive : "Très exactement dix secondes".
Vous notez pour mémoire les coordonnées du technicien et le code de l'intervention réalisée puis vous attendez la facturation suivante. Second miracle, les transferts et facturations afférentes s'arrêtent effectivement à la date de la dite intervention. En revanche, aucun remboursement encore à l'horizon.
Que faire d'autre cependant désormais que de retrousser ses manches avant de repartir à l'attaque du service qui ne comprend pas bien ce que vous voulez et pour lequel également la cause est entendue!
"Avant le miracle de Rennes, on n'a cessé de lui opposer qu'il voulait se constituer "un alibi" et que sa cause était entendue."
Je pense qu'il est absolument inadmissible que des professionnels destinataires de courriers par lesquels ils sont sollicités dans le cadre de leurs compétences, les traitent par-dessus la jambe et vous laissent sciemment dans l'embarras.
Il y a encore bien d'autres choses inadmissibles en rapport avec l'envoi, la réception et la prise de connaissance effective des courriers se rapportant à des sujets divers, mais je suis un peu fatiguée. Je mentionnerai donc simplement que, eu égard aux courriers dont on peut être tant le destinataire que l'expéditeur, il me paraît très important d'opérer une distinction entre particulier et professionnel, administration et administré, respect de la vie privée et des libertés d'un côté, nécessités de la communication dans le cadre de l'exercice d'une activité professionnelle de l'autre.
Sur la base d'une expérience de résidents français à l'étranger dont le courrier était géré en France par une famille qui en a égaré un plein carton, j'ajouterai qu'il est tout aussi important avant d'entreprendre quelque action à l'encontre de quelque destinataire de courrier et autre supposé avisé que ce soit, de s'assurer que ledit courrier etc.. est bien parvenu à destination entre les mains de son destinataire, ce qui de nos jours est très facile vu que les moyens de communication sont loin de se réduire à la voie postale qui pour x raisons peut s'avérer très aléatoire.
Par ex. ma boîte aux lettres a déjà été forcée et sa réparation a nécessité à l'époque de changer également toutes les boîtes aux lettres dont elle était solidaire. On y a également jeté des allumettes allumées qui s'y sont consumées partiellement, mais heureusement avant la distribution du courrier, sinon il aurait aussi bien pu arriver un malheur comme dans le cas d'une affaire assez récente il me semble.
Pendant un moment, au Japon, il y a eu des facteurs pour jeter le contenu de leur sacoche dans la rivière, etc...
Mais bon, il semblerait que souvent certains comptent sur de tels aléas, font semblant d'accomplir toutes diligences qui leur incombent tout en vous cherchant délibérement là où et de la manière dont ils savent qu'ils ne vous trouveront pas, ce qui en réalité a nom mauvaise foi pure et simple et représente en vérité une forme de négation de votre personne et de ses droits !
"Une lettre est faite pour être lue et appeler une réponse, même sommaire."
C'est tout à fait exact, en particulier en effet quand le sort de l'expéditeur en dépend comme dans le cas que vous relatez, et que la réponse à apporter fait partie de la tâche pour laquelle on rémunère le destinataire.
Mais dire qu'une lettre est faite pour être lue, c'est également dire qu'elle n'est pas faite pour agresser et, pas plus que tout autre objet , elle ne saurait représenter une arme par destination, psychologique ou autre.
Rédigé par : Catherine JACOB | 23 mai 2009 à 22:51
Il y a certainement de mauvais avocats. Et peut-être en suis-je.
Un peu de modestie aurait pourtant voulu une autre précision de votre part : "certains parquetiers ne sont pas bons". Pas celui de Rennes, naturellement, mais d'autres manquent cruellement de discernement face aux "faiblesses" de l'instruction.
Par ailleurs, si les nombreux courriers envoyés par la victime de cette erreur judiciaire n'ont pas été lus par les magistrats, cela ne me semble pas relever de la qualité de l'avocat.
Quant au "plaider coupable" en assises, cette réforme est malheureusement dans la droite ligne de celle de la suppression du juge d'instruction. A quoi pourrait-il bien servir puisque le plaider coupable supprimera l'instruction ?
