Jack Lang a décliné l'offre. Frédéric Mitterrand s'est rué dessus au point d'annoncer lui-même et avant l'heure sa nomination comme ministre de la Culture. Il a bénéficié d'une couverture médiatique exceptionnelle et élogieuse, les rares réserves étant par prudence peu explicites. Cette effervescence était d'autant plus notable qu'elle a pratiquement coïncidé avec la mort de Michael Jackson qui suscite une émotion universelle et comme une blessure au coeur du monde (nouvelobs.com, lepoint.fr, le jdd).
Même si ma génération me situe plutôt du côté d'Elvis Presley et de Johnny Hallyday, comment pourrais-je méconnaître le caractère unique de cet artiste disparu, à la pauvre vie bouleversante et bouleversée, formidable danseur, chanteur qui semblait avoir inventé le rythme et la musique ! Mais de là à être obligé d'approuver le poncif de Frédéric Mitterrand affirmant qu'il y avait "du Michael Jackson en chacun de nous", il y a une marge.
Ce genre d'appréciation, même de circonstance quand un mythe s'éteint et qu'une étoile s'efface, n'en est pas moins doublement faux.
D'abord le propre du génie - et Michael Jackson l'était dans son royaume d'élection - est précisément de plaire mais d'échapper à tous, tant la singularité absolue d'un art poussé au comble de l'incandescence et de la perfection nous laisse solitaires et vides, les uns et les autres, devant ce qui est indépassable, inconcevable pour NOUS. Michael Jackson n'est pas en nous parce que son infini talent et ses aptitudes multiples l'ont placé ailleurs que dans nos habitacles intimes et que son existence somptueusement malheureuse n'a eu rien de commun avec la nôtre.
Ensuite, il faut admettre que beaucoup demeurent insensibles à cause de leur âge ou d'une indifférence à cette part brillante et futile de la vie et ne songent même pas une seconde à abriter Michael Jackson en eux. Et ce n'est pas un crime, sauf à soutenir que violer les règles du snobisme funèbre et de la communion planétaire constituerait une intolérable faute de goût. Cette phrase de notre nouveau ministre de la Culture ne restera pas dans les annales du quotidien attristé.
Et ce n'est pas tout. Il y a pire. Frédéric Mitterrand n'a rien trouvé de mieux, devant des journalistes hilares - le rêve pour eux que cet homme ! - que de dire en s'esclaffant qu'il n'était pas le père aux côtés de sa collègue enceinte Nathalie Kosciusko-Morizet. Double vulgarité. Une piètre et facile indélicatesse à l'égard de la secrétaire d'Etat qui n'a pas besoin, ni son mari avec elle, qu'on fasse rire sur un événement qui les concerne seuls et les réjouit. Une médiocre allusion au fait qu'étant homosexuel, il ne revendiquait évidemment pas cette paternité et pour se moquer, paraît-il, de Bernard Laporte. Rien de drôle dans tout cela sauf pour ceux ravis de saisir chez Frédéric Mitterrand ce qu'ils espéraient y dénicher.
D'abord l'exploitation de son homosexualité. Il est vrai que celle-ci semble, aujourd'hui, plus mise en exergue et célébrée que vécue dans la discrétion. J'ai même lu récemment dans une interview l'affirmation de "la fierté d'être homosexuel". Se glorifier d'un état, homosexuel ou hétérosexuel, est absurde. On aurait pu croire ces derniers temps qu'être homosexuel affiché donnait une longueur d'avance pour occuper le poste de ministre de la Culture, tant les affinités seraient plus fortes et plus complices entre cette sensibilité et les artistes ! J'espère que jamais on n'estimera que des personnalités banalement hétérosexuelles sont peu compatibles avec ce ministère !
Frédéric Mitterrand, une fois sorti de ses sagas télévisuelles où un autre que lui se serait vu reprocher le flamboyant ampoulé de ses commentaires avec sa voix trop présente, a connu son heure de gloire littéraire avec "La mauvaise vie" où il narrait notamment ses ébats asiatiques, torrides et homosexuels sur un mode qui a fait se pâmer la critique. Je me suis toujours demandé si cet enthousiasme ne s'émerveillait pas plus de la crudité et de la sincérité de l'homme que de son art. Aujourd'hui, en littérature, l'audace paie toujours. On n'aura pas forcément des lecteurs mais au moins des voyeurs.
Il ne sera peut-être pas un mauvais ministre de la Culture. Mais il ne suffira pas d'être follement gai pour être meilleur que Christine Albanel qui malheureusement était trop triste pour notre président. Dommage car pour beaucoup son sérieux parfois enjoué et son intelligence sans esbroufe ne l'empêchaient pas d'être compétente.
Frédéric Mitterrand a encore à démontrer que son nom et sa présence étaient indispensables au Gouvernement.
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