Il paraît qu'il convenait à toute force de réformer la procédure des cours d'assises. C'est ce à quoi s'est attaché le Comité Léger dans la seconde phase de ses travaux (le Monde, le Figaro, le Parisien, l'Express.fr).
L'inspiration qui l'a guidé semble reliée apparemment à une actualité judiciaire récente qui a vu des présidents à Paris gravement contestés et même offensés par des avocats et des accusés dans des conditions dans tous les cas injustifiables. Tirer de ces errements la conséquence principale d'une métamorphose obligatoire du rôle présidentiel est à l'évidence un peu court et infiniment partial. Il y a longtemps d'ailleurs que dans la pratique le président n'était plus tout-puissant aux assises, tant la pugnacité de la défense ou la peur de déplaire à celle-ci avait déjà largement entamé son omnipotence. Il n'empêche que cette évolution, qui ferait d'un magistrat omniprésent un juge réellement impartial et retenu, exigera de tous les présidents d'assises une révolution intellectuelle de grande envergure. Il y a loin de l'apparence de sérénité à une véritable neutralité assumée.
La composition de la Commission, sans prétendre dénier la valeur individuelle de ses membres, était tout de même affectée d'un vice éclatant pour pouvoir débattre en connaissance de cause de l'évolution de la procédure criminelle. En effet, alors que trois avocats réputés y siégeaient avec d'autant plus d'emprise qu'ils sont encore aujourd'hui familiers des assises, ne leur était opposé aucun président d'assises ni aucun avocat général actuellement en fonction. Dans ces conditions, l'empirisme conquérant des premiers ne pouvait se trouver contredit que par un discours théorique sur la juridiction criminelle. Il n'aurait manqué que Me Dupond-Moretti pour compléter la domination ! Je ne peux m'empêcher de juger surprenante l'absence, du côté de la magistrature, de ceux qui oeuvrent au plus près d'une réalité qu'on vous a donné ordre de transformer.
A considérer les orientations suggérées par le Comité, j'ai l'impression d'un salmigondis qui, sur aucun plan, n'a osé aller au bout des nouveautés proposées ni poussé à fond leur logique.
Ainsi, on prétend substituer au président tout-puissant un président arbitre mais celui-ci pourra questionner comme aujourd'hui et il participera au délibéré. Un arbitre plutôt engagé, donc. Il n'y aura pas seulement à craindre la dérive d'un président trop proche de l'accusation mais bien plus aujourd'hui les complaisances de magistrats tellement soucieux des droits de la défense qu'ils seraient prêts à en oublier ceux du ministère public.
Un plaider-coupable adapté aux affaires criminelles serait instauré mais avec cette singularité que le déroulement s'effectuerait en cour d'assises qui limiterait son examen à la personnalité de l'accusé et au choix de la peine si le mis en cause admettait sa culpabilité. Celle-ci serait sanctionnée par une peine dont le maximum aurait été légèrement réduit. En même temps, seraient exclus de cette justice-marchandage les crimes où la perpétuité est encourue et ceux accompagnés d'actes de barbarie visant les mineurs. Cette exception vient d'abord affaiblir la portée de la règle envisagée. Ensuite, je ne suis pas persuadé qu'il faille conserver la pompe de la cour d'assises pour une appréciation qui pourrait utilement se discuter en amont. S'il ne s'agit que de fixer une sanction, pourquoi refuse-t-on le dialogue direct et transparent entre la défense et l'accusation dès lors que l'essentiel est reconnu ? Rien n'interdirait de faire contrôler cette transaction par un magistrat indépendant. La crainte de voir un accusé s'imputer faussement un crime pour un gain judiciaire est attachée à trop peu d'exemples pour fragiliser un procédé qui aurait des effets rapidement positifs. Répliquer à cette démarche invitant à un plaider-coupable sans fioriture en invoquant la tradition française qui s'opposerait à la culture américaine se fonde sur une argumentation ressassée qui révèle ses limites. Autrement dit, ou on se sert de l'appareil criminel, d'un président réellement arbitre, pas forcément assisté par deux magistrats, et d'un jury, pour des audiences dans leur plénitude avec débat sur la culpabilité et sur la peine, ou on simplifie le rituel, on quitte ce lieu qui ne peut pas être voué à des bouts de justice pour s'engager dans une négociation judiciaire qui ferait, elle, gagner beaucoup de temps et sans doute ne serait pas moins équitable qu'un procès croupion. Un plaider coupable sans cour d'assises plutôt qu'une cour d'assises à mi-temps. Sur ce plan également, le Comité Léger, manquant d'audace, s'arrête, comme pour la suppression du juge d'instruction, au milieu du gué.
