On ne cesse, depuis des mois, de parler d'elle. On la voit, tard à la télévision. Des portraits dans la presse écrite (Nouvel observateur, Le Monde). Des entretiens. Rien sur sa vie personnelle, sur sa vie familiale, tout sur la musique, sur l'opéra. Sympathique, intelligente et passionnée à l'évidence. Les spécialistes s'en donnent à coeur joie.
J'écoutais ses CD, à la fois admiratif et distrait. En restant extérieur comme s'il s'agissait d'une chanteuse exceptionnelle mais comme les autres. Elle faisait partie des divas. J'éprouvais presque un très léger sentiment de saturation. Puis, durant les dernières vacances, l'écoute lancinante de son CD "Sacrificium", hommage aux castrats physiquement "sacrifiés" pour sauvegarder la pureté de leur voix, accordée avec une émission présentée par Alain Duault sur France 2, ont fait entrer Cecilia Bartoli dans mon univers intime - celui que chacun se construit pour l'emplir de ses trésors précieux, de ses livres de coeur et d'esprit, de ses films de prédilection et de ses personnages mythiques. Ce monde représente une parenthèse magique entre soi et la vie banale. A l'abri de la vulgarité, on y puise des forces quand cela va mal, on s'y plonge pour se consoler de l'ordinaire, c'est le royaume des songes, des grâces et des miracles.
Durant une heure, à la télévision, on a entendu Cecilia Bartoli parler, rire et chanter, on a écouté ses réponses fines, intelligentes et modestes avec un français à la fois impeccable et délicieux. Cette joie d'être, cette infinie curiosité de l'art et de ses mystères, cette allégresse des découvertes musicales nous ont explosé au visage, dans les yeux et au coeur. Tout serait à retenir de ces échanges interrompus par des séquences éblouissantes où Cecilia Bartoli filmée offrait sa voix comme un don mais avec une générosité sans afféterie, une puissance et une vérité de nature et de physionomie qui faisaient passer même pour le plus béotien un message d'absolue singularité. Le comble du génie. Elle, puis les autres. Non pas cette hiérarchie absurde née de la mousse et de l'aveuglement médiatiques mais de la certitude d'avoir rencontré un phénomène que l'univers du chant n'a pas encore connu, qu'il ne connaîtra plus et qui paradoxalement permet à chacun d'apprivoiser une beauté et une intensité trop longtemps perçues comme élitistes.
Il ne faut pas se leurrer. Demeurera toujours, derrière la surface éclatante du talent et des dons hors du commun, un inconnu que l'analyse, heureusement, ne parviendra jamais à élucider. Mais celle-ci trouve déjà matière à s'exercer avec ce qui me semble la qualité primordiale de Cecilia Bartoli et qui est son humanité profonde, authentique. Elle confirme une certitude dont la validité peut être vérifiée dans la pratique de tous les métiers publics, de parole et de représentation. La pire des attitudes est d'établir une frontière nette, hermétique entre le mouvement de l'être privé et l'expansion de la personne publique. Cette séparation interdit au premier de nourrir la seconde et réciproquement. Au contraire, non pas même la fusion de ces démarches mais le fait qu'elles constituent une unique coulée de vie qui enrichira le métier ou l'existence intime explique le formidable sentiment de vérité que toutes les manifestations de Cecilia Bartoli suscitent - d'elle sur un bateau, les cheveux au vent et proclamant avec un grand rire son appétence pour les frites à la chanteuse possédée se fichant comme d'une guigne des expressions de son visage pour atteindre au plus près le coeur cruel, léger ou grave de son art. C'est sans doute cela, cette indifférence à l'apparence dans ce qu'elle a de plus convenu qui marque ce que cette femme et en même temps cette artiste ont de miraculeux. Cette volonté de se montrer telle qu'elle est, sans qu'on sente à un moment quelconque un regard sur soi qui viendrait la retenir ou l'altérer, fait le prix inouï, au sens propre, de ses représentations publiques comme de ses réponses personnelles. Il est évident alors qu'avec Cecilia Bartoli, les critères classiques de beauté ou de laideur physique n'ont plus aucun sens. Le feu intérieur qui la brûle en permanence, l'irrésistible élan qui transfigure, cette manière inimitable de composer avec ce qu'elle est pour nous contraindre à prendre de plein fouet sa charge d'humanité, l'enseignement qu'elle nous impose de négliger la superficie, les détails, les défauts ou les qualités de surface au profit des mille inventions d'un visage obsédé par la seule quête qui vaille - celle du vrai - renvoient au rayon des accessoires les préoccupations de la féminité banale. On n'a pas envie seulement de la regarder. Mais de la regarder vivre.
