Je n'ai pas envie de souhaiter un bon anniversaire au journal le Monde. Non pas que je lui veuille du mal mais parce qu'il me semble que les hommages, à l'occasion de son numéro 20000, risquent de favoriser, chez lui, ce que tout lecteur peut ressentir : un léger parfum de contentement de soi (Bakchich).
Difficile, il est vrai, de résister à cette référence, admise même par ses adversaires, dans le paysage médiatique français. Contestable, il demeure irremplaçable, faisant monter l'impatience et la curiosité dans l'attente de sa sortie même s'il suscite souvent après lecture, un mélange d'agacement et de bonheur intellectuel. Parce qu'on a trouvé ce qu'on y cherchait. Parce qu'on n'a pas trouvé ce qu'on espérait y voir. Parce que les chemins subtils et ambigus par lesquels il passe sans se lasser, nous font regretter quelquefois la voie droite qui devrait mener directement de la réalité à son commentaire.
Il convient d'emblée de reconnaître ce constat : ceux qui se vantent de ne jamais lire ce quotidien - j'en connais, et d'exaspérés !- se privent d'un outil essentiel pour comprendre notre univers, du plus proche au plus lointain, notre pays et ses multiples facettes. Hors de question de répliquer à ces déçus ou à ces indifférents que leur abstention serait sans dommage. Qu'on s'en félicite ou non, il faut passer par Le Monde pour se prétendre informé ou s'afficher révolté. Déjà, donc, une immense différence par rapport à tant d'organes de presse et à une large part de la sphère audiovisuelle, qui ne manquent pas quand on les déserte.
Jetons un regard rapide sur la presse écrite. Quelle publication pourrait rivaliser avec Le Monde ? Le Figaro, s'il dispose d'un vivier exceptionnel mais sous-employé d'esprits et de plumes libres, est devenu, peu ou prou, sous l'égide d'Etienne Mougeotte, le Journal Officiel du sarkozysme. Pourquoi pas, mais ses lecteurs, chaque jour, tournent les pages en rêvant d'un peu de contradiction et de moins d'encens profane ! Quelle pitié alors qu'on est enchanté par la qualité de son traitement des activités culturelles dans leur ensemble ! Le Parisien, pour un blogueur, constitue une source inépuisable. Plus sérieusement, si son registre n'a rien de comparable avec celui du Monde, il parvient à imprimer la marque d'une quotidienneté intelligente et très éclairante sur la multitude des thèmes qu'il aborde et qui ne fuient pas tous le grave ni l'international. Sur le plan des tragédies sociales et de la justice, il se surpasse. Quant à Libération, il est devenu trop prévisible pour ce qu'il veut offrir de singularité dissidente et décalée, trop mécaniquement provocateur et incongru pour ce qu'il désire proposer de fiabilité et de compétence.
Evoquant le passage limpide, rapide, entre le fait et son interprétation et les détours parfois empruntés, je me demande si ma gêne ne vient pas de la répugnance manifeste de certains rédacteurs à aborder de plein fouet la réalité. Je songe notamment à toutes ces analyses qui, risquant d'appeler des jugements sévères sur les tensions sociales, la montée des communautarismes et l'accroissement de l'insécurité, sont délestées de leur charge brute et forcément violente pour ne pas offenser l'humanisme correct et la bienséance intellectuelle. Il me semble que le journaliste du Monde n'est pas obsédé par l'événement et sa matérialité souvent vulgaire mais davantage par le filtre qu'il va parvenir à mettre entre ceux-ci et l'écriture si caractéristique de ce quotidien. Cette distance voulue par rapport à l'éclat trop vif d'une réalité à la fois incontournable et affadie est d'autant plus nuisible à la vérité qu'elle s'accompagne du recours à des commentateurs, eux-mêmes en retrait. Ils ne connaissent pas, ou plus, sinon de manière statistique, la matière dont ils traitent mais ne sont capables que de théoriser sur elle. Ces procédés qui visent à affaiblir le choc d'un réel trop insupportable donnent à certaines pages une tonalité étrange. Comme si la vie était vue au travers d'un brouillard didactique et savant. Pour ne pas effrayer le citoyen de base. Presque trop d'intelligence et pas assez de regard. Il y a évidemment des exemples contraires, notamment les reportages exceptionnels d'un Luc Bronner. Cette propension à la médiation devient à la longue frustrante parce qu'il arrive qu'on soit lassé de chercher sous le commentaire profus des fragments d'authentique et de sûr. Pour Le Monde, en résumant, le journaliste n'est rien s'il ne pense pas, alors que sa mission est d'abord d'informer. Deux démarches qui, en dépit des apparences, n'ont rien à voir l'une avec l'autre. Cette impression, qui donne aux articles un tour inimitable mais parfois décevant, s'attache à la plupart des secteurs abordés par le quotidien. Il faut à tout prix manifester qu'on n'est pas n'importe qui et que n'importe quoi ne sollicite pas.
