Il y a parfois des surprises heureuses. Par exemple, Bernard-Henri Lévy n'hésitant pas dans un journal italien à prendre la défense de Benoît XVI et de Pie XII (Le Point). Ce qui crée la richesse intellectuelle, c'est l'écart entre ce qu'on présume d'un esprit et l'expression libre et imprévisible de celui-ci.
Au moins, avec Claude Lanzmann, on est en personnage de connaissance, comme il y a des territoires familiers et inaltérables ! On sait que rien de ce qui se rapportera à l'extermination des juifs par le nazisme, sous quelque forme que ce soit, documentaire ou artistique, ne trouvera grâce à ses yeux. Shoah, son oeuvre fleuve, l'a constitué comme le propriétaire de l'Holocauste. Il semble qu'il serait le seul à avoir eu le droit d'en parler et d'en faire parler les survivants. Personne d'autre apparemment ne peut s'approcher de cette tragédie unique sans être sur-le-champ renvoyé à son ignorance ou à sa légèreté. Spielberg, avec l'inoubliable Liste de Schindler, a subi ses foudres. Maintenant c'est Yannick Haenel parce que celui-ci a eu l'immense tort d'écrire un grand livre : "Jan Karski", et que cette merveille de sensibilité et d'intelligence, de respect et de dévotion vraie a été plébiscitée par de nombreux lecteurs enthousiastes. Son roman, comble de l'offense, a obtenu le prix Interallié (Le Monde, Marianne et Le Monde). Trop de succès, trop d'impudence. Intrusion inadmissible en pays exclusivement lanzmannien !
J'ai hésité. Claude Lanzmann est un monstre sacré. Il a bénéficié, après la publication de ses souvenirs, "Le lièvre de Patagonie", d'un concert inouï de louanges médiatiques et déjà je n'avais pas osé, moi misérable lecteur ordinaire, faire part de mon opinion dans un billet. Je ne discute pas le style mais le contentement de soi à la longue insupportable qui dégrade beaucoup de pages. Surtout, j'ai éprouvé un très vif ennui devant les interminables relations par Lanzmann de ses exploits en Israël et ailleurs, de la préparation de son film Shoah et des multiples événements ayant, selon lui, rendu sa vie passionnante. Il y a des épisodes qui n'en finissent pas et ils ne deviennent pas attractifs du seul fait que Claude Lanzmann les a habités. Pour être franc, les seuls passages qui m'ont intéressé vraiment sont ceux où il fait notamment apparaître Sartre, Simone de Beauvoir, Camus et Koestler. Ce sont les seuls aussi où il essaie de se déprendre de lui-même, tout en ayant de très belles pages sur sa liaison et son compagnonnage avec de Beauvoir.
Qu'il ait bénéficié d'une telle unanimité - à mon sens elle révèle plus la peur qu'inspire sa personnalité impressionnante et composée d'Histoire qu'une authentique admiration pour l'ouvrage dont je doute qu'il ait été lu intégralement par beaucoup - ne justifie pas cette diatribe à l'encontre de Yannick Haenel. Il n'a pas tous les droits parce que tous les suffrages lui seraient d'emblée acquis.
Dans son roman, Haenel, dans une première partie, évoque Karski tel qu'il est présenté et se présente dans Shoah. Dans une deuxième partie, il décrit son existence incroyable faite de dangers et de hasards, de courage et de maîtrise de soi, il narre des péripéties défiant l'imagination la plus débridée mais pourtant vraies, il écrit un roman d'aventures tragiques. On se prend à rêver dans l'horreur et à espérer que Jan Karski soit indestructible. S'il était fictif, j'entends les critiques professionnels criant à l'invraisemblance !
Dans la dernière partie, Haenel invente un monologue de Karski qui mêle des interrogations philosophiques, une réflexion sur l'Histoire et l'Holocauste avec un regard sur sa propre destinée. Il paraît que, sur le plan historique, Haenel aurait tort de prêter à son héros des propos accablant les Etats-Unis et exonérant la Pologne. Si Lanzmann l'affirme, s'en indigne, considère que c'est un péché mortel pour un roman, il a sans doute raison. Il est le dépositaire de ce qu'il faut faire ou non, taire ou non, condamner ou sanctifier. Hors de lui point de salut dans la mise en scène, fragmentaire ou collective, de cet enfer, qui lui revient d'autorité. Puisque Haenel s'est égaré avec son invention, son imagination est scandaleuse et le lecteur qui y trouve du plaisir s'égare lui-même.
Comment énoncer cela élégamment sans désobliger la statue vivante du Commandeur ? Pour ma part, j'ose cette intolérable banalité. De cette controverse historique je n'ai cure puisque ce livre est composé de vérité mais aussi de songes et que sa force est de rendre palpable l'infini malheur et admirables l'énergie de vivre et la solidarité et désespérantes les rencontres manquées entre le cours du destin et ce qui aurait pu et dû le détourner de sa terrible issue. Mais dans le bonheur de la littérature.
Yannick Haenel n'a rien à se faire pardonner.
Merci Véronique Raffeneau, pour le "tuyau".
Le sujet m'intéresse évidemment.
Je me remets tout doucement de la lecture des "Bienveillantes" et de "L'histoire d'un Allemand"... Je pense que je vais changer de sujet pour les prochains mois.
"HHhH" je le lirai mais plus tard.
Merci encore á vous .
Rédigé par : jpledun@Véronique Raffeneau | 26 septembre 2010 à 16:16
@ Jean-Dominique
"C'est Philippe qui décide de l'itinéraire de la promenade, nous pouvons décliner l'invitation et regagner le château pour prendre un chocolat bien chaud, ou bien le suivre là où nous ne serions pas allés."
Mais évidemment !
D'accord. Le billet dénonce, selon l'esprit du blog de PB, "le ridicule pompeux" du Parisien à poser une question totalement insignifiante.
Ce ridicule me fait penser à cet abus de langage presque systématique dans les médias qui consiste à dire "les Français" à la place de "les téléspectateurs" ou "les auditeurs" ou "les lecteurs".
J’ai bien compris qu’à force d’inconditionnalité promotionnelle dans les médias à l’égard de telle ou telle personnalité médiatique (artiste, politique, écrivain etc.), la moindre réserve de rien du tout provoque comme un cataclysme de l’esprit.
Mais bon, quel téléspectateur, quel auditeur, quel lecteur aujourd’hui n'est pas conscient et lucide par rapport à cet état de fait ?
Ceux qui souhaitent des langages de vérité et d’authenticité dans les débats publics choisissent désormais Internet et se constituent ainsi une sorte de bibliothèque composée, par exemple, avec des blogs qu’ils ont repérés et sélectionnés comme singuliers. Sans jeu de mots facile avec l’identité du blog de PB.
Maintenant, ce qui me gêne est le fait que Philippe semble croire que ce que racontent E. Zemmour et E. Naulleau a de l'importance pour ceux qui regardent des programmes comme ceux de L. Ruquier.
Croyez-moi, cela n'empêchera personne de dormir et ne provoquera aucun mal à la tête, ni à l'âme, ni au coeur. Ce n'est que du divertissement. Aussitôt vu, aussitôt oublié.
Nous ne devons sans doute pas disposer, vous et moi, des mêmes postes d'observation.
Mais je pense vraiment que les médias n'inspirent pas l'intérêt et n'ont certainement pas l'influence que vous leur prêtez.
Dans les bibliothèques de lecture publique, en tous les cas en province, ce qui est lu très prioritairement en matière de presse sont les pages locales des quotidiens régionaux.
Et sont très nettement préférés les hebdos et les mensuels sur le jardinage, la maison, le bricolage et le voyage.
Ce n'est pas faute pourtant de consacrer du soin et des espaces significatifs à la presse dite d'actualité.
Pour reprendre la critique de PB qui dénonce dans ce billet de janvier le concert de louanges médiatiques qui a accompagné la parution du livre de Claude Lanzmann :
alors, bien sûr, le qualificatif de "chef d'oeuvre" placé en exergue sur la couverture de l'édition de poche, qui reprend des "critiques" publiées dans la presse à la sortie de l'édition classique, est de mon point de vue totalement à côté.
Il n'empêche que ce livre est un grand document pour qui veut comprendre les ambiances intellectuelles en France après la guerre, et pour qui s'interroge avec gravité sur la genèse du film "Shoah".
@ jpledun
Le documentaire de CL au sujet de Jan Karski a été diffusé sur Arte en mars dernier.