Je n'ai aucune compétence pour apprécier la technique musicale de Cecilia Bartoli. Ce que mon oreille constate, c'est la virtuosité indépassable d'une voix qui est exploitée comme un instrument dont les ressources sont connues à la perfection, ce mélange de facilité et d'extrême exigence. Jamais on ne sent l'effort et à la fois on perçoit sans cesse le tour de force. La rançon de cet art vocal est qu'il est à ce point présent, unique et comme autonome qu'il fait presque apparaître la musique elle-même pour un accompagnement. Il prend une telle place qu'on éprouve de la jouissance à le détacher du contexte de ces musiques souvent splendides pour s'enivrer de lui seul. Cecilia Bartoli n'y peut rien. Elle n'a pas à s'excuser du monde qu'elle porte dans son chant.
Elle n'est pas un monstre sacré. Trop profondément humaine pour cela. Elle est bien plus.
Cecilia Bartoli, tout simplement.
Cecilia Bartoli fait partie des artistes que l'Histoire de la musique retiendra.
On aimerait que les télés nous parlent plus d'elle que de Roberto Alagna...
Bartoli, Callas, Margaret Price, les immenses divas qui ne se prennent pas pour des divas.
Rédigé par : Marc CHEIFETZ | 15 septembre 2013 à 10:02
Merci pour cet hommage à Cecilia, elle est bien plus qu'une femme à la voix merveilleuse, lorsqu'elle chante, c'est un ange qui nous entrouvre les portes du paradis à chacun de ses concerts.
Rédigé par : Bertrand Schmerber | 15 avril 2011 à 09:05
Pour les fans du Monstre Merveilleux :
Changement de programme pour demain 14 février sur Thé ou Café, à 07:00 (France 2) à la place de Gérard Darmon, Cécilia Bartoli !
Rédigé par : Catherine JACOB | 13 février 2010 à 10:39
Quel immense bonheur de vous lire... Vous êtes un très grand Monsieur, et je vous admire profondément. Merci pour votre voix si particulière, vos écrits, vos talents.
Rédigé par : Hélène | 23 janvier 2010 à 17:06
Je ne suis pas un connaisseur et j'écoute un peu de tout, tout ce que plaît "à mes oreilles". Certaines choses de mon époque (Beatles, Pink Floyd, Rick Wakeman...), ou alors, pour faire plaisir à Alex, Elis Regina, qui avait elle aussi une sacrée voix. J'écoute peu de classiques. Je suis donc allé écouter, avec plaisir, le morceau suggéré par Catherine Jacob.
Mais je remarque dans le commentaire de PB l'envie de connaître un peu plus sur l'artiste (distorsion du métier de procureur ???). En effet, il est toujours agréable de constater que celui qui nous donne tant de plaisir par ses qualités artistiques, a aussi d'autres qualités.
Je remarque, au passage, la remarque de Catherine : Cecilia Bartoli a probablement des préoccupations plus intéressantes que Hadopi.
Rédigé par : jmarcio | 06 janvier 2010 à 23:48
En ce début 2010 monsieur Bilger, vous m'avez "scotché", si je puis me permettre cette familiarité.
Faisant preuve d'une ignorance que j'oserai qualifier de crasse, je dois bien avouer que j'ignorais totalement qui était cette dame.
Je fus très intrigué par votre billet élogieux et, aussitôt, je m'en fus sur le web pour trouver un petit quelque chose sur elle et je la découvrais cantatrice.