Cette tendance qui oscille entre l'orgueil de son métier et la vanité de son appartenance instille subtilement - il y a là une permanence qui a résisté à tous les changements du pouvoir directorial - une tonalité à la limite de la condescendance et d'un sentiment d'accablement devant ce que le devoir démocratique exige du journal. Ce citoyen, tout de même, il faut tout lui apprendre ! Aussi, dans les éditoriaux, dans ces séquences où la parole du Monde s'offre en majesté derrière l'apparente objectivité de l'argumentation, la relation superficiellement équilibrée des ombres et des lumières, se glisse toujours la même conclusion - un progressisme de bon aloi, qui ne bouscule pas - puis, avec elle, un moralisme sûr de soi qui a feint de nous emmener sur des sentiers professionnels mais pour nous ramener à cette leçon irréfutable : l'éthique et Le Monde ne font qu'un. On voudrait, à force, plus d'inventivité, qu'une fois au moins soit ébréchée la citadelle de la bonne conscience où l'humanisme se sent comme chez soi, que l'ambiguïté du réel et la violence des choses ne soient pas aussi aisément digérées par un esprit collectif qui fuit les interrogations demeurant en suspens comme la peste. Pour Le Monde, il y a une réponse à tout. Comme je pourrais aimer, au contraire, l'aveu d'incertitudes venant se ficher au coeur du réel !
Grand quotidien. Irremplaçable évidemment mais clairement contestable. Chaque jour, pourtant, qu'il pleuve ou qu'il vente, j'ai besoin de lui. La réalité ne l'intéresse pas trop mais en même temps je soupçonne que si celle-ci souhaite avoir une chance d'être décryptée, il faut qu'elle s'abonne au Monde !
Bonjour,
Je ne crois pas que cet état de fait cible uniquement Le Monde qui fut quand même le must de la presse en milieu universitaire, qui a bercé mes années de fac.
Le problème est de savoir ce qu'on veut, le quantitatif ou le qualitatif ?
A une époque, l'image de marque comptait, à présent ils ont peut-être compris que le people avait plus la cote !
Perso, j'en suis restée au mensuel avec Le Monde Diplomatique qui traite des tous les sujets à l'international, qui programme souvent des débats et dans un contexte mondialisé, quoi de plus normal ?
Rédigé par : Milla | 21 mai 2009 à 13:56
@Hari Seldon
Oui, je partage votre avis.
En plus vous citez "La voix du Nord" journal de mes racines...
