Il y a quelque chose dans l'atmosphère judiciaire de ces derniers temps qui n'est pas sans rappeler la très belle dernière réplique d'Electre de Jean Giraudoux à la suite d'une question que je résume ainsi : comment cela s'appelle-t-il quand tout est détruit et que pourtant il y a de l'espoir ? La réponse célèbre révèle que "cela s'appelle l'aurore".
En effet, une fois atténuée la polémique sur les gardes à vue entre le ministère de la Justice, les avocats et les policiers - il n'y a pas de raison qu'un compromis raisonnable ne soit pas trouvé si le barreau quitte un jusqu'au boutisme qui lui fait dénoncer un enfer prétendu, en tout cas exagéré, pour mieux s'imposer (Le Figaro) -, on continue, en dépit de la volonté de l'Etat de gouverner l'esprit judiciaire, à réfléchir sur l'indépendance du Parquet, à proposer des solutions et à donner libre cours à une effervescence intellectuelle qui est rassurante pour notre institution. Ce qui est nouveau, c'est que ce débat intense n'est plus seulement le fait de la base et des syndicats (nouvelobs.com) mais qu'il est abordé, certes avec prudence, par la plus haute hiérarchie. Je ne fais pas allusion au minuscule mouvement d'indépendance du premier président Vincent Lamanda changeant les plans prévus pour la présidence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation mais essentiellement au discours du procureur général Jean-Louis Nadal qui, devant le Premier ministre François Fillon, a clairement souhaité une réforme du Parquet (Le Monde). Ce thème lui a toujours été cher mais en cette période, après le rapport du comité Léger et lors de cette séance solennelle, ses préoccupations prenaient un relief tout particulier. D'autant plus que la position officielle continue de s'arc-bouter sur le caractère intangible du statut du Parquet comme si le toucher si peu que ce soit revenait à mettre en péril l'équilibre de la justice pénale tout entière. La contradiction risque de devenir insurmontable entre la procédure prévue confiant au Parquet un rôle décisif et le statut actuel de celui-ci fragilisant l'adhésion à la réforme projetée.
C'est sur ce dernier point fondamental que je voudrais attirer l'attention de ceux qui, à la fois, exigent que l'indépendance du Parquet soit garantie et maintenue pour ses membres la qualité de magistrat (avec les conditions, les protections et l'autonomie qui s'y rattachent) et soutiennent la nécessité de diviser le corps judiciaire en deux entités distinctes l'une de l'autre. Il me semble que cette demande est contradictoire et que l'alternative mérite d'être éclaircie.
Pour peu que le Parquet demeure dans son statut actuel, constituant avec le Siège un pouvoir à deux têtes, il rendra impossible à la longue une véritable et authentique émancipation du futur juge de l'enquête des libertés (le JEL). Même si les magistrats du Parquet, dans la gestion des affaires "sensibles", disposent d'une liberté réduite et entravée, dans leur exercice quotidien qui concerne le commun et la multitude des dossiers ils représentent une force qui, par son lien structurel avec les juges, ne va jamais cesser de peser sur ces derniers. Dans un même univers, le Parquet va à l'évidence, au moins au fil du temps, accentuer son emprise sur le Siège et faire abandonner à celui-ci la fraîcheur d'indépendance des premiers moments. L'authenticité va se dégrader en mécanique et je ne donne pas beaucoup de temps au JEL, avec un corps judiciaire restant unique, pour remplacer sa liberté par des habitudes et son enthousiasme initial - on va voir ce qu'on va voir ! - par une connivence paresseuse. C'est ce qui ne manquera pas de se produire même si on amplifie les compétences du JEL au point de le déguiser quasiment en juge d'instruction. Ce qui permet l'indépendance d'un juge, c'est, un peu, sa force de caractère mais ce n'est jamais la définition positive qu'on accole par principe à une fonction. C'est surtout la mise en place d'une structure qui, en quelque sorte naturellement, créera de la distance entre Siège et Parquet et autorisera enfin le premier à se camper sans arrogance ni peur en face du second pour la plus grande satisfaction des avocats. La grande leçon d'Outreau, outre l'indivisibilité de l'humanité et de la technique, est l'émergence obligatoire d'une "pensée unique" quand les magistrats sont fondus, qu'ils accusent ou qu'ils décident, dans un même courant homogène et dévastateur. Il est inconcevable de croire à des modalités techniques qui empêcheraient la domination du Parquet d'atteindre en plein coeur la liberté du Siège. Il faut les contraindre à faire Justice à part.
Mais, qu'on ne s'y trompe pas, la coupure du corps en deux unités indépendantes l'une de l'autre, que je crois nécessaire comme mon cher ami Jean-Yves Le Borgne, le premier vice-bâtonnier de Paris, aura pour conséquence négative de reléguer aux oubliettes le problème de l'indépendance du Parquet puisque dans ce système celui-ci serait fonctionnarisé, soumis par exemple à l'autorité du ministre de l'Intérieur. L'autonomie de ses membres, avec ce lien hiérarchique, ne résulterait que de la capacité personnelle à sauver son âme au sein d'injonctions plus ou moins pertinentes. Au fond, serait-ce si différent des pratiques actuelles si on veut bien sortir du mythe du magistrat et regarder les réalités politiques de certaines affaires en face ? Si le Parquet devient perdant, en revanche, et c'est le plus important, le clivage instauré conduira le Siège, forcément désenglué d'une emprise hier irrésistible, à mettre enfin de l'authenticité et de la vérité dans ses pratiques d'indépendance longtemps formelles. De la même manière que la puissance du Parquet consubstantiellement lié au Siège rend difficile, voire impossible sur le long terme la liberté concrète de ce dernier, de la même manière la relégation des procureurs dans un statut de fonctionnaires distinct de la condition des magistrats du Siège autorisera enfin la plénitude de réflexion et d'action de ceux-ci. Pour qu'une force existe, il convient sinon de susciter une faiblesse, au moins de ne pas faciliter l'instauration d'un contre-pouvoir trop présent. Des juges radicalement déconnectés de la voix du Pouvoir, dans un autre monde et soucieux seulement de dire le vrai, d'arbitrer lucidement et d'évaluer honnêtement les preuves. Alors, dans ces conditions, le JEL aurait du sens parce que dans ce nouveau système il aurait droit à l'existence et disposerait des moyens pour démontrer son utilité et sa légitimité.
Au risque de choquer, s'il convient de favoriser pour la Justice une part plutôt que l'autre, il me semble que l'acte de juger devrait susciter plus de vigilance pour sa sauvegarde et son intégrité que l'acte de requérir qui n'est après tout qu'une proposition. Si pour avoir une magistrature véritablement indépendante il est nécessaire de briser en deux le monde judiciaire et de banaliser le Parquet, pourquoi pas ? Cela ne me gênerait pas d'être qualifié, par mon statut, de fonctionnaire si j'augmentais par là même la dignité et l'indépendance du juge.
La démocratie reconnaîtra les siens.
Célébrons une nouvelle victoire de la justice indépendante, malgré le réquisitoire accablant de Jean-Claude Marin, les juges correctionnels de Paris viennent de relaxer Dominique de Villepin dans l'affaire Clearstream.
Grand seigneur, Nicolas Sarkozy, partie civile au procès, fait savoir qu'il ne fera pas appel de cette décision. Il faudrait tout de même rappeler à cet ancien avocat, qui ignorait déjà la présomption d'innocence, confondant prévenus et coupables, que les parties civiles n'ont pas le droit de faire appel. Encore une maladresse de plus.
Le parquet va-t-il interjeter appel à sa place ? Nous verrons bien au cours des dix jours à venir, ce serait en tout cas une grande maladresse et il serait difficile d'y voir autre chose qu'une soumission du procureur de Paris à l'exécutif.
En attendant, félicitons Dominique de Villepin désormais innocenté, et souhaitons un bon anniversaire au Président de la République.