Je dois vous dire mon plaisir, mon émotion à écouter cette immense voix.
Je n'osais plus ôter mes écouteurs. Que ne la connaissais-je pas avant.
Un plaisir extraordinaire, une émotion forte.
Grand merci à vous monsieur, vous m'avez fait là un beau cadeau et réparé une immense erreur de ma part.
Rédigé par : Surcouf | 05 janvier 2010 à 18:41
JDR,
Je vous reconnais bien là, avec cette finesse dans le ton et cette légèreté qui faisaient, jadis, tout le charme de "l'esprit français". Il faut avoir une certaine élévation pour ne pas tout prendre au sérieux. Je crois que ce cher Oursivi a des qualités similaires aux vôtres.
Rédigé par : Laurent Dingli | 05 janvier 2010 à 17:26
Oursivi,
L'intimité n'exclut pas le petit-déjeuner, lequel, pour ce qui concerne mes usages, demeure une pratique fort sage et présentable à tout enfant de maternelle.
Et c'est en beurrant des toasts que l'on peut plus aisément se faire expliquer les secrets de la musique sachant que toutes les musiciennes ne sont pas également douées pour les vocalises bartoliennes la nuit venue.
Le goût de Cecilia Bartoli pour la musique baroque, à laquelle elle dit vouloir toujours revenir, provient peut-être aussi de cette ambiance propre aux baroqueux, lesquels ne pratiquent pas l'ascèse et le culte des divas.
Marginalisés par les tenants de la grande musique classique, considérés avec condescendance par ceux-là, ces musiciens baroques ne se payent pas de mots, entretiennent des relations de grande amitié entre eux, ce qui leur est facilité par leur petit nombre. Certains ont définitivement renoncé à de grandes carrières classiques parce qu'ils en détestent l'ambiance, la jalousie au sein des grands orchestres, les peaux de banane entre solistes, les caprices de divas. Il s'agit de deux mondes musicaux distincts. Lorsque Cecilia Bartoli exhume des partitions inconnues, j'imagine d'un côté le travail considérable de reconstruction (pensez : une partition jamais éditée sous la forme d'un fac-similé transcrit à la va-vite par quelque copiste du Vatican). Ce travail plombe immédiatement les prétentions individuelles, il ne s'agit pas de balancer un contre-ut rodé depuis 10 ans, il s'agit de réinventer humblement une musique dont on ne dispose plus que de quelques mesures jetées sans indication. J'imagine aussi la joie immense de dénicher le chef-d'oeuvre, le truc oublié et inoubliable pourtant. J'ai assisté au plus près à la redécouverte du Chevalier de Saint-Georges et aux tous premiers concerts, ah le Saint-Georges était violoniste mais ne savait pas écrire une partition pour le clavecin ou le hautbois, il manque des notes, ça ne tombe pas juste dans les mesures, et surtout il écrit pour tous les instruments comme pour le violon, des machins injouables, des écarts infaisables, bref il faut tout reconstituer. Jusqu'aux instruments qu'il faut adapter. J'ai pu ainsi voir un jour une claveciniste absolument pas perturbée par le fait que son instrument, dans son transport vers l'Allemagne, avait perdu une touche, rien que ça. "Je ferai sans, il faudra que j'y pense pendant le concert pour changer mes harmonies."
Et puis chacun ses petites perversions. Moi j'aime les musiciennes, j'admire, je fonds, je fais la cuisine et, de temps en temps, je suis autorisé à dire : "trop fort ! Trop lent !"
L'avocat vinaigrette n'a pas été testé au tribunal, à ma connaissance. Dommage : peut-être aussi efficace et tellement moins cher.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait@Oursivi | 05 janvier 2010 à 16:33
Non, non, M. Reffait.Il y a méprise.
Je me suis mal exprimé.
Quand le vrai écrivain parle, se frottant les mains et disant " hé, hé hé... mon bon JDR" J'entends le bon Louis parler á Blase dans "La folie des grandeurs".
L'hypocrite ce n'est pas vous.