Si le sujet plus général de la Seconde Guerre mondiale vous intéresse, je me permets de vous signaler le livre de Laurent Binet : "HHhH" que j’ai lu il y a très peu.
Voyez-vous, la critique très - trop favorable - m’en avait tenue éloignée à sa sortie en janvier. Mais vraiment, est-ce le style narratif particulier de LB, je ne sais pas ? J’ai été très touchée par la façon dont est raconté l’assassinat de Heydrich par des Résistants tchèques. Après ce livre on ne voit plus Prague de la même façon.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 26 septembre 2010 à 07:41
Véronique, je ne me passionne pas vraiment pour le médiatique et je passe le plus clair de mes soirées à bouquiner, à travailler trop souvent et, lorsque j'ai terminé tard comme ce soir, à parcourir un peu le web, parce que j'ai été chassé du lit conjugal par un marmot malade qui veut sa maman pour lui tout seul, le petit salopard.
Je ne me sentirais guère inspiré au commentaire des agitations médiatiques, je ne saurais par quel fil en tirer quelque chose. Mais sinon notre vie à vous ou à moi, du moins la vie sociale est imprégnée de médias, sous toutes ses formes, accentuée par l'imitation des références que nous y trouvons. Par amusement, il m'arrive de marcher comme James Bond, d'imiter, dans mes sermons jamais durablement sérieux à mes enfants, la langue de bois journalistique ou politique. Nous vibrons dans les médias et les médias vibrent en nous.
C'est Philippe qui décide de l'itinéraire de la promenade, nous pouvons décliner l'invitation et regagner le château pour prendre un chocolat bien chaud, ou bien le suivre là où nous ne serions pas allés. Une promenade, vous le savez, n'est qu'un prétexte à puiser dans le paysage des analogies pour nos réflexions légères ou profondes qui se rejoignent, se croisent sans prendre garde à des hiérarchies formelles.
Ainsi, le billet Zemmour/Naulleau rejoint d'autres billets plus graves qui traitent, comme celui-ci à propos de la Shoah, des outrances convenues, de cette tentation un brin ridicule de gens rarement inquiets à se faire peur coûte que coûte. Il faut continuellement louer le courage de l'un, la prise de risque de l'autre, de même qu'il faut débusquer l'intolérable derrière toute banalité : il faut se scandaliser de l'insignifiant. Le buzz du clash semble proportionnel à l'importance suggérée des protagonistes. Toute hiérarchie est abolie, réduite comme l'écran à deux dimensions. N'est-ce pas finalement une observation juste de notre société qu'un écran de télévision : borné au quatre coins, sans épaisseur, où tout relief est arasé pour se réduire à la quintessence du monde, le pixel.
C'est ce que relève souvent Philippe dans ces billets médias : l'enflure des postures, le courroux des imberbes. C'est la signature d'une époque où il n'y a plus, le croit-on bien faussement, rien à craindre et où il faut feindre d'être malgré tout terrorisé de tout. Les médias sont une formidable loupe de ces travers.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait@Véronique | 24 septembre 2010 à 03:18
Jan Karski a une histoire incroyable, pleine de profondes souffrances et de sensibilité.
M.Haenel, finalement ne lui rend pas service en nous faisant lire trois fois le même récit.
Il nous fatigue avant la fin du livre.
Est-ce que le documentaire de CL sur Karski est sorti ?
Rédigé par : jpledun | 24 septembre 2010 à 00:13
Vous remarquerez, sbriglia, que j'ai passé mon chemin.
Non pas du tout que je trouve le propos du billet inintéressant, mais je pense que ce qui y est dit au sujet du format Naulleau et Zemmour est ce que la plupart de ceux qui n'ont vu l'émission même qu'une seule fois, ont compris très vite. De la posture et des faiseurs.
Alors Le Parisien qui se targue d'interroger : "Comment affronter Zemmour et Naulleau", c'est d'un ridicule fini.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 23 septembre 2010 à 19:01
"Je suis même triste et déçue quand je lis que votre sujet est le(s) médiatique(s).
Je souffre..."
Faites comme moi,Véronique, passez, comme au bridge... et souffrez pour ce qui en vaut la peine.
Ou relisez :
"Ce qui crée la richesse intellectuelle, c'est l'écart entre ce qu'on présume d'un esprit et l'expression libre et imprévisible de celui-ci."
...un peu au-dessus de votre commentaire...
Rédigé par : sbriglia@Véronique R. | 23 septembre 2010 à 16:57
"Et surtout, j'ai compris à travers le récit glacé que CL fait de son tout premier voyage à Treblinka, le ressort profond et implacable de Shoah." Véronique Raffeneau.
___________________________________
Il n'est jamais trop tard...
Rédigé par : Savonarole | 23 septembre 2010 à 09:48
Je viens d'achever la lecture de l'autobiographie intellectuelle de Claude Lanzmann :
"Le Lièvre de Patagonie" (paru en poche - Folio)
Alors, bien sûr, Sartre, de Beauvoir, les amours en périphérie et en pagaille, leurs excursions à travers l'Europe. Les années 50 et 60, l'univers de la presse, du théâtre et du cinéma, Les Temps Modernes et Saint-Germain-des-Prés.
Mais au contraire de vous, j'ai été très intéressée par les pages que CL consacre à son film Shoah.
Je n'imaginais pas le "bricolage" et les difficultés incessantes rencontrées par CL pour mener à bien son projet. Lui-même ne sachant pas pendant longtemps là où il veut aller.
Et surtout, j'ai compris à travers le récit glacé que CL fait de son tout premier voyage à Treblinka, le ressort profond et implacable de Shoah.
PS: trop désolée. Mais vos billets sur la télé, Naulleau, Zemmour, Ruquier etc., ce n'est pas du tout ma tasse de thé.
Je suis même triste et déçue quand je lis que votre sujet est le(s) médiatique(s).
Je souffre...
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 23 septembre 2010 à 07:55
Bonjour,
Au-delà de quelques aspects évidemment critiquables dans une telle somme, Lanzmann a réalisé un travail absolument fantastique, qui permet de comprendre ce que fut l'holocauste (ou la Shoah, je n'aime guère les écharpages sur un mot ; peu importe, que l'on choisisse ce que l'on veut).
La mise en exergue du terrifiant antisémitisme polonais (j'ai connu un survivant d'Auschwitz, non juif, mais qui m'a affirmé que s'il n'y avait eu que des Polonais et pas d'Allemands, aucun juif n'y aurait survécu 48h), entre autres, est patente, démontrée, prouvée (et je m'amuserais, si ce n'était si triste, de voir des "justifications" prises dans l'histoire : les Polonais auraient été philosémites... au XIVe siècle ; dans ces conditions, condamnons la France en raison de l'antisémitisme de Louis IX !)
MAIS (parce qu'il y a un MAIS concernant Lanzmann)
En dehors de la présente polémique dont je me contrefiche, son attitude constante, à se prétendre le seul et unique dépositaire de la Shoah et de ce qu'on a le droit d'écrire sur elle, est tout bonnement insupportable. La Shoah "appartient" à ses victimes, à ses acteurs (positifs ou négatifs), aux historiens, à ceux qui les lisent. pas à M. Lanzmann.
Rédigé par : benjamin | 07 février 2010 à 11:51
@ Herman
En réalité, je ne pense rien au sujet de Claude Lanzmann recevant le roman de Yannick Haenel.
J'ai seulement envisagé que oui il était plausible que CL se soit désintéressé dans un premier temps de "Jan Karski".
Simplement parce que le roman tel que je l'ai lu, est très loin du concert de louanges qui a accompagné sa parution.
Pour moi le récit de Haenel ne fonctionne pas. Il y a quelques jolies phrases mais pas plus que ça.
Et puis, honnêtement, j'ai eu le sentiment tout au long de ma lecture d'un incessant par-dessus la jambe eu égard au sujet que Y. Haenel avait choisi. Son sujet était immense.
Dans le magazine Histoire du mois de janvier, l'historienne Annette Wieviorka relève la désinvolture avec laquelle le roman est écrit.
Bon, AW est super féroce et je ne possède pas, très, très loin de là, son savoir. Mais j'ai ressenti en lisant Jan Karski cette désinvolture, ce "foutage de gueule" dont parle AW.
Vous savez, il y a un nombre incalculable de romans qui paraissent à longueur d'année et qui sont écrits avec cette forme de désinvolture.
