Albert Camus a eu tort : il ne s'est jamais trompé.
Pour un monde qui n'aime rien tant que les repentis, les anciens communistes recyclés, les gauchistes d'hier reconvertis, les nostalgiques encore frémissants de violence révolutionnaire et les manichéens fiers de l'être, Camus pâtit d'une tare indélébile. Sur son oeuvre, sur son génie, pas l'ombre d'une trace suspecte, pas la moindre apologie de crime, pas la plus petite incitation au meurtre, aucune comparaison bestiale pour humilier l'adversaire, seulement des mots, des arguments, de la morale, l'exigence d'honnêteté et de rigueur portée au plus haut (France 2, Le Figaro Magazine, Le Figaro littéraire, Le Monde, Le Nouvel Obs).
L'insupportable, surtout, c'est un intellectuel qui s'est obstinément évertué à tenir les deux bouts de la chaîne, à ne pas choisir absurdement un camp contre l'autre et à ne pas légitimer les morts de ceux qui, placés du mauvais côté de l'Histoire, pensaient mal pour ne s'indigner que des cadavres "progressistes". Il y a une volonté chez lui inébranlable et sans cesse respectée en dépit des tensions, de ne pas noyer l'éthique dans le flot du siècle et de ne pas justifier l'injustifiable qui consiste à sacrifier, délibérément et avec une idéologie allègre, l'humain. Quel remords pour cette "intelligentsia" qui croyait n'être jamais ralentie dans sa ruée vers le sang impur et se faisait fort de démontrer que l'équilibre de la mesure ne pouvait être qu'apparent et dissimulait en réalité une passion pour les bourreaux ! Quelle brèche semblait s'ouvrir pour les contempteurs condescendants, comme Alain Badiou récemment, qui s'imaginaient pouvoir prendre Camus, surtout mort, de haut en vantant par contraste Jean-Paul Sartre dont les vertus d'intellectuel auraient été exemplaires ! Camus résiste à tout, même aux hommages trop officiels qu'avec bonne volonté on voudrait lui rendre. Il ne succombe ni à l'excès d'eau bénite ni à l'aigreur de ceux qui critiquent son être et son talent parce qu'ils envient le premier et sont éloignés du second.
Si encore cet homme trop fidèle à soi n'avait pas été un admirable écrivain, on aurait pu lui pardonner. Certes, on aurait admis à la rigueur qu'il ait des idées, on aurait même accepté de le considérer comme un philosophe même petit, on ne lui aurait pas dénié, ici ou là, de la richesse, de la finesse, parfois de la force, un sens de la révolte, une obstination estimable au service des humiliés et des offensés s'il avait eu l'élégance, la décence de se comporter par écrit comme il convenait. Il lui suffisait d'emprunter les chemins, en définitive confortables, de l'obscur et du filandreux, d'user d'un langage donnant l'impression de devoir être décrypté avant d'être compris et d'habiller l'ensemble de son oeuvre d'une forme morose et austère, un tantinet ennuyeuse, pour échapper à la jalousie et au ressentiment. Mais le provocateur, au contraire, pour narguer l'élite dont il aurait voulu être aimé sans la respecter, avait eu le front d'écrire une langue magnifique, claire, limpide, sensuelle ou précise, accessible sans être dévoyée, profonde sans être hermétique, une merveille de langue qui, sans fuir les effets, se tenait dans une sobriété qui parvenait à être somptueuse. Sur ce plan aussi, Camus damait le pion. Il avait encore plus perdu puisqu'il avait gagné. Ses livres, pour les jeunes coeurs, les esprits tendres, n'ont pas pris une ride et ils dominent le temps. Il y a de mauvais augures qui se plaisent à annoncer son déclin mais pour Camus il n'y a pas de purgatoire qui tienne !
Il aurait pu encore être sauvé et combler tout son passif d'un coup. Sa personnalité aurait adopté "un profil bas", il n'aurait pas été un homme séduisant, adoré des femmes, il n'aurait pas éclaté de vie, dans la danse, dans l'amitié, dans l'amour, dans les conquêtes, il n'aurait pas aussi naturellement épousé le monde, goûté ses couleurs, ses odeurs et sa magie, il n'aurait pas été empli, d'une manière aussi évidente, de la grâce et de l'infini don de se mouvoir sans se briser entre les êtres et les choses, il aurait offert sur tous les plans une piètre image de lui-même, ses adversaires auraient pardonné à l'intellectuel ses oppositions et ses défis, on l'aurait acquitté pour son incroyable et polymorphe talent puisque celui-ci aurait eu pour rançon la laideur, l'inélégance, la solitude, l'ennui, le vin triste, l'amour amer, la tristesse trop grave, la pensée trop lourde, l'art trop pontifiant et le bonheur abstrait. Camus, lui, n'a jamais eu besoin de jouer la comédie de l'être sensuel et spontané parce qu'il l'était. Il n'a jamais présenté comme un tour de force le fait d'être un vivant, de rire ou de s'abandonner à l'immédiateté des sentiments que le jour et la nuit suscitent. Il ne récite pas sa leçon sur l'existence. Comme on comprend qu'il ait été l'un des rares, peut-être le seul, à résister aux attraits de Simone de Beauvoir dans l'environnement de celle-ci ! Il devait sentir le gouffre qui séparait une allégresse authentique d'une joie apprise, la spontanéité du corps d'une sexualité programmée, sa nature de sa culture, le soleil de sa représentation. On ne mesure jamais assez, dans les antagonismes qui font date, le poids des humeurs personnelles et l'antipathie des instincts.
Albert Camus, parlant des attentats du FLN qui tuaient des innocents dans les tramways, soulignait que si sa mère en était victime, il préfèrerait sa mère à la justice. Rien de plus authentiquement humain, de plus viscéralement juste. Non pas le principe en gala mais la prose douloureuse du malheur et de l'affection mêlés.