Rédigé par : jpledun | 19 mai 2009 à 22:29
J'ai hésité à l'écrire quant à ces affaires de l'Union de Reims: Ali Aïssaoui lynché et Jean-Marie Le Pen et le FN boycottés par ce grand journal et toutes ses éditions départementales sous ce nom ou un autre ainsi L'Ardennais par exemple … Jacques Tillier son patron à qui Le Pen a adressé cette missive en AR s'il vous plaît n'est personne autre que ce journaliste, cette première plume qui, en son temps, faisait l'honneur et les belles heures de Minutes … Assurément il a pris du galon depuis mais encore Citizen Kane au petit pied cependant … C'est lui qui donne les ordres aux journalistes «indépendants» de punir collectivement le FN et d'accuser publiquement Ali Aïssaoui au mépris de toute présomption d'innocence (d'ailleurs, quel crime ou délit a commis l'adjoint au maire de Reims, on aimerait autrement et plus sérieusement le savoir maintenant que tout ce raffut, tout ce bruit pour rien ...)... Tillier, Tillier qui fait la morale aujourd'hui, la déontologie, la leçon de journalisme, le grand démocrate, qui punit en lynchant pleines pages et pleines éditions qui y contreviendrait même un tantinet, qui s'en souvient?... Allons … La grotte voyons … Mesrine, Jacques Mesrine … Quand ce dernier a voulu le punir à son tour … Finalement, ça lui sera resté prégnant ce singulier principe de la punition, il en fait son credo depuis qu'il est patron … «Grand quotidien issu de la Résistance» dirigé par un ancien de «Minute», même en ruminant bien on ne l'aurait pas imaginé celle-là tant elle semblait impossible … Guignol's band, je vous le dis!...
Aïssa.
Rédigé par : Aïssa Lacheb-Boukachache | 19 mai 2009 à 19:55
Vous aimez "Le Monde", je préfère "La Croix", ce qui ne m'empêche pas d'apprécier vos chroniques, ni de lire d'autres journaux sur le web.
L'attachement et la fidélité à un journal est fonction de la confiance qui se crée, au fil du temps, entre un titre et le lecteur.
Rédigé par : Polochon | 19 mai 2009 à 18:29
@J-P Ledun
Merci beaucoup pour la visite sur le site.
J'espère, cependant, que mon commentaire, en ces lieux, vous a également intéressé.
Rédigé par : Hari Seldon | 19 mai 2009 à 17:48
Je ne sais pas ce que le Monde nous apprend aujourd'hui … Par contre, Libé, lui, nous informe que la commission de déontologie de l'administration publique vient de démissionner en partie et ce pour cause l'affaire Pérol-Sarkozy contre elle … Intéressant mais moins original encore que la province, ah cette chère province!... L'Union de Reims, encore lui, se met tout le FN à dos et on ne peut pas dire, cette fois, que le Front a tort … Un vrai guignol journalistique … Il y a plusieurs mois, un militant frontiste relativement important dans le coin se fait saucissonner chez lui ainsi que son épouse par une bande inconnue qui lui dérobe on ne sait quoi … Fait divers banal … L'Union en fait toute une tartine dans ses colonnes pour relater ce fait, citant le nom de l'agressé, ses adresses, etc. Son sang ne fait qu'un tour à celui-là, il fonce dans les locaux du journal, interpelle le journaliste qui a rédigé le papier et lui fout la raclée de sa vie (il sera condamné par la suite pour coups et blessures, etc.). On est toujours dans le divers là même si la liberté d'informer en a pris un sacré coup, c'est le cas de l'écrire … Puis tout se tasse, chacun rentre chez soi … Sauf que le patron de l'Union de Reims, ne l'entendant pas de cette oreille, a ordonné (c'est le mot, il ne le nie pas) à toutes les éditions de son journal, soit quatre ou cinq départements couverts puisqu'il s'agit d'un quasi monopole, à tous les journalistes de ne jamais, pas une ligne ni un mot, couvrir en quoi que ce soit la campagne actuelle des candidats frontistes dont Goldnisch et Marine aux européennes … Le Pen s'en indigne, il rédige une bafouille à ce type (on la trouve en ligne si on cherche un peu) où il met en demeure celui-ci de s'expliquer quant