Rédigé par : Ludovic | 28 janvier 2010 à 17:01
Pour vos lecteurs, je mentionne la concision d'Eolas traduisant l'intervention de M. Nadal.
Pour être fidèle au billet d'Eolas, je souligne le fait que le bout de phrase :
"qui reprend servilement la pensée présidentielle"
est lisiblement raturée.
Je mets des parenthèses pour reproduire un peu l'effet.
"Admirez l’habileté consistant à dire “je suis d’accord avec le rapport léger qui (reprend servilement la pensée présidentielle) va dans la bonne direction ; mais le fait est qu’il dit n’importe quoi”." (Eolas)
J'adore M. Nadal au bord de dire, en réalité disant :
"Le fait est qu'il (le rapport Léger) dit n'importe quoi."
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 23 janvier 2010 à 06:28
@[email protected]àpb | 22 janvier 2010 à 11:39
"Bon, cela ira pour cette fois, CJ et AO laissent tomber leurs plinthes, et paradoxe franco allemand,"
?????
"le parquet n'en saura rien."
Forcément, de marbre étant, de marbre elles restent... les plinthes !
Rédigé par : Catherine [email protected]@CJaponàpb | 22 janvier 2010 à 18:07
Rédigé par: Savonarole | 22 janvier 2010 à 13:09
A ma connaissance c'est "Moshi Moshi", sauf Henri qui fait poétiquement "Michaud Michaud" quand il appelle sa nièce et copine du Guignol cosignataire de notre hôte*.
AO
* qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours qui a téléphoné au facteur
Rédigé par : [email protected] | 22 janvier 2010 à 16:21
@Savonarole | 22 janvier 2010 à 13:09
"Toutes ces japonaiseries me font penser à la scène de "Baisers volés" de François Truffaut :
- "Comment dit-on "allo ?" en japonais ?
- "Mushi-mushi !"
- Mais alors, comment dit-on, "Allo ! Allo !"
- " Mushi, mushi, mushi, mushi !"..."
Je me l'étais économisée celle-là, mais il fallut que vous nous gratifiiez de cette chanson d'automne dans la maison qui frissonne...
Ceci dit, c'est pas "Mushi, mushi", mais "Moshi, moshi". Mô si, Mô si...!
Rédigé par : Catherine JACOB | 22 janvier 2010 à 14:03
(Pour les cinéphiles exclusivement)
A l'époque de la sortie de "Baisers volés", le Canard Enchaîné avait porté le film au nues :
"Allez voir ce film, vous ne serez ni baisés, ni volés !"...
Rédigé par : Savonarole | 22 janvier 2010 à 13:14
Toutes ces japonaiseries me font penser à la scène de "Baisers volés" de François Truffaut :
- "Comment dit-on "allo ?" en japonais ?
- "Mushi-mushi !"
- Mais alors, comment dit-on, "Allo ! Allo !"
- " Mushi, mushi, mushi, mushi !"...
Rédigé par : Savonarole | 22 janvier 2010 à 13:09
Rédigé par: Catherine [email protected] | 21 janvier 2010 à 20:26
Joli.
PB, n'avez pas honte de jouer du ciseau avec vos grosses mains pleines de doigts ?
Bon, cela ira pour cette fois, CJ et AO laissent tomber leurs plinthes, et paradoxe franco allemand, le parquet n'en saura rien.
AO
Rédigé par : [email protected]àpb | 22 janvier 2010 à 11:39
@[email protected] | 21 janvier 2010 à 14:26
"Ce n'est pas parce que Catherine rime avec Cuisine qu'il faut vous montrer solidaire de cette dame domestiquée au point de ne plus vous autoriser une de ces longues sorties dont avez le secret, de celles qui nous réjouissent, paradoxe allemand, ou plutôt alsacien."
Après C dans l’air, et C politique, C Japon.
Hum ! je suis pourtant loin d’avoir la carrure depar_divine des deux premiers.
Pour dire la vérité, je vous avais longuement répliqué, mais notre hôte a pensé qu’il valait mieux vous faire bénéficier de ladite réplique dans un mail personnel. A quoi j’ai répondu qu’il pouvait en effet vous transmettre directement le texte de mon post dont la teneur excédait le champ thématique du billet. Entretemps toutefois ledit texte avait été détruit et comme, pour ma part, je n’avais pas jugé utile de conserver mon impérissable prose, l’affaire en est restée là.
Ceci étant, je trouve que ce n’est pas très gentil de vous permettre de me provoquer en publiant que Catherine rime avec Cuisine.
Par ailleurs c’est faux, puisque « ine » ne constitue pas une rime mais seulement « sine » ou encore « rine ».
En tant qu’onomatopée japonaise, « Rine, Rine » équivaut à notre « Dring Dring » et là aussi, on ne se rapproche toujours pas de la cuisine et pas même du bar des « Drink, Drink », vu que soit C dans la poche, soit ça reste dans l’entrée.
Quant à « Sine, Sine », le japonais utilise cette onomatopée (sous forme « Jin, Jin » en fait qui nous ramène d’une certaine manière à « Drink Drink » depuis le très tonique français « Gin »), pour exprimer le fourmillement que l’on ressent quand on se relève après être resté longtemps assis en position de Zazen et que la circulation sanguine se rétablit normalement dans les jambes.
Donc, on va en rester là, je pense, vu que Bécassine n’est pas ma cuisine.
Rédigé par : Catherine [email protected] | 21 janvier 2010 à 20:26
Rédigé par: Catherine [email protected] | 18 janvier 2010 à 18:25
Ce n'est pas parce que Catherine rime avec Cuisine qu'il faut vous montrer solidaire de cette dame domestiquée au point de ne plus vous autoriser une de ces longues sorties dont avez le secret, de celles qui nous réjouissent, paradoxe allemand, ou plutôt alsacien.
AO
Rédigé par : [email protected] | 21 janvier 2010 à 14:26
Rédigé par: Catherine [email protected] | 18 janvier 2010 à 18:25
C'est un peu court, pour une fois.
Comme dirait Elkabbach chez les Guignols, "Ozu, Ozu !".
Ah, bon, il a pas dit cela ?
"Osons, osons", encore du cinéma loin des voleurs de patates.
AO
Rédigé par : [email protected] | 18 janvier 2010 à 20:43
A tous ces Jacobins :
pas touche à la grande Catherine, sa prose est à mille lieues de notre condition, destinée à Philippe et à lui seul.
Alors, aigris et persifleurs, oser venir égratigner notre grande Catherine jusqu'en "un parquet glissant", souffrez, messieurs que je ne sois pas des vôtres !
Rédigé par : yves bouant | 18 janvier 2010 à 18:58
@[email protected] | 17 janvier 2010 à 21:09
"Qu'en serait-il maintenant ? AHO"
Hors sujet.
Rédigé par : Catherine [email protected] | 18 janvier 2010 à 18:25
Catherine Jacob
"Merci cependant pour l'effort de vous y être attelé."
Vous êtes casse-pied et délicieuse...
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 17 janvier 2010 à 21:16
Rédigé par: Catherine JACOB | 17 janvier 2010 à 08:35
Vous qui êtes si fidèle nipponophile, pourriez-vous me dire si la situation de la femme y a évolué ?
Je ne suis jamais allé au Japon. La dernière fois que n'en fus très loin, en Corée, je n'eus le courage d'aller me risquer par là, ayant déjà été assez rincé par ce sentiment d'absolue altérité qu'y avais ressenti, peu de Coréens parlant anglais, peu s'intéressant à ce qui se passe qui ne relève directement de leur sensible.
Le Japon, pourtant à une petite heure d'avion, m'apparut encore plus hérissé de cette indifférence polie, si usante, passé quelques jours. Y avais pensé, comme en rêve, puis la fatigue née de ce premier périple professionnel m'a réveillé et suis reparti vers Charles de Gaulle, comme soulagé ; assez petitement.