Enfin, le rêve de beaucoup d'avocats a été exaucé. En dépit des extrêmes difficultés d'une motivation authentique - résumant avec fidélité tout ce qui a été mis sur la table judiciaire - j'ai cru comprendre qu'une motivation succincte serait conseillée même si Me Portejoie, cohérent et détestant l'intime conviction, souhaite une argumentation infiniment plus développée, inconcevable à mon sens si l'esprit collectif d'une délibération doit être sauvegardé. Je comprends bien la stratégie de la défense qui partout où elle est représentée désire réduire de plus en plus le champ de la preuve, privilégiant le technique au détriment du psychologique qui parfois la gêne.
Rien de plus signifiant, pour manifester l'embarras de ce Comité, que le droit de récuser qui serait concédé aux parties civiles. Mieux ou pire, elles pourraient demander au Parquet d'interjeter appel d'un arrêt et en cas de refus, le ministère public devrait le motiver. Cette complexité n'est destinée qu'à favoriser une piètre synthèse entre l'absurdité d'une telle faculté et la volonté démagogique de donner une part supplémentaire aux victimes. Ces dernières ont naturellement toute leur place dans les instances pénales mais hypertrophier leur rôle serait aussi nuisible à la justice que de se pencher exclusivement sur le sort des accusés. Ces propositions sont clairement celles de la mauvaise conscience pour une Commission qui a beaucoup cédé aux avocats et veut se rattraper sur un autre plan.
Quel que soit l'avenir, si à nouveau ce projet est appelé à devenir réalité sans véritable débat, il ne faut pas se leurrer. Il sera urgent de favoriser une formation des avocats et des magistrats, dans leur école respective, pour leur apprendre que le temps du décret d'autorité ou de la parole vide est révolu.
Il faudra convaincre, démontrer et gagner par soi-même. Les idoles derrière lesquelles on s'abrite ne nous protégeront plus. Notre compétence ou notre médiocrité seront visibles à l'oeil et à l'esprit nus.
Catherine Jacob, ma chère, j'espère que vous ne me boudez pas … En tout cas, votre histoire de téléphone, de facteur et courrier -même si je ne doute pas un instant que cela soit désagréable- m'a bien fait marrer … Je souscris entièrement à votre révolte.