à son attitude ostraciste qui, en plus d'une interprétation singulière du principe de la liberté de la presse subventionnée largement des fonds publics, applique le principe dit de la punition collective … Ainsi, le patron de ce journal, en réponse publique à Le Pen, invoque son droit à punir tout le Front national en le privant absolument de toute couverture médiatique, du fait qu'un de ses militants a, plusieurs mois avant, cogné et dans les locaux du journal même un des leurs pour les raisons ci-dessus … D'une affaire strictement privée, personnelle et de droit commun concernant deux personnes, ce militant et ce journaliste, ce journal qui se dit sérieux pourtant en fait une affaire générale et bafoue les principes démocratiques et déontologiques les plus élémentaires … L'AFP interpellant hier ce PDG, celui-ci explique, sans rire, que «la punition collective à l'encontre du FN en tant que parti politique de premier plan en France devrait bientôt cesser ...». On croit rêver ... La punition collective … Ainsi voilà une certaine notre presse qui cependant a le monopole de l'information générale écrite sur plusieurs départements … Nombre de journalistes professionnelles de celle-ci ne savent plus où se cacher tant ils ont honte de cette affaire et des façons quasi soviétiques de leur direction … Ce sont eux d'ailleurs qui expliquèrent, gênés, suite à ses demandes, à Le Pen les raisons de ce silence assourdissant niant jusqu'à l'absurde la campagne européenne de ce Parti dans la région Nord-Nord-Est … Mais puisqu'il s'agit d'une punition, sic … On en rirait si ce n'était grave et dangereux. Maintenant, comme l'écrit Le Pen dans sa missive, de nombreux militants de base, des jeunes, des moins jeunes, des fous-furieux, des plus raisonnables, constatant l'injustice, le mépris et le déni dont ils sont victimes de par ce journal sectaire à leur encontre, menacent carrément d'y venir faire franchement cesser cette «punition collective» … C'est du propre … Après Aïssaoui en punition individuelle, le Front national en punition générale … Et tout ça, en information principale, pleines pages, plusieurs éditions … En attendant, cet avocat général soupçonné d'avoir récemment couvert dans la région de sombres affaires peu ou prou licites financières et dont le mérite -il faut le dire- de l'avoir écrit revient à ce même L'Union de Reims, on n'en lit plus rien dans ses pages et ses éditions, étrangement, plus un mot ni une phrase ni un souffle, une allusion … Manifestement L'Union de Reims, «Grand quotidien issu de la Résistance» comme il se qualifie lui-même, a décidé de ne point punir l'accusateur public … Comment ne pas rire à cet endroit?
Aïssa.
Rédigé par : Aïssa Lacheb-Boukachache | 19 mai 2009 à 14:25
A l'époque de Colombani et de Plenel, si un papier était trop proche de la réalité soit on demandait au pigiste de réécrire son texte soit on le lui modifiait.
Les correspondants à l'étranger (je pense notamment à la Thaïlande et à la Chine) voyaient ce qu'ils voulaient voir et pas toujours la réalité.
Depuis, la référence s'est déplacée vers Médiapart (en tout cas c'est ce que ce dernier revendique).
Je ne partage pas du tout votre affirmation que ne pas lire "Le Monde" nous prive des outils permettant de comprendre l'univers.
Trop de manipulation trop intelligente a désespéré de nombreux lecteurs qui se sont intéressés à d'autres sources : périodiques, etc...
Rédigé par : mike | 19 mai 2009 à 09:19
@Hari Seldon
Félicitations pour le site culinaire.
Il est très pratique.
Merci.
Rédigé par : jpledun | 19 mai 2009 à 00:39
A Françoise et Karell Semtob
Je crois que le Sri Lanka essaie de rattraper son retard au niveau des universités.
Une solution serait de développer des partenariats avec des conditions sur la proportion de Tamouls. Surtout que la diaspora tamoul a montré par son niveau moyen d'éducation et sa réussite à l'étranger qu'ils sont capables du meilleur.
