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16 août 2009

Commentaires

Brice Jacques

Merci pour votre site !!! Il y a deux personnes qui m'ont profondément marqué par leur érudition, leur simplicité et leur gentillesse, vous M. Bilger et M. Antoine Sfeir.

jmarcio

Cher M. Bilger,

"J'ai conscience, devant cette famille décimée, d'émettre des hypothèses qui pourraient apparaître indécentes si certaines tragédies ne nous impliquaient pas par force dans une sombre proximité et dans une interrogation sans fin.

Pourquoi eux, pourquoi lui ?"

Je crois vous comprendre. Comment appliquer, froidement, un "barème" dans un cas pareil ?

Vos interrogations ne sont pas indécentes : elles confirment que la justice est faite, heureusement, par des hommes qui peuvent, et avouent, ne pas pouvoir tout comprendre.

Je ne sais pas quelle peine est la plus sévère pour ce garçon : N années de prison ou la charge, à supporter pendant le reste de ses jours, d'avoir mis fin à tous ses proches, peine qu'il s'est imposée à lui-même.

Le Juriste

Et pour lui perpet avec 30 ans incompressibles car il a entre 16 et 18 ans au moment des faits ! Bravo la France ! Vous voulez fabriquer un monstre ne vous y prenez pas autrement ! La Géorgie de MR Saakashvili dictateur notoire peu suspect de laxisme, ne prévoit pour les mineurs entre 16 et 18 ans au moment des faits qu'au maximum 15 années de prison. Peine sévère mais humaine car laissant place à une possible réinsertion (Article 88-1 du Code criminel de la République de Géorgie). Bref nous n'avons aucune leçon à donner en matière de respect des droits de l'homme !

PEB

@Laurent Dingli
C'est pourtant ce genre de meurtre collectif qui est le père des dieux et des rois, maître des mythes, rites et interdits d'où procèdent les institutions. La violence est le sacré et le sacré est la violence transcendante.

La petite société campagnarde ressentait un malaise profond. Chacun luttait plus ou moins secrètement contre son prochain. Un jeune homme passe. En un instant, tous les doubles mimétiques, toutes les guerres intestines se polarisent contre la victime. Après sa consommation, le calme revient brutalement.

C'est le meurtre d'Abel et le signe de Caïn qui git à la fondation du Monde.

La justice française a eu raison de frapper car si elle ne l'avait pas fait, un autre royaume aurait été fondé, un autre culte serait apparu car un dieu, responsable de tout pour que tous soient innocents, nous aurait visité.

La tribu archaïque, née de la victime souveraine, lui aurait rendu un culte en tant que, par sa violence (supposée), elle lui apportait la paix.

Alex paulista


De perto ninguém é normal

Phrase culte de Caetano Veloso, dans Vaca profana, souvenir de sa période Almodovar. Certains disent que cette phrase ferait référence à Tolstoï.

Laurent Dingli

Je vous avais déjà parlé, mon cher Philippe, du meurtre abominable d'Alain de Moneys dont Jean Teulé a fait un roman. La réflexion de Daniel Zagury m'a fait songer à ce fait divers survenu en 1870. En voici le résumé de l'éditeur :
"Nul n est à l abri de l abominable. Nous sommes tous capables du pire ! Le mardi 16 août 1870, Alain de Monéys, jeune périgourdin, sort du domicile de ses parents pour se rendre à la foire de Hautefaye, le village voisin. C est un jeune homme plaisant, aimable et intelligent. Il compte acheter une génisse pour une voisine indigente et trouver un couvreur pour réparer le toit de la grange d un voisin sans ressources. Il veut également profiter de l occasion pour promouvoir son projet d assainissement des marais de la région.
Il arrive à quatorze heures à l entrée de la foire. Deux heures plus tard, la foule devenue folle l aura lynché, torturé, brûlé vif et même mangé. Comment une telle horreur est-elle possible ? Comment une population paisible (certes angoissée par la guerre contre l Allemagne et sous la menace d une sécheresse exceptionnelle) peut-elle être saisie en quelques minutes par une telle frénésie barbare ? Au prétexte d une phrase mal comprise et d une accusation d espionnage totalement infondée, six cents personnes tout à fait ordinaires vont pendant deux heures se livrer aux pires atrocités. Rares sont celles qui tenteront de s interposer. Le curé et quelques amis du jeune homme s efforceront d arracher la malheureuse victime des mains de ces furieux et seule Anna, une jeune fille amoureuse, risquera sa vie pour le sauver.
Incapable de condamner six cents personnes d un coup, la justice ne poursuivra qu une vingtaine de meneurs. Quatre seront condamnés à mort, les autres seront envoyés aux travaux forcés. Au lendemain de ce crime abominable, les participants hébétés n auront qu une seule réponse : « Je ne sais pas ce qui m a pris. (...) »