On peut ne pas être d'accord, mais avec vous c'est un plaisir. Vous ne vous sentez pas obligé de vous en prendre á votre contradicteur. Puisque de toute façon nous ne nous connaissons pas personnellement.
Rédigé par : jpledun | 05 janvier 2010 à 16:19
"Il m'est seulement arrivé de croiser quelque temps l'intimité..."
Rédigé par: Jean-Dominique Reffait@Dingli et Ledun | 05 janvier 2010 à 10:11
Heu, JDR, sont peut-être des enfants à nous lire, aussi épargnez-nous les détails de vos fausses notes,
"...j'ai reçu alors une immense bouffée d'air frais..."
je vous rappelle que nous sommes sous la tutelle d'un avocat général et que nous ne vous payerons pas d'avocat tout court, fut-il futile, voire même vinaigrette.
Nous avons assez d'un clown ici.
Un peu de sérieux que diable.
AO
PS au fait, Aïssa a disparu ?
Rédigé par : oursivi@JDR | 05 janvier 2010 à 15:12
Laurent Dingli,
Rendez-moi grâce justement de ne pas avoir fait montre de toutes mes connaissances sur la musique baroque car nous y serions encore ! Pédanterie, personne n'en est totalement à l'abri. Il m'est seulement arrivé de croiser quelque temps l'intimité d'une grande musicienne baroque et j'ai reçu alors une immense bouffée d'air frais, d'intelligence naturelle, et c'est ce dont je rends compte en évoquant Cecilia Bartoli.
Pardonnez-moi si je moque votre récent échange avec notre clown préféré. C'était purement formel. Il ne me semble pas avoir jamais raillé le fonds de vos propos que je ne qualifierais d'ailleurs jamais de pédants.
JPLedun,
Vous ne sauriez me faire davantage plaisir : je vénère De Funès. Et qui vous dit que je ne joue pas ? Plutôt pas mal puisque vous vous y laissez prendre. Je suis désespérément dénué de tout esprit de sérieux.
Heureux de vous voir à nouveau d'accord avec Dingli, fut-ce sur mon dos !
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait@Dingli et Ledun | 05 janvier 2010 à 10:11
"...Quand je lis les commentaires supra de ce bon JDR..."
L. Dingli (Que personne ne lit ?)
J'ai l'impression de voir de Funès (artiste populaire) jouer á merveille son rôle d'hypocrite.
Juste une petite différence. Lui jouait.
Rédigé par : jpledun | 04 janvier 2010 à 23:26
Non Yves Bouant, détrompez-vous, je me fais du bien.
Rédigé par : Laurent Dingli | 04 janvier 2010 à 22:52
@ Savonarole
Votre idée est alléchante et il nous plaît d'imaginer déjà la Bellissima Cecilia interpréter Pinball Wizard !
Rédigé par : Baudricourt | 04 janvier 2010 à 22:28
@Laurent Dingli
C'est quoi votre problème, vous vous faites du mal, il vous faut d'urgence vous mettre à l'humour, la vie c'est se faire du bien.
Vous essayez de rire de vous et vous finissez par rire avec les autres.
Rédigé par : yves bouant | 04 janvier 2010 à 18:08
Votre enthousiasme me fait regretter, mon cher Philippe, de ne pas avoir pu l'écouter.
(Quand je lis les commentaires supra de ce bon JDR qui nous explique tout par le menu sur la musique baroque, les castrats, les enregistrements, etc., faisant inlassablement montre de ses connaissances sur tous les sujets, je me dis : et c'est ce cher drôle qui nous parle de pédanterie ! Mais le schpountz, c'est lui !)
Rédigé par : Laurent Dingli | 04 janvier 2010 à 17:34
Un très bel hommage à cette artiste qui nous transporte vers une paix intérieure. Cecilia Bartoli vraiment une grande Dame.
Merci à Catherine Jacob pour les liens :-D
Rédigé par : Crikette | 04 janvier 2010 à 11:47
Alex Paulista,
Il ne s'agit pas de virtuosité, il s'agit d'art.