Il y a vingt-cinq ans, et même désormais un peu plus, j'avais accompagné mon père chez un de ses collègues de l'Ecole militaire, le Mr était traducteur de ces langues si ardues, il était marié à une Japonaise qui avait un important poste chez Sony France, et le soir où nous sommes passés dans leur appartement du XVème, sa belle-mère était à Paris, nous l'aperçûmes dans l'entrée de la cuisine, dans une attitude de dévouement confinant à la servilité la plus embarrassante. Elle n'avait visiblement de par le suivi spontané de ses propres interdits, pas le droit de venir vous rejoindre au salon.
Cela m'avait surpris, choqué. Ma curiosité en fut largement déçue, aussi.
Qu'en serait-il maintenant ?
AO
Rédigé par : [email protected] | 17 janvier 2010 à 21:09
@Achille57 | 17 janvier 2010 à 08:11
"Le problème avec les commentaires de Catherine Jacob, c’est qu’ils sont tellement longs et alambiqués que quand on est arrivé au bout de sa prose on ne sait plus vraiment ce qu’elle a voulu dire...."
Merci cependant pour l'effort de vous y être attelé.
Rédigé par : Catherine [email protected] | 17 janvier 2010 à 19:29
Bonjour cher procureur
J'ai apprécié votre billet et votre franche volonté de réflexion sur l'indépendance, etc. Ceci étant, il me semble que le problème se pose autrement.
Et pour commencer, je crains que la querelle à propos des GAV dépasse un peu les taquineries entre magistrature, syndicats policiers et avocats. Il s'agit de savoir si le droit français est, oui ou non, soumis aux orientations de la Cour européenne ou pas. Les droits défendus par cette cour sont plus d'essence anglo-saxonne que latine, c'est vrai, mais c'est un fait que la France reste signataire. Donc, soit on applique, soit on se retire... et l'on va créer une cour de justice extra européenne avec l'Algérie ou le Zimbabwe, par exemple !!!
(Le Zimbabwee devrait plaire au président Chirac)
Ce qui amènerait ma deuxième réflexion, peut-être simpliste : la magistrature est là pour appliquer des lois démocratiquement adoptées par une assemblée élue au suffrage universel. Comme tous les fonctionnaires, un magistrat est donc au service du peuple qui l'entretient, au même titre qu'un honorable postier ou qu'un énarque quelconque. La seule question que vous avez donc à vous poser est de savoir comment, au mieux, faire votre job dans un cadre qui ne vous appartient pas vraiment.
Je pense, en revanche, que les conditions actuelles de cet exercice sont déplorables et qu'il faut au moins doubler au plus vite le budget de la justice.
Concernant la disparition du juge d'instruction, je la saluerais volontiers si les conditions de saisine de la justice par constitution de partie civile auprès du Doyen restaient préservées.
Cordialement
Rédigé par : david | 17 janvier 2010 à 18:16
Je m’en voudrais d’ajouter un avis long et fastidieux. Aussi serai-je assez bref.
Tout d’abord merci à PhB pour la qualité de son exposé qui a suscité des réactions de très grande qualité, tout particulièrement celles de Marc Fievet et de Jean-Nicolas G.
Pour ma part, j’aurais exprimé le même avis que Jean-Nicolas G que je ne saurais paraphraser mais que je voudrais simplement compléter.
Catherine Jacob a cité d’excellentes références et elle écrit : « le statut du ministère public semble remis en cause par une décision de la Cour européenne des droits de l’Homme qui, contre toute la jurisprudence du Conseil constitutionnel, veut dénier au procureur de la République la qualité d’autorité judiciaire au sens de l’article 5 de la Convention ».
Il me semble que la suppression du juge d’instruction ne saurait se concevoir sans y substituer une organisation et un fonctionnement à même de garantir l’indépendance du Parquet. De fait, et sauf erreur de ma part, le juge d’instruction n’a procéduralement pas le droit d’auto-saisine et ne peut qu’agir que sur saisine du Parquet. Il n’est donc pas exact de dire que le futur système, du moins tel qu’il semble envisagé, modifierait profondément ce qui existe. En revanche, les prétentions de Madame Dati qui voulait en quelque sorte mettre les magistrats du Parquet au garde-à-vous sont des menaces que l’évolution de notre système politico-médiatique ne peut qu’accentuer.
Il me paraît donc nécessaire que, au sens de l’arrêt de la C.E.D.H., le Parquet reste parfaitement intégré à « l’autorité judiciaire » dont il fait intégralement partie et donc ne soit aucunement soumis à l’exercice direct de l’autorité de l’exécutif, en l’espèce le garde des Sceaux. Ce lien hiérarchique doit donc à mon sens être totalement supprimé pour assurer l’indépendance de ses magistrats, laquelle indépendance me semble, pour l’exercice d’une bonne justice, devoir s’imposer également vis-à-vis des magistrats du Siège.
Comme le dit Jean-Nicolas G, l’indépendance est avant tout une attitude d’esprit qui est faite de soumission aux principes et non d’asservissement aux exigences de ses chefs lorsqu’elles contreviennent auxdits principes, et ce au risque d’en subir quelques conséquences sur l’évolution de sa carrière. En un mot, cela s’appelle le sens de l’honneur.
Enfin, indépendance n’étant pas irresponsabilité, il reste à définir les conditions du contrôle (statutaires et organisationnelles) de la responsabilité des magistrats, ce qui est d’une tout autre dimension. Mais ce point conditionne la crédibilité de l’institution judiciaire tant auprès des autres institutions que des justiciables.
Rédigé par : Robert | 17 janvier 2010 à 16:51
@PB
"L'autonomie de ses membres, avec ce lien hiérarchique, ne résulterait que de la capacité personnelle à sauver son âme au sein d'injonctions plus ou moins pertinentes. Au fond, serait-ce si différent des pratiques actuelles si on veut bien sortir du mythe du magistrat et regarder les réalités politiques de certaines affaires en face ?"
Ho... cher ami... que nous dites-vous là ?
Il existerait donc des pratiques actuelles qui feraient que des personnalités ne pourraient pas résister aux injonctions venant "d'en haut" qu'avec leur seule capacité personnelle ?
Mais comme vous l'avez dit plus haut, actuellement cette résistance, à l'instar de la liberté est remplacée par une connivence paresseuse... Je m'inquiète pour l'esprit et l'avenir de notre belle et prometteuse réforme judiciaire.
Le maillon le plus faible de la justice c'est l'homme dans toute sa nature qui le pousse à devenir si souvent justiciable !
Cordialement
Pierre-Antoine
Rédigé par : Pierre-Antoine | 17 janvier 2010 à 15:24
En « réponse – commentaire » à :
• Quant aux nominations à la Chancellerie!
• A lire "Un Parquet glissant" par Philippe Bilger
Je ne connais rien ou à peu près rien au monde de la magistrature et c’est pourquoi je souhaite dire, avec mes tripes, mes émotions, mes tristesses et surtout avec les mots, que :
• sans justice indépendante, il n’y a plus de Liberté, puisque cette dernière n’est possible que dans la mesure où il y a des lois justes pour régir ces dites Libertés entre les participants à la vie de la Cité (ce qui est par ailleurs la définition de la politique)
• sans justice indépendante, il n’y a plus d’Egalité (demandez déjà aux « Pupilles de la Nation » leur combat, justement pour cette valeur, entre autres, pour laquelle leurs parents se sont sacrifiés et on sacrifié leur progéniture)
•
La suite sur
http://www.marcfievet.com/article-a-lire-un-parquet-glissant-par-philippe-bilger-43089404.html (les commentaires)
Kelly-Eric Guillon
« sous-Pupille de la Nation de 4éme Catégorie de 39/45 », par décrets, depuis 2000 et 2004
Rédigé par : guillon | 17 janvier 2010 à 13:09
Ouh, Philippe Bilger apparaît en page politique de Yahoo Actualité avec son entretien du Monde (L'entretien du Monde).