Camus ne s'est jamais trompé : il a eu tort.
Camus le pied-noir
Parmi les litanies éclairées, parmi ces chants qui ne parlent que de leur soi-même, se justifiant par des citations érudites, mieux que personne, Philippe Bilger a su rendre Camus à Camus.
Surtout, en peu de lignes, cet homme du Nord nous tend la main, nous délivre de cette poche de désespoir où, contenus, confinés, ternis depuis notre retour d'Algérie, nous voilà enfin associés à l'Homme du soleil, l'Homme révolté, sans avoir à justifier notre amour éperdu pour cette Algérie conspuée par les Badiou, les Sartre, ces élites asexuées.
Ont-elles jamais goûté la Méditerranée de nos rives sur leur peau ?
La nudité des corps dans l'embrasement d'une journée sur nos plages ?
Ont-elles eu ces approches des filles de chez nous ?
Tout ce patrimoine de l'homme Camus.
Rédigé par : Luce Caggini | 12 janvier 2010 à 23:00
Rédigé par Clafoutis le 09 janvier 2010 à 17:46
Discussion a laquelle il n'y a aucune suite a apporter puisqu'elle n'est d'aucun interet pour personne et ne se resume qu'a polluer un billet fort interessant et des commentaires qui ne le sont pas moins.
Je vous fais seulement parvenir une definition qui resume, a mes yeux, vos deux precedentes interventions :
"Un troll est une action de nature à créer une polémique en provoquant les participants d'un espace de discussion. Le mot désigne également un utilisateur qui a recours a ce type d'action."
Rédigé par : Valerie | 10 janvier 2010 à 20:55
Merci Monsieur Bilger pour l'hommage inspiré que vous rendez à Albert Camus. Oui, sa pensée et ses textes sont toujours vivants et d'actualité. Et, oui il a encore souvent raison. En décembre1957, il rendait hommage au président Eduardo Santos, chassé de Colombie par la dictature, et il écrivait, entre autres : “Ceux qui veulent la liberté à la fois pour eux-mêmes et pour les autres, ceux-là, dans un siècle que la misère ou la terreur vouent aux folies de l'oppression, sont les grains sous la neige dont parlait un des plus grands d'entre nous. La tempête passée, le monde se nourrira d'eux.
De pareils hommes, nous le savons, sont rares. (…) Si vous voulez le bonheur du peuple, donnez-lui la parole pour qu'il dise quel est le bonheur qu'il veut et celui dont il ne veut pas.(…)“
52 ans plus tard, regardant le monde, il serait atterré d'avoir encore raison.
Rédigé par : Yves Byga | 10 janvier 2010 à 18:19
JDR
Je suis bien d'accord avec vous, et c'est ce que j'ai tenté d'exprimer en disant de Meursault qu'il "lui manque une intelligence émotionnelle et ce goût de la vie", sous-entendu par opposition à Camus. Désolé si je n'ai pas été assez clair.
Rédigé par : Alex paulista | 09 janvier 2010 à 21:56
Merci à Jean Reffait pour son magistral complément au non moins magistral article de Philippe Bilger.
Merci enfin à Albert Camus de provoquer des débats de cette qualité cinquante ans après sa disparition : quoi que certains en ait dit, il a été et reste un vrai "maître à penser", en tout cas il a été l'un des miens et reste en ces temps peu humanistes un fidèle compagnon de l'esprit et du cœur.
Rédigé par : Robert | 09 janvier 2010 à 19:11
@Valerie (vos commentaires sur : Le crime "à l'essai"):
"Jusqu'ou faudra-t-il tolerer l'intolerable ?"
"Les responsables de cette gabegie devraient avoir a repondre."
"Bon enfin, si vous voulez faire une bonne oeuvre, vous pouvez toujours l'adopter...mais gardez-le au chaud enferme chez vous !!!"
"peut-etre qu'en France aujourd'hui, tout le monde ne sort pas encore arme d'un couteau pour vaquer a ses activites quotidiennes ?"
J'ai extrait ci-dessus quelques-unes des fortes pensées qui agrémentent vos interventions, enrichissent le débat et m'ont donc fait réagir.
J'ai dit - rapidement - que vous étiez (avec beaucoup d'autres commentateurs) excitée. C'est effectivement abusif : tout au plus énervée. Voire exaltée. Mais certainement pas hystérique : il aurait fallu vous enfermer définitivement !
Comme le terme me paraissait un peu "sec", j'ai ajouté "sans âme".
C'était au sens, naturellement, symbolique. J'aurais pu écrire "sans cœur" comme me disait ma grand-mère lorsque je faisais preuve d'égoïsme et de méchanceté. Mais cela aurait fait un peu mièvre en face des arguments de haute tenue.
Voilà ce que vous prîtes pour des insultes.
Si cela vous a blessée j'en suis désolé.
Et je suis prêt à reconnaître que vous fîtes preuve d'un humanisme de bonne tenue, appuyé sur des arguments aussi logiques que nuancés.
Sûr que le Bon Dieu dans son Paradis a eu la larme à l'œil en vous lisant.
@Valerie (votre commentaire du 8/01 à 18h42)
Vous me citiez : "Qu'aurait-il répondu à Valérie ? ..."
Et vous répondiez :
"Desormais, Dieu seul le sait et vous n'en savez rien... pas plus que personne ici-bas.
N'invoquez pas ce Grand Ecrivain qui ne merite pas d'etre associe a votre "bave de crapeau"."
Mais vous aurez remarqué que je n'ai pas fait parler Camus !!!
Quant à la bave de crapaud, reconnaissez que vous ne risquez rien, en tant que blanche colombe.
À noter qu'outre la bave, vous m'attribuez l'expectoration de venin et de bile !
N'est-ce pas too much ? Mm ?