Certes, nous sommes plus ici dans la psychologie des foules, mais il me semble parfaitement illustrer notre propos. Le plus étonnant, ce que la foule ne régresse pas seulement jusqu'à une configuration de type psychotique, ce qui serait banal, mais bien jusqu'au cannibalisme. Je rappelle que, selon Sigmund Freud, c'est l'un des traits dont l'être humain s'est le plus tôt débarrassé. Amusant aussi de constater que les Français de cette époque considéraient les Africains comme des sauvages.

oursivi

Excellent billet !!! Toujours un credo on ne peut plus vivifiant que de chercher à comprendre, même, ou surtout, l'incompréhensible.

N'est-ce d'ailleurs la seule et ultime raison de vivre que de déployer partout du sens ? Sommes-nous autre chose que ce déploiement ?

AO

PEB

J'ai l'impression qu'on a ici une sorte de sacrifice à l'envers.

Normalement, la victime est immolée par la collectivité. Là, le "monstre" anéantit sa famille. il y a parfois un mal-être où le jeune, se sentant inadapté ou au centre de conflits qui le dépassent, s'inflige la responsabilité de tout. Il a plusieurs solutions:
- la médiation objectale qui est un déplacement sacrificiel : ce sont les Autres, les démons, les envoûtements &c. qui sont responsables.
- Le suicide. Son annonce répétée n'est pas forcément signe de danger lorsque le blocage moral est puissant est que ça en devient comique.
- le meurtre de tous qui est la face inverse du suicide.

Freud avait raison quand il affirmait que le suicide relevait de la pulsion de meurtre et non pas de mort.

Ce crime est donc sans doute un suicide inversé. Il tue tout le monde pour ne pas être au centre du monde, pour ne pas devoir assumer les péchés familiaux. Voir les mythes où le héros divin tue la collectivité. Dans la société moderne, privée des trois unités, la communauté se limite pratiquement à la famille ou au lycée.

La religiosité archaïque condamnait le malheureux aux derniers supplices purificateurs. Il y avait une certaine justice à cela dans le sens que la transgression ultime des devoirs familiaux risquait d'emporter le corps social avec la famille.

Ces actes sont donc par eux-mêmes sidérants. Cette épiphanie de violence a quelque chose de démoniaque. La réinsertion sociale sera de ce fait très difficile. Pourra-t-on faire confiance à un parricide? Les rites purificateurs d'autrefois signaient la mort atroce du pauvre garçon. La justice d'aujourd'hui n'inspire plus la même terreur. Que faire?

Laurent Dingli

@ Catherine Jacob,
Il est tout à fait possible que la famille elle-même soit jugée par l'adolescent comme faisant partie du complot tramé par ses persécuteurs - si, bien entendu, nous avons affaire à un délire paranoïaque, ce qui reste à confirmer. Si les copains ne font pas (encore) partie de ce complot, il n'y a donc rien d'étonnant à ce que "Eddy" ait fait appel à eux. Quand il tue, le paranoïaque le fait toujours - suivant son délire - en état de légitime défense. C'est pour se prémunir de l'agression dont il se croit l'objet qu'il agit.
En ce qui concerne les visiteurs nocturnes, bien sûr qu'ils ne sont pas forcément imaginaires, mais nous réunissons ici un petit faisceau d'indices concordants à propos d'un crime. Un jeune sans problème est soudain pris d'angoisses nocturnes ; il se sent persécuté par un visiteur qui vient la nuit. La nuit du meurtre, il se croit attaqué chez lui par un inconnu, et tue toute sa famille. Des hypothèses viennent rapidement à l'esprit : ou bien il a considéré, dans sa propre terreur, que le visiteur était complice de ses parents, ou alors, et c'est presque pareil, il a confondu l'un avec les autres. Mais, dans les deux cas, il a (sans doute) agi sous l'effet d'un délire de persécution.