Le web ne connaît pas le devoir de réserve ! Z'êtes foutu mon gaillard ! Quoique, quoique...
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 17 janvier 2010 à 12:43
Les nominations à la Chancellerie…
Un peu d’histoire !
Être magistrat aujourd’hui ne servirait-il qu’à se différencier du commun des mortels en participant à l’instauration d’un ordre quasi religieux dont ont déjà été copiés tous les attributs et non pas à apporter la compétence humaine et le bon sens qui manquent tant dans la gestion de la société actuelle ?
Le bon sens ? Il n’est même plus à l’Ecole nationale de la magistrature où, pour mémoire, le premier avril 2004, fêté comme il se doit, par des étudiants magistrats demandeurs d’air non vicié, et alors qu’en cette journée propice, le canular ne pouvait qu’être reconnu, Gilbert Azibert, l’alors directeur de cet établissement scolaire crût bon de porter plainte pour divulgation d’informations erronées, usurpation d’identité, intrusion j’en passe et des meilleures !
C’est vrai, cette année-là, un maître de conférences avait osé écrire que le bien-aimé Gilbert Azibert allait quitter l’ENM suite à sa nomination par la Chancellerie à de nouvelles responsabilités. Un pot de l’amitié était même suggéré dans ce message. Des Maîtres de conférences reconnaissaient d’ailleurs que : « Ici, l’ambiance est si lourde qu’on rit de peu...Et puis cela correspondait tellement à nos vœux. »(Le Monde du 8 avril 2004)
Jamais nous ne saurons si c’était le départ de Gilbert ou le pot de l’amitié qui était souhaité.
Du coup, la PJ débarqua au service informatique de l’ENM ayant souffert une soit-disant attaque de pirates en herbe ayant surtout envie de, de, de seulement rire un peu.
Rire, encore un mot qui a dû, doit et devra être rayé du lexique du magistrat formaté. Ah non, on ne dit pas formaté, on dit cadré, puisque ce même Gilbert Azibert avait organisé un « amphi de cadrage » pour préparer l’école à la visite du ministre de l’Intérieur de l’époque Nicolas Sarkozy.
A force de vivre parmi les tabanidés, du latin tabanus que Pline, le naturaliste avait répertoriés donnant ainsi son nom au taon, entrant dans la catégorie des diptères de la famille des mécoptéroïdes de la sous-classe des ptérygotes eux-mêmes sous-classes des insectes, qui ne sont, comme tout le monde le sait que des mandibulates. Une vraie fonction publique dans sa diversité, ces insectes! Donc par mimétisme et en contact permanent osmotique, nos futurs censeurs, vrais nouveaux magistrats curules, deviennent des tabanidés par mutation régressive ou mutationnisme. Tu ne riras point tel était le onzième commandement de Gilbert Azibert, qui sachant que le rire agit sur les mandibules se devaient de limiter la casse dés le départ. Sacré Gilbert, il pensait vraiment à tout.
Un vrai chef !
Décidément nos techno dirigeants n’ont plus le sens de l’humour. C’est un constat supplémentaire qu’ils ont perdu les valeurs essentielles.
A quand le bûcher pour ces joyeux séminaristes impies ?
Je pense qu’on devrait suggérer qu’ils soient astreints également à l’abstinence sexuelle et alimentaire durant toute la période qui n’est pas le carême ou le ramadan. Et puis, aussi, allez, laissons-nous aller: « Que le célibat devienne une obligation ! » Être magistrat, ça se mérite !
La galerie de portraits exposés permettant d’admirer ces admirables trognes archiboldiennes et patibulaires d’ensoutanés irascibles ne provoquant pas la nausée, pourquoi ne pas imposer une prière aux visiteurs de cette galerie : « Au nom de tous les tartuffes de la planète, qu’ils règnent absolument et pour les siècles des siècles... » À prononcer avant de déposer une offrande et d’allumer un cierge qui ne devra donc plus jamais permettre d’agrémenter des plaisirs solitaires qui seront également prohibés !
Et surtout, fasse que le couvercle soit bien maintenu sur la marmite bouillonnante de la société. Telles sont les tâches qu’ils remplissent et quand certains nous la jouent avec une morale rétrograde autant qu’inopportune, qu’ils sachent qu’ils ne permettront qu’accélérer le processus de désintégration du système par la morale, mise en avant, faite d’absolutisme dallozien ringard, stupide et au bons sens totalement absent.
Le peuple, lui n’a qu’à se taire et attendre d’être tondu ! C’est la règle depuis des millénaires ! Et pourtant, c’est le contraire qui est promis depuis les mêmes millénaires et vu l’incapacité de ceux qui se disent décideurs ou leaders pour changer ce monde et le faire évoluer, on a connu, on connaît et on connaîtra encore des révolutionnaires, des anarchistes, des progressistes radicaux, des extrémistes et, à chaque fois, le pouvoir établi, surtout depuis ces dernières années, les nomma, les a nommés, les nomme et les nommera terroristes pour rendre consensuel une lutte contre ces soldats perdus qui ne font que répliquer le modèle donné par les dirigeants en place. Qu’un G.W. Bush ait pu commettre l’agression caractérisée sur l’Irak, n’est que la démonstration de la raison du plus fort, si chère aux terroristes. La lutte contre toutes les formes de terrorisme n’est que naturelle et humaine alors qu’elle devient dans les mains de nos dirigeants, un élément supplémentaire de contrôle et d’asservissement. Il ne faut jamais qu’un terrorisme en cache un autre autrement plus pervers et performant qu’est le terrorisme social. La lutte contre le terrorisme passe d’abord par une remise en cause des valeurs actuelles qui s’imposent aux peuples en s’interrogeant déjà sur le fait que les causes justes sont trop souvent impopulaires et que les défenseurs de ces causes reconnues comme justes sont toujours éliminés par l’institution qui devrait normalement les soutenir et faciliter l’émergence et la réussite des thèses réformatrices, humaines, sociales, égalitaires qu’ils défendent. La lutte contre le terrorisme passe aussi par une révision profonde de notre comportement vis-à-vis de tous les peuples qui n’ayant pas eu le développement encadré de l’ « American Way of life » sont considérés comme sous-développés ou en voie de développement, alors qu’ils ont eu un autre développement avec des valeurs qui bien souvent nous font tellement défaut, à nous les soi-disant civilisés. Non, ces peuples n’ont rien à nous envier et chaque jour la preuve nous est apportée par l’auto désertification des espèces que nous avons réussi du fait de notre seule inconscience, bêtise, suffisance et les convois de certitudes toutes plus dévastatrices que les autres.
Alors qu’aujourd’hui Philippe Bilger nous déclare : « Le monde de la très haute hiérarchie - celle qui inspire confiance au pouvoir - est tristement petit. Des magistrats sont placés sur des rails à la suite de réseaux, de connivences et de soutiens politiques et ils avancent sans être dérangés par d'éventuels trublions. » (Le Monde du 16/01/2010), comment ne pas s’inquiéter que cette institution qui devrait être le dernier rempart contre la corruption intellectuelle et morale, ne soit devenue une énième usine à gaz toujours disposée à satisfaire le pouvoir établi… grâce à une haute hiérarchie sélectionnée sur les seuls critères d’une soumission absolue, silencieuse et dévouée.
Comment le Peuple peut-il encore avoir confiance en une « justice-politique » ?
La justice se devait être au service du Peuple et non d’une caste.
Art 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».
Nous sommes donc en situation d’anarchie et qui veut prendre le Pouvoir y est autorisé !
Au secours Philippe!
Rédigé par : Marc Fievet | 17 janvier 2010 à 09:49
@ oursivi | 16 janvier 2010 à 20:54
"PB, bravo pour votre billet dans Le Monde !
Clair, courageux, bien tourné, du PB dans le texte."
Le Monde d'aujourd'hui n'est pas encore en ligne, mais celui des 3 et 4 janvier si, où se trouve traité l'Art comme Promesse par un PB dont on jurerait qu'il parlait japonais dans une vie antérieure, style "Bright Star_wo tanoshimi_ni shite_imasu."