Cela ne veut pas dire que ces livres sont sans intérêt, mais on ressent une faiblesse et un manque de travail. Il y a une profondeur qui n'est pas là. Les auteurs passent à côté de leur sujet.
Pour le sujet Jan Karski, il me semble qu'un très grand livre pouvait être écrit.
Je saisis mal cette polémique côté Lanzmann. Pour moi, en somme, le roman de Yannick Haenel ne la mérite pas.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 06 février 2010 à 17:00
Bonjour.
Ce livre, Jan Karski, est tout simplement un mauvais roman et un piètre ouvrage à grossières thèses anti-occidentalistes.
Une imposture en d'autres mots.
Cordialement.
Rédigé par : Stalker | 06 février 2010 à 12:16
Je viens de regarder "d@ns le texte" avec Haenel, et je dois dire que ce dernier s'en tire plutôt bien avec cette polémique. A la fin de l'émission, Lanzmann se trouve ridiculisé, noyé dans ses contradictions...
Véronique, vous pensez vraiment qu'en recevant le livre de Haenel, Claude Lanzmann n'eût aucunement, ne serait-ce que le désir de le lire ! Foutaise, hypocrisie ! Moi je pense qu'il a pensé sa riposte, et pris le temps de monter son film "Le rapport Karski" qui passera sur ARTE au mois de mars prochain. Il n'a même pas cherché à discuter avec Haenel !
Rédigé par : Herman | 05 février 2010 à 17:11
Bonjour M.Bilger
Juste pour vous signaler une émission, "d@ns le texte", avec Haenel, à propos de la polémique l'opposant à Lanzmann, sur le site d'"Arrêt sur images".
Cordialement.
Rédigé par : Herman | 05 février 2010 à 13:00
"...et que cette merveille de sensibilité et d'intelligence, de respect et de dévotion vraie a été plébiscitée par de nombreux lecteurs enthousiastes. "
Bien, bien...
Philippe, j'ai lu hier soir "Jan Karski" de Yannick Haenel.
Franchement, ce roman est l’illustration de ce qu'est devenue l'édition avec ses rentrées littéraires obligatoires et les prix qui vont avec.
C'est quand même d'une minceur et d'une banalité dans le propos et dans l'écriture à pleurer. Une petite chose même pas dérangeante à lire.
Je dois avouer que j'arrive à comprendre le désintérêt initial de Claude Lanzmann quand il a reçu le livre de Haenel.
Que ce livre ait pu bénéficier d'une critique dithyrambique me surprend tout de même beaucoup. Sont pas très exigeants les critiques. A se demander s’ils l’ont réellement lu.
Du reste, exposer la liste des lauréats de l'Interallié depuis 20 ans présente le mérite de replacer les choses à leur place.
C'est-à-dire l'écume, le pas grand-chose de ce qui constitue invariablement, tous les automnes, les romans- téléfilms mis en exergue par l'actualité littéraire.
1990 Bruno Bayon Les Animals Grasset
1991 Sébastien Japrisot Un long dimanche de fiançailles Denoël
1992 Dominique Bona Malika Mercure de France
1993 Jean-Pierre Dufreigne Le Dernier Amour d'Aramis ou les Vrais Mémoires du chevalier René d'Herblay Grasset
1994 Marc Trillard Eldorado 51 Phébus
1995 Franz-Olivier Giesbert La Souille Grasset
1996 Eduardo Manet Rhapsodie cubaine Grasset
1997 Éric Neuhoff La Petite Française Albin Michel
1998 Gilles Martin-Chauffier Les Corrompus Grasset
1999 Jean-Christophe Rufin Les Causes perdues Gallimard
2000 Patrick Poivre d'Arvor L'Irrésolu Albin Michel
2001 Stéphane Denis Sisters Fayard
2002 Gonzague Saint-Bris Les Vieillards de Brighton Grasset
2003 Frédéric Beigbeder Windows on the World Grasset
2004 Florian Zeller La Fascination du pire Flammarion
2005 Michel Houellebecq La Possibilité d'une île Fayard
2006 Michel Schneider Marilyn, dernières séances Grasset
2007 Christophe Ono-Dit-Biot Birmane Plon
2008 Serge Bramly Le Premier Principe - Le Second Principe Lattès
2009 Yannick Haenel !Yannick Haenel Jan Karski Gallimard
Tout est dit, non ?
Vous ne pensez pas quand même que si cette liste contient sans doute quelques trucs pas mal, je dois dire que, selon moi, le prix Interallié consacre depuis 20 ans une banalité dans le choix des lauréats qui est consternante.
"Jan Karski" de Yannick Haenel n'échappe pas à cette règle.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 03 février 2010 à 07:45
Au sujet de l'ouvrage de Yannick Haenel et de la polémique que Claude Lanzmann semble vouloir lancer contre son auteur, six mois après sa sortie chez Gallimard - ouvrage consacré à Jan Karski, héros de la résistance polonaise qui aura vainement alerté les alliés sur les risques d’extermination des juifs d’Europe...
On mentionne la thèse suivante : les Alliés (USA et Grande Bretagne) ont été complices de la Shoah en ne faisant rien. Aussi, l’attitude des Américains ressemblerait fort à un crime pour non-assistance ; crime à la racine duquel l’on trouvera un « antisémitisme d’État », avéré : du point de vue des Américains, il était heureux que les nazis exterminent les Juifs.
L’auteur réfute l’idée de thèse et parle de fiction, d'œuvre d’imagination.
Quant aux liens entre la fiction et l’Histoire...
Gratuites et stériles, cette affirmation fictionnelle, cette gaffe en forme de thèse appuyée par un éditeur, Sollers en l’occurrence, pas mécontent de mécontenter ceux qui pensaient l’avoir comme allié… et pour qu'on ne l’oublie pas entre deux publications.
Avec cette affirmation d’écrivain attaché à la fiction dans des faits qui touchent à l’Histoire, et alors que le parti pris de l’auteur ne nous sera d’aucun enseignement soit historique soit humain, on parle de l’idée que le monde civilisé s’est opposé au régime nazi en traînant les pieds.
D’aucuns aimeraient en appeler à la controverse intellectuelle alors qu’il n’y a rien d’intellectuel dans ce livre consacré à Jan Karski ; ouvrage derrière lequel se cachent un auteur et des opinions qui sont les siennes ; opinions qu’il peine manifestement à assumer…
Et pour cause…
Comment ne pas y voir chez cet auteur qui appartient à une génération gâtée - génération reine à laquelle on a donné à têter un biberon qui porte le nom de « Shoah », référence au documentaire de Lanzmann -, une tendance plus que récurrente et que le procès Fofana a mis en lumière : une hyper-exacerbation identitaire arrivée à son paroxysme chez Haenel ; exacerbation longuement mûrie, cajolée et entretenue par des élites intellectuelles de la génération précédente concernées par cette même identité.
En effet, difficile de ne pas entendre hurler chez Haenel un "Tous contre nous, ils auront été ! Tous, sans exception ! Seuls nous étions, seuls nous demeurons ! Tous pourris !"
Comprenez : "Tous antisémites !"
***
Disons les choses : Haenel, c’est Lanzmann à qui l’on coupe l’herbe sous le pied ; un Lanzmann relégué au rang de Fanfan la tulipe de la Shoah.
Nombreux sont sans doute ceux qui l’ont rêvé ; et Haenel l’a fait : le crime de tous les crimes doublé d'une trahison de toutes les trahisons cette non-assistance à un peuple en danger de mort ! Coup de poignard dans le dos de la part de deux alliés que l’on disait irréprochables : après l’Allemagne, la Pologne, le régime de Pétain, l’Europe incurablement antisémite, arrivent alors les USA et la Grande-Bretagne.
Même Lanzmann n’aurait pas osé. Aussi, on pourra aisément l’entendre vociférer à l’endroit de cet auteur : « Quel petit c…. ! »
De mauvaises langues affirmeront que cette fausse polémique permet de remettre un peu de carburant dans le moteur de la « Shoah » qui s’essoufflait dans les montées et qui s’emballait dans les descentes, privée de frein-moteur, sous l’impulsion d’une nouvelle génération prise dans le piège de la surenchère et qui choisit, un rien iconoclaste, de cibler un pays, celui sans lequel plus rien n’est possible, ou bien… si peu mais certainement pas ce dont on n’a pu rêver de longue date et de longue haleine : les USA…
Lanzmann s’étant toujours contenté d’une Pologne dans laquelle il n’y a rien à sauver, selon lui, une Pologne* retorse sous l’URSS, muette dans l’Europe, - et d'une Allemagne moralement à genoux, repentante à souhait, même si économiquement elle n’en fait qu’à sa tête.