Sans transition
L'intime conviction en Cour d'assises … Il ne faut pas y croire une seconde ou alors la nommer autrement comme «l'intime conviction» forcée … Un avocat connaissant bien son Code serait aimable de nous dire en quel article il est fait mention du silence obligatoire des jurés durant les audiences. C'est un fait qui ne cesse de m'étonner que ce mutisme total du jury, lors même qu'il siège et participe du procès, est au coeur du principe de celui-ci, souvent durant même des mois d'audience … Neuf muets tels des carpes, voilà la réalité. Lors d'un procès, mille et une questions doivent les tarauder tout de même … Comment font-ils? Ils les ravalent puis les oublient ou bien font passer celles-ci discrètement sur des petits papiers jusqu'au président qui les posera à qui elles sont destinées ou les jettera à ses pieds dans la corbeille?... Ils se taisent, regardent et écoutent … Ils écoutent à n'en plus finir certaines audiences qui durent des semaines, des mois … Ils écoutent tous poser chacun ses questions, répondre, exposer des thèses, des arguments, chacun y va de ses moyens, ils n'existent pas, ils n'existent plus … On les interpelle parfois, l'avocat général, un avocat de la défense, la partie civile, c'est à peine s'ils hochent la tête, ouvrent la bouche, inspirent expirent et discrètement en plus pour ne pas se faire remarquer, déranger … On n'attend pas leur réponse, on sait qu'il n'y en aura pas, l'astuce est de leur marteler le crâne … Ca jaillit de toute part, toutes les parties même le président qui se rappelle parfois à eux … Mais eux? Eux?... Rien, le néant, ils sont là mais c'est comme des boîtes vides dont celui qui aura su les mieux remplir de sa voix aura emporté le suffrage. C'est quand même humiliant que cette situation quand on y songe … Des questions doivent les brûler, c'est certain et cependant ils attendent, espèrent stupidement qu'un, le président, l'avocat général, n'importe, le greffier même ou un témoin quelconque, les pose à leur place … «Ah quelqu'un va-t-il deviner ce dont je meure d'envie, là, maintenant, tout de suite, suite à ce que je viens de voir, d'entendre, d'interroger l'accusé ou tel témoin ou l'avocat?...» Personne parmi eux jamais ne se tourne vers le président et lève la main pour intervenir sur un point … Qu'est-ce qui les retient? On leur fera grâce, bien sûr, de la lecture et la connaissance intégrale par chacun d'eux du dossier, il ne s'agit pas de cela … Il s'agit de leur place au sein de l'oralité qui préside aux débats d'assises, qui en est le principe même. En sont-ils interdits? Un juré peut relever un détail à peine perceptible mais qui sera un point capital durant une audience; s'il le tait, il n'est pas sûr qu'il s'en souviendra des jours, des semaines plus tard, lors du délibéré et même s'il s'en souvient, l'impact en sera-t-il le même? saura-t-on encore de quoi il parle, à quoi il fait allusion? Rien n'est moins sûr … On les relègue presque inexistants, on leur bourre le crâne de toute part, on les fatigue, on les use puis on leur dit: Allez, allez à votre intime conviction … C'est d'une certaine façon vraiment les prendre de bout en bout pour des êtres sans conviction. Et de fait, quelque chose fondamentale est déjà biaisée à cet endroit pourtant l'essentiel … Une petite réforme, un petit alinéa, comme ça en fin d'article mais qui changera beaucoup les choses: JURES, LA PAROLE VOUS EST LIBRE PLUS QU'A QUICONQUE! PRENEZ-LA SPONTANEMENT QUAND VOUS LE JUGEREZ!
Aïssa.
Rédigé par : Aïssa Lacheb-Boukachache | 25 mai 2009 à 23:06
Je ne sais si cette crainte est motivée, mais l'idée du plaider-coupable me renvoie à l'idée d'une justice de classe, où le démuni baisse la tête quand d'autres peuvent "batailler".
Rédigé par : Olyvier | 25 mai 2009 à 13:48
Cher Monsieur,
Vous qui êtes du "parquet", vous devez savoir : est-il vrai que la magistrature ment debout ?
(C'est un "contrepet", je ne vous en voudrai pas si vous ne publiez pas !)