Rédigé par : Catherine JACOB | 17 janvier 2010 à 08:35
Bonjour monsieur Bilger, bonjour à tous,
Le problème avec les commentaires de Catherine Jacob, c’est qu’ils sont tellement longs et alambiqués que quand on est arrivé au bout de sa prose on ne sait plus vraiment ce qu’elle a voulu dire....
Rédigé par : Achille57 | 17 janvier 2010 à 08:11
"Cela ne me gênerait pas d'être qualifié, par mon statut, de fonctionnaire si j'augmentais par là même la dignité et l'indépendance du juge."
Honnêtement, Philippe, je pense que si le Parquet devait être fonctionnarisé il serait impossible pour vous de devenir un avocat général missionné pour ne défendre à l'audience que la position et les intérêts de l'exécutif.
Par ailleurs, concernant la réforme souhaitée par Nicolas Sarkozy, je ne comprendrai jamais comment on peut à la fois s'appuyer sur l'affaire d'Outreau pour vouloir réformer la procédure pénale, et passer commande au comité Léger de reproduire avec la création du JEL les mêmes vices que ceux attachés au JLD.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 17 janvier 2010 à 07:27
M. Philippe Bilger,
Tout d'abord je vous adresse mes voeux de santé et de quiétude familiale.
J'ai, maintes fois, admiré votre talent oratoire, vos réquisitions lors de votre carrière professionnelle et vous avez bien défendu le droit de la société (pour et contre selon les cas) à chaque fois...
La pertinence de vos articles sur votre "blog" me montre que vous combattez toujours vaillamment les mêmes droits pour une vraie justice indépendante dans l'intérêt de tous les citoyens selon les prises de positions, réflexions que vous abordez.
J'ai un plaisir intellectuel de vous lire et cela me permet de mieux comprendre notre "évolution" sociétale...
Je vous adresse un grand remerciement pour contribuer à mon enrichissement critique.
Recevez, Monsieur, mes sincères salutations.
Rédigé par : trch92 | 17 janvier 2010 à 04:28
Cher Philippe,
Je ne sais vous dire s'il s'agit d'aurore, d'aube ou de petite mort...
Personne ne peut tout avoir de la justice.
"Si j'ai la justice, j'ai tout".
La petite mort est douloureuse pour le mordu de droit. Le déni est mortel.
Les magistrats doivent se dépouiller de leurs erreurs tout comme le font toutes les professions. Ils accouchent d'une vérité dans la douleur. Le système actuel ne fonctionne pas. Ils le savent.
"Il n'y a qu'un phosphore, la vérité".
Nous allons vers un changement : le romantisme du parquet, épris de vérité, d'humanisme, de transparence, de célérité et dénudé de son onanisme en quête de collégialité, d'échange, d'ouverture de communication moderne.
J'ai lu aussi qu'il était possible de saisir le Conseil constitutionnel. Nous aimerions connaître les possibilités de ce changement. Les conférences destinées aux juristes sont très chères et pas relayées par les médias. Un autre changement pourrait être une communication claire et rapide ce qui est loin d'être le cas.
françoise et karell Semtob
Rédigé par : semtob | 17 janvier 2010 à 03:13
Merci pour cet article parfaitement pertinent (peut-être aussi impertinent).
Pourriez-vous préciser en quoi consiste ce «lien structurel entre les magistrats du Parquet et les juges » ? Vous définissez la « qualité de magistrat » par « les conditions, les protections et l'autonomie qui s'y rattachent ». Concrètement, c’est la formation commune à l’ENM et la procédure d’avancement de carrière qui sont les mêmes, n'est-ce pas ?
Rédigé par : François (étudiant) | 17 janvier 2010 à 01:52
Bonsoir M. Bilger,
J'ai beaucoup d'admiration pour votre billet, d'une grande richesse, même s'il aborde un sujet extrêmement complexe.
Je n'aurai pas la prétention d'essayer de vous porter la moindre contradiction sur un thème comme celui-ci, d'autant que je n'ai pas d'avis tranché sur la nécessité de la suppression de la fonction de juge d'instruction, non plus que sur le statut du parquet.
Je ne puis que constater que la quasi totalité des magistrats, et en tout cas toutes leurs organisations syndicales, sont opposées à la suppression du juge d'instruction et plus que méfiants sur les futurs JEL. Les parquetiers eux-mêmes ne tiennent nullement à une extension de leurs pouvoirs et de leurs prérogatives.
J'ai pris la peine de lire sur le site de la Cour de Cassation, l'intégralité des discours du Premier Président Vincent Lamanda, du Procureur Général Jean-Louis Nadal et du Premier ministre.
Pour une fois les "petits pois" se rebiffent. Il est plaisant d'entendre le plus haut magistrat du parquet de France donner une leçon de droit au Premier ministre et défendre la fonction de juge d'instruction avec certes beaucoup de précautions oratoires. Jean-Louis Nadal a su faire preuve d'indépendance et de courage.
J'en ai profité pour me pencher sur l'organisation de la Cour de Cassation, et j'ai été très surpris du côté pléthorique de son parquet : 1 procureur général, 6 premiers avocats généraux, 30 avocats généraux, 2 avocats généraux en service extraordinaire et 5 avocats généraux référendaires, soit 44 parquetiers pour une juridiction qui se compose de seulement 6 chambres. On ne peut que s'inquiéter pour eux d'être gagnés par l'ennui ou par la mélancolie, à quoi peuvent-ils bien occuper leurs longues journées alors que partout en province les magistrats croulent sous la tâche ?
Laurent Le Mesle vient encore de les rejoindre. Je me réjouis tout de même du fait que Philippe Courroye, qui en a décidément trop fait, ne soit plus proposé aux fonctions de procureur de la République de Paris, il restera à Nanterre, espérons qu'il en tire les leçons. Si j'en crois la presse c'est François Falletti, que je découvre, qui devrait mercredi être nommé Procureur Général de Paris. Je l'espère moins servile que son prédécesseur chiraquien, qui va pouvoir profiter d'un repos bien mérité à la Cour de Cassation.
Rédigé par : Ludovic | 16 janvier 2010 à 21:01
PB, bravo pour votre billet dans Le Monde !
Clair, courageux, bien tourné, du PB dans le texte.
Après le parquet glissant, le parquet flottant, voire flirtant (avec le pouvoir) ?
Me suis toujours dit que la droite ou plus généralement le pouvoir est un groupe d'intérêts bien compris, de coudes bien serrés, pour que ne puisse ni s'y glisser, ni les en extraire, qui n'en voudrait renforcer les rangs, qui voudrait y insérer un idéal extérieur et contre productif à l'intérêt local et concentré.
Choisir qui m'est utile et réciproquement.
Exactement la teneur de ce que dénoncez dans votre intervention ; fort peu mondaine malgré le nom du journal.
AO
Rédigé par : oursivi | 16 janvier 2010 à 20:54
M. l'Avocat Général,
Fidèle lecteur et contributeur de votre blog, j'apprécie beaucoup ce dialogue que vous engagez avec vos concitoyens.
S'agissant du "Parquet glissant", l'homme de la rue, pas nécessairement rompu au fonctionnement de l'institution judiciaire, est en droit de se poser une question fondamentale sur cette réforme initiée par le Pouvoir politique, à savoir sa finalité.
Sur le "service rendu" au justiciable on peut imaginer qu'elle sera positive.
Sur le traitement de dossiers sensibles mettant en cause de gros intérêts financiers on peut craindre des traitements transactionnels dépénalisés favorisant des opérations sans risques autres que financiers.
L'avenir le dira.
Qu'en sera-t-il du JEL et de son indépendance, pourra-t-il à son tour considérer que si la plume est serve, la parole reste libre ?