A n'en pas douter, lorsque tous les droits de la défense auront été supprimés, la justice sera rendue plus vite, les coupables seront en prison, et tous les Youssef Zouini avec eux...
Respectueusement
Rédigé par : Laurent | 21 mai 2009 à 20:04
C'est tellement rare que ce cher PB s'est senti l'heureuse et impérieuse nécessité de s'en faire l'écho ici même, qu'un avocat général dont la fonction est, en substance, d'accuser et de requérir, se fasse, en pleine audience et le temps d'une cote lue, le défenseur. Cependant, qu'on ne s'y trompe pas, le défenseur non d'un homme, l'accusé, mais d'une certaine idée de la Justice en général et de son rôle en particulier, le sien cet accusateur, qui est de ne requérir que contre des coupables démontrés. Ce que cet avocat général a accompli ce jour, il devait l'accomplir depuis toujours, en chacune des affaires qu'il avait à traiter mais il ne s'est pas trouvé, heureusement, de circonstances analogues ou alors elles lui ont échappé … C'est l'exception qui confirme une règle. Je n'ai aucune difficulté à imaginer ces choses quand un procureur, visant et le seul à le faire dans le dossier de graves lacunes signant un doute immense ou carrément la preuve d'une innocence, tait celles-ci et fait condamner, pour simplifier les choses, écrirons-nous, pour les clore enfin et sur une «victoire» judiciaire de l'accusation, sa «victoire» en somme … Il en est de même des magistrats instructeurs … Il n'est que de connaître, par exemple mais ils sont si nombreux, un tant soit peu l'instruction de l'affaire dite «Dany Leprince», crimes dont il est difficile de trouver plus cruel, pour se rendre à cette évidence qu'eux aussi aiment à faire au plus court pour simplifier toujours … D'ailleurs, cette juge d'instruction l'a dit publiquement: «Mon instruction était limpide ...». Excellent! plus limpide on ne peut, je m'y rends … A classer dans les annales de l'ironie judiciaire. Il est de grands vices chez certains pour arriver à leurs fins. Ainsi, celui-là bien connu désormais des professionnels à l'oeil fin, qui consiste à grossir le dossier de deux ou trois rames de papier A4 vierge puis d'arriver en audience portant jusqu'à leur nez ce gros tas. Dès l'abord, les jurés sont impressionnés: si c'est si gros le dossier, c'est que l'affaire est beaucoup plus grave qu'on le croit, qu'il y a des choses cachées, du sang peut-être et j'en passe … Il ne leur vient pas à l'idée, pas plus aux avocats défenseurs qu'au président de demander: «Monsieur (ou madame) l'avocat général, votre dossier est, en cette affaire dont nous jugeons ce jour, trois fois plus lourd et épais que les nôtres … Que contient-il de pièces supplémentaires que nous n'ayons pas en nombre égal?...». C'est une vieille technique mais elle fonctionne toujours. C'est l'envers de ces boulangers de plus en plus nombreux, hélas, qui nous vendent au même prix voire plus cher un pain qu'ils «soulagent» peu à peu de plusieurs grammes de farine et levure et dont on finit par constater au goût qu'il est à chaque fois davantage dégueulasse ... Je comprends parfaitement ce cher PB lorsqu'il veut insister sur la qualité morale et intellectuelle de ces hommes et femmes judiciaires, particulièrement ceux de l'accusation puisque -et là j'interprète- il en est et ils lui feraient plus honte qu'autre chose … Je l'approuve également. Tout comme nous sommes tous fondés à exiger, souhaiter, la même qualité morale et intellectuelle de chacun en chacun des corps de nos respectifs métiers. Je veux que mon boulanger ait cette qualité, que l'architecte ait la même, que les avocats de la défense pareillement la tienne, les médecins, les soignants, les ouvriers d'usine, les femmes de ménage … Les prostituées professionnelles même, tout le corps social … Mais entre ce que je veux et ce qui est et sera encore, combien la distance comme entre la terre et la lune … Il ne suffit pas d'appeler à la morale des «vôtres», cher PB, comme le curé appelle à celle de ses ouailles. Il faut des mécanismes judiciaires qui limitent au plus possible l'intrusion du subjectif dans l'objectif, autrement dit, davantage d'espace à la preuve clairement établie, concrète, solidement affirmée et démontrée et battre en brèche, faire reculer jusqu'aux limites du possible toute construction intellectuelle, rhétorique et autres discussion … Ce qui pose la question de la place et de la valeur de l'oralité des débats et naturellement aussi de l'administration de la preuve et sa définition. Du grain, beaucoup de grain à moudre pour les juristes de bonne volonté … Quelle tâche en perspective! Mais quoi! on serait comme qui voudrait ciseler une pierre certes de valeur mais grossière pour en faire un bijou impeccable voire parfait en y consacrant des outils lourds et grossiers de mineurs de fond ou de carrière!… Votre blog est déjà un des outils idoines … Continuez, continuons ...