Rédigé par : L'ignoble Infreequentable | 25 mai 2009 à 11:28
Prenez un type dans l'abandon et le dénuement complet, un peu ivrogne, beaucoup paumé qui pour se faire trois sous lui vole son sac et traîne une grand-mère par terre … Elle décède. Aux assises, vous verrez combien il est seul face à tous, enfin presque, un avocat sera là qui l'assistera d'office, c'est obligatoire, c'est la loi … Mais enfin, bien seul quand même. Il aura contre lui la partie civile, bien sûr, représentée par la famille de la victime ainsi que, peut-être, une ou deux SPPA (Société de Protection des Personnes Agées; il commence de s'en créer, vu la manière dont on les traite (et pas seulement ce type qui l'a agressé et involontairement tuée) en notre société et ses institutions publiques et privées); il aura contre lui l'avocat général, bien entendu; le président, sauf exception, ne l'aura pas à la bonne, naturellement; les jurés, sauf un ou deux qui déteste les vieilles et les vieux, il aura tout le paquet des neuf qui le honniront d'avance, parmi ceux-là certainement quelques-uns la conscience tranquille qui auront remisé depuis déjà leurs vieux parents "encombrants" dans une de ces si nombreuses maisons de retraite sans personnel ou à peine, sans moyens, où ils végètent un temps puis meurent dans l'abandon et le dénuement; il aura le public contre lui, cela va de soi, la meute outrée qui, ceci dit, aimerait bien voir les vieux un peu moins nombreux et coûteux à la société; il aura la presse qui l'insultera car c'est ignoble, car c'est ceci, car c'est cela, même un Tillier s'y mettra, un afur, cinq colonnes et photo pour vendre aussi, vendre, le commerce, les plus vils instincts populaires sont une très bonne clientèle … Sera-ce un procès équilibré, impartial, que celui-là? Et pourtant, comment faire autrement? Délocaliser? La même situation se retrouverait ailleurs … On ne normalise pas ces choses-là, c'est impossible. Même, elles iront s'exacerbant si c'est un enfant la victime … En ces affaires, délocaliser un procès c'est juste changer un public souvent haineux contre un public aussi haineux et une presse vindicative et intéressée contre une presse intéressée et vindicative. Ici ou ailleurs, l'accusé sera également seul, son avocat à ses côtés et tous les autres contre lui avant même qu'il entre dans le box, quelquefois même l'avocat de la partie civile le traitera très fort de charogne … Il y a des condamnés d'avance, quoi qu'on y fasse. Hier encore, un siècle à peine, ils n'auraient pas eu d'avocat à leurs côtés pour les défendre … Avant hier, deux siècles, même pas un procès, juste une lecture d'acte d'accusation puis la condamnation formelle sans appel ni cassation …Ce qui parfois dure aujourd'hui une semaine voire plus durait hier une journée voire quelques heures, le temps d'une amende honorable, sic. Puisqu'un changement, il est là essentiellement: dans le temps qui est pris pour comprendre … Car il s'agit de cela: une Justice formalisée, normalisée, qui condamne sans comprendre a à peine fait plus et mieux qu'une curée sur le tas, un lynchage collectif dans la rue ou un endroit quelconque en caricature de société de Droit … et d'intelligence. Comprendre, tout l'enjeu est là. Comprendre un criminel, c'est lui faire déjà grâce même sans le dire d'une part de la responsabilité du crime, c'est lui ôter de sa solitude en son procès, c'est inscrire en celui-ci et d'une certaine manière que tous nous en portons une part … Le temps car on ne discute pas d'UN en réalité, on discute de TOUS … Je sais ceci que je pense réellement et de longtemps: La Justice ne peut être qu'une Humanité en action. Sinon, c'est autre chose malgré toute la technique et la procédure mises en avant ...
Aïssa.
Rédigé par : Aïssa Lacheb-Boukachache | 24 mai 2009 à 19:47
Monsieur Bilger, le but du sarkozysme c'est que la France devienne la copie conforme des Etats-Unis. C'est bien ce que nous a dit "chouchou" qui est si admiratif de l'Amérique surtout dans ce qu'elle peut avoir de pire.
La justice ? plaider-coupable.
La sécurité ? les portiques à l'entrée des collèges et lycées.
Ces portiques j'en avais vu devant un collège américain à la Nouvelle-Orléans. Je l'avais même photographié. Mais en France on n'en est pas à la violence made in USA.
En fait le but du sarkozysme c'est d'effrayer les gens, surtout les parents d'élèves, pour pouvoir se poser en défenseurs des élèves et des parents. Classique chez le pompier pyromane de Neuilly.
Jean-Paul II disait "n'ayez pas peur".