Enfin, j'assume : je suis au regret de vous informer que j'ai, malgré l'ostracisme dont vous me frappez, l'intention de fréquenter ce blog - et même d'émettre parfois, selon mon bon vouloir - mais me pliant contraint et forcé à l'éventuelle censure de notre hôte (mais de lui seul) - des commentaires "à ma façon".
Un mot gentil pour finir : après relecture des commentaires sur "Le crime "à l'essai"", vous n'êtes pas la pire.
Rédigé par : Clafoutis | 09 janvier 2010 à 17:46
Albert Camus mérite tous les éloges qui lui sont rendus sur ce blog et auxquels je m'associe.
J'ouvre une parenthèse :
Camus était un abolitionniste convaincu et renvoyait sur le sujet qui touche la peine de mort à la lecture de : "Les monstres", écrit par son ami Roger Grenier.
Rédigé par : Bernard-27400 | 09 janvier 2010 à 17:01
"Autant Lourmarin est un endroit délicieux, autant le Panthéon est glacial."
Rédigé par: mike | 09 janvier 2010 à 15:18
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Imagine l'accueil que lui réserverait Voltaire ! L'absolu manque d'humour de Camus et le célèbre sourire de Voltaire ! Quel débat passionnant !
Finalement Camus taperait le carton avec Rousseau, ils ont plus de choses en commun.
Et quand la partie deviendrait trop bruyante, Jean Moulin ramènerait Camus à plus de raison : "au lieu d'écrire des églogues, t'aurais mieux fait de sauter d'un Lysander sur Limoges !"...
Mike, tu as raison, ce serait "glacial", comme tu dis...
Rédigé par : Savonarole | 09 janvier 2010 à 16:14
Autant Lourmarin est un endroit délicieux, autant le Panthéon est glacial.
Rédigé par : mike | 09 janvier 2010 à 15:18
« La fin justifie les moyens ? Cela est possible. Mais qui justifie la fin ? À cette question, que la pensée historique laisse pendante, la révolte répond : les moyens »
L’homme révolté, 1951
Rédigé par : 1/70 000 000 | 09 janvier 2010 à 14:24
J'entends bien vos explications, Jean-Dominique Reffait. Je pense cependant qu'il eût été possible de marquer le décalage que vous évoquez parfaitement tout en conservant quelques nuances dans le propos. Il n'y a là, me semble-t-il, rien de contradictoire. En plus d'être un grand écrivain, Camus représente la gauche humaniste et démocratique française, opposée à celle de Sartre qui justifiait les pires crimes du totalitarisme, et c'est aussi pour cela que nous l'aimons. Mais, à l'époque dont je parlais, Camus a hurlé avec les loups contre un homme à terre, accusé injustement de collaboration avec l'ennemi. C'est un fait qui me touche et que je ne peux lui pardonner.
Rédigé par : Laurent Dingli | 09 janvier 2010 à 14:12
Monsieur,
Vous nous régalez de références humaines, qui précisément parce qu'elles le sont, sont bien précieuses.
Après François Mitterrand, voici Albert Camus. J'imagine la tempête qui va rugir dans les cerveaux reptiliens de certains de vos tonitruants d'avant-hier, de se trouver face à quelqu'un qui vous fait révérence de provoquer de telles proximités. Je pense que François Mitterrand admirait Albert Camus et que sa mort l'affligea.
Ils ne furent d'ailleurs pas si loin que vous le supposez, durant un temps, car Camus a bien été au parti communiste, ce dont il a bien fait de ne jamais se repentir. Cet homme droit sans tuteur, souple sans corset, élégant sans tailleur de renom, et philosophe parce qu'écrivain et non pas, comme on le lui reproche, glissant un peu de réflexion dans des écrits de valeur stylistique, cet homme a beaucoup marqué ma jeunesse et mon âge avancé ne s'en est pas séparé.
J'ai eu l'occasion, il y a quelques années, devant un autre cénacle, de réfléchir à haute voix sur un mythe qui m'est cher, mais qui, je suppose, vous l'est aussi : celui de Prométhée. Et l'idée m'était venue, toute seule, d'accoler au Caucase maudit du Titan enchaîné, le Mythe de Sisyphe. Je voyais une opposition entre la gloire suppliciée de Prométhée et le ridicule destin de Sisyphe, le roi de Corinthe, qui pensait plus à bafouer les dieux qu'à promouvoir l'Homme, et entre ce qu'ils représentaient à mes yeux : l'Absurde et l'Espérance. J'avais d'ailleurs titré ainsi le texte que j'avais écrit.
Pourquoi n'ai-je pas pu (je ne l'ai pas tenté) marquer la moindre césure entre ces deux porteurs de mythes ? Il m'apparaissait que Camus était, de toute évidence, le dénonciateur posé mais implacable de l'Absurdité sisyphienne et qu'il siégeait pour accomplir ce devoir, en haut du Caucase, lui aussi aux côtés de Prométhée, le foie en lambeaux (le foie ! symbole de tout l'Amour du Monde, spécialement de l'Amour maternel, dans nos civilisations-mères, celles de cette Antiquité-là), et souffrant de sa propre ironie devant les efforts de Sisyphe en train de rouler vers le sommet jamais atteint, son rocher d'Absurde. Je les faisais échanger quelques mots, entre mythes, une fois Prométhée libéré par la sagesse mi-divine mi humaine d'Héraklès, mots définitivement infinis, tels l'éternité de l'Espérance dernier article demeuré au fond de la boîte de Pandore (épouse du frère de Prométhée, Epiméthée. Tiens, tiens...) et l'Absurde dont Camus allait faire une théorie éminemment morale du calvaire humain.