Laurent Dingli

Jean-Marie,
Heureusement qu'un procureur fait part de ses doutes ; heureusement que, malgré sa longue expérience, il n'a pas de certitudes ; c'est justement cette attitude qui est professionnelle, et je suis étonné que vous ne le compreniez pas.

Catherine JACOB

@Laurent Dingli
"Ce dernier point milite toujours en faveur du surgissement d'un délire paranoïaque. "

Ah oui? Pourtant tous les visiteurs nocturnes sont loin d'être tous purement imaginaires, et tous n'appartiennent pas obligatoirement non plus au mythème du Loup-Garou!
Mais pourquoi alerter ses copains de préférence à sa famille? Pour qu'ils envoient la gendarmerie peut-être?

Laurent Dingli

Suivant certaines sources, et même s'il est encore trop tôt, pour faire autre chose que spéculer, le meurtre aurait été prémédité ; il s'agirait donc d'un assassinat. Par ailleurs, le jeune "Eddy" se serait plaint d'angoisses nocturnes depuis quelques mois, d'après ses amis (Radio Alta Frequenza). «Fin juillet, il m'a confié qu'il voyait certains soirs une silhouette en bas de chez lui, raconte ainsi l'un d'eux, qui ajoute : Cette lueur blanche lui faisait peur, il avait l'impression de devenir fou.» (Le Figaro) ; en attendant d'en savoir davantage, ce maigre indice peut évoquer un délire de type paranoïaque. La lecture du Figaro donne d'autres indications :
"Dernier signe apparent de normalité, on sait que l'adolescent a écrit en milieu de soirée sur sa page Facebook : «Demain, Vizzavone» - probable allusion à une excursion prévue vers ce col montagneux. Puis, à 4 h 10 du matin, il a adressé un mystérieux SMS à trois de ses amis dans lequel il alerte : «Au secours, il y a quelqu'un chez moi.»
Ce dernier point milite toujours en faveur du surgissement d'un délire paranoïaque. A suivre...

Jean-Marie

"Il serait intolérable pour l'esprit que notre prochain soit une forteresse close d'où le pire pourrait advenir sans que jamais le moindre signe ne vienne alerter notre humanité".

Ce commentaire de votre part m'étonne : car si ce crime est effrayant il n'est pas unique.

Seriez-vous saisi par le doute sur votre pratique, car enfin votre longue expérience a dû vous conduire à avoir un avis réfléchi, "autorisé", sur le sujet. C'est celui là que j'aurais aimé lire, et non pas le commentaire que tout un chacun saurait faire.

Comme Aïssa , je préfère la modestie de M. Zagury. Elle me semble plus que la vôtre professionnelle.


