J'ai écouté Bernard Thibault sur France Inter au matin d'une journée consacrée à une discussion sur les retraites entre les partenaires sociaux, à l'Elysée (Le Monde, Le Figaro, Le Parisien).
L'atmosphère a changé. Je ne parle pas du fond des revendications et des réponses gouvernementales. Je fais allusion à l'ambiance générale. D'où vient ce sentiment d'une sorte de décrispation dans le langage, d'une forme plus apaisée comme s'il y avait moins de lutte des classes et plus d'avenir possible en commun ?
J'essaie de me revoir il y a des années, quand la phraséologie révolutionnaire, le maximalisme et l'obsession d'obtenir avec des manifestations ce que l'Etat avait déjà concédé de bonne grâce m'exaspéraient comme, je le crois, beaucoup de mes concitoyens. Quand cette frénésie s'est-elle muée en un discours aspirant autant au sens des responsabilités aujourd'hui qu'à la démesure hier ?
Il me semble qu'on pourrait analyser la multiplication des actions dissidentes, des violences improvisées, l'émergence d'un syndicalisme sauvage se méfiant des appareils et du réformisme, l'irruption de "briseurs" plus soucieux d'un jusqu'au boutisme que d'un compromis même avantageux, comme une prise de conscience diffuse de la métamorphose des syndicats officiels, "représentatifs", et la volonté de faire perdre à ceux-ci toute légitimité véritable - celle qui ne naîtrait que de l'affrontement et du refus.
Il apparaît aussi que les personnalités n'y sont pas pour rien. Quoi de commun entre le Conti volcanique Mathieu et Bernard Thibault, qui s'efforce à la fois de maîtriser l'imprévisible et d'être un homme d'ordre pour que la CGT soit respectée, et de menacer du désordre pour qu'elle soit crainte ? Quoi de commun entre les leaders syndicaux d'aujourd'hui et ceux d'hier qui n'étaient effrayés par aucune inféodation politique et pour lesquels la loi de la grève avait une force supérieure à tout ? Je me souviens d'un déjeuner, sous l'égide de Paul Wermus, avec Jean-Claude Mailly dont j'avais pu apprécier, certes dans un cadre restreint, l'intelligence, la finesse et la capacité de dialogue. Il était clair qu'avec des responsables comme lui, l'Etat ne perdrait jamais son temps en privilégiant la négociation sur le coup de force. Cette différence sensible entre les figures emblématiques du passé et celles du présent ne signifie pas nécessairement que celles-ci ont abandonné "les journées d'action", les débrayages et autres mouvements collectifs. Peut-être leur nombre s'est-il même accru mais leur tonalité n'est plus la même. On ne veut plus "casser la baraque" mais s'offrir un prélude aux choses sérieuses, un galop syndical comme il y a des galops d'essai. La grève qui était une fin est devenue un commencement : ce n'est plus une déchirure, une rupture mais une ouverture.
Il serait injuste de ne pas retenir comme cause fondamentale de cette révolution paisible la politique de dialogue mise en oeuvre depuis 2007. Certains ont cru seulement à une manoeuvre vieille comme le monde : en embrassant les syndicats, on allait les étouffer. En leur sein même, des oppositions se sont manifestées qui ont pointé le danger d'une promiscuité, d'une connivence trop ostensibles par rapport à l'intransigeance prétendue obligatoire de la tactique revendicative. Il n'empêche que cette manière de respecter les syndicats au-delà même de ce qu'ils pouvaient espérer dans leurs rêves les plus fous, même s'ils proclament ne pas être dupes, a accentué et rendu décisif un mouvement qui, peu ou prou, a fait perdre ses griffes à la violence révolutionnaire, rendu la réforme acceptable, sorti le compromis de la honte et constitué la démocratie comme une table ouverte. Si quelques-uns, comme Olivier Besancenot par exemple, continuent de "ruer dans les brancards" en affichant un extrémisme qu'ils sentent décalé et dépassé, cela ressemble fort non pas à une promesse d'avenir mais à la volonté désespérée et furieuse en même temps de maintenir encore en vie un fragment archaïque et épique d'un syndicalisme passé de mode.