Aïssa.
Rédigé par : Aïssa Lacheb-Boukachache | 21 mai 2009 à 18:43
@Moreau
"Je serai rassuré sur la qualité de la justice en France lorsqu'on prendra la peine de ne recruter comme magistrat que des personnes éduquées dans les trois dimensions de la culture contemporaine : sciences exactes, sciences humaines, sciences esthétiques pour apprendre à lutter contre la laideur ambiante. Et notamment pour apprendre à entendre la musique des citoyens au nom desquels la justice est soi-disant rendue".
D'accord avec vous, il n'est peut-être pas inutile de maintenir un tout petit peu de droit dans cette formation, ne trouvez-vous pas?
Bien sûr, la formation dispensée à l'E.M.M. est contestable, comme la plupart des formations professionnelles initiales. Elle comporte tout de même une initiation des auditeurs de justice aux différentes fonctions que réserve leur première affectation : juge des enfants, juge d'instance, juge de grande instance, juge d'instruction, juge de l'application des peines, substitut du procureur, j'en oublie sans doute. N'oubliez pas non plus le stage obligatoire auprès d'un avocat.
Rédigé par : Ludovic | 21 mai 2009 à 16:05
Bonjour M Bilger,
J'aimerais poser une question : comment la justice répare-t-elle une erreur ? J'ai connu un avocat qui m'avait relaté une histoire plutôt atypique. Un homme qui a été déféré au parquet sur simple convocation du commissariat ; heureusement grâce à l'avocat dont je parle et que je ne nommerai pas par respect, il n'a fait "qu"'un mois de mandat de dépôt avant d'être innocenté... Bref, la justice a des lacunes certes, mais c'est aussi la justice des hommes, merci de le rappeler :-)
Autre chose qui n'a rien à voir avec le sujet, j'ai parcouru un site qui publie des articles sur le suivi de l'affaire Ilan Halimi, que pensez-vous de François Baroin qui plaide pour une réforme de la règle du huis-clos ? Je sais que je pose une question assez sensible mais j'ai pu lire que vous étiez Avocat Général dans cette affaire ô combien consternante...
http://huisclos.wordpress.com/category/jour-12-le-19-mai-2009/
Merci
Rédigé par : Milla | 21 mai 2009 à 13:30
Il faut tout de même rappeler, que si parmi les treize innocents de l'affaire d'Outreau six l'ont été en appel, sept personnes ont été acquittées à l'issue du premier procès.
Ces sept personnes ne doivent RIEN à l'instauration de l'appel en cour d'assises par Mme Guigou.
Ils doivent leur salut à la prise en compte à l'audience du contradictoire, à une analyse enfin sérieuse des faits reprochés, à la mise à jour de la médiocrité des enquêtes, des expertises psychologiques et des témoignages comme, par exemple, ceux des assistantes maternelles.
Et surtout ils doivent leur salut au fait que seuls les avocats de la défense ont su faire preuve de professionnalisme et de métier dans l'analyse des dossiers qui concernaient leurs clients.