Bien à vous
L'avenir le dira
Rédigé par : Jabiru | 16 janvier 2010 à 17:15
« Ce qui est nouveau, c'est que ce débat intense n'est plus seulement le fait de la base et des syndicats (nouvelobs.com) mais qu'il est abordé, certes avec prudence, par la plus haute hiérarchie. Je ne fais pas allusion au minuscule mouvement d'indépendance du premier président Vincent Lamanda changeant les plans prévus pour la présidence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation mais essentiellement au discours du procureur général Jean-Louis Nadal qui, devant le Premier ministre François Fillon, a clairement souhaité une réforme du Parquet (Le Monde) »
J’ai pris la peine de lire ce discours qui, en effet, est très intéressant.
Tout d’abord, on y apprend que, tout de même que le justiciable lambda peut désormais saisir directement le conseil constitutionnel, il pourra aussi saisir directement le Conseil supérieur de la magistrature:
« A compter de l’entrée en vigueur de la loi organique qui doit intervenir pour l’application du nouvel article 65 de la Constitution, le Conseil supérieur de la magistrature pourra être directement saisi, en matière disciplinaire, par les justiciables .»
Cette possibilité est présentée et analysée dans le souci des inquiétudes qu’elle risque de susciter dans le corps de la magistrature :
« Je sais les inquiétudes que peut susciter une telle mesure que, pourtant, le Comité présidé par le doyen Vedel proposait déjà en 1993. Elle ne doit évidemment pas conduire à une déstabilisation du cours de la justice par le biais de la mise en cause systématique des magistrats et ne pourra en aucun cas se substituer de manière détournée aux voies de recours prévues par la loi.
Mais une fois écarté ce qui relève de polémiques finalement stériles, il serait vain de nier que peut aussi survenir de la part d’un magistrat, un comportement suscitant des interrogations légitimes. Ce n’est pas le fond de la décision qui est ici en cause, mais le comportement. »
Il est répondu à ce souci légitime de se voir personnellement mis en cause à tout bout de champ par la partie à laquelle la décision rendue n’aurait pas eu l’heur de plaire, qu’il ne s’agit pas d’une voie de recours supplémentaire ou susceptible de se substituer à celles déjà ouvertes s’agissant de la contestation d’une décision, mais de la possibilité d’en appeler d’un comportement qui ne serait pas digne de la fonction.
Par exemple l’invective, sans doute visée par ces mots : « L’un des aspects les plus emblématiques de cette indépendance est la liberté de parole à l’audience : « La plume est serve mais la parole est libre ». Si cet adage tire ses lettres de noblesse de l’ancien droit, il n’en est pas moins une prescription légale actuelle, inscrite tant dans l’ordonnance statutaire que dans le Code de procédure pénale et qui s’impose non seulement au représentant du ministère public mais aussi à sa hiérarchie qui doit savoir où s’arrête son droit de demander des comptes.
Pour autant, cette liberté n’autorise pas à toutes les licences. »
Ce qui se comprend donc comme pas d’agression verbale contre l’accusé, ni de vulgarité délibérée ainsi que, j’imagine, pas d’absence d’état d’âme devant un prévenu présenté les pieds entravés par des chaînes ainsi que le cas en a été évoqué ici même, si mes souvenirs des billets sont exacts.
Ceci dit, il y a des tas de manières de ne pas se comporter dignement, jusque et y compris dans la rédaction même d’une décision qui présenterait les choses de façon délibérément inéquitable et sciemment défavorable à l’une des parties pour à la fois donner un soufflet moral déguisé et retarder la conclusion d’une affaire en créant de motifs d’appel, en détournant l’occurrence d’une affaire pour en réalité sanctionner indirectement une personne d’être ce que l’on présume, à juste ou moins juste titre, qu’elle est.
Ex. se présente monsieur XYZ dont on apprend incidemment en captant à la volée un bruit de couloir qu’il est censé battre sa femme et hop, une magistrate lui donne momentanément tort quand bien même la requête de monsieur XYZ eut été parfaitement fondée en droit et sans aucun rapport avec la situation familiale sus décrite, au profit d’un tiers qui lui-même par ailleurs, battrait effectivement sa propre femme, mais à l’insu de la source perfide à l’origine du bruit de couloir sus mentionné.
Mais bon, c’est juste un cas de figure qui me vient à l’esprit sans rapport avec des faits réels de maltraitance, mais simplement destiné à évoquer la circonstance où pourraient se voir confondus exercice légitime de la Justice et projection d’un cas personnel réclamant vengeance.
« De ces magistrats qui confondent rigueur et emportement, je dis simplement qu’ils font fausse route. Le droit de tout dire, le respect dû aux victimes, la nécessaire sévérité à laquelle nous appellent certains faits ne doit pas nous faire oublier notre devoir de se conduire en dignes magistrats.
Cette dignité, Sénèque la revendiquait déjà, qui écrivait : “pour réprimer les erreurs et les crimes, point n'est besoin d'un juge irrité, puisque la colère est un délit moral, il ne faut pas que celui qui redresse les fautes soit lui-même fautif”. »
Que cela est bien dit, quel vif écho trouvent encore les paroles du précepteur de Néron, dans le cœur et l’âme du justiciable à deux mille ans de distance.
« Avec le soutien de la Commission européenne, de M. Jacques Barrot et de vous-même, Monsieur le Premier président, sera signée le 6 février prochain, ici, dans cette Grand’ Chambre, la convention fondatrice du Réseau des procureurs généraux des Cours suprêmes de l’Union européenne.
Ainsi pourrons-nous, par une meilleure connaissance mutuelle, confronter les analyses, provoquer des rapprochements et partager nos réflexions dans les domaines professionnels, éthiques et déontologiques. »
Quelle bonne chose que ce rapprochement qui pour n’être pas de pure forme, va nécessiter un approfondissement des cultures et des langues respectives qui ne pourront qu’avoir la meilleure influence sur la compréhension de ce qu’est l’homme dont se préoccupe par ex. la « Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés » qui inspire les décisions de l‘European Court of Human Rights.
Ceci étant,
« le statut du ministère public semble remis en cause par une décision de la Cour européenne des droits de l’Homme qui, contre toute la jurisprudence du Conseil constitutionnel, veut dénier au procureur de la République la qualité d’autorité judiciaire au sens de l’article 5 de la Convention. La réforme du Conseil supérieur de la magistrature, non seulement répond aux critiques que j’évoquais à l’instant de corporatisme et de politisation, mais encore constitue un atout majeur pour faire face au regard que la Cour européenne des Droits de l’Homme porte sur notre Ministère public.
Oui, cette réforme renforce la figure d’un ministère public impartial en l’inscrivant dans le professionnalisme, puisque par exemple les nominations des procureurs généraux devront intervenir, après avis, même s’il est simple, du Conseil supérieur de la magistrature.
Par ailleurs, le principe de l’unité du corps, proclamé par la réforme qui vous place à la tête, Monsieur le Premier président, du Conseil supérieur de la magistrature dans sa formation plénière, forge les principes d’une éthique et d’une déontologie partagées entre le juge et le procureur. »
Suit ce § au conditionnel hypothétique : « Sans doute, d’autres aménagements seront-ils encore nécessaires, mais il est rassurant de constater que la réforme du Conseil supérieur de la magistrature met en mesure le ministère public de mieux jouer son rôle dans le fonctionnement de notre justice pénale, tel qu’assigné par la Constitution, dans une architecture générale qui pourrait demain permettre aux droits de la défense de trouver une plus grande expression, si une nouvelle répartition des compétences entre les différents acteurs de la procédure pénale était mise en œuvre. »
L’article 5 évoqué concerne le petit c du §1 du«
Droit à la liberté et à la sûreté:
1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales:
a. s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent;
b. s'il a fait l'objet d'une arrestation ou d'une détention régulières pour insoumission à une ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vue de garantir l'exécution d'une obligation prescrite par la loi;
c. s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente […],
Qui ne saurait être le procureur si l’on ne croit la décision de la Cour européenne qui, vu donc ses conséquences telles définies au §5 du même article, a choquée par Monsieur Nadal:
« 5. Toute personne victime d'une arrestation ou d'une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. »
Le discours se termine par ces mots : « Nous savons que pour André Malraux « juger c’est ne pas comprendre » : et bien audacieux celui qui ne trouverait pas une part de vérité dans cet aphorisme provocateur. Mais ne faut-il pas d’abord proclamer que juger c’est respecter »
Je crois que Messieurs Nadal et Malraux ne donnent pas le même sens aux deux verbes « juger » et « comprendre ».