Une Pologne bouc émissaire dans l’entreprise de condamnation et de culpabilisation de l’Europe au sujet de son antisémitisme, en échange d’une immunité pour les Etats-Unis devenus depuis la fin des années 60 le bailleur de fonds d’Israël, une fois l’Europe muselée, interdite de parole critique quant à la politique de cet Etat vis-à-vis des Palestiniens.
Haenel brise ce consensus (tabou ?) en plaçant les Etats-Unis sur le banc des accusés de l'antisémitisme (à moins que ce tabou ait été transgressé à dessein, avec le soutien de ceux qui l'ont entretenu, contre l'Amérique d'Obama, à titre préventif ?!).
Car enfin...
Secret de Polichinelle l’indifférence des Etats-Unis face aux menaces d’extermination des juifs d’Europe (et pas seulement sur cette question !) Mais il est vrai que cela va toujours tellement plus mal en le disant !
Lanzmann qui a un grand, un très très grand souci d’Israël ne peut que s’en désoler, confronté à une génération ignorante des enjeux géopolitiques qui se cachaient et se cachent aujourd’hui encore, derrière cette immunité accordée aux USA et une Pologne bouc émissaire pour expier les crimes antisémites d'une Europe qui s'étend de Brest à Vladivostok.
In fine, beaucoup de bruit pour pas grand-chose cet ouvrage et la polémique qui oppose Haenel et Lanzmann, avec, pour s’en faire l’écho - la polémique, même à bon compte, fait toujours recette -, quelques littéraires complaisants et opportunistes, quand on sait qu’aucune nouvelle « vérité » historique ne sortira de cette confrontation factice ; et sur le plan littéraire, on n’y aura trouvé aucune écriture digne de ce nom… dans le dernier ouvrage de Haenel.
Aussi…
Perdant pour perdant…
C'est encore la littérature qui fait les frais d'une recherche effrénée de publicité, et que l'on passe à la trappe.
Rédigé par : Serge ULESKI | 28 janvier 2010 à 12:56
27 Janvier 1945
Libération d'Auschwitz
Nuit et brouillard
Jean Ferrat
Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants
Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent
Ils se croyaient des hommes, n'étaient plus que des nombres
Depuis longtemps leurs dés avaient été jetés
Dès que la main retombe il ne reste qu'une ombre
Ils ne devaient jamais plus revoir un été
La fuite monotone et sans hâte du temps
Survivre encore un jour, une heure, obstinément
Combien de tours de roues, d'arrêts et de départs
Qui n'en finissent pas de distiller l'espoir
Ils s'appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel
Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vichnou
D'autres ne priaient pas, mais qu'importe le ciel
Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux
Ils n'arrivaient pas tous à la fin du voyage
Ceux qui sont revenus peuvent-ils être heureux
Ils essaient d'oublier, étonnés qu'à leur âge
Les veines de leurs bras soient devenues si bleues
Les Allemands guettaient du haut des miradors
La lune se taisait comme vous vous taisiez
En regardant au loin, en regardant dehors
Votre chair était tendre à leurs chiens policiers
On me dit à présent que ces mots n'ont plus cours
Qu'il vaut mieux ne chanter que des chansons d'amour
Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire
Et qu'il ne sert à rien de prendre une guitare
Mais qui donc est de taille à pouvoir m'arrêter ?
L'ombre s'est faite humaine, aujourd'hui c'est l'été
Je twisterais les mots s'il fallait les twister
Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez
Vous étiez vingt et cent, vous étiez des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiriez la nuit de vos ongles battants
Vous étiez des milliers, vous étiez vingt et cent
Rédigé par : yves bouant | 27 janvier 2010 à 13:07
@ Jean-Dominique
Juste cela.
"Dans le cas d'Haenel, il s'agit d'une utilisation du personnage réel pour promouvoir une subjectivité étrangère à la réalité du personnage."
Jiel a mentionné "Blonde" de Joyce Carol Oates que je tiens - dans mon panthéon littéraire personnel - comme un des plus beaux et des plus déchirants romans écrits sur, à partir du personnage réel de Marilyn Monroe.
Et pourtant, nous avons là "une utilisation du personnage réel pour promouvoir une subjectivité étrangère à la réalité du personnage."
Et puis, considérez le Hadrien de Marguerite Yourcenar...
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 26 janvier 2010 à 05:32
Bonsoir.
Il me fallait réagir à la ridicule et prétentieuse réponse que Yannick Haenel a faite à Claude Lanzmann (dans Le Monde daté du 26 janvier) en ajoutant quelques lignes à mon féroce article n'est-ce pas ?
Voilà qui est fait (voir lien).
Que les choses soient parfaitement claires : je me demande comment une personne ayant lu le bouquin de Yannick Haenel peut oser affirmer qu'il s'agit d'une oeuvre de fiction...
Cordialement.
Rédigé par : Stalker | 25 janvier 2010 à 22:22
@ Savonarole
Je ne défends pas la position de Claude Lanzmann. J'essaie de la comprendre pour savoir de quoi nous parlons.
Je ne défends pas ce qu'écrit Claude Lanzmann dans Marianne d'autant plus que lui-même dans Shoah a en quelque sorte scénarisé l'intervention de Jan Karski .
Comme il a, par la force des choses et par le poids suffocant de son sujet, pour incarner le projet artistique qu'il poursuivait, créé des personnages de référence avec les témoins de son film.
C'est l'immense réussite de transmission de Shoah.
Notre réflexion, notre méditation, notre stupeur glacée, notre incompréhension de l'entreprise nazie de l'assassinat industriel d'êtres humains passent obligatoirement aujourd'hui par les images et par les témoins personnages de Claude Lanzmann.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 25 janvier 2010 à 17:18
Cher Philippe,
Votre élégance et votre courage font que, je me répète, l’air est plus pur après vous avoir lu !
Elégance de citer, sans rancune, la prise de position (que je ne connaissais pas) de BHL qui l’honore, sur Pie XII. Ainsi le maître-à-penser ne se range pas moutonnièrement derrière l’unanimisme de la curée anti-curés (excusez ce laisser-aller facile que je classerais à proximité de votre titre « un pape, un Papon »).
Courage (ce n’est pas la première fois) d’affronter un tabou, « la statue vivante du Commandeur » pour nous dire tout simplement le « bonheur de la littérature ». Pendant que se baisseront respectueusement les fronts devant l’avis exprimé par M. Lanzmann, vous dites l’intérêt et le plaisir trouvés dans la lecture d’un livre, ce qui devrait ne pas vous être reproché… mais attendons la volée de bois vert !
1. S’il est interdit d’écrire un livre qui porte sur sa couverture la mention ROMAN (pas : recherche historique) en mettant en scène un personnage réel, qu’on le dise (une loi de plus !). Joyce Carol Oates a écrit une biographie très romancée de Marilyn Monroe ("Blonde"), sans déclencher un tollé ! Est-ce parce qu’elle est protégée par le 1° amendement de la constitution américaine : « Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l'établissement ou interdise le libre exercice d'une religion, ni qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse, ou le droit qu'a le peuple de s'assembler paisiblement et d'adresser des pétitions au gouvernement pour la réparation des torts dont il a à se plaindre. »(traduction Wikipédia), tandis que nous sommes le pays qui chérit les lois Gayssot, Taubira, etc.
2. S’il est interdit de publier un livre touchant à la Shoah sans l’imprimatur de M. Lanzmann et le quitus du Mémorial de la Shoah, qu’on le dise (une loi de plus !). N’ayant eu dans ma famille qu’un seul déporté revenu vivant d’Allemagne, je n’ai sûrement pas les galons voulus pour parler… mais suivant l’exemple de Philippe, sans prétendre l’égaler, j’écris quand même que la Shoah est un sujet dont la gravité, l’horreur, les racines et les conséquences sont suffisamment importantes pour qu’on laisse l’esprit et l’intelligence de chacun développer une réflexion libre, vivante, et maintenant très informée, plutôt que de mettre l’accent sur une vérité figée et confiée aux gardiens du temple qui discutent entre eux de la légitimité de tel ou tel à s’exprimer. M. Lanzmann, dont le film a été une révélation incontestablement déterminante pour beaucoup, rend-il aujourd’hui service tant qu’il le pense à la cause qu’il servira jusqu’à sa mort ?