J'espère que jamais le pouvoir politique ne sera assez maladroit pour faire prendre aux syndicats leur nouvelle sagesse pour de la faiblesse, pour une retraite.
@Alex Paulista
"Je ne suis pas sûr que ce soit une solution de paix sociale..."
Ah bon, parce que vous trouvez qu'on est dans une paix sociale ?
Si tant est que le mot paix ait la même signification pour vous que pour moi.
La paix n'est pas dans l'exploitation, la magouille partisane, les avantages unilatéraux, les privilèges injustes.
La paix n'est pas dans la loi du plus fort au détriment du plus faible.
La paix est dans le principe équilibré des vases communicants et non dans l'actuelle pompe anti-retour des privilèges corporatistes.
La paix assure à chacune des parties un traitement équitable que seule la transparence des accords peut assurer... et encore... la nature humaine étant ce qu'elle est...
Cordialement
Pierre-Antoine
Rédigé par : Pierre-Antoine @ Alex Paulista | 18 février 2010 à 09:53
@ Pierre-Antoine
"Ah... je rêve de négociations devant le public, comme en justice !"
Je ne suis pas sûr que ce soit une solution de paix sociale...
De manière générale, il n'y a pas de négociation possible en public: personne n'accepte de perdre la face, chacun campe sur ses positions jusqu'à l'explosion du rapport de force.
Rédigé par : Alex paulista | 17 février 2010 à 23:54
Il faut faire comme Florence Aubenas : s'immerger dans le monde du travail-sans-fioriture.
Ce style de travail est payé à 8.86€ brut de l'heure / 7€ net, sans heures supp possibles pour les contrats à temps partiel - contrats dont raffolent, et pour cause, nombre d'employeurs dans les activités de labeur.
Là on comprend que ce ne sont ni la politesse, ni l'argumentation des institutions représentatives des salariés qui persuaderont les détenteurs de capitaux (au sens large) de partager les dividendes qu'ils s'arrogent comme leurs.
Le syndicalisme modéré décrit dans ce billet est un syndicalisme d'adaptation au libéralisme lequel vénère le marché et se moque des civilisations, des sociétés et donc des hommes.
Ce syndicalisme là ne fait qu'accompagner le mouvement et certains de ses représentants ambigus n'iront pas, en plus, se couvrir de ridicule en adoptant une rhétorique ou des façons forcément vaines.
C'est peut-être cela qui les rend sympathiques.
Vu des sections syndicales d'entreprise, c'est parfois un vrai crève-cœur d'observer ces prises de positions (non concertées), pouvant refléter des trajets politiques individuels.
Rédigé par : Madame de F. | 17 février 2010 à 22:08
@Alex Paulista
oui, je sais ça... et pas que ça...
qui connaît les avantages professionnels, les garanties, les facilités, les arrangements entre amis...
Les "je fais le méchant pour la forme... mais j'accepte vos conditions et vous êtes gentils pour ma copine que vous embaucherez..."
L'homme est ainsi fait que le pouvoir émousse les caractères et aiguise les appétits.
Ah... je rêve de négociations devant le public, comme en justice !
Et encore pas sur du résultat à 100%.
L'homme est ainsi fait qu'au contact du pouvoir son caractère s'émousse et son appétit s'aiguise !
Cordialement
Pierre-Antoine
Rédigé par : Pierre-Antoine @ Alex Paulista | 17 février 2010 à 18:59
@Catherine Jacob
Même si c'est hors sujet, je vous présente toutes mes condoléances ainsi qu'à sa famille proche.
La mort d'un homme nous renvoie toujours à la nôtre... à la poussière d'où nous sommes tirés.
Cordialement
Pierre-Antoine
Rédigé par : Pierre-Antoine @ Catherine Jacob | 17 février 2010 à 17:11
@Pierre-Antoine | 16 février 2010 à 15:23
"C'est pas avec les seules cotisations du prolétariat qu'ils peuvent fonctionner."
Les syndicats reçoivent un pourcentage du chiffre d'affaire à travers les comités d'entreprises. Pour certaines entreprises, le chiffre est colossal et sert à alimenter en argent et en petites mains les partis politiques amis du syndicat principal (je vous laisse deviner). Quelques jolis voyages sont organisés pour faire taire les employés et s'assurer de leur discrétion, mais sans commune mesure avec les sommes en jeu.