Vous notez fort bien l'apparent paradoxe d'un Camus créant sa vie consubstantiellement de profondeurs philosophiques insoupçonnées et de fariboles joyeuses sans compromission aucune avec la vulgarité de tant qui l'ont lu et qui sont passés à côté de lui sans le voir. C'est très prométhéen, tout cela et, je ne pense pas, qu'évoquant Albert Camus, nous puissions nous exonérer de repérer dans ce cortège dyonisiaque, les simples bonheurs de chaque jour, tels ceux qui résonnaient lors des fêtes de Démeter à Mantinée où, précisément, le Titan se rendit. Ainsi nous retrouvons la terre et les hommes, aussi unis que fils le fut à sa mère (vous citez, in fine, la phrase célèbre de Camus), ou que les villageois de Goethe, dont le Faust est, à cet instant, noyé dans l'Absurdité d'une condition humaine mal assimilée. Albert Camus, écrivait Gaëtan Picon, "est un sage - acceptant l'héritage d'instruments éprouvés." "Mais", poursuivait-il, "le vrai mérite de Camus est d'avoir élevé à la perfection de la forme classique une sensibilité très précisément moderne. Il lui revient l'honneur d'avoir donné de l'homme contemporain la seule expression mythique qu'il ait, jusqu'à présent, reçue.". Et un peu plus loin : "Camus met l'accent sur l'irrémédiable.". ("Panorama de la nouvelle littérature française", Gallimard 1949)
Pour tous ceux qui, comme c'est mon cas, pensent que l'Homme et tout ce qui existe (je ne dis pas "ce qui vit" mais: "ce qui existe") ne s'écrit qu'avec des points d'interrogation, il aura été bien agréable de pouvoir s'appuyer sur cette lumineuse béquille.
Merci Monsieur Camus.
Rédigé par : Jean Reffait | 09 janvier 2010 à 13:19
Laurent Dingli,
On peut ne pas avoir eu tort sans pour autant avoir eu raison. Ce que remarque Philippe, c'est l'encensement dont bénéficient ceux qui ont eu tort et le relatif mépris où sont tenus ceux qui ne se sont pas nécessairement plantés sur tout. Il s'agit, je pense, pour Philippe, de mettre en avant la rareté insupportable de Camus : celle de n'être point laid comme Sartre, laideur qui compenserait la trop grande beauté de l'esprit, celle de ne pas sacrifier le vivant à l'idéologie, celle de ne pas renoncer à vivre, à vibrer, à s'émouvoir parce que cette vie, cette vibration et cette émotion ne seraient pas intellectuellement admissibles. Camus revendique une marge d'erreur, et au nom de celle, recherche la solution viable. Cette marge d'erreur, cette indulgence camusienne, accordons la lui pour ses propres manquements.
Alex Paulista,
Erreur lycéenne que la vôtre : Meursault n'a rien à voir avec Camus, et tout à avoir avec Caligula. Meursault est étranger parce qu'il rejette d'entrer dans la vie réelle, qu'il prétend vivre dans l'absolu de la vérité et, comprenant que cet absolu est inatteignable, sacrifie tout parce que rien ne vaudrait plus la peine.
C'est précisément l'anti-Camus et c'est très exactement le contraire qu'exprime Philippe dans son billet : Camus n'est pas Meursault, Camus accepte la vie, ses contradictions, ses plaisirs qui transigent avec l'absolu d'une exigence de pureté. Camus ne rejoint pas les idéologues prêts à tout faire sauter pour des lendemains qui chantent, toujours des lendemains, jamais la joie de goûter le moment de vie.
Je crains que vous ne soyez dans le contresens adolescent.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait@Laurent Dingli et Alex | 09 janvier 2010 à 13:10
Albert Camus au Panthéon. Gageons que l'intéressé aurait trouvé cela "absurde". D'autant que beaucoup d'autres hommes et femmes qui ont honoré la France, pressentis de longue date, n'y sont toujours pas. Par ailleurs, il semblerait que les descendants d'Albert Camus n'y soient pas favorables. Et vu le contexte de cette décision, comme on les comprend.
Rédigé par : Mary Preud'homme | 09 janvier 2010 à 12:47
@ Monsieur Bouant,
Je ne comprends pas très bien ce que viennent faire là les insultes que vous me prêtez à propos de Camus ni ce que vous dites sur ma prétendue habitude à me dérober. Sur quoi vous fondez-vous ? J'ai eu un seul échange avec vous. Vous m'aviez interpellé à propos d'écologie, et je vous avais répondu poliment et de manière argumentée. Vous n'avez pas jugé bon de poursuivre, peut-être faute d'arguments. En ce qui concerne Camus, vos insultes ("salaud") sont tout à fait déplacées à l'égard de mon commentaire qui se contentait de rappeler à Philippe Bilger que Camus avait, comme la plupart des êtres humains, sa part d'ombre et de lumière. Et, pour étayer mes dires, je faisais référence à un fait précis. Cessez donc, je vous prie, de fantasmer sur mes commentaires, ou alors répondez-y de manière polie et argumentée comme je l'ai fait avec vous.
@ Ludovic et cher confrère,
Je n'ai jamais pensé que la place d'Albert Camus n'était pas au Panthéon, mais que la Légion d'honneur attribuée à Daniela Lumbroso était en contradiction de manière trop évidente avec ce premier projet. Voyez-vous, je suis peut-être naïf, mais j'aime bien la cohérence de l'action publique. Je comprends que vous soyez désabusé, notamment à propos des "colifichets" de la République (je suis persuadé quant à vous que vous les méritez), mais je crois qu'il ne faut pas baisser les bras devant ces procédés indignes, même s'ils ne sont pas nouveaux. Quant à ma vision de Nicolas Sarkozy, détrompez-vous, il reste pour moi "Little big man" : grand parfois, notamment lorsqu'il défend l'aide internationale aux pays pauvres ou une politique ambitieuse au plan environnemental, mais petit lorsqu'il avilit la République par des pressions insensées, comme celle consistant à imposer ladite Lumbroso à France Télévisions (Le Point) avant de la décorer. Et oui, je ne décolère pas, et je rejoins Philippe Bilger sur ce qu'il dénonce depuis longtemps. Vous voyez, c'est comme pour Camus, c'est tout de même étrange de ne pas comprendre que l'on puisse critiquer un homme que l'on respecte et même que l'on admire. Beaucoup de gens oscillent entre la haine et l'adulation. Comme vous avez toujours manifesté une attitude non sectaire sur ce blog, je suis persuadé que vous me comprendrez.