Rédigé par : Jiel | 25 janvier 2010 à 14:05
Véronique, j'entends bien les objections de Philippe et vos arguments. Littell a introduit les personnages réels sous le prisme de son personnage romanesque. C'est au travers de son propre regard que ces personnages réels s'animent devant nous. Qu'importe alors le contresens historique puisque c'est la subjectivité d'un personnage de fiction qui nous est transmise.
Dans le cas d'Haenel, il s'agit d'une utilisation du personnage réel pour promouvoir une subjectivité étrangère à la réalité du personnage. Personnellement, je suis davantage gêné par ce procédé même si je peux tout à fait admettre que cela peut avoir une vraie valeur littéraire. Mais enfin, je n'imagine pas l'accueil que recevrait un livre visitant de l'intérieur les fantasmes sexuels baroques du général de Gaulle qui seraient étrangers à toute forme de documents ou de réalité.
J'ajoute que, de surcroît, le personnage de Karski n'est pas très connu. Il est plus difficile de faire mentir un personnage dont les pensées sont déjà connues, mais faire mentir Karski, c'est facile, quel lecteur est en mesure d'émettre une objection, notamment après avoir lu des passages sous l'autorité de Lanzmann et de Karski lui-même ? C'est pas super-honnête, je trouve.
Cela dit, je ne défends pas la posture de Commandeur de Lanzmann. J'ai dû voir Shoah 5 ou 6 fois, c'est un truc énorme, mais l'exégèse de l'auteur me gonfle.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 25 janvier 2010 à 14:02
Il est vrai que "Shoah" est un documentaire consacré à l'extermination des Juifs et Lanzmann a réalisé un monument historique et artistique !!
Yannick Haenel s'est inspiré de ce film pour son roman et il ne s'en cache pas, mais en aucun cas il ne prétend écrire une oeuvre historique mais plutôt un roman sous forme de triptyque, relatant l'intervention de Karski dans Shoah, puis un résumé à sa manière du livre de Jan Karski et enfin un troisième chapitre qui relève de la fiction.
Alors comment Lanzmann peut-il prétendre que Haenel est un faussaire ???
Parce que Yannick Haenel s'est lui aussi emparé de l'histoire de Jan Karski, faut-il payer à Lanzmann des droits d'auteurs qu'il ne détient pas, fallait-il "consulter M.Lanzmann", qui pense peut-être détenir l'exclusivité sur l'oeuvre de Jan Karski ??
Pour moi le roman de Yannick Haenel est un chef-d'oeuvre, un mélange de documentaire et de fiction qui a suscité chez moi une vraie fascination et je peux dire "unanime" avec les personnes de mon entourage qui ont lu le livre.
N'est-ce pas là l'essentiel que recherche en premier un lecteur dans un roman ?!!!!!!
Rédigé par : Dominique Becker | 25 janvier 2010 à 12:19
"Il y a parfois des surprises heureuses. Par exemple, Bernard-Henri Lévy n'hésitant pas dans un journal italien à prendre la défense de Benoît XVI et de Pie XII."
Je suis extrêmement choqué de la légèreté avec laquelle une personne est encensée ou détruite.
Il suffit que quelques favoris des médias parlent pour qu'une nouvelle vérité devienne tendance.
Hier, en grande partie par anticléricalisme primaire, il était de bon ton d'accuser Pie XII en le mettant au même niveau de responsabilité qu'Hitler. Aujourd'hui, retour de balancier, c'est l'inverse.
Est-ce que l'on pourrait demander à ceux qui font l'opinion un peu plus de mesure, de prudence et d'honnêteté dans leurs jugements ?
Rédigé par : Polochon | 25 janvier 2010 à 11:22
... "se faire pardonner"... sans doute, car il ne sait pas ce qu'il fait, semble-t-il...
Sollers sait, lui, et il sait aussi où nous en sommes dans le temps : tout proche.
Bonjour à vous tous.
Rédigé par : Alina Reyes | 25 janvier 2010 à 11:02
"Pour le cinéaste, le roman, la fiction, la littérature ne peuvent que dénaturer et pervertir la signification qu'il a voulu donner à son film Shoah."
Rédigé par: Véronique Raffeneau
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Certes, mais dans ce cas fallait-il s'abstenir d'écrire "Guerre et Paix" ?
Rédigé par : Savonarole | 25 janvier 2010 à 10:25
@ Jean-Dominique
"Parce que Littell fait oeuvre de fiction d'un bout à l'autre, il est en droit d'inventer ce qu'il veut, d'établir toutes les vérités qu'il souhaite puisqu'il ne s'appuie sur rien d'autre que son propre imaginaire."
Jetez un coup d'oeil sur l'abondante littérature qui a accompagné la parution du roman "Les Bienveillantes" et vous vous rendrez très vite compte que Littell, de son propre aveu, s'est appuyé sur un nombre considérable de documents dont Shoah, et qu'il a intégré à son récit des personnalités historiques réelles.
"Les personnalités historiques
Le roman abonde en personnages historiques avec lesquels le narrateur a des contacts plus ou moins étroits, notamment les dignitaires importants du régime, de la SS, des Einsatzgruppen et même des milieux d’extrême droite française, Robert Brasillach, Lucien Rebatet, Pierre-Antoine Cousteau par exemple. Apparaissent ainsi Albert Speer, le Reichsführer Heinrich Himmler, Adolf Eichmann, le chef du RSHA, Reinhard Heydrich puis Ernst Kaltenbrunner (successeur d'Heydrich à la tête du RSHA), le gouverneur général de Pologne Hans Frank, les chefs de l’Einsatzgruppe D Walther Bierkamp, Otto Ohlendorf, le commandant du camp d’Auschwitz Rudolf Höß, Odilo Globocnik, Paul Blobel, l’écrivain Ernst Jünger, Josef Mengele, et Adolf Hitler lui-même." (extrait de la notice wikipédia - Les Bienveillantes ).
Il faut être clair au sujet de cette controverse Lanzmann-Haenel :
Claude Lanzmann n'accepte pas l'idée que Jan Karski devienne un personnage de roman. Un personnage autre que le Jan Karski tel qu'il a choisi de le filmer et de le restituer dans Shoah.
Voilà fondamentalement l'objet de la contestation et du rejet de Claude Lanzmann.
"C'est la réalité, la radicalité de la mort et de l'inéluctable que je voulais transmettre" (Claude Lanzmann dans Marianne.)
Pour le cinéaste, le roman, la fiction, la littérature ne peuvent que dénaturer et pervertir la signification qu'il a voulu donner à son film Shoah.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 25 janvier 2010 à 08:19
M.Haenel a d'autant moins á s'excuser qu'il cite explicitement ses sources (dont Lanzmann) en début d'ouvrage.
Je viens de revoir "Shoah" á la télévision. Dans le lancement (avant le docu) M.Lanzmann explique comment il a travaillé, etc., puis en conclusion il relate le livre de M.Haenel.
J'ai cru déceler dans son regard, dans sa mimique désabusée, une grosse déception. Car, dit-il, Jan Karski fera l'objet d'un prochain documentaire... de sa part.
Voilà c'est tout. Il s'est fait griller la politesse alors il est aigri.
Un grand merci á lui pour son travail de témoignage et un grand merci á M.Haenel pour le complément d'information.
Rédigé par : jpledun | 24 janvier 2010 à 21:49
D'un naturel trop deprime, desillusionnee precocement eu egard au genre humain, vieillissante maintenant, desabusee souvent, je m'epargnerai cette lecture non pas en raison de l'auteur mais du douloureux sujet qu'il aborde.
En ce qui concerne le realisateur de Shoah, j'avais, lors de la derniere diffusion de son documentaire, pris bien soin de l'enregistrer en me promettant de le visionner ulterieurement... j'ai depuis tout efface parce que regarder aurait ete au-dela de mes forces.
Paix a l'ame de ces Malheureux. Leur indicible souffrance aura toutefois donne matiere a creation.
Rédigé par : Valerie | 24 janvier 2010 à 21:29
Bonsoir M. Bilger.
Je ne sais si vous êtes abonné à "Arrêt sur images" ( mais je crois vous savoir admirateur de Schneidermann) mais je ne saurais trop vous conseiller l'émission "Dans le texte" avec Lanzmann comme invité pour son "Lièvre"...