Par ailleurs, je ne pense pas que l'appel en cour d'assises, dans son esprit, ait été conçu comme une sorte de session de rattrapage des éventuelles malfaçons, négligences et manquements pré-procès.
Ou alors, si tel était l'objet de l'instauration de l'appel en cour d'assises, plutôt que de créer des duplicata de procès ou de magistrats (JDL), il me semble qu'il aurait été plus efficace et plus pertinent d'aller au coeur de ce qui pervertit la nature et la qualité de la phase de l'instruction.
Je ne connais de l'histoire de Youssef Zouini que ce qui a été brièvement écrit dans la presse au sujet de son acquittement en appel.
Ce qui de mon point de vue est accablant, c'est que l'élément factuel qui a permis son acquittement ait été englouti dans les abîmes de la période qui précède le PREMIER procès.
Dans cette période qui précède le premier procès, j'ignore à quel moment un dossier se fige et se plombe au point de ne plus permettre de passage à aucun courant d'air, ni à aucune lumière susceptibles d'apporter un éclairage autre et neuf à un dossier.
Enfin, et pardon pour la fonction de Philippe Bilger, mais l'avocat général du procès en appel de Youssef Zouini, en demandant l'acquittement, n'a fait que son devoir.
Son acte n'est ni héroïque, ni surhumain. C'est quelqu'un qui a choisi d'agir en professionnel.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 21 mai 2009 à 08:12
"Il y a des avocats qui ne sont pas bons" sans doute ... mais pour le citoyen que je suis le seul problème est de leur avoir offert un monopole devant les magistrats. Que les magistrats se décident à entendre les citoyens et la question de la "bonté" des avocats ne se posera plus.
"Il y a, dites-vous, des avocats généraux qui rendent la magistrature fière d'eux". Ce serait mieux si le Peuple, au nom de qui la justice est paraît-il rendue, pouvait en être fier.
Pour le biologiste que je suis, habitué à la diversité de la vie, il n'est pas anormal de rencontrer l'exception d'un avocat général consciencieux et compétent.
Mais la généralité des élèves de l'ENM brille par ses préjugés de classe à l'entrée (il est en effet préférable de faire partie de la bourgeoisie issue de Sciences-Po Paris et d'un quelconque Master, comme il est préférable d'être de sexe féminin). Préjugés à l'entrée et endoctrinement corporatiste pendant une scolarité qui consiste pour l'essentiel en "tourisme judiciaire", de cour en cour, de barreau en barreau. Donc scolarité d'information et non de formation.
Je serai rassuré sur la qualité de la justice en France lorsqu'on prendra la peine de ne recruter comme magistrat que des personnes éduquées dans les trois dimensions de la culture contemporaine : sciences exactes, sciences humaines, sciences esthétiques pour apprendre à lutter contre la laideur ambiante. Et notamment pour apprendre à entendre la musique des citoyens au nom desquels la justice est soi-disant rendue ...
Il va sans dire que si je vous écris c'est que je vous vois devenir peu à peu l'une des trop rares exceptions au corporatisme des gens de justice.
Rédigé par : Moreau | 21 mai 2009 à 03:33
@ Aïssa
Il me semble que le principe d'intime conviction est très lié au concept de témoignage.
Si on considère un témoignage ou un aveu comme une preuve objective c'est la porte ouverte à de nombreuses erreurs et pressions, et cela aurait peut-être enfoncé l'homme dont on parle dans ce billet. L'intime conviction est je crois un recours inévitable dans l'acte de jugement. N'est-il pas artificiel de l'en retirer ?
@ Jean-Dominique Reffait
Les bosons ne sont pas si dociles que ça. Malgré leur instinct grégaire il a fallu attendre entre autres notre grand professeur (et prix Nobel) Claude Cohen-Tannoudji pour faire obéir le Rubidium à Bose et Einstein réunis. Sa méthode consiste à tirer au laser sur ceux qui bougent, puis supprimer ceux qui bougent encore trop à cause du recul des photons encaissés.