Personnellement, il me semble qu’il n’y a pas de jugement possible qui ne commence par comprendre, ni de compréhension qui ne finisse par juger, autrement dit « apprécier », notamment dans le cas du juge, les faits à l'aune de la loi, ce dans le respect, bien évidemment et de la loi et de la personne de l’auteur des faits, car comprendre l’homme ne revient pas obligatoirement à devoir absoudre les faits. Mais condamner les faits et leur auteur ne signifie pas qu’il ne puisse pas y avoir de pardon. Ce n’est pas la même chose.
Les points plus techniques qui dépassent la compréhension à première lecture de la citoyenne lambda peuvent être consultés sur cette page du site de la Cour de Cassation
http://www.courdecassation.fr/institution_1/occasion_audiences_59/debut_annee_60/discours_m._nadal_12045.html : Audience solennelle de début d’année de la Cour de cassation
Discours de M. Jean-Louis NADAL Procureur général près la Cour de cassation
Paris, le 7 janvier 2009
« Au risque de choquer, s'il convient de favoriser pour la Justice une part plutôt que l'autre, il me semble que l'acte de juger devrait susciter plus de vigilance pour sa sauvegarde et son intégrité que l'acte de requérir qui n'est après tout qu'une proposition. »
Comme chacun sait, l’homme propose, la femme dispose, ce qui implique que c’est à l’homme de se montrer expert dans l’art de la séduction, ici par la parole, autrement dit encore l’éloquence, le meilleur expert n’étant toutefois jamais assuré contre le si féminin…caprice!!
« La démocratie reconnaîtra les siens. »
Hum! Attention, ne faites pas de la démocratie, le dieu de « Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens. », elle n’a déjà que trop tendance au nivellement= laminage!
Rédigé par : Catherine JACOB | 16 janvier 2010 à 16:30
"Vous signez là la réflexion la plus convaincante que j'ai lue sur ce sujet.."
"Vous avez raison parce qu'au final"...
"Vous fixez donc parfaitement ce qui ressort..."
Moi, je suis comme Jean-Dominique Reffait, je ne comprends rien à cette histoire de parquet qui grince...
Rédigé par : Savonarole | 16 janvier 2010 à 14:52
Je souhaiterais apporter quelques corrections de vocabulaire selon moi.
Fonctionnaire au ministère des Finances, ancien fonctionnaire à la Justice, je considère que même s'ils s'en défendent, les magistrats (siège + Parquet) sont avant tout des fonctionnaires à part entière. Ils sont soumis au même régime juridique que les 5 millions de fonctionnaires d'Etat et des collectivités locales (retraite, droits, obligations).
Seulement, la qualification de magistrats qu'ils revendiquent est liée au statut spécial de la magistrature liée à une ordonnance de 1958 (je n'en connais plus la date) et à la Constitution de 1958 qui dans son article 66 fait de l'autorité judiciaire la gardienne des libertés individuelles.
Il convient quand même de rappeler, lorsque l'on parle de "reprise en main" des Parquets par la Chancellerie, que n'est bien repris que celui qui veut se faire reprendre. Je ne pense pas que l'auteur de ce blog accepterait qu'on lui dicte ses réquisitions ou sa façon d'apprécier le trouble à l'ordre public qui motivent celles-ci.
Un adage d'application constante dit que "si la plume est serve, la parole est libre". Un magistrat du parquet à l'audience, peut, sans faute disciplinaire au sens du statut des magistrats (atteinte à l'honneur, la délicatesse et la dignité), aller à l'encontre des réquisitions écrites dictées par sa hiérarchie et prendre une position contraire en son âme et conscience.
"Garantir l'indépendance du Parquet" : ces mots sonnent de façon singulièrement comique pour moi. En effet, l'indépendance s'acquiert, s'exerce, se vit, mais ne se garantit pas. Nous ne sommes pas en URSS, en République populaire de Chine ou en république islamique d'Iran. Il existe suffisamment de contre-pouvoirs démocratiques pour que l'indépendance du Parquet à mon sens s'exerce. Cette indépendance exige une condition préalable : le courage du titulaire de la fonction. Ayant exercé plus de 6 ans au ministère de la Justice, je peux affirmer sans conteste que la qualité de courage est :
1) indépendante de la qualité de magistrat de siège ou du Parquet,
2) dépendante de la volonté personnelle du titulaire d'une fonction, qu'il soit "fonctionnaire" ou "magistrat".
Il est franchement insultant de croire que malgré le devoir d'obéissance hiérarchique inscrite dans la loi du 13 juillet 1983 portant statut de la fonction publique, le "fonctionnaire" hors magistrat est un individu servile sans pouvoir d'appréciation et surtout sans capacité de corriger le tir d'une hiérarchie qui peut se tromper car elle ne voit pas parfois les situations au plus près du terrain.
Ayant de plus exercé en administration centrale (où les rapports de hiérarchie sont prégnants), je peux vous dire que m'étant trouvé plusieurs fois en contradiction avec ma hiérarchie directe, j'ai eu très souvent gain de cause, et je n'ai jamais subi de retard dans l'avancement (2 réductions d'ancienneté consécutive sur 6 ans) et d'appréciations dépréciatives dans les notations.
Pour revenir sur une idée précédente, j'appuie sur le terme de fonctionnaires pour désigner les magistrats car :
1) fonctionnaires et indépendance ne sont pas du tout des notions antinomiques, loin s'en faut.
2) les fonctionnaires et magistrats sont soumis aux mêmes droits et obligations (service fait, devoir de réserve, discrétion, secret professionnel, régimes d'assurance maladie, régime de retraite, liberté d'adhésion à un syndicat, devoir de responsabilité dans l'exécution des tâches qui leur sont confiées, devoir de neutralité et d'impartialité à l'égard des justiciables et autres usagers du service public de la justice ou d'ailleurs).
Rédigé par : Jean-Nicolas G | 16 janvier 2010 à 14:50
En dépit de tous les avis que l'on peut avoir, la seule chose qui m'apparaisse dommageable résulte du fait que chacun se "bat" dans sa propre paroisse. Si bien que ni les magistrats, ni les policiers, et les avocats dans une moindre mesure, ne sont satisfaits de cette réforme. Mais chacun regarde devant le bout de son nez, ne parlant que pour lui.
Vous l'avez suggéré M. Bilger, réunissons magistrats, avocats et policiers autour d'une même table, et trouvons un consensus qui fasse avancer la justice de notre pays.
http://quotidiendepj.unblog.fr/
Rédigé par : christophe | 16 janvier 2010 à 13:24
Simple justiciable qui lit la presse, j'observe qu'il y crispation généralisée lorsque l'on prononce le mot indépendance.
L'indépendance, celle que l'on attend tous, c'est celle nécessaire dans le traitement des cas individuels, afin d'écarter tout soupçon de traitement de faveur.
Par contre on comprend parfaitement la nécessité de l'homogénéité de l'action sur le terrain, en fonction des statistiques relevées et la nécessaire dépendance parquet/chancellerie.
Pourquoi ne fait-on pas clairement cette distinction qui permettrait d'apaiser un peu les esprits ?
Rédigé par : Papi Ensoleillé | 16 janvier 2010 à 12:11
Pouvez-vous dire un mot sur la modification prévue de la composition du CSM - qui donnerait davantage de voix (la majorité) aux représentants du pouvoir, aux dépens de celles des professionnels indépendants ?