Ainsi, le CE d'EDF gère 500 millions d'euros par an. Saviez-vous qu'un pourcent de votre facture EDF y finit inéluctablement ?
Les règles de gestion de l'UIMM sont communes à tous les syndicats. Ils peuvent retirer du cash à tout moment sans justificatif, ne sont pas obligés de publier les comptes. Pour les CE, c'est différent, c'est pourquoi des procédures sont en cours... qui à mon avis ne sont pas près d'aboutir : c'est toujours pratique d'en avoir sous le coude lors des négociations, et ce serait une déclaration de guerre envers la CGT.
Pourquoi fâcher les gens ?
Payez tous votre facture EDF et indignez-vous contre tous les méchants patrons, ces "buveurs de sang".
Rédigé par : Alex paulista | 17 février 2010 à 14:37
Vu le cadeau que fait l'Etat aux caisses de retraites du secteur public avec l'argent des caisses du secteur privé, les syndicats trouveront sûrement la "voie de la raison"... Il n'y a aucune raison que tout ce beau monde ne s'entende pas...
http://www.sauvegarde-retraites.org/dossier-retraite-du-mois.php
Rédigé par : Florence | 17 février 2010 à 14:02
@Pierre-Antoine | 16 février 2010 à 15:23
"C'est pas avec les seules cotisations du prolétariat qu'ils peuvent fonctionner.
Cordialement
Pierre-Antoine"
Ça, je n'en sais et n'ai plus les moyens d'interroger quiconque en vue d'une réponse honnête. Le syndicaliste de la famille (Sidérurgie) est en effet décédé cette nuit.
Rédigé par : Catherine JACOB | 17 février 2010 à 11:23
"J'espère que jamais le pouvoir politique ne sera assez maladroit pour faire prendre aux syndicats leur nouvelle sagesse pour de la faiblesse, pour une retraite."
Tout est dans cette phrase, mais seuls les dirigeants des syndicats n'ont pas encore pris pleinement conscience que le pouvoir politique était plutôt adroit. Sinon comment expliquer l'acceptation, que vous prenez pour de la sagesse, du fait que les plus faibles sont encore ceux auxquels on fait le plus supporter les conséquences des mesures que le pouvoir qualifie de "modernisation" et de la crise.
Rédigé par : Gilbert | 17 février 2010 à 11:14
La loi française est telle que vous pouvez dégraisser à volonté dès que votre entreprise commence à perdre de l'argent.
Or c'est la crise, les entreprises françaises sont au bout du rouleau et les finances publiques aussi.
Les syndicalistes ont beaucoup de défauts mais ont oublié d'être imbéciles : au niveau national, il vaut mieux faire le dos rond.
Rédigé par : Alex paulista | 16 février 2010 à 22:22
M.Bilger,
Vous citez la politique de dialogue mise en oeuvre depuis l'investiture à la présidence de M.Sarkozy, pudiquement dite de fluidification sociale, comme une avancée. Vous louez sans réserve le positionnement salvateur de M.Thibault, secrétaire général du syndicat CGT. A la lecture du bilan financier triénal du 49éme congrès (disponible aisément sur internet), le budget recette se chiffre à 115 047 603 euros, pour une rentrée cotisation de l'ordre de seulement 65,9% de cette somme. Auparavant, au 48ème congrès le rapport financier avait alerté sur le fait que les dépenses de personnel excédaient largement les recettes cotisations. Depuis le fruit d'un dialogue naissant, un mieux financier s'est opéré. La publicité du journal interne de la CGT, nommé NOVA, dont les grandes entreprises sont clientes, figure au bilan en tant qu'une simple estimation financière, et au détriment de la rigueur comptable.
Votre billet est d'une naïveté surprenante au regard du poids administratif des centrales syndicales.
Enfin la différence de taille entre M.Mathieu et M.Thibault est que le premier pointe au chômage, tandis que le second à la fin de son mandat syndical sera confortablement membre de droit du Conseil économique et social, tout comme actuellement Mme Notat, tant décriée dans l'affaire UIMM.