Il m'est apparu assez détestable, surtout avec Ferney, puis avec Judith aussi vers la fin... Pourtant, quand on visionne "Shoah", on n'imagine pas un instant que le réalisateur soit ce Lanzmann...
Bien à vous.
Rédigé par : Herman | 24 janvier 2010 à 19:53
Vous me paraissez bien indulgent pour Haenel en méconnaissant notamment la source qu'à constitué pour lui l'entretien de Karski avec Lanzmann, ce qui accorde à celui-ci quelque légitimité pour émettre un avis. Ce n'est pas Lanzmann qui s'approprie Karski, mais Haenel qui s'approprie Lanzmann.
Je veux bien que tout soit permis en littérature à l'unique condition que l'on reste en littérature. Mais lorsqu'il s'agit de compiler plusieurs sources parfaitement identifiées pour se permettre, à l'abri de ces augustes tutelles, de faire dire à son personnage le contraire de ce qui fut : nous sommes davantage là en présence d'une imposture aux motivations peu claires. Il s'agit moins de mêler réalité et fiction, l'une et autre s'épaulant sur un chemin vers la vérité, que de superposer le mensonge manifeste sur la vérité. A la fin du livre, Karski n'est plus Karski, mais Haenel. Ah oui, mais jeune homme, faudrait-il encore que nous le sussions !
Alors que Lanzmann constitue une source du livre d'Haenel, il est légitime à s'interroger sur l'utilisation qui est faite de son propre travail. Qu'il le fasse avec une pompe orgueilleuse que ni les honneurs ni l'âge n'apaisent jamais, c'est sans doute déplaisant. Mais l'homme a quelques raisons de se mêler de cette affaire.
La comparaison est faite avec les Bienveillantes de Littell. Sans fondement. Parce que Littell fait oeuvre de fiction d'un bout à l'autre, il est en droit d'inventer ce qu'il veut, d'établir toutes les vérités qu'il souhaite puisqu'il ne s'appuie sur rien d'autre que son propre imaginaire. Mais le livre d'Haenel ne se présente nullement comme un rêve d'Haenel à propos de Karski, mais bien, notamment au départ, comme une restitution de l'homme Karski. On peut prendre du plaisir à lire une vérité controuvée sans toutefois se départir de la lucidité face à ce qui, à mon sens, constitue une malhonnêteté intellectuelle.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 24 janvier 2010 à 19:35
@ Achille57 :
"La communauté juive cherche-t-elle à se rapprocher de la communauté catholique pour faire front à la montée de l’Islam ?"
Finement observé.
- Il y a moins de deux mois, Jacques Attali dans le quotidien israélien "Haaretz" répondait à des questions pressantes sur "l'antisémitisme en France". Excédé par l'insistance du journaliste, J. Attali a éructé : "Bullshit ! C'est faux !"...Le journaliste est tombé des nues, un monde s'écroulait sous ses yeux...
- Les fameux "dîners du CRIF" n'ont plus l'allure de tribunal devant lequel le Président ou le Premier ministre de la France étaient convoqués, en queue de pie et chapeau haut-de-forme, pour se prendre des avoinées...
- Comme vous l'observez, on assiste en effet à un apaisement devant d'autres défis.
Une sorte d'armistice...
On est loin du BHL qui nous avait infligé "L'Idéologie française". Et c'est heureux.
Bien sûr, çà et là, il y aura toujours un Szpiner pour déverser des bennes, mais un centurion isolé ne constitue pas une cohorte.
Rédigé par : Savonarole | 24 janvier 2010 à 19:03
Je pense qu'il serait tout de même judicieux de la part de vos commentateurs de lire la longue intervention de Claude Lanzmann dans Marianne.
Principalement Claude Lanzmann reproche de façon virulente à Yannick Haenel d'avoir écrit une fiction avec comme armature centrale un témoignage imaginé et reconstruit de Jan Karski de sa rencontre avec Roosevelt et l'administration américaine.
Selon moi le gros souci de la charge de Claude Lanzmann réside dans le fait que le cinéaste conteste à Yannick Haenel ce qu'il s'est autorisé avec Jan Karski dans son film Shoah.
"Dans Shoah, Karski dit simplement : "But I reported what I saw" ("mais j'ai fait mon rapport sur ce que j'avais vu"). Rien de plus, je l'ai voulu ainsi. C'était artistiquement la seule façon de maintenir la rigueur de la tragédie. Le reste, le contenu même de ses rapports, les réactions de ceux devant qui il les faisait étaient pour moi, au point où j'en étais de la construction de mon film, distraction et anecdote." (Marianne)
"Je l'ai voulu ainsi"
Claude Lanzmann a pris le parti dans Shoah de ne pas conserver dans son film ce qui de son point de vue, au cœur du projet fondamental de son immense film, lui est alors apparu comme secondaire et anecdotique.
J'imagine que Claude Lanzmann n'a pas cessé tout au long de la construction de Shoah de faire des choix dans la narration, la mise en récit et la représentation de ce qui lui est alors apparu comme absolument nécessaire à ce qu'il voulait montrer et démontrer.
Personne n'irait reprocher à Claude Lanzmann d'avoir réalisé le film qu'il voulait totalement.
Alors je ne saisis pas cette charge contre le livre de Yannick Haenel que je n’ai pas lu. Lui aussi n’a écrit que ce qu'il voulait écrire.
Et je crois profondément que si le film de Claude Lanzmann est devenu pour beaucoup, moi en premier, un tel monument, c'est très précisément parce qu'il a voulu absolument, totalement, faire le film qu'il voulait. Et qu'il l'a fait.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 24 janvier 2010 à 18:49
J'ai lu entièrement "Le lièvre de Patagonie". J'ai beaucoup aimé. Nonobstant l'amour inconsidéré de Claude Lanzmann pour l'utilisation de l'imparfait du subjonctif !!!
Rédigé par : bruno | 24 janvier 2010 à 17:41
Anne S. www.sculfort.fr
"un point de vue argumenté sur le livre de Haenel"
Hé bien ! A l'armée on aurait dit "une corvée de chiottes"...
Comme quoi, il peut arriver qu'il y ait des gens qui peinent à s'exprimer mais comme vous l'avez dit : "ce qui n'a pas la moindre importance".
P.S: Philippe, prévoyez le casque lourd, on cause plus, on flingue. Charmante jeune fille.
Rédigé par : yves bouant | 24 janvier 2010 à 17:31
Et puis quoi encore !
Jusqu'où irons-nous, heureux de nous vautrer dans les bauges du passé.
Il y a un avenir, un avenir de m... pour tous les jeunes de la planète, battre sa coulpe, dire c'est ma faute, nous sommes tous des assassins potentiels bien au chaud, occupés à chercher les poux chez les plus vieux, ceux qui sont partis, qui ne peuvent plus répondre, alors que depuis 20 ans nous voyons tous les édifices de la pensée, de la justice au sens de l'égalité, être bafoués, tagués, pillés.
Oui je suis en colère, en colère d'être encore là, comme un imbécile dont tout le monde rit parce que ce serait trop dur de pleurer ensemble et de se relever pour refuser, rejeter tous ces manipulateurs qui vont semer la haine, la mort au nom de l'argent croient-ils, non au nom du mépris qu'ils ont d'eux-mêmes et qu'ils voudraient nous communiquer.
Ah quelle tristesse ! Certes ils ne m'auront pas, "j'ai piégé mon âme et ma conscience" mais ça leur est bien égal.
Vous ne trouvez pas que l'air est de plus en plus nauséabond ?
Rédigé par : yves bouant | 24 janvier 2010 à 14:43
@Yves Bouant
"En ce qui me concerne, je vais être obligé par ma conscience, à pétitionner pour sauver le soldat Bilger."
Alors nous serons deux pour le moins.
Monsieur Bilger votre billet me fait penser à une réflexion, frappée au coin du bon sens, de "djeuns", entendue dans le bus la semaine dernière.
Ces adolescents parlaient d'un de leurs camarades de classe qui, premier à peu près partout, se sentait obligé d'expliquer au monde entier que seul lui comprenait tout, qu'il était le meilleur et faisait donc autorité.
Je cite ce trait lapidaire :
"y s'la pète l'ot naze" (orthographe libre).
Oui, je trouve, également, que beaucoup de gens se la "pètent" au fait qu'ils aient entrepris et/ou réussi quelque chose d'important dans leur vie.
Grand bien leur fasse, mais cela ne leur donne, à mon sens, aucune légitimité passé cet événement.
Mais que c'est énervant ces gens manquant de la plus élémentaire modestie.