Rédigé par : Laurent Dingli | 09 janvier 2010 à 10:26
J’ai pu observer sur certains blogs (bien sûr pas celui-ci qui se démarque des autres par la qualité de ses intervenants et surtout de son propriétaire) que certains passages de l’Etranger soigneusement sortis de leur contexte étaient reproduits afin de laisser entendre qu’Albert Camus avait gardé un grand ressentiment envers les Arabes.
Manipulation grossière évidemment destinée à semer le trouble à un moment où un grand débat est lancé par Eric Besson sur l’identité nationale.
Albert Camus était d’abord un humaniste et à ce titre ne pouvait nourrir de sentiments racistes.
Camus ne s’est jamais trompé de cible. Il a eu tort d’avoir raison dans sa conception de notre société, alors qu’il est clair aujourd’hui que Sartre s’était lourdement trompé.
Albert Camus a dit que sa patrie était la langue française. N’est-ce pas là la vraie idée qu’il convient de retenir en ce qui concerne l’identité nationale ?
Rédigé par : Achille57 | 09 janvier 2010 à 10:24
Cher Laurent Dingli,
Je vous rejoins volontiers sur Daniela Lumbroso, pourquoi la Légion d'honneur ? Mais Camus a tout à fait sa place au Panthéon.
Et puis vous savez tout comme moi ce qu'il convient de penser des colifichets de la République, j'en ai reçu deux c'est dire (un ruban violet puis un bleu).
Je constate un certain désenchantement vis-à-vis de celui que vous dénommiez il y a peu encore "mon little big man".
Je n'ai jamais été enchanté par le personnage, aussi lorsqu'il me surprend, ce ne peut être qu'heureusement.
Quant à dire qu'il est médiocre, je vous rejoins tout à fait.
Un grand homme d'Etat nous a quittés hier, et je ne vois pas grand monde qui mérite de lui être comparé aujourd'hui.
Rédigé par : Ludovic | 08 janvier 2010 à 22:32
La différence entre Camus et Sartre, c'est la différence entre la vérité et la mode. L'une passe, l'autre trépasse.
Rédigé par : Florence | 08 janvier 2010 à 22:23
Ce qui est nommé est perdu, disait-il dans "Noces" et L'été".
Chut, quel silence...
Duval Uzan
Rédigé par : Duval Uzan | 08 janvier 2010 à 22:02
Albert Camus, si décrié et rejeté par une certaine intelligentsia germano-pratine, revient en grâce et ce n'est que justice pour l'humaniste qu'il n'a cessé d'être. Sans doute, comme tout être humain, a-t-il pu se tromper quelques fois. Mais son sens absolu de l'éthique lui a fait toujours garder le sens de la mesure et de l'honneur. On ne peut guère en dire autant de la grande majorité des intellectuels de son époque qui, par ailleurs, lui refusaient cette qualité d'intellectuel ! Sans doute aussi sa mort, certes prématurée, est-elle intervenue au faîte de son œuvre et lui a-t-elle empêché de risquer la chute qu'ont connue la plupart de ses contempteurs.
Sans doute ses qualités et surtout celle du parfait écrivain amoureux et respectueux de notre langue lui font-elles incontestablement mériter de figurer en notre Panthéon national auprès de ses pairs qui y reposent déjà. Mais ce choix, s'il n'appartient qu'à sa seule famille, ne saurait être tout ou partie lié à des contingences ou arrière-pensées politiciennes. Camus mérite mieux que cela.
Rédigé par : Robert | 08 janvier 2010 à 21:21
Non décidément, la pilule ne passe pas. Camus au Panthéon et Lumbroso à la Légion d'honneur... La contradiction est trop évidente, trop cinglante. Donner la Légion d'honneur à l'animatrice de Chabada ! C'est anéantir la panthéonisation du grand écrivain, c'est ravaler sa pensée au niveau des boniches, c'est ramener la République au copinage, au rien, au vide le plus éhonté, c'est cracher au visage de Marianne. Je sais bien que le gouvernement socialiste avait fait de Stallone alias Rambo un chevalier des Arts et des Lettres ! Ce gros tas de muscles amerlok bardé de mitraillettes, un chevalier de la culture ! Foutre ! Mais qu'importe ! la sottise des uns n'excuse pas celle de l'autre. Voilà bien Nicolas Sarkozy : comme l'a remarqué Catherine Nay, qui lui veut pourtant du bien, il finit toujours par gâcher par des insanités ce qu'il peut faire de grand. Cette affaire, qui pourrait paraître à tort comme un détail, est aussi grotesque que scandaleuse. Je crois que vous aviez raison sur cela, Philippe, il se condamne lui-même à la médiocrité.
Rédigé par : Laurent Dingli | 08 janvier 2010 à 20:19
@Savonarole | 08 janvier 2010 à 18:32
"Il y en a un qu'il ne faut pas mettre au Panthéon, c'est Jacques Lacan.
Quand on voit les ravages de ses blémitudes abstractives sur Catherine Jacob on mesure l'étendue du naufrage intellectuel français"
Je ne veux pas être rendue responsable d'une décision de ne pas mettre Lacan au Panthéon sur un air ou non de bandoléon !
Ceci dit, je suis bien désolée mais il existe une différence et non des moindres entre le démonstratif et l'article défini, et une différence qui peut faire tout le fond d'un mauvais procès ou d'une accusation erronée !