Chouchou I dit "tremblez braves gens".
Et que dire de TAPIE le sarkozyste marseillais qui va peut-être racheter le Club Med alors que nos impôts ont renfloué ses caisses...
Réservez-vous une croisière monsieur Bilger, vous allez involontairement contribuer au financement du Club Med. Vous avez droit à une place.
A moins que Rachida Dati veuille transformer les cabines en cellules de prison avec Tapie comme directeur de croisière-prison.
Rédigé par : Têtuniçois | 23 mai 2009 à 15:16
En somme vous verriez bien le "plaider-coupable" comme une sorte d'arbitrage, cette procédure extra-judiciaire mise sous les feux de la rampe dans l'affaire Tapie-Lyonnais, arbitrage judiciaire certes puisque sous le contrôle d'un juge mais arbitrage quand même. On voit assez bien ce qu'on gagnerait en efficacité mais la justice, elle, y gagnerait-elle ?
Vous me direz que ce qui compte, c'est que les affaires soient réglées...
Ce qui me gêne la plus dans tout cela, c'est le besoin irrépressible de réformer le système.
Comme si c'était le système qui était défaillant et pas tous ceux qui le font fonctionner, tous ceux qui font appel à lui, tous ceux qui ont la charge de son fonctionnement...
On demande trop à la justice. on attend trop d'elle. Alors on est déçu forcément et on s'imagine qu'en la réformant ça ira mieux. c'est pure illusion.
Ne faisons pas de la justice le bouc émissaire de nos errements.
Rédigé par : Denis Monod-Broca | 22 mai 2009 à 15:31
La procédure devant la Cour d'Assises est, à mon sens, ce qu'il y a de plus abouti dans le procès pénal actuel; on peut, certes, déplorer l'absence de motivation des arrêts criminels en l'état mais le temps et l'attention apportés à l'examen d'un dossier devraient inspirer plus d'un procès en correctionnelle. Transposer la procédure criminelle à la procédure correctionnelle est sans doute irréaliste. Mais transposer la CRPC correctionnelle à la procédure d'assises est bien la dernière des âneries à réaliser! Comment faire l'impasse sur l'examen des faits à l'audience, au seul prétexte qu'ils sont reconnus en leur principe, pour définir ensuite une sanction appropriée? Ne parlerait-on que de la biographie de l'accusé? Et la victime dans tout ça? Oubliée? La commission LEGER ne comprend pas un seul président d'assises en son sein! C'est dire la déconnexion à la réalité du terrain. Ensuite, ces éminents cerveaux, s'ils fréquentaient plus souvent les salles d'audiences, sauraient qu'un accusé avoue parfois le fait en son principe mais le discute sur le mode opératoire imputé, ou bien dans sa durée! Bref, l'aveu massif et global, qui exclurait la nécessité d'un débat complet sur les faits, est rare, très rare. On se relève à peine d'OUTREAU, qui avait révélé au grand jour lors du débat criminel public les tares de l'instruction antérieure, que l'on veut déjà couper dans ce qu'il y a sans doute de mieux dans notre procédure actuelle! Quelle manie de rechercher le nivellement par le bas. Tout n'est pas parfait en l'état actuel de la procédure criminelle, loin s'en faut. Mais sabrer le débat sur les faits, c'est amputer une partie du procès et obliger la COUR à juger avec un oeil borgne! La correctionnalisation permet déjà de désengorger à tour de bras le rôle des assises. Je souscris à l'idée d'une obligation de motivation des arrêts d'assises, même si la durée des délibérés s'en trouvera rallongée d'autant car établir un consensus entre 12 ou 15 personnes sur une motivation commune risque fort d'être une gageure. Je souscris aussi à l'idée d'un Président plus neutre mais attention au revers de la Médaille: en l'état actuel du recrutement des jurés, le Président et ses assesseurs sont souvent un allié de poids pour la défense lorsqu'il s'agit de tempérer l'ardeur répressive de certains jurés qui entrent en délibéré avec l'idée préconçue que l'accusé est nécessairement "un salaud qui doit prendre le max!". L'influence des professionnels joue aussi dans l'autre sens lorsqu'il s'agit d'expliquer au juré comment le système fonctionne, comment la peine s'exécute, et aussi combien cela peut valoir, toutes proportions gardées avec d'autres affaires de moindre ou plus grande gravité. La procédure d'assises mérite mieux que des effets d'annonces!