Laurent Dingli

Le beau commentaire de Daniel Zagury m'invite à la réflexion et à la prudence face à des réalités qui m'échappent. La formule lapidaire d'un journal ne transcrivait manifestement pas les nuances de sa pensée. J'aurais dû, d'ailleurs m'en douter.
Qu'est-ce que la normalité ? L'esprit bute immédiatement sur cet écueil, cette généralité trompeuse. Est-ce une apparence ? Cela ne peut être après tout que cela. Comme le rappelait le psychiatre, les aliénistes du XIXème siècle ont lutté pour que l'on n'associât plus crime et folie, horreur et maladie. Récemment encore, des psychiatres et des éthologues ont étudié l'impact de l'environnement (au sens général du terme) sur le comportement et toutes les modifications qu'il peut induire. Enfin, nous connaissons encore peu de choses sur les causes génétiques, qu'il n'est pas plus facile de déceler.
Alors existe-t-il des signes avant-coureur ? Peut-on prévoir ou faut-il se résoudre à notre imperfection, même si cette ignorance est pour nous une source d'angoisse, ce que vous exprimez sans doute dans votre billet et moi dans mon commentaire ?
En relisant le passage suivant de votre texte... :
"Il serait intolérable pour l'esprit que notre prochain soit une forteresse close d'où le pire pourrait advenir sans que jamais le moindre signe ne vienne alerter notre humanité".
... je pense immédiatement à l'affaire Jean-Claude Romand. Qui aurait pu deviner que cet homme, apparemment "normal", allait massacrer tout sa famille à laquelle il tenait lui aussi ? Je pense encore à un autre cas de figure, illustrée par la nouvelle de Stefan Zweig, "Amok", c'est-à-dire au coup de folie meurtrière. En vérité, il y a deux sujets sous-jacents dans votre texte. L'interrogation sur la normalité et le désir d'anticiper le crime.
1. Tout le monde peut-il être sujet à un délire qui le conduirait jusqu'au meurtre ?
2. Existe-t-il des signes avant-coureur et peut-on les déceler ?
Je n'ai évidemment pas la prétention de répondre à ces deux questions si ce n'est par d'autres questions.
Et tout d'abord, chaque individu, quelle que soit son organisation psychique, peut-il aller jusqu'à commettre de tels excès ? Si l'on transpose la psychologie individuelle sur la psychologie collective, on serait tenté de répondre par l'affirmative, les sociétés, les groupes, les foules, peuvent très bien passer d'un état de "normalité" à une véritable psychose paranoïde ou à d'autres formes régressives. Sur le plan de la psychologie individuelle, mon épouse estime que nous pouvons tous régresser jusqu'à un délire, voire un délire meurtrier. Je suis plus circonspect sur ce point, même si je n'ai aucune certitudes. Je veux dire que les verrous établis par les différentes organisations pyschiques - même la psychose dans la plupart des cas - emplissent souvent leur fonction. Mais qui peut jurer que dans certaines circonstances et soumis à une pression exceptionnelle ces verrous ne sauteront pas ?
En ce qui concerne la deuxième interrogation, il est très difficile de déceler des signes avant-coureurs : la néo-réalité dans laquelle évoluait Jean-Claude Romand était parfaitement organisée. Vous parliez par ailleurs de vélléités suicidaires, mais elles sont banales à l'adolescence.
Pourtant des signes existent et nous apprendrons certainement à les percevoir de mieux en mieux (sans pour autant porter atteinte à la liberté individuelle). Je crois, comme vous, que l'investigation s'affinera, même s'il faudra toujours se résoudre à une grande part d'impondérable.

Catherine JACOB


Je vois que Dr ZAGURY vous répond. Peut-être qu'un jour BHL lui aussi, qui sait, risquera un signe!

"D'une manière générale, pathologie ou non, tuer ceux qui vous ont donné la vie, c'est chercher inconsciemment à supprimer toute dette vitale à l'égard de ceux qui vous ont précédé dans la suite des générations ou qui vous ont choisi comme leur enfant. C'est vouloir être son propre créateur. C'est un crime d'auto-engendrement. Bien entendu, il n'y a rien de clair de cet ordre dans l'esprit de celui qui tue." nous explique cet expert qui cependant n'énonce là, à la vérité, rien de particulièrement ni nouveau ni tordu, vu que, personnellement, cette remarque m'a immédiatement évoqué le rite de succession (du moins ce qu'on en sait), chez les Luperques (Luperci), le collège romain des prêtres loups qui officiaient en particulier à l'occasion des rites de printemps, puis, impliqués dans des rites de fécondité et d'engendrement, précisément, erraient nus dans la campagne sur le Mt Palatin, ensanglantés et armés de lanières découpées dans la peau des chèvres immolées, lanières qu'ils agitaient en direction des femmes rencontrées au hasard de cette errance dans l'idée de les rendre fécondes en chassant les démons susceptibles de mettre obstacle à leur fécondité. Ces Luperques en effet ne pouvaient accèder à la fonction de chef du dit collège composé semble-t-il, des fils des cinq plus anciennes familles aristocratiques, descendantes des fondateurs de Rome, que par l'immolation rituelle du chef en titre.