"Albert Camus c'était le contraire de ce narcissisme échevelé."
Albert Camus c'est le roman pas la grammaire !
Rédigé par : Catherine JACOB | 08 janvier 2010 à 20:10
Bonsoir M. Bilger,
Magnifique éloge d'Albert Camus, qui bien sûr figure depuis bien longtemps dans le panthéon de nos coeurs.
Qui n'a jamais lu Camus ? Je crois d'ailleurs que L'Etranger est le roman le plus lu en France.
Quant à savoir si ses cendres doivent être déposées au Panthéon, une fois n'est pas coutume, je me rangerai à l'avis de J.P. Ledun qui ne va pas en revenir.
Je trouve que l'on fait un bien mauvais procès à Nicolas Sarkozy en l'accusant de récupération politique. Son projet n'est pas si récent que cela et je ne crois sérieusement pas que le président de la République cherche à se servir d'Albert Camus pour redorer son image.
Mais Camus lui-même aurait-il souhaité cette panthéonisation ? On ne le saura jamais, mais il était très attaché à son village de Lourmarin où il avait sa maison et où il repose dans une sépulture très modeste au milieu du thym, du romarin et des mimosas.
Laissons sa fille décider de ce qu'il convient de faire, loin de toute polémique.
Rédigé par : Ludovic | 08 janvier 2010 à 19:51
Rédigé par: Clafoutis | 08 janvier 2010 à 12:05
Passer de Camus aux vaches folles, tout en se posant mille questions.
En voilà un clafoutis...
Rédigé par : Savonarole | 08 janvier 2010 à 19:11
Rédigé par Madame ou Monsieur Clafoutis le 08 janvier 2010 à 12:05
"Qu'aurait-il répondu à Valérie ? ..."
Desormais, Dieu seul le sait et vous n'en savez rien... pas plus que personne ici-bas.
N'invoquez pas ce Grand Ecrivain qui ne merite pas d'etre associe a votre "bave de crapeau".
"...autres excités sans âme ?..."
Ayez au moins le courage d'indiquer si vous etes un homme ou une femme, ce sera deja un minimum pour insulter autrui.
Je ne vous autorise en aucun cas a faire mention ne serait-ce que de mon seul prenom pour degrader ma personne.
Pour cracher votre venin, il y a toujours des forums que vous trouverez a votre niveau et sur lesquels vous pourrez deverser votre bile.
A bon entendeur, salut.
Rédigé par : Valerie | 08 janvier 2010 à 18:42
Il y en a un qu'il ne faut pas mettre au Panthéon, c'est Jacques Lacan.
Quand on voit les ravages de ses blémitudes abstractives sur Catherine Jacob on mesure l'étendue du naufrage intellectuel français :
"Monsieur l'avocat général, ne vous mettez pas vous aussi, tel un vulgaire taille-crayon au fond d'un greffe obscur effacé de la carte judiciaire, à confondre le démonstratif, tel ce 'cette' qui renvoie à la Justice telle que définie dans la phrase précédente, à savoir le terrorisme qui se justifie lui-même en tant que sanglant parce que juste, et l'article défini 'la' qui ne saurait dès lors se comprendre autrement que comme renvoyant à l'idée générale de Justice."
Albert Camus c'était le contraire de ce narcissisme échevelé.
A l'inverse de Jean-Baptiste Sartre (clin d'oeil à "l'Agité du Bocal"), qui à la fin de sa vie nous faisait tant rire à la terrasse de La Coupole, où il distribuait "La Cause du Peuple"...
Bûcher des vanités...
Rédigé par : Savonarole | 08 janvier 2010 à 18:32
@Laurent Dingli
"C'était en 1944, dans les colonnes de Combat"
Alors dites tout, allez-y déballez, on veut savoir...
Vous êtes un bon français, écrivant à la justice, vos insinuations deviennent fatigantes, allez au bout de vos pensées, vous quittez le blog à chaque fois sans avoir le courage de vos opinions. Vous pouvez me dire que Camus est un salaud, tant d'autres ne se sont pas gênés, c'est votre jugement, mais me dites pas qu'il est humain parce qu'il est un salaud.
Si vous comprenez pas, demandez à Catherine elle vous expliquera !
Rédigé par : yves bouant | 08 janvier 2010 à 18:22
Je viens de relire "La peste" et dernièrement "L'étranger", ouvrage dans lequel en son émouvant chapitre 4, il décrit avec justesse et humanité la vision du présumé coupable, pantin dépassé par la machine judiciaire, déjà détaché d'un destin qui va le conduire à l'échafaud. Le film de sa vie m'a passionné.
Qu'Albert Camus repose en paix à Lourmarin.
Il mérite notre respect.
Rédigé par : Jabiru | 08 janvier 2010 à 18:19
Tant que ce n'est pas d'en notre pantalon, il peut aller où bon lui semble, le bon Albert (mon second prénom) !
C'est vrai que la peste soit pour qui serait étranger à la chute qu'est toute vie, qu'elle soit celle Sisyphe ou de Caligula, commentaire pouvant se lire à l'envers et l'endroit par les justes sans le moindre malentendu.
Cheers Albert !
AO
Rédigé par : oursivi | 08 janvier 2010 à 16:25
Un splendide commentaire sur Albert Camus que je vais, sans vergogne, placer dans mes dossiers d'auteurs préférés.
Rédigé par : Michel PETROCCHI | 08 janvier 2010 à 15:12
Merci pour ces très belles lignes sur Albert Camus.