A quand le Thibault à Rolex ?
Rédigé par : Frédéric | 16 février 2010 à 21:10
"Un déjeuner sous l'égide de Paul Wermus" a brisé mon envie de lire la suite.
Rédigé par : SR | 16 février 2010 à 20:34
Cher Monsieur Bilger,
Le monde change, les organisations syndicales aussi et c'est tant mieux !
Parmi celles reconnues comme représentatives, l'une du haut de l'affiche qualifiée de révolutionnaire tend sensiblement vers un comportement réformiste. L'avis de la base est une chose, la stratégie syndicale en est une autre. Les experts des deux "camps" connaissent les limites du "combat" et les marges de manoeuvre atteignables. Dans les futures négociations il y aura comme d'habitude, et des deux côtés, de la gesticulation et du comment ne pas perdre la face. Les négociateurs syndicaux sont aussi bien conscients que leurs troupes ne représentent qu'environ 20% des "travailleurs" dont les 2/3 du bataillon émargent dans la fonction publique. Un bon Grenelle valant mieux qu'une hypothétique victoire à la hussarde, il y aura beaucoup de coulisse dans l'air.
S'agissant de l'Enteprise, elle ne doit pas non plus oublier que son image et sa prospérité dépend grandement du climat social ; quand on se sent bien, on travaille bien et on produit bien.
Nous ne sommes plus à l'époque de la dictature du prolétariat et de la lutte des classes et je pense que tout le monde l'a bien compris sauf quelques utopistes.
Attendons pour voir la position du curseur entre stratégie ventre mou et celle ventre dur.
Rédigé par : Jabiru | 16 février 2010 à 19:06
Faites attention Philippe. Vive la police !... mort aux gauchistes !...
Vous tombez dans la bien-pensance...de droite !
Cordialement.
Rédigé par : Herman | 16 février 2010 à 18:30
J'aurais aimé que suite à la déclaration télévisuelle de Sarkozy les représentants des syndicats signifient unanimement par courrier et voie de presse qu'ils acceptaient la proposition de mieux répartir les richesses des entreprises sur la règle des 3 tiers (investissements, salaires, dividendes). Et que dans l'attente de la loi, ils refuseraient toute nouvelle négociation... Là, ok, ils auraient atteint l'âge de raison...
Rédigé par : realworld | 16 février 2010 à 17:37
Tellement raisonnables, ils sont devenus, que plus personne n'y adhère. Un vrai succès !
Rédigé par : realworld | 16 février 2010 à 17:11
J'aimerais constater chez les syndicats de la SNCF la "nouvelle sagesse" dont vous les drapez, mais peut-être ai-je l'esprit mal tourné ?
Rédigé par : mike | 16 février 2010 à 17:07
@Catherine Jacob
Je pense que le problème syndical vient de ce qu'il n'a qu'une légitimité artificiellement entretenue par la politique (ça l'arrange bien) et aucune légitimité démocratiquement parlant...
Quand on est élu par une minorité on devrait avoir la sagesse de ne pas se prendre pour Zorro et ne revendiquer qu'au nom de ceux qui nous ont élus. C'est-à-dire un faible pourcentage d'employés et d'ouvriers, qui ont des préoccupations autres que de faire artificiellement (la boucle est bouclée) du contre-pouvoir politique avec les subsides du patronat...
C'est pas avec les seules cotisations du prolétariat qu'ils peuvent fonctionner.
Cordialement
Pierre-Antoine
Rédigé par : Pierre-Antoine | 16 février 2010 à 15:23
C'est la chute du mur qui a changé la donne. Avant on se battait pour les revendications et pour la révolution. Exit (pour un temps) la révolution. Ses adversaires se sont alors cru tout permis ; d'où la marche à grands pas vers... la crise.
Un nouveau spectre hante non plus seulement l'Europe, mais le monde. Il est encore "lointain"; cependant la crainte de ceux qui ont cru à leur victoire définitive grandit au fur et à mesure qu'il se rapproche et prend figure.
Nos gouvernants le savent et leurs mots ne sont plus ceux d'avant la crise. Les syndicalistes le savent aussi. C'est ce qui détermine leur nouvelle approche des choses beaucoup plus que ne le fait le nouveau langage des gouvernants.