Avec les autres atomes trop rétifs on essaye aussi la sympathie avec ceux déjà matés, ou les travaux forcés (de Sisyphe) pour les calmer. D'autres tortures sont à l'étude, heureusement les bosons ne se plaignent pas. Certains s'évadent par un trou noir mystérieux, en se déboîtant le spin...
Rédigé par : Alex paulista | 21 mai 2009 à 00:10
Bonsoir M. Bilger,
Fort heureusement votre collègue Avocat Général a su réparer une erreur judiciaire. Je m'en réjouis, même s'il est insupportable d'imaginer le calvaire d'un innocent placé en détention provisoire si longtemps avant d'être finalement acquitté.
Ma réjouissance y trouve aussi ses limites. Combien d'innocents sont-ils aujourd'hui incarcérés, faute d'une suffisante appréhension des dossiers? On reste, à chaque fois, consterné devant les négligences qui conduisent à pareils errements.
Eisabeth Guiguou, tellement décriée sur ce blog lors d'un précédent billet, a au moins eu le mérite de permettre enfin, l'appel d'un verdict de Cour d'Assises. C'est heureux. Sans celà, les accusés d'Outreau demeureraient des condamnés, Youssef Zouini croupirait encore injustement en prison et tant d'autres encore.
Tout de même, il me semble que l'appel d'un verdict de Cour d'Assises devrait relever de la seule initiative d'un accusé et pas du Parquet Général. Je ne comprends pas l'obstination de ce dernier, dans l'affaire Viguier en particulier.
Il est toujours périlleux de considérer la commission d'un crime, d'un meurte en l'occurrence, en l'absence de cadavre.Lors du procès d'Emile Louis dans l'affaire des disparues de l'Yonne, dont vous étiez l'Acocat Général, vous avez vous-même fait condamner l'accusé pour des crimes qu'il ne reconnaissait pas alors qu'il en confessait d'autres. Avait-il un intérêt quelconque à ne pas avouer certains meurtres tout en en reconnaissant d'autres? Le verdict en aurait-il pour autant été différent?
Je ne sais et je vous interroge.
Une certaine révolution de notre système judiciaire se prépare avec le "plaider coupable" proposé par la commission Léger. J'ai bien compris que même si cette mesure, élargie aux affaires criminelles, ne pouvait concerner les cas où la perpétuité était encourue, elle reste bien en deça d'un véritable habbeas corpus dont elle est cependant calquée.
La nécessaire refonte du système judiciaire devrait être bien plus ambitieuse et , je le crois, commencer par repenser le statut du justiciable.
Rédigé par : Ludovic | 20 mai 2009 à 23:42
J'ai peut-être ramené ma fraise un peu tôt… L'ex procureur-avocat général à Reims (aujourd'hui en poste à Valenciennes) commence d'être lui aussi puni plus sérieusement que je l'ai annoncé, par L'Union de Reims, «Grand quotidien issu de la Résistance» dirigé en ce moment par une des plus belles plumes de l'extrême droite française, ex barbouze au service de la DST et journaliste professionnel … C'est qu'au lieu de faire le mort suite à l'article l'incriminant depuis plusieurs semaines déjà, il lui vient aujourd'hui l'idée folle d'exercer depuis son ministère, hors les frontières départementales que couvre ce quotidien implacable et punisseur, son droit de réponse. Publié intégralement ce jour, il eut droit, juste en dessous et en nombre quasi égal de signes, à la réplique assassine des autres … C'est donc parti, mal lui en a pris au notable judiciaire qui proteste depuis si loin de son innocence et prend l'ensemble de la population rémoise à témoin à décharge quant à son honnêteté légendaire du temps qu'il était leur premier accusateur publique, il va morfler, Tillier et sa bande sont sur lui … Après Aïssaoui l'adjoint à la mairesse socialiste, le FN et sa campagne électorale européenne, c'est son tour d'y tâter du martinet correctif à titre personnel cependant, les drôles de la punition collective n'ont pas -pas encore- retenu celle-ci à son encontre … Ca vous laisse du répit, cher PB, ah ah!… S'il y a du neuf, à tous je vous le gueulerai dans le tympan fur à mesure, c'est passionnant ce triptyque simultané journalistique punitif «issu de la Résistance»... C'est qu'il se déchaîne, l'ancien de Minute, il y met du coeur, du zèle, faut lire, je ne reconnais plus mon bon vieux L'Union de Reims, lui si paisible avant, discret, pacifique, galipes, kermesses et province … Ah c'est pas Le Monde et son voile, ce filtre, cette distance qui vous émeut, mon cher, mais qui le fait ronron en vérité, le rend si morne et gonflant!...