semtob

Cher Philippe,

Le devenir des pulsions de vie et pulsions de mort restera un terrain d'hypothèse.
Absence de verbalisation?
Absence de symbolisation?
Rage narcissique?
Trouble hormonal lié à l'adolescence?
Carence affective,éducative?
Court-circuitage?
Regression à un stade anobjectal, archaïque?
Un adolescent et une arme, c'est là la plus grande question à se poser.
De nombreux parents dorment sur leur palier,
parce qu'ils craignent leurs enfants.
françoise et karell Semtob

Pierre-Antoine

Cher PB

J'ai en tant qu'aumônier de prison, la lourde tâche d'accompagner un matricide. Dans nos nombreux entretiens en tête à tête, malgré la confiance qui j'ose dire s'était installée, il n'a jamais pu ouvrir son coeur sur ses motivations profondes.

Lui aussi avait une famille "normale" que chaque voisin et amis décrivaient comme "sans histoire"...
Pourtant l'indicible, le crime le plus incompréhensible qui soit, tuer celle qui vous a donné la vie, il l'avait commis sans raison apparente et encore moins exprimée.

Ce jeune était le dernier né, peut-être avait-il cru, du moins c'est une piste que j'ai cru commencer à discerner, que sa mère préférait ses aînés ou/et qu'elle aurait aimé qu'il soit une fille.

Ce jeune corse lui était l'aîné, avait-il en lui la souffrance des abandonnés et pour des jumeaux en plus ?

Ce soir sur TF1 à sept à huit, Frédéric Beigbeder dans son entretien sur la sortie de son livre "Roman d'une garde à vue" a dit à un moment "Freud à eu tort, en mettant la source du conflit avec les parents, moi je me suis construit en opposition avec mon frère" (je cite de mémoire"

Cordialement

Pierre-Antoine

Aïssa Lacheb-Boukachache

Vos hypothèses sont louables et respectables, cher PB mais, de grâce, n'émettez pas -vous aussi- l'hypothèse sarkozienne (comment la nommer autrement ..) qui propose l'idée que ce serait «génétique» d'une façon ou d'une autre que ces comportements hallucinants et que l'on pourrait, après quelques études et essais médico-psycho-ce-que-vous-pouvez-imaginer, y remédier dès le plus jeune âge voire la maternelle … Certes, ce qui échappe à l'homme est encore et intrinsèquement de l'homme mais ce n'est pas de jouer aux apprentis sorciers. La science est lente quelquefois et c'est tant mieux et n'a nul besoin jamais ou elle ne s'appelle plus science, qu'on lui indique politiquement un but et un chemin… Je préfère les lieux communs psychiatriques de Daniel Zagury que tout le reste d'autres qui diraient péremptoires que c'est ainsi parce que c'est ainsi et la solution la voici … L'humilité absolue. Sartre avait écrit qu'on ne fait pas le poids face à la mort d'un enfant … On est en face de cela et on ne fait toujours pas le poids.

Chaque fois qu'un drame de la sorte se produit, celui-ci me ramène immanquablement à la fureur des soeurs Papin, Christine et Léa … Léa est décédé récemment dans une maison de retraite de la région nantaise. On lui parlait encore, elle n'a jamais rien dit, jamais rien expliqué … Est-ce qu'elle comprenait ce qui s'était passé? Je ne sais pas, personne ne le sait …

Aïssa.