Rédigé par : JM | 16 février 2010 à 15:04
Rédigé par: Catherine JACOB | 16 février 2010 à 13:04
______________________________________
Catherine soulève un lièvre.
Verra-t-on un jour des syndicats "publics" et des syndicats "privés" ?
("Privés" dans le sens "entreprise privée", bien entendu).
Pour avoir défilé quelques fois dans des cortèges "unitaires", je me suis souvent demandé ce que j'y faisais, n'ayant aucun point commun avec mes "camarades" du "Public".
Nous partions du même pied de la Place de la République, mais je n'ai jamais atteint la Bastille.
Rédigé par : Savonarole | 16 février 2010 à 14:03
"J'espère que jamais le pouvoir politique ne sera assez maladroit pour faire prendre aux syndicats leur nouvelle sagesse pour de la faiblesse, pour une retraite."
C'est ça le risque des syndicats nationaux. Personnellement, j'ai toujours pensé que le syndicat d'entreprise était une solution à la fois plus efficace sur le plan local et moins pénible sur le plan national.
Rédigé par : Catherine JACOB | 16 février 2010 à 13:04
Cher Philippe,
D'accord sur le constat de cet apaisement (qu'elles étaient rutilantes les grosses berlines qui déposaient les élites syndicalistes devant le perron de l'Elysée; à propos qui paye leurs chauffeurs de nos jours?) mais moins sur la conclusion positive à en tirer.
Ces leaders syndicaux policés ont-ils encore l'attache sincère de ceux qu'ils sont censés représenter? Ne sont-ils pas l'arbre qui cache la forêt? Comment se feront entendre les laissés-pour-compte quand ils ne se reconnaîtront plus en B. Thibault?
Si l'on était assuré que les élites syndicales, en allant davantage vers une attitude de négociation, ne tendent pas exagérément l'élastique qui les lie à la "France d'en bas", je serais moins inquiet.
Rédigé par : Jiel | 16 février 2010 à 11:37
Joli jeu de mots entre la formule d'appel et le tout dernier de la chute !
Sans doute n'y-a-t-il pas retraite, au sens militaire du terme... Peut-être un recul des modes d'action violents de la part de certains syndicats "installés", principalement à l'aune de la doctrine de l'union des syndicats européens.
Quant au discours apaisé, il faudra attendre les décisions prévues au mois de septembre pour savoir si elles résultent d'un accord réel entre les parties autour de la table des négociations ou si elles entraîneront des réactions d'opposition. Dans un cas comme dans l'autre, l'on saura si la concertation proclamée est réelle ou s'il s'agit d'une tactique bien éprouvée.
Parions pour la première proposition, il y va de l'intérêt général qui seul devrait guider les parties en présence sur un sujet d'une telle importance.
Rédigé par : Robert | 16 février 2010 à 11:17
@PB
"L'atmosphère a changé."
Oui l'atmosphère a changé !
Pourquoi ? Comme vous le dites si bien :
"J'essaie de me revoir il y a des années, quand la phraséologie révolutionnaire, le maximalisme et l'obsession d'obtenir avec des manifestations ce que l'Etat avait déjà concédé de bonne grâce"
Avant de poursuivre, permettez-moi de vous signaler une coquille dans votre phrase : vous avez écrit maximalisme au lieu de marximalisme...
Là on comprend mieux pourquoi ça a changé... depuis que le révolutionnaire et le marximalisme ont perdu leur air... heu pardon leur R...
Avant c'était le révolutionnaire et le marximalisme !
Maintenant c'est l'évolutionnaire maximaliste !
Une lettre disparaît et tout change ! Y compris l'air du temps syndical !
Cordialement
Pierre-Antoine
Rédigé par : Pierre-Antoine | 16 février 2010 à 09:00
Bonjour monsieur Bilger,
Vous dites :« Il n'empêche que cette manière de respecter les syndicats au-delà même de ce qu'ils pouvaient espérer dans leurs rêves les plus fous, même s'ils proclament ne pas être dupes, a accentué et rendu décisif un mouvement qui, peu ou prou, a fait perdre ses griffes à la violence révolutionnaire, rendu la réforme acceptable, sorti le compromis de la honte et constitué la démocratie comme une table ouverte. »
Là sincèrement je m’interroge. Vous nous faites encore une fois du second degré ou bien étiez-vous sincère quand vous avez écrit ces lignes ?