“L'insupportable, surtout, c'est un intellectuel qui s'est obstinément évertué à tenir les deux bouts de la chaîne, à ne pas choisir absurdement un camp contre l'autre ... [...] Il y a une volonté chez lui inébranlable et sans cesse respectée en dépit des tensions, de ne pas noyer l'éthique dans le flot du siècle et de ne pas justifier l'injustifiable qui consiste à sacrifier, délibérément et avec une idéologie allègre, l'humain.“
Vous synthétisez là tout ce que j'aime particulièrement chez lui, tout ce qui m'a donné le goût de le découvrir au-delà de Noces, de L'Etranger, de L'Homme révolté et de La Chute, et m'incite à régulièrement le relire et le relire encore.
Bien à vous.
Rédigé par : François Monney | 08 janvier 2010 à 14:54
On voit bien que vous projetez sur Camus ce qu'il avait mis dans son personnage Meursault : une honnêteté intellectuelle qu'on finit par lui reprocher.
A l'école on m'avait appris que Meursault était une sorte de Christ de la vérité qui se trouvait sacrifié en son nom. Mais plus tard en relisant L'Étranger, je me suis convaincu que Meursault était bien un monstre. Il lui manque une intelligence émotionnelle et ce goût de la vie. Il sent un peu la mort, comme ces gens qui se jettent sous un camion lancé au prétexte que le feu piéton est au vert.
Aussi, une remarque très anachronique mais que je me suis faite, adolescent, en lisant Camus : cet homme était visiblement solidaire avec les Algériens et sensible à leur culture. Pourtant, vivant là-bas, cet homme de culture n'a jamais ressenti le besoin ni l'envie d'apprendre l'arabe. Du moins de ce que je sais.
Un petit lien sympa :
http://vimeo.com/3925088
J'ai en CD (malheureusement laissé à Paris) ce chapitre et quelques autres enregistrés par l'auteur. Il y a en plus la scène de la plage, la visite de l'aumônier dans la cellule, l'épilogue.
Du fond de mon avenir... je vous salue tous.
Rédigé par : Alex paulista | 08 janvier 2010 à 13:34
"Sur son oeuvre, sur son génie, pas l'ombre d'une trace suspecte, pas la moindre apologie de crime, pas la plus petite incitation au meurtre, aucune comparaison bestiale pour humilier l'adversaire, seulement des mots, des arguments, de la morale, l'exigence d'honnêteté et de rigueur portée au plus haut."
Qu'aurait-il pensé de votre billet sur "Le crime à l'essai" ?
Qu'aurait-il pensé de certains commentaires qu'il a suscités ?
Qu'aurait-il répondu à Valérie, à Savonarole et autres excités sans âme ?
Pensez-vous qu'il aurait accepté que l'on "garantisse la sécurité de la multitude" au prix de l'enfermement définitif de quelques-uns ?
Aurait-il accepté que le principe de précaution appliqué aux vaches folles soit étendu à l'espèce humaine ?
L'éloge qui le submerge soudain me paraît relever de l'hypocrite hommage que le vice rend à la vertu.
Rédigé par : Clafoutis | 08 janvier 2010 à 12:05
"Albert Camus, parlant des attentats du FLN qui tuaient des innocents dans les tramways, soulignait que si sa mère en était victime, il préfèrerait sa mère à la justice."
Vérification faite, il s'agit de ceci qui est assez différent :
"Interrogé à Stockholm par un étudiant musulman originaire d'Algérie, sur le caractère juste de la lutte pour l'indépendance menée par le F.L.N. en dépit des attentats terroristes frappant les populations civiles, il répondit clairement : « Si j'avais à choisir entre cette justice et ma mère, je choisirais encore ma mère. » Cette phrase, souvent déformée, lui sera souvent reprochée."
Monsieur l'avocat général, ne vous mettez pas vous aussi, tel un vulgaire taille-crayon au fond d'un greffe obscur effacé de la carte judiciaire, à confondre le démonstratif, tel ce 'cette' qui renvoie à la Justice telle que définie dans la phrase précédente, à savoir le terrorisme qui se justifie lui-même en tant que sanglant parce que juste, et l'article défini 'la' qui ne saurait dès lors se comprendre autrement que comme renvoyant à l'idée générale de Justice.
Dès lors, non seulement "il est humain et viscéralement juste" de préférer les siens et dans le cas évoqué, notre mère, même quand elle s'est montrée elle-même injuste, à la Justice, mais il est authentiquement juste de la préférer au sacrifice sanglant qui s'autojustifie derrière un mot, justice, et vice et versa, car quel parent, en dehors de l'Ogre qui, tâtonnant dans le noir, ne reconnaît pas ses filles et les sacrifie à son appétit, préfère consciemment un concept au sort de sa chair et de son sang.
Ce qui ne veut pas dire que celui qui défend les siens, ne veut pas simultanément, non pas 'cette', mais 'la' Justice et dans cette schize ou ce clivage entre des aspirations contradictoires peut aussi être désignée la naissance de la tragédie, autrement dit encore, entre le don du sens (la justice) et le lien charnel avec ce avec quoi nous ne formeront jamais qu'un, la terre, le monde, les nôtres.
La mère infanticide ne reconnaît pas ses enfants pour les siens ainsi que pour des enfants, jusque dans le cas de Médée où la magicienne ne voit plus en eux que l'instrument de la vengeance d'une femme jalouse, elle-même déniée par la Cité. Cette Cité qui ne sacrifie ses fous que parce qu'elle ne leur reconnaît aucun droit à l'existence alors qu'ils ne sont souvent que la forme extrême de l'expression de sa vérité !
Rédigé par : Catherine JACOB | 08 janvier 2010 à 11:07
Belle série d'émissions sur le fort estimable disparu, en cette seconde même sur FCul (de Raph Enthoven), audible là :
http://sites.radiofrance.fr/chaines/france-culture/emissions/chemins/index.php
avec Realplayer.