Daniel Zagury

Monsieur l'Avocat Général et cher ami,

Ne m'attribuez pas des idées simplistes car le choix d'un titre de journal par une rédaction ne peut résumer une pensée.
Les parricides commis par de jeunes adultes sont majoritairement psychotiques et signent souvent l'entrée dans la schizophrénie.
Les adolescents sont un peu moins souvent des malades mentaux : pour schématiser, outre la psychose, on a la surprise d'observer des ados qui explosent après une série de sévices et d'humiliations dans une atmosphère de surtension. On observe également des sujets ''normaux'' EN APPARENCE qui n'évolueront pas vers la dissociation schizophrénique. Vous avez, comme moi, l'expérience de ces cas où il y a un gouffre entre l'horreur de l'acte et la banalité de la personnalité.
Vouloir à tout prix associer horreur et maladie est un regrettable simplisme contre lequel se sont battus tous les grands Aliénistes.
Cela dit, dans le cas particulier de ce jeune garçon, nous ne pouvons évidemment rien dire qui ne soit purement spéculatif.
L'instruction et les expertises trancheront. Je rappelle simplement que dans des cas semblables on a obervé des schizophrénies, des familles maltraitantes, des actes parasomniaques (somnambulisme pour aller vite), des états toxiques et des sujets assez inclassables qui n'évolueront pas vers la maladie.
La banalité APPARENTE d'une personnalité n'est pas incompatible, sur ce point je vous rejoins, avec les affres et les drames en première personne inhérents à la condition humaine, notamment à l'adolescence où se joue la douloureuse issue hors de l'affreux noeud de serpent des liens de sang, pour reprendre le mot d'Eluard à propos de Violette Nozière, parricide.
D'une manière générale, pathologie ou non, tuer ceux qui vous ont donné la vie, c'est chercher inconsciemment à supprimer toute dette vitale à l'égard de ceux qui vous ont précédé dans la suite des générations ou qui vous ont choisi comme leur enfant. C'est vouloir être son propre créateur. C'est un crime d'auto-engendrement. Bien entendu, il n'y a rien de clair de cet ordre dans l'esprit de celui qui tue.
Seuls quelques esprits de psychiatres, dont il est bien connu qu'ils sont particulièrement tordus, peuvent énoncer de telles choses.
Bien amicalement
Daniel Zagury

Catherine JACOB

"Une apparence de normalité" - "Un acte qui l'en arrache" -"l'errance" - "le savoir de l'accompli" - "le non savoir de ce qui y a conduit" - autrement dit une perte de sens.

"Que vaut l'apparence quand l'expérience humaine démontre les orages silencieux, les bouleversements pudiques qui viennent agiter les tréfonds ?"

"On ne saura jamais les histoires que ce mineur se racontait à lui-même, ses rêves d'avenir, ses mélancolies, les hiatus entre la vie réelle et la vie idéale, les blessures, les gouffres s'ouvrant sous son âme. L'équilibre, quand il existe, est arraché aux démons de la nuit."

On ne saura jamais, dites vous, mais l'a-t-il lui-même jamais vraiment su, ou n'a-t-il jamais fait que se laisser porter, et se laisser porter jusqu'à la chute. Ne nous dites vous pas en effet : "l'adolescent évoque chez lui "une absence"."

Comment faire apparaître "ces brisures" que vous évoquez? Me vient tout à coup l'image du dernier recours celui auquel on pense pense guère avant d'avoir tout essayé (il s'agit de l'expression originelle, pas de son avenir dans le show bizz), autrement dit, l'image de ce qu'on appelle aussi le tradipraticien, ou encore "le praticien de la tradition"; et pourquoi pas en fin de compte, commencer parce ce par quoi généralement on termine, et convoquer l'un de ces "manipulateurs d'objets" sur lesquels se penche sérieusement de nouveau la recherche en éthnologie et ce qu'on appelle les spécialistese du 'Patrimoine immatériel culturel'.

Je pense comme vous en effet, qu' "il serait intolérable pour l'esprit que notre prochain soit une forteresse close d'où le pire pourrait advenir sans que jamais le moindre signe ne vienne alerter notre humanité." Car, c'est véritablement là ce qui interpelle, cette absence de "signe avant-coureur". Mais absence de signe ou absence de bonne lecture de signe; absence de sens ou "absence" où le sens se cache. On pense alors à "ces objets 'ouverts' ( susceptibles d'être librement investis d'un sens) devant lesquels la partie concernée de l'être en souffrance trouve un espace d'expression en correspondance avec ses nécessités" (Opus cité p.17)