Cherchez l'erreur! écrivez-vous, cher PB, dans la lettre suivante … L'erreur est que dans un système accusatoire instillé à dose quelconque dans le système inquisitoire maintenu, cet heureux dénouement n'aurait pu avoir lieu. Les conditions s'y opposeraient de fait. Sauf à faire, naturellement, du président de la Cour ou du tribunal un arbitre … Et un arbitre ne décidant que de la forme et ne statuant aucunement quant au fond. Une histoire de menuiserie aussi, j'y reviens …
Ce fait que vous relatez n'est pas unique ni celui aux enjeux judiciaires les plus lourds. Souvenez-vous, il y a quelques années, cette affaire redoutable qui tous nous fit frémir: Affaire Roman-Gentil, la petite Céline martyrisée à la Motte-du-Caire … Sans le procureur et avocat général Legrand, il était perdu feu Richard Roman (il est mort aujourd'hui et il est avéré que c'est cette affaire et ce qu'il en subit durant des années qui l'a tué) … A cette époque et au moment de son réquisitoire salvateur (heureusement qu'il y eut cassation; sans cela, point de second procès ni de procureur Legrand ...), Legrand s'est d'ailleurs mis à dos, pour cette attitude inattendue et incomprise, nombre de ses collègues accusateurs publics et aussi d'autres magistrats. Je vous le concède, cependant, on ne trouve pas un procureur Legrand dans chaque TGI … Quel bonheur ce serait!
Une histoire de menuiserie donc … «Ah mon brave, la Cour d'assises a décidé, tu auras la tête tranchée et que cela te serve de leçon!...». Comme au 19ème siècle le mot de ce président jugeant ce jour un jeune assassin a fait florès, celui de cet autre président au siècle précédent le notre répondant à une question d'un avocat, je crois, s'étonnant que tous en la Cour soient situés géographiquement plus haut que lui, le toisant, le dominant et l'écrasant en somme: «Nous n'y sommes pour rien, cher maître, c'est une erreur du menuisier ...». J'explique: un président arbitre et donc impartial absolument, dans un système accusatoire, serait déjà de l'écarter des jurés lors du procès. Quatre acteurs essentiels réunis dans le temps du procès et clairement séparés dans l'espace de celui-ci: l'avocat de la défense, l'avocat général, le président, le jury. Ce qui mène d'ailleurs à la suppression des assesseurs inutiles remplacés ou non par deux jurés supplémentaires. Une symbolique certes mais qui signerait -car on la verrait littéralement- l'indépendance et le rôle clairement établi et distinct de chacun ces quatre. Ceci est plus important qu'on le croit. L'accusateur public doit aussi être à la hauteur géographique de celui de la défense … Le jury certainement pas derrière aucun des trois autres ni à coté. Par contre, vieille querelle, le jury doit-il délibérer seul ou non? Personnellement, je soutiens qu'il doit délibérer seul, présidé par l'un d'eux élu in extremis et en secret par lui à cette fonction. La motivation des arrêts? Non car un président présent, indépendant et ne participant du procès que quant à la forme et la validité des pièces et procédures actées avant et durant celui-ci sera à même de dire in fine si un doute quant à une culpabilité demeure. Auquel cas, l'acquittement sera de droit. Si aucun doute ne subsiste, il faudra alors s'interroger sur la pertinence de telle peine plutôt que telle autre au sein de la «fourchette» … Intime conviction là encore? Oui et non. On peut motiver en fonction d'elle mais aussi -et surtout- en fonction des éléments objectifs fournis par l'accusé et sa défense comme gage, preuve et témoignage d'une certaine personnalité. Le reste, à la grâce de Dieu mais l'homme aura quand même fait autant raisonnable -au sens de la Raison telle que dites par les Lumières- qu'il lui était à ce jour possible de faire … Le juge d'instruction, cette schizophrénie judiciaire sur patte, aura depuis déjà et bien entendu été enterré … Le salut est à la portée des magistrats, concluez-vous. Oui mais pas n'importe lesquels, oubliez-vous …
Aïssa.