Une autre solution serait d'en accueillir quelques-uns, mais je ne sais pas si c'est la peine d'en parler à Sarkozy, lui qui expulse les brésiliens francophones pour des motifs bidon, histoire de remplir un quota:
http://humeursdejeandornac.blogspot.com/2009/05/professeur-bresilienne-expulsee-de.html
Je pensais venir passer quelques semaines en France avec des membres de ma belle-famille brésilienne profiter de notre pied-à-terre, mais ce n'est plus possible: il faut maintenant une attestation de revenus en France, une surface minimale, le tout donné par la mairie (sarkoziste, pas de bol)... Pour 2 semaines de vacances, c'est presque un regroupement familial... incroyable.
A force de tant de paranoïa, l'effet obtenu va être l'inverse de celui recherché. Tous les gens éduqués qui ont un peu d'honneur et n'aiment pas se faire mépriser par des emPAFés seront dégoûtés de la France et l'éviteront désormais. Resteront les désespérés qui, eux, ne se pointent pas aux aéroports et supportent de ne pas avoir de papiers car visant des emplois non qualifiés. L'immigration choisie... comme dit l'autre.
Rédigé par : Alex paulista | 19 mai 2009 à 00:24
Quid de la presse régionale ?
Et même si tous les matins je lis Le Monde en ligne, j'aime bien nos quotidiens régionaux
- Les Dernières Nouvelles d'Alsace,
- La Montagne,
- Le Républicain Lorrain,
- La Voix du Nord,
- Ouest France,
- Le Provençal,
- Le Dauphiné Libéré,
et tant d'autres...
On y trouve énormément d'informations utiles, souvent bien écrites et réfléchies, et non pas des jugements péremptoires bien souvent inspirés de certitudes partisanes.
Serait-ce la distance qui sépare ces journalistes du microcosme parisien qui fait que j'ai plus envie de les lire que nos papiers venus de la capitale ?
Auparavant je lisais volontiers Libé mais c'est terminé, pas plus intéressant que Le Parisien et c'est peu dire.
Pour finir, je ne loupe jamais "Courrier international", histoire de voir comment nos voisins nous voient, nous ressentent et comment bien souvent on les exaspère franchement avec nos jérémiades et nos certitudes.
Cela relativise franchement la vision que j'ai de notre nombrilisme pleurnichard.
Bien cordialement à vous tous, je retourne à ma cuisine :)
Rédigé par : Hari Seldon | 18 mai 2009 à 22:00
Cher Philippe,
Le journal Le Monde compte de très bons articles. Une fois ce journal lu, est-on réellement informé ? Il semblerait que non.
Comme vous pouvez le savoir, ce qui se passe
au Sri Lanka est différent de la réalité qui
nous est présentée avec un retard immense dans nos journaux. Faudra-t-il trente ans pour que les membres des Nations Unies aient des obligations ? Nous avons discuté avec des tigres tamouls à Paris qui nous ont montré l'indifférence totale des médias français à quelques rares exceptions.
La presse anglaise était plus informée sur le sujet. Des analyses de qualité sur les inégalités politiques ont informé et tenté de trouver des solutions. Devant le drame terrible qui se déroulait, nous avons demandé à Nicolas Sarkozy de voir comment il était possible d'apporter une aide aux civils tamouls.
françoise et karell Semtob
Rédigé par : semtob | 18 mai 2009 à 19:32
C'est vrai M.Bilger, rien ne vaut Marianne !!
Rédigé par : lou | 18 mai 2009 à 13:55
Aïssa ?? Qui aimez-vous au fond ?
Vous me semblez bien aigri tout d'un coup...
Peut-être serait-il bon de vous détendre dans de verts pâturages pour oublier les tracas du quotidien.