"La détestation de soi passe parfois par la commission de transgressions gravissimes qui ne font que retarder le moment de sa propre mort. " Dites vous. " La seule souffrance, c'est l'angoisse de la mort. Tout ce qui est abandon, déchirure, maladie nous renvoie à cette image" explique Hugues Berton, très loin cependant, malgré ce souci partagé, de la psychanalyse classique, il nous présente ces objets qui "parlent un langage symbolique, agissent par leur forme, leur signature, leur nature en tant qu'image/miroir.[...], dont l'efficacité réside dans le double transfert ( du sujet à l'objet, puis de l'objet au sujet), qui porte la partie psychique concernéee au-delà, [...] puis lui permet de se repositionner." (Opus cité p.17)

Et puisqu'aussi bien, vous nous ouvrez le chemin des hypothèses pourquoi, devant cette tragédie qui défie la compréhension humaine, et avant que l'enfermement et matériel (même si, comme le dit son avocat, c'est pour sa propre protection), et discursif (celui de tous les théoriciens experts de diverses disciplines) n'aient ajouté leur propre chape de plomb à celle de "l'absence" et du "silence" à soi-même dont vous nous faites part, ne pas tenter l'expérience décrite ci-après avec l'aide d'un de ces tradipraticiens dont la Corse me paraît ne pas devoir manquer:

"Le patient, le plus souvent sur ordre du tradipraticien, parfois de lui-même, produit un objet ou un ensemble d'objets servant à l'énoncé métaphorique du mal dont il souffre. A la mise en désordre du monde-autre correspond une remise en ordre da la partie concernée chez le patient : enfin le mal prend un sens, accepté et validé par le patient et le tradipraticien. La manipulation d'objets a pour but de dissocier le symptôme de la personne. Pour rompre cette interaction, le tradipraticien fait référence à un monde invisible, doté d'intentions qui lui sont propres. Que ce monde invisible existe "pour de vrai" ou qu'il soit l'expression, la représentation des zones inconnues de l'inconscient, peu importe, cela revient au même. L'intention du monde invisible donne un sens au malheur. Le tradipraticien explique cette intention. Il négocie avec le monde invsible, qui lui répond et lui communique une prescription à exécuter. - Hugues Berton, "Objets de sorcellerie, objets pour guérir, objets pour maudire", éd. De Borée, sept. 2008? collection "La mémoire du temps"? p.21

Et, parallèlement peut-être aussi et à tout hasard, sonder les 'absences/présence/rencontre' de l'oncle.

Jean Meyran

Pour en rajouter une couche sur le commentaire qui me précède (au moment où je poste) :

Au moins on a d'arme (à feu) sous la main, au moins les tueries multiples se produisent...

Pour des raisons historiques les USA ne le comprendront jamais ; pour des raisons qui m'échappent les chasseurs de par chez nous non plus (et pourtant, Dieu sait que j'aime le gibier).

Sur les tourments adolescents plus ou moins intériorisés, je n'ai, heureusement, pas de commentaire pertinent.

Bonjour chez vous

Jean-Dominique Reffait

Et il y avait une arme à disposition. Je ne puis que songer au vide dans lequel va vivre ce garçon. Et je me pose cette question : l'aurais-je fait, le ferais-je ? Personne ne peu jurer de rien.

Laurent Dingli

J'en sais encore trop peu sur ce drame, mon cher Philippe, pour oser le commenter. Sur un point cependant, je partage bien plus votre avis que celui de l'éminent Daniel Zagury. Je ne crois pas un instant à ces êtres "normaux" qui soudain explosent, sauf à rester dans les apparences. Il me semble même que vous soulignez un point essentiel quand vous évoquez un "excès d'ordre" en tant que possible symptôme.

Marie

Votre expérience et votre regard profondément humain sur vos semblables, nous éclairent.
Pour connaître un peu de cette souffrance indicible, je suis d'accord avec vous : le trop calme, le trop apparent simple et parfait cache parfois une tempête intérieure, douloureuse au point de vouloir en finir (avec soi ou avec la cause de cette tempête).
Je peux dire que ce calme observé est justement LE SIGNE que tout va mal.
Je ne sais pas exprimer ces sentiments qui nous touchent juste avant le passage à l'acte contre soi.

Merci pour votre analyse qui nous emmène à lire au-delà des faits pour mieux comprendre les maux de nos frères en souffrance.

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