Cela leur enlève, à mon sens, outre le côté éventuellement sympathique, le crédit qu'on aurait pu leur attribuer.
J'ai appris en jouant au rugby ce que veut dire l'humilité, même si comme tout un chacun je peux également tomber dans les travers que je reproche à certains.
Je prends, je donne, me disait toujours l'entraîneur en parlant du ballon et de l'esprit même de ce jeu.
Tu es là mais tu n'es pas indispensable, tu fais partie du tout et comme tel tu y participes.
Comme le fait très justement remarquer Yves Bouant, l'humanité c'est nous tous et nul ne peut s'approprier son image, son être.
Ceux, coupables de crime contre l'humanité ont commis un crime contre nous tous, contre eux-mêmes.
Dans notre époque si frimeuse et outrancière il est bon de retrouver parfois des élites sereines et humbles. Ce qui n'enlève en rien de leur autorité dans la matière qui est la leur et la conscience qu'ils ont de celle-ci.
Humble ne voulant pas dire être inconscient de sa valeur mais bien au contraire conscient des responsabilités intellectuelles que cela impose.
Une personne capable de prendre du recul alors même qu'elle est au coeur du sujet est à mon avis une personne que je qualifierais de raisonnable au sens kantien du terme.
Rédigé par : Surcouf | 24 janvier 2010 à 14:27
Je suis totalement en désaccord avec ce billet, ce qui n'a pas la moindre importance.
Je me permets juste d'indiquer une page qui exprime, mieux que moi, un point de vue argumenté sur le livre de Haenel :
http://stalker.hautetfort.com/archive/2009/10/05/jan-karski-de-yannick-haenel-ou-le-faux-temoignage.html
Anne S.
www.sculfort.fr
Rédigé par : Sculfort | 24 janvier 2010 à 13:56
Il serait historiquement incorrect d'accabler la Pologne. Au 14ème siècle, début de la peste noire, les juifs européens moins touchés par cette maladie létale en raison d'une hygiène alimentaire, furent désignés par la vindicte comme empoisonneurs. En 1334, le roi Casimir II de Pologne invita les rescapés des pogroms européens à s'installer dans son pays. Ce fut un havre de paix pendant deux siècles pour cette communauté religieuse. En 1648, du fait d'un retournement d'alliance, le sanguinaire ukrainien Chmielnicki débuta en Pologne une vague de pogroms faisant selon des estimations 100 000 victimes juives.
"Suivant la loi polonaise les nobles n'étaient pas autorisés à réduire les juifs en esclavage... Les Cosaques avaient décapité, pendu, étranglé ou empalé nombre de juifs sans reproche. Des femmes chastes avaient été violées et on leur avait arraché les entrailles." Isaac Bashevis Singer, L'esclave.
Je considère les oeuvres Shoah et La Liste de Schindler comme témoignages prépondérants de l'Holocauste. Toutes querelles seraient d'un ego déplacé.
M. Bilger, par le biais de votre billet remarquable, vous m'encouragez à la lecture du roman de Yannick Haenel. Si, en retour je peux humblement vous conseiller la lecture de Couleur de fumée, une épopée tzigane de Menyhért Lakatos.
Rédigé par : Frédéric | 24 janvier 2010 à 13:33
Le laïc que je suis rejoint en grande partie l'avis d'Oursivi.
Claude Lanzmann a effectivement produit un monument et le travail qu'il a réalisé ne peut qu'être reconnu pour sa qualité et son importance. Tout cela restera dans les grands témoignages.
Cependant, je réfute l'usage de termes religieux dans l'expression publique de certaines notions. Le mot Shoah, que je comprends fort bien dans l'expression qui touche en propre les Juifs, ne saurait réduire les génocides commis par l'Allemagne nazie à celui seul des Juifs, même s'il apparaît comme le plus emblématique de cette volonté de détruire des millions d'hommes, de femmes et d'enfants uniquement pour ce qu'il sont ou représentent.
De même le mot holocauste, très connoté, présente l'inconvénient d'évoquer un sacrifice religieux sur l'autel d'une vérité "révélée"... D'où ma préférence pour le terme de génocide beaucoup plus exact à mon sens.
Cela ne fait pas de Claude Lanzmann le seul dépositaire de la vérité sur ce génocide comme sur les autres perpétrés dans ces années noires pour toute l'humanité.
Quant à BHL, au-delà de sa propre infatuation qu'on ne peut que lui reprocher, il dispose d'un organe cérébral hors du commun et reste un penseur de grande qualité quand il se contraint à respecter ses sources.
En l'espèce, sa reconnaissance du rôle du pape Pie XII repose sur les avis autorisés de Golda Meir ou d'Einstein qui ne peuvent être suspectés d'approximation !
Rédigé par : Robert | 24 janvier 2010 à 12:48
"A pécheur repenti, Miséricorde !"
Un vent nouveau souffle sur les frondaisons de La Closerie des Lilas !
BHL prend la défense de deux Papes en un seul article !
Un vrai blot !
Miracle ?
Hélas, notre joie fut de courte durée, voici que Jacques Dutronc est contesté par la famille de Jacques Lanzmann, dont Claude, le frère, pour avoir voulu s'approprier les gentilles pochades des sixties que le flegmatique Dutronc chantait.
Et puis voici une nouvelle problématique avec Jan Karski...
Dans les deux cas, on se demande si la loi Hadopi ne pourrait pas les départager.
Dans le show-biz, il vaut mieux un compromis qu'un mauvais procès.
Rédigé par : Savonarole | 24 janvier 2010 à 11:42
Bonjour monsieur Bilger, bonjour à tous,
Je trouve assez curieux que depuis quelque temps des personnalités de confession juive se mettent à prendre la défense de Benoît XVI et de Pie XII.
Outre BHL dernièrement c’est Eric Zemmour qui a fait un édito dernièrement sur ce sujet , apportant un éclairage nouveau et surtout très différent de celui que l’on avait entendu jusqu’à présent.
La communauté juive cherche-t-elle à se rapprocher de la communauté catholique pour faire front à la montée de l’Islam ? Nous aurait-on menti jusqu’à présent sur la réserve "coupable" de Pie XII envers le comportement des nazis lors de la dernière guerre ? A-t-il vraiment contribué par son attitude à sauver des Juifs ?
Voilà que cette dernière version commence à délier quelques langues et à agiter quelques plumes de gens « autorisés » parce que victimes directes ou indirectes.
« Dans son roman, Haenel, mêle des interrogations philosophiques, apporte une réflexion sur l'Histoire et l'Holocauste avec un regard sur sa propre destinée » dites-vous ?
Pourquoi pas. Cela ne remet pas en cause les atrocités commises au nom d’une idéologie démoniaque.
Claude Lanzmann nous a donné sa version des faits en s’appuyant sur des données historiques. Yannick Haenel décrit dans son roman sa propre « sensibilité », les faits qu’il a vécus dans sa propre destinée et les retranscrit à travers le personnage de son roman.
Rien d’incompatible avec la « vérité » de Claude Lanzmann. Le Maître devrait prendre un peu de hauteur et accepter les autres visions de cette sinistre période même si elles s'écartent quelque peu de la sienne.
Claude Lanzmann fait partie de ces « référents » qui se sont appropriés un thème magistral et qui ne sauraient supporter qu’un « béotien » ait l’outrecuidance de contredire sa version des faits.
Je trouve cela assez irritant.
Rédigé par : Achille57 | 24 janvier 2010 à 11:31
« Par exemple, Bernard-Henri Lévy n'hésitant pas dans un journal italien à prendre la défense de Benoît XVI et de Pie XII.»
J’ai d’abord cru que vous lisiez le journal en italien et j’apprêtais à vous faire part de mon étonnement admiratif mais j’ai vu qu’en fait l’article était cité par le Point
http://www.lepoint.fr/actualites-societe/2010-01-20/polemique-bernard-henri-levy-prend-la-defense-de-benoit-xvi-et-pie-xii/920/0/415475
Parmi les commentateurs de l’article on note un Ludovic Lefebvre, le même - ou son homonyme ? - qui a disparu de ce blog-ci.
Ceci dit c’est juste que la question de la « victime expiatoire » qui revient à l’ordre du jour est sans doute assez préoccupante non seulement pour les vrais juristes, mais pour tout un chacun qui pense pouvoir se retrouver à nouveau un jour sur cette même sellette où la vérité s‘oublie au profit de ce qui paraît pouvoir servir à faire retomber l‘ébullition des foules.