Rédigé par : Guile | 18 mai 2009 à 09:19
La presse écrite inspire souvent un dégoût car aussi elle s'est érigée depuis en juge, en tribunal, en inquisition … Le Monde et d'autres se croient tout permis et, au nom de la liberté d'information, s'arrogent de cette façon singulière le droit, sic, d'absoudre ou de condamner tel ou tel sans plus de formalité que cela et, sous le désir indiscutable d'informer, de briser des vies en réalité, de faire fi de toute présomption d'innocence et j'en passe … Elle a bon dos, cette liberté d'information, on leur passe tout au nom d'elle, elle serait rédhibitoire, irréfragable; planqués derrière, ils se permettent tout, se croient à l'abri de tout et, effectivement, les institutions garantes des libertés, le juge même -le vrai, pas celui de papier- sont d'une souplesse et d'une compréhension à peine croyables avec elle … Quand ils prennent sur la gueule, on crie à l'atteinte grave à la liberté d'informer; quand c'est l'inverse, ils invoquent comme une sorte étrange d'aléa journalistique et puis le droit de réponse pour compenser … Mais fi du mal par eux qui a été fait. Il faut lire en ce moment la campagne infecte menée par L'Union de Reims contre cet adjoint à la maire, Ali Assaoui, qui, n'ayant pas soutenu sa thèse de médecine s'est quand même présenté sur cette liste socialiste lors de la dernière élection municipale comme médecin … «Un faux médecin!» titré en gras première page … Non pas un faux puisqu'il a exercé en tant que remplaçant, autorisé en cela par l'Ordre … «Il est minuit, «docteur» Aïssaoui ...» le lendemain pleine page … Le patron de l'Ordre départementale à la télé régionale: «Il a mené ses études de médecine jusqu'au bout, a validé tous ses stages, a exercé légalement durant trois ans en vertu d'une licence que l'Ordre lui a conféré pour ce temps, licence non renouvelable sauf à soutenir sa thèse ...» mais cela ne suffit pas, ils en rajoutent, s'acharnent, veulent sa peau, le crever littéralement … Pas médecin puisque n'a pas soutenu sa thèse! Oui, dans l'absolu, oui … Mais médecin quand même puisqu'il a validé tous ses stages et exercé en tant que remplaçant hospitalier et ce autorisé par l'Ordre des médecins … On titille, on joue sur les mots, on punaise lamentablement et on appelle ça de l'information. Dans ce cas, plus de la moitié des praticiens hospitaliers actuels exerçant en nos hôpitaux ne seraient pas des médecins, seraient des imposteurs selon ce journal … Qu'il aille, ce quotidien, visiter les hôpitaux français, publics, privés, n'importe, et vérifier l'intégralité et la validité des diplômes des praticiens inscrits ou non à l'Ordre ... Selon ses critères singuliers, un sur trois ne serait pas médecin et exercerait donc illégalement, soignerait -certains depuis des décennies et dans les services les plus pointus et délicats- sans connaissance, sans formation, frauduleusement … Quelle farce et quelle ignorance journalistiques des conditions d'exercice!... Pour eux, il n'est pas inscrit à l'Ordre, donc il n'est pas médecin … Raccourci mesquin mais surtout quelle mauvaise foi crasse ou ignorance tout aussi crasse des choses médicales et leur fonctionnement. En attendant, Aïssaoui a rendu sa délégation à la maire qui s'en est laissé compter par cette presse, fut intimidée, impressionnée, pour tout dire apeurée par elle telle une petite fille prise en faute … Magistrate (ex juge des enfants; maire de Reims aujourd'hui) affolée et tremblante face la presse de Droite, démissionnant immédiatement qui cette dernière veut, exige que l'on démissionne … La réalité est que ce journal veut la peau de ce médecin de fait puisqu'il a exercé légitimement et légalement, donc médecin de fait, car celui-ci a participé récemment aux manifestations de soutien aux palestiniens lors des derniers bombardements israéliens qu'ils subirent à Gaza, manifestations rémoises où, selon ce quotidien qui n'en apporte aucunement la preuve ni les témoins irréfutables, des tracts violemment antisémites auraient été distribués et des slogans tout aussi répugnants proclamés … Mais c'est ainsi, on en est là; nous sommes le Pouvoir, on dégomme qui on veut pourtant ô combien plus légitime qu'eux puisque lui issu du suffrage démocratique et eux du commerce privé … A l'échelle parisienne et nationale, les mêmes lamentables tentatives ont eu lieu quant à Rachida Dati et sa légitimité de magistrate, ses diplômes, nous le savons tous … C'est singulier d'ailleurs: Rachida, Ali, tout ça fleure mauvais un certain relent qu'on jure par ailleurs dénoncer tout le temps … Certes certes … A quand une presse qui ferait son coming-out puisqu'il semble hélas qu'on en est là?... Chacun désormais se voit comme une victime potentielle de ces journalistes d'étiage, ce pouvoir, cette mainmise sourde et dangereuse sur les plus bas instincts populaires. On rabaisse plus souvent qu'on édifie,c'est ça le boulot dont ils son fiers depuis leurs bureaux?... Pour se vendre, ils sont prêts à tout, même à bouffer du petit Grégory, comme l'a si bien dit l'un d'eux à ce moment de ce drame ... Des chiens, disait Mitterrand hier … Des tas de merde, dit Sarkozy aujourd'hui … Ca ne les interroge pas, ça? ça ne leur fait pas honte? De quoi la presse écrite est-elle aujourd'hui le nom? voilà la vraie question … Je crois, pour leur dignité comme pour la nôtre -et je sais que d'aucuns heureusement le font encore et le font bien-, qu'on peut informer sans avoir forcément toujours l'haleine fétide…
Aïssa.