Rédigé par : Thierry SAGARDOYTHO | 22 mai 2009 à 15:00
Oups, un dernier paragraphe omis sur le rôle des parties civiles.
Là pour le coup, j'ai un avis bien tranché, c'est non ! La poursuite judiciaire est l'affaire de la société par l'intermédiaire du ministère public. Les parties civiles ont déjà pris un ascendant considérable sur les assises, par l'intermédiaire d'associations plus ou moins légitimes dont vous savez que la plaidoirie est largement consacrée à la promotion des actions de l'association.
Le ministère public est le seul à poursuivre en matière pénal, il ne doit pas partager cette responsabilité avec des intérêts particuliers, c'est un contresens démocratique.
C'est quoi la prochaine étape ? L'assignation directe aux assises d'un particulier pour un autre particulier ? Le retour des sycophantes athéniens ? Une justice privée ?
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 22 mai 2009 à 09:37
J'avoue ne pas avoir d'avis sur le plaider-coupable aux assises mais je n'ai pas l'impression que cela tende à améliorer la qualité de la justice : de récents procès d'accusés ayant avoué leur crime montrent que les débats sont aussi longs non plus pour déterminer la culpabilité mais les circonstances du crime. Et ce sont ces circonstances que le jury apprécie pour déterminer une peine. Sans ce débat, on voit mal comment la pondération aggravante ou atténuante pourrait intervenir. Et quel discernement attendre d'un juré populaire qui débarquerait dans un dossier sans en rien connaître pour ne déterminer que la peine ?
En revanche vous m'apparaissez, si je vous comprends bien, parfaitement contradictoire sur la motivation des jugements d'assises et les intentions que vous prêtez aux avocats en général en citant Me Portejoie. D'un côté vous le décrivez hostile à l'intime conviction, désireux d'un jugement motivé, de l'autre vous lui prêtez le désir de réduire le champ de la preuve. L'actualité récente nous propose hélas des exemples fort nombreux de parquetiers cherchant par tous moyens à éluder la preuve au nom de l'intime conviction (crime sans cadavre et sans mobile par exemple), laquelle est l'alibi massue pour s'exonérer de toute preuve. Le jugement d'assises est, je me répète, une zone de non-droit d'où toute loi est formellement proscrite substituée par ce concept évanescent d'intime conviction. Vouloir y introduire un peu de rationalité, fondée sur les éléments tangibles du dossier, tient du bon sens. Ecorner l'intime conviction en lui demandant de se justifier au minimum replace la preuve au centre du débat et non à sa lointaine périphérie comme tant de réquisitoires aléatoires le souhaitent.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 22 mai 2009 à 09:27
"Il n'empêche que cette évolution, qui ferait d'un magistrat omniprésent un juge impartial et retenu, exigera de tous les présidents d'assises une révolution intellectuelle de grande envergure."
Et vlan !
Qu'est-ce que vous voulez que je dise...
Dès l'introduction de votre note, c'est un massacre.
Puis moi sottement qui croyais que le fait de présider une Cour d'assises - rien que le mot "Cour d'assises" et je suis déjà glacée par sa gravité - sublimait forcément l'homme ou la femme qui en avait la charge, comme s'il s'agissait d'un rôle de passeur entre des gouffres.
Et puis j'ai relu le chapitre de votre livre que vous consacrez à la cour d'assises.
L'omnipotence à la manière des petits chefs, la laideur du pouvoir sans l'autorité...