Rédigé par : Aïssa Lacheb-Boukachache | 20 mai 2009 à 21:24
Cherchez l'erreur !
Plaider coupable.
"Le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) juge mercredi ce projet "aberrant". L'Union syndicale de la magistrature (USM, majoritaire) voit le comité de réflexion qui avance cette idée en "apprenti sorcier".
Le projet n'a pas encore d'existence officielle, la commission dirigée par le juriste Philippe Léger devant rendre son rapport fin juin ou début juillet. Le ministère de la Justice "n'infirme ni ne confirme" les conclusions contestées..."
(Reuters)
Avez-vous trouvé ?
Rédigé par : jpledun | 20 mai 2009 à 18:33
Les coupables relaxés ou acquittés ne sont vraiment pas légion et si nous pouvons citer des accusés innocents, il nous est plus difficile de donner les noms de coupables acquittés. D'un côté une théorie, de l'autre une litanie d'exemples.
Il n'y a en outre pas lieu de s'enorgueillir des désastres judiciaires, comme s'il s'agissait de jouer au chat et à la souris. Un criminel acquitté est tout aussi regrettable qu'un innocent condamné, sauf que, je le répète, la deuxième catégorie fournit le plus gros bataillon des erreurs judiciaires. La justice a tellement donné de gages à la répression, semblant toujours préférer, selon l'adage, une injustice à un désordre que lorsque l'inverse survient, chacun peut imaginer à bon droit que la relaxe ou l'acquittement étaient parfaitement justifiés. Quand elle n'est pas répressive, c'est que la justice n'a eu d'autres choix.
Gaston Bachelard préconisait aux chercheurs scientifiques la "malveillance" à l'égard de leur propre travail : la recherche de la vérité ne doit pas se contenter des apparences de la vérité découverte. Il ne s'agit pas d'être malveillant envers les autres mais envers soi-même : "où est l'erreur possible dans ma démarche ?". Cela est d'autant plus nécessaire dans les disciplines humaines, bien moins disciplinés que les atomes et autres bosons.
En recherche historique, la base de la démarche est la méfiance : tout est trompeur, tout se télescope facilement. Les documents sont vrais, tous ou presque tous, mais leur mise en rapport les uns avec les autres, qui est l'affaire de l'historien, peut dégager des vérités inverses. La négligence d'un document - et l'on est bien contraint d'effectuer une sélection des documents - peut entraîner des distorsions que seule la malveillance du chercheur à l'égard de lui-même peut corriger.
Il ne s'agit pas de douter de tout ce qui se présente, mais prioritairement de douter de sa propre démarche, d'en envisager nécessairement une autre. Lorsqu'un historien a établi une perspective de son analyse, il aura à coeur de se poser la question : "Et si ça n'est pas comme ça que ça se passe, comment cela pourrait se passer autrement ?" et d'y mettre la même conviction. Fort de cette méfiance, le chercheur aboutit à une certitude sur sa propre démarche.
Etant formé à cette discipline, inutile de vous dire combien j'ai été estomaqué devant la morgue des certitudes judiciaires adossées à un examen partiel et univoque des éléments d'un dossier.