Sans technique, il n'y a pas d'art et ceux que vous citez sont des techniciens hors du commun. Ils travaillent la musique autrement, avec d'autres timbres mais les intonations et le timbre de Bowie ne doivent rien au hasard.
Lou Reed est pianiste depuis l'âge de 5 ans, on ne peut pas parler d'absence de technique.
La voix naturelle de Cecilia Bartoli n'est pas pure et comme toutes les mezzo, elle a les souffles rauques des graves, son timbre a une profondeur qui révèle des sous-timbres, des sons qui s'appuient sur des sons porteurs. Je fais l'analogie avec le violon : un violon ordinaire sort un son pur. Un Stradivarius sort le son pur porté par le son du bois.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait@Alex | 04 janvier 2010 à 10:50
Un billet d'écrivain pour une voix d'ange.
Que dire de Magdalena Kozena, Susan Graham, Natalie Dessay, Sandrine Piau... et tant d'autres.
Et qui le dira ?
Rédigé par : mike | 04 janvier 2010 à 09:03
Je comprends qu'on puisse aimer les virtuoses.
Mais souvent ils me fatiguent et je préfère ceux qui, sans technique ou presque, font des enregistrements dans des caves et inventent quelque chose de nouveau en une prise.
Je pense aux Velvet Underground, à David Bowie, à Joy Division. La playlist de mon univers intime commence souvent par Autosuggestion ou No Love Lost de Joy Division.
Mais j'ai conscience que cela plaît à moins de monde que la pureté d'une voix.
Tant pis.
Rédigé par : Alex paulista | 04 janvier 2010 à 03:40
Cher Philippe,
Favellar in musica,
Parlar cantado,
Bel canto,
Cantar sodo,
Cantar d'affeto,
Tornero, Tornero,
Neron, Othon, l'an prochain,
Au gui l'an futur,
Vous savourerez "le page",ou Arnolta dans une revue buzzique et travestie.
Nous, nous préférons les ténors ...
françoise et karell Semtob
Rédigé par : semtob | 04 janvier 2010 à 02:38
« toutes les manifestations de Cecilia Bartoli suscitent - d'elle sur un bateau, les cheveux au vent et proclamant avec un grand rire son appétence pour les frites à la chanteuse possédée se fichant comme d'une guigne des expressions de son visage pour atteindre au plus près le cœur cruel, léger ou grave de son art. »
Mon fils qui a toujours eu, et a encore du reste, une véritable passion pour les divas, me faisait déjà la remarque lui aussi, étant pourtant encore petit, à propos de telle ou telle : « Tu sais, c’est une grande cantatrice, elle n’a pas peur de faire des grimaces quand elle chante. »
Voici au besoin, 9mn59 de bonheur à savourer en fermant les yeux:
http://www.youtube.com/watch?v=wVWDbKuP2_8
+ une interview, en anglais cependant, mais coupée de quelques extraits qui permettent de comprendre en effet que la seule beauté c‘est l‘expression du visage qui s‘accorde avec la vérité, ici de l'art : http://www.wikio.fr/video/1643895
"Cecilia Bartoli filmée offrait sa voix comme un don"
J'ignore si on a déjà demandé à Cecilia Bartoli son avis sur Hadopi, mais j'imagine que c'est le cadet de ses soucis...
Rédigé par : Catherine JACOB | 03 janvier 2010 à 15:52
Une voix de femme habitée par la grâce, l'harmonie, la puissance, le talent et toute la palette des couleurs de l'arc en ciel... avec des fulgurances ! Une voix humaine tout simplement divine et qui vous élève jusqu'au ciel !
Rédigé par : Mary Preud'homme | 03 janvier 2010 à 14:32
On croise deux profils d’artistes interprètes.
Ceux pour lesquels la musique et le chant semblent d’abord et finalement au service de leur voix, de leur organe vocal, comme sont l’aérodynamique et la mécanique d’une formule 1 au service du pilote, de sa performance. Ceux-là peuvent impressionner parfois, ils ne nous rejoignent guère, une part essentielle de leur prestation nous demeurant un peu inaccessible.