Ce qui ne fait que renforcer l'inquiétude...
Rédigé par : Clafoutis | 16 janvier 2010 à 10:44
J'ai beau vous lire et vous relire, je n'arrive pas à m'expliquer pourquoi vous adoptez la doctrine France Télévisions au parquet. En gros votre propos se résume à "levons l'hypocrisie, faisons donc en sorte que le parquet soit réellement totalement dépendant", alors que vous pourriez dire "levons l'hypocrisie, admettons que le parquet est dépendant, rendons-le indépendant".
Quant à Monsieur Reffait qui dit que : "ce qui importe est la décision judiciaire, celle qui va bousculer des vies", j'ai envie de lui répondre d'une part que cela ne s'oppose donc pas à une indépendance du parquet, d'autre part qu'il faut encore qu'il y ait décision judiciaire ! Quid lorsque le parquet classera sans suite une affaire immobilière sur une île proche de Paris ? Quid lorsque le parquet fera un rappel à la loi pour un responsable politique soupçonné d'importants détournements de fonds ? Quid lorsque le parquet décidera de ne pas poursuivre ?
Asservir le parquet, c'est peut-être permettre une plus grande indépendance du siège, mais c'est la limiter aux dossiers dont le parquet aura bien voulu saisir les juges !
Enfin, je trouve que vous faites dire à Monsieur Nadal ce qu'il n'a pas dit. Je veux dire, en vous basant sur son propos et en enchaînant sur le vôtre, on aurait l'impression que vous parlez à sa place...
Rédigé par : Jiji | 16 janvier 2010 à 10:32
Un juge indépendant est en effet la meilleure garantie, on le voit bien dans les Etats autoritaires, où en dépit d'un Parquet aux ordres (Iran...), l'indépendance du juge serait déjà un formidable progrès...
Rédigé par : Christophe Brunel | 16 janvier 2010 à 10:14
Bonjour,
Ceux qui veulent maintenir le parquet sous l'autorité hiérarchique du parquet général et de la Chancellerie n'avancent, au fond, qu'une seule raison : la nécessité d'harmoniser la politique pénale sur l'ensemble du territoire.
Mais cette raison est doublement biaisée :
1) D'une part, parce que c'est oublier, comme vous le dites si bien, que le parquet, finalement, ne fait que proposer. Que ce sont les juges qui décident, homologuent, etc. Quel sens cela a-t-il d'harmoniser la force de proposition (le parquet) à partir du moment où de toutes façons, la seule chose qui comptera est la décision finale, sur laquelle, du fait du statut du siège, aucune harmonisation n'est envisageable ? Pour moi, l'argument tombe déjà.
2) D'autre part, et au surplus, ce reste de jacobinisme surprend lorsqu'on regarde la façon de fonctionner d'autres pays plus ou moins proches, où l'indépendance du parquet ne compromet pas pour autant l'application de la loi pénale sur le territoire.
Enfin, vous proposez une sorte de deal : affaiblissement du parquet contre renforcement du siège, comme si nous jouions en vase clos et que la force des uns ne pouvait être tirée que de la faiblesse des autres.
C'est oublier, à mon sens, que le parquet a des missions de sauvegarde des libertés individuelles qui ne sauraient être préfectoralisées et qui lui sont données par l'article 66 de la Constitution, qui vise l'autorité judiciaire tout entière (siège et parquet). Contrôle de la garde à vue, alternatives aux poursuites, contrôle des enquêtes préliminaires et de flagrance, et demain, qui sait, instruction préparatoire. Ne faut-il donc aucune garantie pour assurer ces missions ? Peut-on accepter qu'elles soient traitées par de simples fonctionnaires sous prétexte que, demain, un juge indépendant corrigera les erreurs et saura, peut-être, rendre justice ?
Pourquoi proposer au parquet de se coucher ainsi? Ne peut-on pas imaginer un parquet indépendant, nommé sur avis conforme du CSM (un CSM composé, comme le recommande le Conseil de l'Europe, d'une majorité de magistrats) ? Cela se fait dans de nombreux pays, cela est manifestement recommandé par la Cour européenne des droits de l'homme (sous réserve de l'arrêt de la grande chambre à venir)... Je crois qu'il y aurait une erreur historique à sacrifier sur l'autel de la volonté politique le parquet, dont la dignité réside dans le fait qu'il est, lui aussi, gardien des libertés individuelles.
Rédigé par : Jiji | 16 janvier 2010 à 08:56
Vous avez mis le paquet là ! Manque juste la piscine en fait, non ?
Meilleurs voeux !
Sinon :
"La démocratie reconnaîtra les siens" nous contez-vous !
De rajouter :
et les chiens, et les chiens !
Rédigé par : Cactus | 16 janvier 2010 à 08:24
Vous signez là la réflexion la plus convaincante que j'ai lue sur ce sujet depuis l'émergence de ce débat, où je puis d'ailleurs noter une inflexion, à moins qu'il s'agisse d'une maturation, de vos propos initiaux, à l'époque d'Outreau.
Vous avez raison parce qu'au final, ce qui importe est la décision judiciaire, celle qui va bousculer des vies. Le cheminement procédural pour parvenir à une bonne justice importe peu au regard de l'enjeu.
Vous fixez donc parfaitement ce qui ressort aujourd'hui encore de la fiction entretenue (on a vu le couple siège/parquet à l'oeuvre avec Burgaud/Lesigne) et ce qui, en rendant officielle la dépendance du Parquet, permettrait de libérer le Siège, sitôt qu'il n'y aura plus d'inceste entre les deux corps.
Et là, j'ai envie de dire : "Tout ça pour ça ?" Cette réforme de l'instruction, dont on voit bien qu'elle s'insérait dans ce que vous décrivez comme la "volonté de l'Etat de gouverner l'esprit judiciaire" et qui semble lui échapper, aboutirait au final à fabriquer un super juge d'instruction (le JEL) tandis que le Parquet serait réduit à devenir le factotum procédural du gouvernement.
Cela serait véniel si, à la source de cette réforme, n'étaient pas concernée qu'une petite minorité d'affaires (5%) qui font l'objet d'une instruction. Dans 95% des autres affaires pénales, on voit bien à quoi nous aboutirions : lorsqu'un parquet fonctionnarisé détient seul le pouvoir de poursuite, lorsque pour les 5% restant, il détient seul le pouvoir de lancer les instructions (sauf constitution de partie civile, j'imagine, auprès du JEL), nous sommes bien là en face d'une politisation des poursuites. Grosso modo, je décide ou non de poursuivre, je décide dans quel sens et je laisse le Siège juger du dossier que j'ai ficelé. Les poursuites à la discrétion du pouvoir, le jugement indépendant.
Nous voyons bien là que c'est ce qui intéresse nos gouvernants actuels : maîtriser l'agenda des poursuites opportunes, régler le maximum de choses en amont avant poursuite (avec l'expérience de négociation et de compromis d'avocats d'affaires, par exemple) et concentrer l'ire publique sur les manquements éventuels du Siège, indépendant et, par construction politique, laxiste. Ce système est d'une très grande souplesse politique, il faut en convenir : certaines affaires se règleront dans l'intimité d'une négociation et si, par malheur, un journaliste pointe le bout du nez, on sort une poursuite sur mesure. Tout ce qu'on ne voit pas n'est pas censé exister. A contrario, il suffira au pouvoir politique de sortir l'arme nucléaire à l'occasion d'un crime bien sordide pour se défausser sur l'indépendance du Siège en cas de malheur, de récidive, etc.
Est-il à ce point difficile d'imaginer un parquet indépendant, véritable autorité impartiale de l'enquête ? Vous connaissez vos collègues mieux que moi, vous semblez ne pas leur accorder ce crédit.
Y avait-il urgence à bousiller le long et fructueux travail de consensus de la commission Outreau, sans laisser au moins s'installer la collégialité de l'instruction ?
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 16 janvier 2010 à 01:47