Lorsque Nicolas Sarkozy a dit, je cite : « Désormais quand il y a une grève, plus personne ne s’en aperçoit », suivi d’un petit rire sardonique, je ne suis pas vraiment persuadé qu’il ressentait un grand respect pour les syndicats. On avait même plutôt l’impression qu’il les avait bel et bien « roulés dans la farine » et en était même assez satisfait.
Le ton des syndicats a changé, y compris celui de la CGT, certes, mais je ne pense pas que cela soit dû à la nouvelle équipe du pouvoir en place depuis 2007.
La raison n’est pas politique, elle est conjoncturelle. Les temps ont changé tout simplement. Depuis la fin des années 80, il y a eu la chute du mur de Berlin et l’échec du collectivisme, la mondialisation et l’impact des pays émergents sur le marché du travail et enfin la fin des 30 « glorieuses » avec les différents chocs pétroliers.
L’Etat providence, c’est fini. D’ailleurs celui-ci s’est progressivement désengagé des entreprises publiques pour les céder au secteur privé, ce qui d’ailleurs n’a pas empêché de subir la crise économique, sociale et monétaire que nous connaissons aujourd’hui. Je dirais même au contraire, si on analyse les raisons qui ont provoqué cette crise : subprimes, titrisations des produits financiers, spéculation sur des richesses fictives dépassant de très loin la production réelle des matières premières etc. Avec pour conséquence, délocalisation des centres de production, montée du chômage et mise sur le carreau des travailleurs de la catégorie senior (plus de 55 ans) dans certains secteurs industriels à tous les niveaux de compétence (y compris et surtout les cadres).
Il convient donc aujourd’hui pour le pouvoir en place de proposer un système équitable, avec une juste répartition des richesses et des dispositions permettant à nos entreprises et notamment les PMI/PME qui sont les principales sources d’emploi, de devenir compétitives vis-à-vis des pays émergents qui font fi de la législation du travail et des droits de l’Homme.
Pour l’instant on a surtout l’impression que la préoccupation du pouvoir en place est surtout d’offrir des salaires mirobolants à de grands patrons qui privilégieront toujours le profit des actionnaires à la garantie de l’emploi des salariés.
Rédigé par : Achille57 | 16 février 2010 à 09:00
C'est bien vrai, M. Bilger !
Ce fut même surprenant de voir nos syndicalistes tenir des propos ciselés sur le perron de l'Elysée.
Bien sûr il y aura des cortèges et des banderoles durant toute la période de négociation sur cette réforme.
La Gauche enrage déjà et semble déstabilisée. Car elle aussi est surprise et parle d'emblée d'"escroquerie", alors que ce mot n'a pas effleuré les lèvres des grandes centrales syndicales. C'est dire si le choc est rude pour le PS.
Pour les grandes centrales syndicales le moment est propice :
- l'émergence de SUD et de son druide est stoppée.
- le Président de la République a enfin reconnu le niveau d'incompétence d'Olivier Besancenot, qui aujourd'hui figure au rayon "farces & attrapes" de la Sarkozie.
- et Xavier Bertrand, qui avait fort déplu aux syndicats ("un traître"), est devenu majorette à l'UMP.
Comme vous le soulignez, il y aura des gens brillants autour de la table, d'un côté comme de l'autre et dès lors, il n'est pas exclu que l'on s'accorde.
Toutefois cela aura un prix. Ce prix se négociera dans un autre décor que celui des marches de l'Elysée...
Dans ces négociations, il y a toujours un moment privilégié, qui ne manque pas de drôlerie, c'est ce que l'on appelle "la négociation bilatérale"...
Ce sont des réunions feutrées, ou des experts du gouvernement reçoivent syndicat par syndicat.
Les délégations ne se composent jamais de plus de 4 ou 5 cadors madrés.
Et là...c'est le "mercato" syndical...