Les seconds se font davantage serviteurs, avant tout des passeurs. Tel le grand acteur qui ne fait pas son numéro mais disparaît derrière son personnage, un musicien dans la fosse, ils éclaboussent de leur effacement, au moins d’un détachement qui résulte de la conscience aigüe que ce qu’ils ont à nous à offrir est plus grand qu’eux-mêmes, cherchant moins dès lors à creuser leur sillon qu’à nous entraîner dans un sillage qu’ils savent n’être pas le leur.
Entre les deux démarches, l’espace possible de la grâce.
Ni star, ni monstre sacrée ; peut-être plus sûrement étoile.
J’ai idée que Cecilia Bartoli ne pourra lire de sitôt plus bel hommage que le vôtre.
Rédigé par : MS | 03 janvier 2010 à 13:16
Arrêtez de prendre des voix "France Culture" pour parler de zique classique.
Rien n'égale l'opéra "TOMMY" des Who !
PS : Bonne année à tous les Bilg's Boys !
Rédigé par : Savonarole | 03 janvier 2010 à 12:28
Tout aussi génialement douée, avec une voix d'exception, et extrêmement sympathique et humaine malgré tout, écoutez Marie-Nicole Lemieux. Même Marilyn Horne est dépassée dans Orlando.
Rédigé par : Loge | 03 janvier 2010 à 11:00
Merci de ce témoignage que je partage totalement. J'ai découvert Cecilia Bartoli par hasard, en écoutant "Farnace" de Vivaldi, le témoignage d'une mère déchirée par la mort de son fils, qu'elle chante avec ses tripes, très humainement, extraordinairement. J'ai attendu la fin du morceau pour savoir qui chantait ainsi. Et depuis, elle m'accompagne et elle embellit ma vie.
Rédigé par : Sophie Sanson | 03 janvier 2010 à 09:14
Eh oui. La plénitude du talent a ceci de merveilleux qu'il exprime toute une personne sans que celle-ci ne se trouve contrainte de meubler, fut-ce dans ces endroits particulièrement désertiques que sont les médias. Parlant de musique, la grande artiste parle de tout. La compréhension d'une mesure de Vivaldi autorise la compréhension du monde qui gravite autour. Et sans quitter le domaine musical, j'entends Cecilia Bartoli me parler de philosophie, de politique, d'humanisme avec une intelligence jamais atteinte par les plus brillants commentateurs spécialisés parce que le propos décalé ouvre des portes toujours closes, propose de nouvelles évidences.
Le travail sur les partitions baroques est redoutable : souvent mal retranscrites, le musicien doit faire des choix. Des essais multiples montreront que le bémol indiqué n'est pas opportun, qu'il manque un quart de temps à la mesure, que la basse est mal chiffrée. Ce travail, auquel j'ai eu le privilège d'assister plusieurs fois au cours d'enregistrements de disques, est l'occasion de débats qui dépassent souvent la seule musicologie : combien de musiciens baroques ai-je vu plonger dans des textes historiques, politiques de l'époque pour retrouver le sens d'une interprétation juste. Cette joute d'intelligence, pour le profane amateur, est une jouissance absolue : quand le monde et ses enjeux se revisitent par les harmonies cachées d'une demi-mesure.
J'imagine, à entendre Cecilia Bartoli parler de ce disque magnifique consacré aux castrats, le travail intense de recherche, de compréhension d'une époque et de sa mentalité. Car pour réinterpréter des textes écrits pour des castrats, il faut retrouver ce qui, dans les esprits de l'époque, justifiait ce sacrifice et pourquoi le timbre du castrat se justifiait et comment. Et, malgré un timbre de mezzo, il faut retrouver le velours de la voix enfantine du castrat, c'est un boulot énorme, métaphysique.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 03 janvier 2010 à 05:24
Les CD de Cecilia Bartoli sont les seuls présents que j'offre á mes amis, pour Noël.
Justement pour tout ce que vous décrivez d'elle, Philippe.
Cela me fait plaisir qu'au moins sur ce sujet je puisse vous rejoindre.
"La musique adoucit les mœurs"...
Rédigé par : jpledun | 03 janvier 2010 à 03:00