Cherchez l'erreur ? Oui pour trouver la vérité, il faut inlassablement chercher l'erreur. Si nos juges étaient formés comme des chercheurs de vérité, avec les mêmes exigences que celles qu'on réclame d'un physicien de l'aéronautique ou d'un biologiste, s'ils objectivaient la vérité comme une chose cachée mais réelle que l'on doit débusquer sans en avoir la moindre prescience plutôt que la subjectiver telle une conviction, alors la recherche de l'erreur s'effectuerait dans son propre jardin, avant qu'elle ne contamine le jardin des autres.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 20 mai 2009 à 10:46
J'avais un peu suivi cette affaire, cher Philippe, et entendu cet avocat général dont la démarche est tout à l'honneur de la magistrature. Il me semble même que je vous en avais touché un mot. Mais le nombre de courriers demeurés sans réponse, les deux ans de détention abusive, rappellent encore une fois à quel point le mépris et les certitudes de certains peuvent ruiner la vie des autres. Et si je voulais faire du mauvais esprit, j'ajouterais, surtout quand ces "autres" ont un nom un peu exotique.
Rédigé par : Laurent Dingli | 20 mai 2009 à 10:06
C'est tout le problème de la "preuve diabolique"...
Démontrer son innocence pour une chose que l'on a pas faite et dont on vous accuse, sauf exception, c'est parfaitement impossible.
Là, il s'agit d'un coup de bol et de l'errement d'une instruction à charge.
Sans ce coup de fil et le complément d'information, ce gars-là finissait au fond d'une cellule pour encore 3 à 4 ans !
Être vigilant, toujours vigilant : c'est de notre responsabilité à tous.
Et le prix à payer pour nos libertés publiques (collectives et individuelles)
Rédigé par : L'ignoble Infreequentable | 20 mai 2009 à 09:42
Cherchez l'erreur !
écrivez-vous.
J'ai pensé à celle-ci :
(d'après un passage de votre note "Autour du Monde")
...Il me semble que le juge n'est pas obsédé par l'événement et sa matérialité souvent vulgaire mais davantage par le filtre qu'il va parvenir à mettre entre ceux-ci et son dossier papier - son obsession -, qu'il vénère comme si celui-ci justifiait à ses yeux et aux yeux des autres sa propre respiration et sa seule raison d'être professionnelles.
Cette séparation par rapport à l'éclat trop vif d'une réalité furieuse et désordonnée est d'autant plus nuisible à la vérité qu'elle se duplique à l'envi dans l'esprit de l'ensemble des magistrats intervenant dans l'instruction, eux-mêmes ailleurs, dans l'obsession de l'édification de leurs architectures de papier.
Ils ne connaissent pas, ou plus, sinon de manière statistique et codifiée, la matière dont ils traitent. Ils ne savent plus que de théoriser sur elle.
Ces procédés qui visent à affaiblir les chocs d'un réel trop voyant, trop présent, insupportable, donnent à certaines audiences une tonalité étrange.
Comme si la vie ne pouvait être vue qu'au travers d'un brouillard didactique et savant... Les avocats eux-mêmes, parfois, souvent, résistent mal à la séduction rassurante de ces brouillards de mots qui enveloppent et qui anesthésient...
Vous ne croyez pas ?
Quant au jeune Youssef, j'imagine ce sentiment d'absurdité, d'envie de pleurer et d'impuissance mélangées qui devait le prendre à la gorge quand il écrivait ses lettres avec l'espérance folle qu'au moins une fois, une seule fois, l'une d'entre elles serait ouverte et lue.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 20 mai 2009 à 08:31
Le caractère modéré des propos de ce jeune est impressionnant :
http://www.dailymotion.com/video/x9ao71_youssef-zouini-temoigne_news
Peut-être n'y a-t-il pas que lui qui va devoir changer de région...
Rédigé par : Alex paulista | 20 mai 2009 à 01:36
Cher Philippe,
En regardant l'émission "Faites entrer le
présumé innocent", nous nous sommes demandées comment un homme qui a une addiction à l'alcool, n'a pas de présence d'alcool dans le sang le jour de son décès.
Il semblerait qu'une confusion dans deux affaires se soit mise à l'oeuvre.
Une erreur de plus...
françoise et karell Semtob
Rédigé par : semtob | 20 mai 2009 à 00:42