Rédigé par : Aïssa Lacheb-Boukachache | 18 mai 2009 à 00:32
On lit la même presse mais le ressenti est différent. Depuis plusieurs années Le Monde est coupable de flagornerie outrancière. Le journal parti dans des dérives marchandes et d'acquisitions monopolistiques accepte deux sponsors officiels : le gouvernement qui insère des publicités grotesques sur la France en marche et propagandistes pour raconter des histoires aux lecteurs, mis en scène par le gourou communiquant Thierry Saussez, et le groupe LVMH qui vampirise les pages de ses publicités tapageuses avec des sacs à main en plastique (Louis Vuitton) vantés par des anciens hommes d'Etat comme Mikhael Gorbatchev qui promet, l'hypocrite, de reverser une partie de son cachet à une fondation.
Rédigé par : SR | 17 mai 2009 à 23:46
Lire Le Monde est-il une sorte de drogue ou une sorte de rituel ?
J'oscille entre ces deux opinions.
Une drogue, on sait que c'est mauvais, mais on ne peut pas s'en empêcher.
Un rituel, on est persuadé que c'est bon, pour soi-même et pour la société, mais on aimerait y échapper.
Les 2 sont antinomiques et pourtant la lecture du Monde tient des 2...
Rédigé par : Denis Monod-Broca | 17 mai 2009 à 22:39
Ce que vous dénoncez est peut-être un effet du journalisme en ligne. Comme si les grands quotidiens lâchaient l'ambition de vouloir faire sortir le scoop, la bavure, être le premier par qui le scandale arrive (auprès du pouvoir). Maintenant ils laissent ça à Rue89, Bakchich ou autre, pour se réserver ce qu'ils savent faire plus assurément et à moindre risque : introduire un niveau supplémentaire d'analyse, avec le risque d'irriter le lecteur qui trouve cette analyse trop "idéologue", comme l'occasion de justifier des réponses attendues au lieu d'ouvrir de nouvelles questions.
Je regrette surtout que cette nouvelle donne des médias d'information ne soit pas l'occasion de se tourner plus vers l'international, où les petites rédactions ne peuvent pas suivre.
Regardez la couverture de la guerre au Sri Lanka. Ce pays, que j'ai visité en pleine vague d'attentats tamouls en février-mars 98, n'est toujours pas expliqué aux Français à qui on demande de soutenir les Tamouls dans un élan de pitié, pour s'acheter une conscience au moment de l'hallali. Élan victimaire. Les Tamouls méritaient mieux.
Pourquoi ne pas expliquer ce qu'est le gouvernement Sri Lankais, pourquoi à tort ou à raison le gouvernement français l'a toujours soutenu (pluralisme ethnique, culturel, religieux, considération des femmes, régime démocratique) car il correspond beaucoup plus aux standards européens. Pourquoi à défaut les rebelles tamouls étaient abandonnés (revendications ethniques, prosélytisme, sexisme, terrorisme jusque dans les lieux saints).
