J'ai toujours été étonné par le fait que les Français arrêtés puis condamnés à l'étranger, quel que soit le pays et pour n'importe quelle infraction, protestaient tous de leur innocence. Comme s'il était impossible que parmi nos compatriotes détenus hors de France, même un seul ait pu être justement sanctionné. Il est manifeste que cette pétition de principe, flatteuse pour notre honneur national, a connu et connaît sans doute beaucoup d'exemples contraires. Pour une Florence Cassez, dont le combat judiciaire, au regard des règles du procès équitable, semble légitime, que d'affaires troubles et de dénégations sujettes à caution !
J'admire l'attitude du gouvernement qui, pour ne pas se rendre coupable d'une non-assistance à personnes en danger, privilégie dans son action la nationalité en se gardant bien le plus souvent d'émettre une opinion sur le fond des dossiers. Alain Joyandet, récemment, semble avoir remarquablement manoeuvré en obtenant la libération par les autorités de la République dominicaine de deux ressortissantes françaises Sarah Zaknoun et Céline Faye et en précisant par précaution que cette mansuétude ne constituait pas une preuve de leur innocence (lepoint.fr, France 2). C'est bien de le souligner et de distinguer la démarche d'assistance du processus judiciaire. Car l'épouse du président de la République est intervenue en leur faveur, ce dernier leur a parlé au téléphone et le ministre lui-même les a ramenées en avion, cela fait déjà beaucoup ! Surtout quand on a le droit au moins de douter... En effet, l'énorme investissement de l'Etat français, pour ses citoyens sévèrement incriminés à l'étranger, ne peut se justifier que par une obligation de solidarité, une volonté de les rapatrier et serait évidemment mal perçu s'il ne s'agissait toujours que de mettre en cause des décisions de justice qui, pour n'être pas françaises, ne sont pas toutes honteuses. Même pour un Etat bon samaritain, il y a un devoir de décence!
Pour ma part, je cherche à demeurer attentif au sort judiciaire des étrangers chez nous, précisément à cause du sort injuste qui pèse parfois sur certains de nos compatriotes dans d'autres pays. Cette comparaison devrait nous rendre infiniment prudents dans l'exercice de la Justice et nous interdire de nous moquer trop légèrement des doléances et dénégations de ceux qui viennent d'ailleurs et sur lesquels la France a, un temps, une emprise totale.
Dans notre pays, au centre de détention de Liancourt, un homme âgé de 77 ans, Justin, est mort le 26 novembre 2009 dans des conditions indignes parce que la loi du 4 mars 2002 a été appliquée avec une infinie lenteur. Alors qu'apparemment l'état déplorable et la mauvaise santé de Justin ne pouvaient qu'être remarqués par ceux qui gravitaient dans son environnement à la fois judiciaire et pénitentiaire. L'administration pénitentiaire elle-même ne s'était pas opposée à la libération de Justin, qui ne savait même plus pourquoi il était incarcéré. Je tire ces informations d'un article de Me Etienne Noël dont je connais le combat et dont je n'ai aucune raison de suspecter la bonne foi. Justin est mort trop tôt pour que la bureaucratie lourde et l'humanité efficiente puissent espérer le sauver (Rue89). On abuse du sentiment de honte pour tout et n'importe quoi. Mais, pour cette incurie, que dire, que sentir d'autre ?
Un ressortissant britannique âgé de 53 ans et dont la santé mentale était altérée a été exécuté parce qu'il était porteur de 4 kg d'héroïne. C'est la première peine capitale infligée à un étranger en République populaire de Chine depuis cinquante ans. En dépit des appels, des protestations et de la réalité d'une personnalité peut-être abusée à cause de son déséquilibre psychique, la Chine a accompli l'irréversible en soutenant que le jugement avait été rendu "en accord avec les lois" et que le trafic de drogue est un "crime grave". Condamner à la peine de mort un être diminué suscite une double indignation : à cause d'une justice défaillante, à cause d'une justice sauvage (Le Monde, Le Parisien, Le Figaro, nouvelobs.com, Marianne 2).
Cette nouvelle démonstration par la Chine de son indifférence à l'égard des droits de l'homme ne pourra qu'attrister et faire réfléchir, je l'espère, les partisans d'une retenue internationale qui n'a rigoureusement aucun effet positif. Elle permet à la Chine d'être courtisée, flattée sans qu'elle ait l'obligation ni n'éprouve le moindre désir de donner des gages authentiques de démocratisation. Il est clair que, sauf à accepter, en pleine connaissance de cause, d'être dupes, il faudra pour l'Europe et les Etats-Unis inventer une autre forme de dialogue "musclé".
Les indignations sont cosmopolites. S'il y a une hiérarchie des turpitudes, qui, quel Etat peut toutefois donner des leçons ? Triste tolérance que celle qui résulte d'un partage universel des maux.
Les commentaires récents