AO
Rédigé par : oursivi | 08 janvier 2010 à 10:34
Non, mon cher Philippe, Albert Camus s'est parfois trompé, et c'est justement ce qui fait son humanité. Il s'est trompé lourdement, gravement, cruellement, en réclamant la tête d'un grand industriel que je connais bien et dont, pourtant, il ne savait rien. C'était en 1944, dans les colonnes de Combat. Chaque homme a ses ombres et ses lumières et cela n'enlève rien au caractère exceptionnel du personnage.
Rédigé par : Laurent Dingli | 08 janvier 2010 à 10:17
Sans usurper l'hommage que vous faites à la mémoire d'Albert Camus Monsieur Bilger, je dirais que l'auteur n'a pas eu de chance avec cette Facel-Vega. Marque que j'ai bien connue, disparue elle aussi dans les années 60. Tout les deux sont ainsi entrés au Panthéon de ma mémoire car il y avait de l'art aussi chez Facel- Vega. Malgré cette tragédie !
Rédigé par : J.A | 08 janvier 2010 à 10:03
Billet à lire à partir du haut, du bas, du milieu, mille entrées possibles dans ce qui se conclut sans se résumer par cette belle formule : "On ne mesure jamais assez, dans les antagonismes qui font date, le poids des humeurs personnelles et l'antipathie des instincts."
Je ne fais pas partie de ceux qui opposent Camus à Sartre. Les deux faces de l'humanité de "Huis clos" ou des "Justes" me paraissent pertinentes quoiqu'opposées. Autant le dire, j'aurais été plus jeune porté vers Sartre, vers l'outrance idéologique sans me soucier des conséquences meurtrières. Je ne comprends pas bien comment on en arrive à maintenir de telles positions intellectuelles passé un certain âge et si Sartre est coupable, c'est bien d'avoir apposé le sceau de son expérience à des folies d'adolescents.
A cette aune, Camus paraît tiède. Curieusement la fidélité constante à ses convictions, construites autour de ses intuitions et de sa raison, le conduit à transiger. Son Algérie ne sera ni coloniale ni indépendante. Et encore plus curieusement, ce compromis, loin d'être un marais informe, est transcendantal, le compromis sublime en dépassant largement les antagonismes, en leur substituant un humanisme messianique. En fait de tiédeur, il s'agit de réduire les excès et de porter la mesure humaine à incandescence.
J'assimile le destin intellectuel de Camus à celui d'Epicure : le monde préfère les bourdes d'Aristote aux évidences désespérantes d'Epicure.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 08 janvier 2010 à 09:52
Camus ne s'est jamais trompé : il a eu tort.
De ce fait, hélas, il a rendu service à la haine, la bêtise, etc.
Ah, quelle rigolade aujourd'hui de lire toutes ces louanges, alors que pendant des années, les mêmes ont passé leur temps à le dénigrer.
Camus est dans le cœur de ceux qui l'aiment, qui ont compris son message, qui n'est pas si éloigné de la parole de Jésus, et qui durant leurs vies se sont inspirés de son honnêteté intellectuelle pour que de la tête au cœur la ligne soit toujours droite.
"Ni cet excès d'honneur, ni cette indignité" ne reflètent Camus.
Il était un juste, il a tout fait pour ne pas être étranger.
Rédigé par : yves bouant | 08 janvier 2010 à 09:17
Moi je préfère attendre les églogues éthérées de Catherine Jacob avant de me prononcer sur Albert Camus.
Rédigé par : Savonarole | 08 janvier 2010 à 09:13
"… J’ai toujours eu horreur de la condamnation à mort et j’ai jugé qu’en tant qu’individu du moins je ne pouvais y participer, même par abstention. C’est tout. [...] Vous dites qu’il entre du hasard dans les opinions politiques et je n’en sais rien. Mais je sais qu’il n’y a pas de hasard à choisir ce qui vous déshonore [...] "
(Albert Camus expliquant son opposition à l'exécution de Robert Brasillach)
Ce que j'aime profondément chez A. Camus est l'entière fidélité à soi que vous évoquez.
Savoir ne s'en remettre, tout compte fait, qu'à son très intime conviction, au très fragile point d'équilibre qui structure la vérité d'un homme ou d'une femme.
Malgré soi et les autres, malgré les temps qu'il fait.
Cette discipline - strictement entre moi et moi qu'en est-il ? - est le fondement même, à mes yeux, de la morale humaniste.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 08 janvier 2010 à 07:55
«C'est un grand tort que d'avoir toujours raison.» (Turgot)
Rédigé par : Franck Boizard | 08 janvier 2010 à 06:54
J'ai bien aimé les deux soirées que France 2 et France 5 ont consacrées, hier et aujourd'hui, á ce « silencieux ».
Je ne savais pas sa passion pour le théâtre, par exemple.
Onfray, ce soir m'a surpris en se disant d'accord avec l'idée d'un transfert au Panthéon.
Je n'aime pas trop l'idée car sa fille se rend apparemment souvent sur la tombe de son père pour lui "parler".
Qu'est-ce qu'elle dira alors á une sépulture vide ?
Rédigé par : jpledun | 08 janvier 2010 à 00:27
"Aucune œuvre de génie n'a jamais été fondée sur la haine et le mépris. C'est pourquoi l'artiste, au terme de son cheminement, absout au lieu de condamner. Il n'est pas juge, mais justificateur. Il est l'avocat perpétuel de la créature vivante, parce qu'elle est vivante. Il plaide vraiment pour l'amour du prochain, non pour cet amour du lointain qui dégrade l'humanisme contemporain en catéchisme de tribunal."
Discours de Suède.
Camus fait mention ici de l'artiste, pas de l'homme. Chez lui les deux se rejoignaient autant que faire se peut. Ceci explique sans doute cela.
J'ai songé aujourd'hui qu'il y avait, à sa manière, du Camus en Philippe Seguin.
Bien à vous.
A eux.
Rédigé par : MS | 07 janvier 2010 à 20:49