Une fois ce décor posé, peut-être avec plus de nuance que ce que je fais en trois lignes, il est d'autant plus intéressant de voir comment les principes démocratiques et bien-pensants peuvent conduire à détourner les yeux des pires ségrégations faites au nom de la démocratie. C'est ça le drame des Tamouls : comme les Kosovars, ils avaient trop un profil de méchant pour qu'on s'intéresse à leur sort.
Cela expliquerait pourquoi une partie du monde nous voit comme des faux-derches humanitaires.
Rédigé par : Alex paulista | 17 mai 2009 à 21:49
Pour compléter votre information n'oubliez donc pas en plus des analyses des journalistes, de mettre en parallèle les textes de lois sortis, les décrets, les discours mis en lignes.
Histoire d'être complet.
Je lis Le Figaro uniquement quand Le Monde n'est pas arrivé au kiosque.
Petite remarque pratique : les journaux français arrivent bien jusqu'á Graz mais en très petit nombre et au petit bonheur... Par contre les journaux italiens et de langue arabe sont légions. (?)
Rédigé par : jpledun | 17 mai 2009 à 16:33
Un parisien qui lit la presse parisienne nous dit que le monde entier s'y trouve étalé mais cependant crypté ici, dévoyé là, incompris ailleurs, etc. Cher PB, vous vient-il également de lire la province et Pif-gadget?... Il s'y trouve aussi des choses intéressantes ... Cette presse parisienne qui semble vous fasciner mais moribonde depuis déjà … Le discrédit qui la frappe n'a pas d'équivalent, il me semble. Le Canard tient le cap et encore … Les gratuits de la capitale sont assurément plus pertinents car moins lourds, pompeux, moins de chiqué … Surtout, eux, ils ne vont pas se prostituer à l'Elysée pour de quelconques subventions publiques qui leur permet d'exister. Même Joffrin au tapin au faubourg St-Honoré ou, qui sait, la grille du coq en loucedé … Vieux louchébem … Il serait temps qu'ils se ressaisissent … Le dégoût et le rejet qu'ils inspirent dans l'Opinion a atteint des sommets. Mais je viens au Monde … Elitiste mais champion du monde pour rafler les contributions publiques qui, de la manière la plus illégitime qui soit, le financent et paient ses dettes. Un scandale déontologique et moral … Mais en ont-ils encore de la déontologie et de la morale? Le Peuple le conchie; il préfère Voici … Au moins Voici l'amuse et ne lui pique pas ses impôts. J'ai lu un temps le Monde. Obscur, confus, fouillis, un charabia et des tartines pédantes à n'en plus finir pour nous dire ce que la modeste gazette de province nous restitue franchement et clairement en trois lignes … Et écrit en tout petit en plus, pour décourager les myopes et les vieux, les jeunes aussi, pour donner une impression de grave, de sérieux … Une institution? Certes, pourrie dans la naphtaline et le contentement mesquin de soi … Oui, ils serait temps qu'il se ressaisisse ainsi que les autres de ce Paris journalistique avachi qui se donne encore ce ridicule de croire qu'il est essentiel, incontournable, fiable … Ouest-France, le plus populaire -à juste raison- mérite davantage d'éloge. Ainsi il décida dernièrement de livrer gratuitement à tous les détenu(es) de toutes les prisons de tous les départements qu'il couvre un exemplaire chaque jour … Ca c'est la classe, ça c'est l'intelligence, ça c'est l'utilité sociale en action, ça c'est une certaine idée de la presse et du journalisme écrit et non des moindres … Pas demain la veille qu'on verra le Monde à Fresnes ou la Santé … Préfèrent Matignon et l'Elysée ces gens-là, les salons, la bouffe gratos, le guichet …
Aïssa.
Rédigé par : Aïssa Lacheb-Boukachache | 17 mai 2009 à 13:38