N’entend-on pas aussi parler de malédiction à propos du tremblement de terre en Haïti pour réintroduire du sens dans la catastrophe ayant affecté un pays qui, très croyant, s’est senti abandonné du Dieu et connaît la tentation de l’extrême violence pour survivre…
A mon sens il y a donc des questions plus urgentes à devoir solliciter notre réflexion que de « sauver les enfants de Haïti » comme si cela seul, ainsi que ceux-là seuls, devaient nous mobiliser en la circonstance et que, ayant contribué à sauver ceux que nous pouvons, la question de l’urbanisation sauvage, débridée, faisant appel à des matériaux bon marché utilisés au mépris de tout souci antisismique qui se laisse observer dans certains pays, un souci qui n’était pourtant pas absent des méthodes de construction traditionnelles, un oubli de soi donc qui représente la véritable malédiction à s‘abattre, en serait définitivement réglée.
Relisons donc et avec la plus grande attention, ce contemporain de Claude Lanzmann qu’est René Girard, le philosophe donc, pas le footballer.
« Il paraît que, sur le plan historique, Haenel aurait tort de prêter à son héros des propos accablant les Etats-Unis et exonérant la Pologne. »
Yannick Haenel ne semble pas en être à une polémique près si on en croit le Blog de Pierre Assouline sur le site du Monde, intitulé « La République des livres », [et qui a par ailleurs récemment rétrogradé dans le classement du top blog où le présent blog figure lui en 2ème position de la catégorie droit derrière « le journal d’un avocat » ( voir : http://www.wikio.fr/blogs/top/droit )] .
Sur ce blog donc, ( voir: http://passouline.blog.lemonde.fr/2007/10/09/alina-reyes-accuse/ ) l’écrivaine Alina Reyes accuse Yannick Haendel d’être non un auteur véritable mais un simple plagiaire, laquelle auteure est elle-même accusée d’être une choucroute paranoïaque.
Comme je ne m’intéresse pas vraiment aux uns et aux autres, je ne saurais avoir d’avis autre qu’en ce qui concerne le point de vue général que vous adoptez également. À savoir que l’important est en effet « dans le bonheur de la littérature. ».
En ce qui concerne l’Histoire, c’est juste que d’une façon générale, les U.S.A ne sauraient être toujours et partout portés aux nues tels les Zorros d’un monde moderne où les polonais, qui ont eu leur part de souffrance dans les camps et les expériences médicales nazies de celles qui défient l’imagination, ne seraient eux que de pures et simples sombres brutes. Personnellement, je ne saurais choisir entre la polonaise et le ragtime, je prends les deux et ne ferme mes oreilles qu’au bruit pur et simple.
Quant au plagiat, on peut tout de même souligner que dans le cas où il est réel, il cause de graves préjudices dès lors que c’est le plagiaire qui est reconnu et encaisse les royalties et l’auteur original qui est relégué au placard, mais c’est en priorité une question d’enrichissement sans cause à régler de nos jours entre avocats.
La question de l’originalité en matière de littérature, ainsi que de l’emprunt, subreptice ou hommage rendu et entendu comme tels chez les gens cultivés, est une question que se pose essentiellement la modernité, car avant on a toujours eu conscience que rien ne naissait de rien!
S’agissant de s’approprier le travail d’autrui, on peut observer assez souvent que l’intérêt d’un travail intellectuel ou de recherche dans les sciences dites « molles », ne résidant pas uniquement dans son résultat mais dans le cheminement qui y a conduit, le plagiaire ou l’emprunteur subreptice ne saurait faire longtemps illusion et le plus à plaindre est, en général, non pas l’esprit aux dépends duquel se produit une sorte de captation/spoliation/travestissement mais dont l’enrichissement provient en premier lieu de sa passion, mais en revanche celui qui sait qu’il ne peut exister qu’en travestissant autrui, ce qui est sans doute terrible quelque part dès lors que ce qui compte vraiment, ce n’est pas l’aspect économique de la chose, lequel bien évidemment et comme chacun sait, n’est pas sans toutefois « contribuer au bonheur »…!
Rédigé par : Catherine JACOB | 24 janvier 2010 à 10:39
Amusant mon cher PB, je finis "Jan Kerski" hier soir et je tombe sur votre billet ce matin.
J'ai beaucoup aimé ce livre, notamment ces trois chapitres qui permettent de prendre connaissance de ce Juste de trois façons différentes. Le chapitre 3 est un tantinet fourre-tout par moment à mon sens, j'ai le sentiment que quelques passages de ce chapitre ne sont pas à la hauteur du reste du livre.
Loin de moi l'idée de donner mon avis sur Claude Lanzmann, je ne savais pas qu'il avait critiqué ce livre.
Enfin, j'ai toujours été sensible à l'histoire de la Pologne, entourée de deux puissants voisins et qui, c'est vrai, a sûrement été le pays qui a le plus souffert de la Seconde Guerre mondiale.
Le passage où Jan tombe sur la statue de Kosciusko à Washington est très beau.
Bonne journée !
Rédigé par : polo | 24 janvier 2010 à 10:07
Faut-il sauver le soldat Bilger ?
Avec les mis en cause, Lanzmann, BHL et la meute, il va y avoir de l'ignominie en promo au rayon "Culture" de la médiathèque.
Que ces gens se soient appropriés la Shoah, est insupportable.
La Shoah est un crime contre l'humanité.
L'humanité, c'est chacun d'entre nous, le crime nous montre clairement ce que nous, en tant qu'espèce animale, sommes capables de faire.
Préparons-nous à voir arriver plaintes, noms d'oiseaux, etc.
En ce qui me concerne, je vais être obligé par ma conscience, à pétitionner pour sauver le soldat Bilger.
Rédigé par : yves bouant | 24 janvier 2010 à 10:02
Cher Philippe,
Pour avoir connu un tout petit peu Simone de Beauvoir et plus récemment Claude Lanzmann, je comprends votre prédilection pour certains chapitres du Lièvre de Patagonie. Si vous relisez Lettres au Castor et à quelques autres, éditions Gallimard, vous passerez un instant divin dans une relecture du Lièvre de Patagonie.
Sur la démarche d'un auteur qui s'infiltre dans le silence douloureux, qui mêle le docu et la fiction, car la troisième partie est fictionnelle, je ne peux cautionner de telles démarches. C'est la liberté d'expression soit c'est la confusion assurée. Les archives depuis la révolution appartiennent à tous et sont en principe sous la protection de l'Etat. A lire Emmanuel Hoog, "Mémoire année zéro", avec de telles démarches nous allons vers l'amnésie archivistique.
françoise et karell Semtob
Rédigé par : semtob | 24 janvier 2010 à 02:25
"Qu'il ait bénéficié d'une telle unanimité...
ne justifie pas cette diatribe à l'encontre de Yannick Haenel."
PB
Faudra que nous expliquiez, au moins à moi, n'ai pas compris en quoi unanimité justifierait critique au point que deviez en réfuter l'évidence..?
Lanzmann est un des très rares qui auront presque réussi à tacher mon 'philosémitisme', mais j'ai renoncé à lui donner tant d'importance, même après une sortie particulièrement nauséabonde visant les "prétendus actes de résistance de l'abbé Pierre", laissons le fat au milieu de ses errances, c'est la meilleure punition qui soit.
"Ce qui crée la richesse intellectuelle, c'est l'écart entre ce qu'on présume d'un esprit et l'expression libre et imprévisible de celui-ci."
Oui, bien entendu. Beaucoup sommes probablement à savoir que si on peut moquer certaines postures de BHL, il sait aussi être l'intellectuel honnête qu'il se dit être. Non que Pie XII mérite forcément la béatification, à supposer que cela ait - vraiment - un sens, mais à apprendre récemment que jusqu'à Golda Meïr s'était émue de sa mort, laisse planer un fort doute sur ce que les non historiens comme moi avaient eu la légèreté de croire, et qui faisait de lui, au mieux un indifférent, au pire un salop.
Si ces faits sont avérés, si on conclut sans faute que les propos prêtés récemment à cette responsable israélienne comme à d'autres éminences juives de l'époque (Einstein) furent tel qu'ils sont désormais lisibles en quelques clics, il faudra dès lors interroger les raisons d'une telle dérive qui firent penser l'inverse à tant de gens, dont moi.
AO
Rédigé par : oursivi | 24 janvier 2010 à 01:24