Et vous qui refusez contre ceux-là que votre mission d'avocat général soit comme un clone du dossier papier d'accusation, vous qui ne pouvez pas imaginer ni supporter l'idée d'un réquisitoire écrit, verrouillé, prêt à lire, avant même l'audience, vide de questions et d'interrogations.
Vous défendez dans ce chapitre la grande idée de l'avocat général avant celle de l'accusateur.
Et voilà qu'on nous fabrique dans les arrière-cuisines le suprématie du commun et du quelconque dans les cours d'assises, et pour les présider :
"Un arbitre plutôt engagé, donc" !
Comme vous devez souffrir de ces petites propositions qui veulent nous persuader qu'une Cour d'assises doit être un espace fantôme et indifférencié voué à la tractation et à la transaction.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 22 mai 2009 à 08:02
«C'est le courage de décider qui manque à nos dirigeants», Raymond Barre avait cette formule qui éclaire sur bien des choses et des comportements … Ainsi par ce manque de courage, la France est ce pays des amalgames parfois les plus étranges. Par exemple et à l'échelle suprême, constitutionnellement … Régime parlementaire ou régime présidentiel? Un vrai merdier en vérité. Mais le plus drôle c'est que ça tient, cahin-caha mais ça tient … Aujourd'hui et en matière de Justice criminelle, on veut décider mais on ne sait pas ou plus de quoi et même, tiens, plus drôle encore, on veut décider sans décider, enfin c'est l'impression qu'on donne, c'est plus subtil et sournois en vérité .... C'en devient tellement foireux qu'à la fin on on sait plus si on a progressé, régressé ou stagné, si c'est du lard ou du cochon … Ce que vous précisez là, cher PB, quant à l'absence des magistrats et notamment des avocats généraux au sein de cette commission qui voudrait révolutionner la Cour d'assises, donc au sein de ce qui les concerne -eux aussi- au premier chef, est intéressant. Car on y voit se dessiner comme la volonté d'une Justice d'avocat et quand je dis avocat, je pense à celui de la défense essentiellement. Il se la taille à sa mesure, si je puis me permettre … Même le banc de la partie civile sera le sien et ainsi, plus il y prendra de place comme accusateur (la partie civile se défend, est défendue mais pour cela elle accuse aussi, c'est là toute sa particularité), moins l'avocat général, l'accusateur public aura d'intérêt voire franchement d'utilité … Ne restera plus qu'à le supprimer ou à le réduire au rang de parleur lisant un acte d'accusation et tout ce qu'on lui commandera de lire … Un super greffier en somme. Ce qui m'interroge plus gravement à ce moment, c'est la perversion que je vois apparaître officiellement (officieusement elle existe déjà depuis même le premier Code d'instruction criminelle et sa procédure) dans la nature de la fonction globale de l'avocat. Aujourd'hui il plaidera pour un braqueur de banque et obtiendra un acquittement ou la peine la plus légère, accusant même pour cela, s'il le faut, la banque braquée; le lendemain il plaidera pour une banque braquée et obtiendra -sans doute, s'il est brillant tel Le Borgne- la plus lourde condamnation contre le ou les braqueurs … Car -et il faut le savoir- la schizophrénie judiciaire sur patte-, les juges d'instruction n'en ont pas le monopole; les avocats en tiennent leur part aussi qui n'est pas moins moralement invalidante … Il faut se méfier de qui veut le monopole d'un procès d'assises. Si un gouvernement des juges n'est pas souhaitable, il en est de même d'une Justice des avocats. Si cette commission aboutit en son projet tel, il en sera aussi du domaine judiciaire comme de celui constitutionnel: une singulière bâtardise ou celui plus légitime dira-t-on car choisi par le justiciable, donc élu en quelque sorte, qui pourra légalement faire le plus de bruit médiatique aura le plus d'emprise sur cette chose nouvelle mais finalement si traditionnellement française …
Aïssa.
Rédigé par : Aïssa Lacheb-Boukachache | 22 mai 2009 à 00:16