- "On souhaiterait que le camarade Dupond entre au Conseil Économique & Social"
- "Pas de problème"
- "l'affaire Trucmuche, vous me l'enterrez"
- "Pas de problème"
- "Le CE d' Air France, enterré !"
- "Pas de problème"...
- Etc.
La réunion terminée, ils retraversent la cour de l'Elysée : "le gouvernement bloque ! Cela ne se passera pas comme ça !"..
Bref, du Marcel Aymé...
Cette fois-ci, la carotte du gouvernement est de taille. Si les centrales s'accordent à signer une "bonne réforme", une loi sera votée pour prélever sur les salaires, à la source, une "cotisation syndicale", au choix du salarié. 25 millions de salariés concernés.
Michel Rocard sera chargé avec Nicole Notat de nous en expliquer toutes les vertus, qui n'auront en fait qu'un seul but : sauver des syndicats moribonds (6% des salariés français sont syndiqués)...
"Et tout ça, ça fait d'excellents français !"
Rédigé par : Savonarole | 16 février 2010 à 08:51
Quelle curieuse époque, Philippe, que celle qui, pour établir le consensus et gagner les rivages apaisés après la tempête, se réfugie dans les bras douillets de la CGT !
Les noms d'oiseau voltigent en rase-mottes quand il s'agit de ce qui devrait nous unir - la Police, émanation de la cité - et c'est le sourire tranquille de la paix retrouvée qui nous surprend avec ce qui devrait nous arc-bouter dans nos citadelles idéologiques.
Toutefois, je ne crois pas que nous puissions retenir comme cause fondamentale de cet apaisement social l'élection de 2007. En vérité, N. Sarkozy a pris acte mieux que ses prédécesseurs de la profonde mutation idéologique qui s'est opérée de façon très consciente à la CGT notamment. Les deux derniers congrès de cette organisation, dont un antérieur à l'élection de 2007, ont profondément redistribué les cartes avec des textes d'orientation clairement sociaux-démocrates. 80 ans après le congrès de Tours, les mencheviks ont gagné sur les bolcheviks. Cet aggiornamento a été initié par la chute de l'URSS, la prise de contrôle des réformistes au Parti Communiste (le très estimable Robert Hue) et le découplage de la CGT dans la foulée.
L'enjeu a d'ailleurs été très légèrement évoqué par Bernard Thibault dans l'entretien que vous citez sur France Inter : la dimension syndicale est européenne dans un cadre mondialisé. Et pour travailler avec les autres syndicats européens, notamment allemands et britanniques, il fallait à la CGT passer par la case de la social-démocratie commune à ces traditions syndicales.
D'autre part, le syndicalisme français a, enfin, tiré les leçons du manque de représentativité. La CGT a l'ambition d'attirer des adhérents, et non plus seulement des votes aux élections professionnelles. Cette stratégie de long terme pour établir un nouveau rapport de force suppose de rassembler des salariés qui ne font pas tous de la lutte des classes une finalité. Parce que l'OS Renault des années 70 a disparu au profit soit d'un ouvrier-technicien de haut niveau, soit d'un prolétariat socialement déconstruit, il n'y a plus de troupes disponibles pour les idéologies révolutionnaires.
C'est donc assez logiquement que le discours syndical est plus radical à la base qu'au sommet : la base traite du terrain franco-français, là où il n'y a pas de compromis idéologique à trouver avec les collègues européens. Les Conti sont une forme aussi représentative du comportement syndical que celui de Bernard Thibault. Le syndicalisme s'appuie sur deux piliers, la force à la base et le compromis au sommet.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 16 février 2010 à 01:42
Les fioritures littéraires sur les profils
théâtro-politiques des apparatchiks
syndicaux sont une "chose"... disons :
lisible (à la rigueur)...
Mais aborder le fond, du moins une de ses
massives dimensions, comme : "quel procureur improvisé politologue va nous résoudre la douloureuse question de millions d'enfants actifs non-nés face aux baby-boomers ?", cela n'aurait pas évacué la démographie, au coeur des débats...
En mai 1940, le procureur Gamelin songeait
d'abord à son "profil" dans un jeu théâtro-
politique entre Daladier et Reynaud...
Alors mutatis mutandis...
Rédigé par : PARITOLOG | 16 février 2010 à 00:40