Au moment où j'achetais Le Monde, quelqu'un m'apprend que Charles Pasqua a été condamné conformément aux réquisitions de l'avocat général Yves Charpenel à quatre ans d'emprisonnement dont deux avec sursis. Je songe à écrire un billet. Rentrant chez moi, je constate qu'en réalité il a été sanctionné d'une année d'emprisonnement avec sursis pour la seule affaire de la Sofremi, alors que deux autres lui étaient imputées. Je n'ai aucune raison d'abandonner mon projet d'écriture mais hors de question évidemment de dire ce que je pense de cet arrêt même si Charles Pasqua s'est empressé de se féliciter de ses deux relaxes (nouvelobs.com) ! Il a des droits dont un blogueur ne dispose pas...
Le destin, c'est celui de cette personnalité politique inusable, Charles Pasqua qui hier se vantait de "terroriser le terrorisme" et aujourd'hui déclare avoir été trahi par certains de ses collaborateurs qui ont abusé de son nom. Il aurait péché par naïveté et ignorance. Il a été partiellement cru (Le Monde, Le Parisien).
Les trois hommes, ce sont trois magistrats. C'est un bonheur de pouvoir dire du bien de la magistrature au détail alors qu'en général on doit soutenir en gros l'honneur de l'institution, pour le principe en quelque sorte. Quel réconfort de ne pas être contraint à une défense suicidaire de notre passionnant métier devant quelques pratiques désastreuses mais de pouvoir au contraire affirmer sa fierté grâce au comportement exemplaire de certains collègues. Il le demeure, quelle qu'ait été l'issue de la délibération de la Cour de justice. Un magistrat doit être d'abord quelqu'un qui donne une belle et bonne image de la justice. Le reste ne dépend pas de lui seul.
Le président Henri-Claude Le Gall. Un puits de science pour le droit criminel et la procédure de la cour d'assises. Une référence. Sous sa présidence il y a longtemps, j'avais requis contre Yves Chalier, premier chef de cabinet de Christian Nucci. Je garde un souvenir ébloui de ces journées où les débats ont inventé une sorte d'accusatoire à la française avec des jurés multipliant les questions et des parties qu'on ne verrouillait pas dans leur expression mais dont on favorisait les interventions. Ce président n'était pas jaloux de la parole des autres, n'avait pas peur à tout instant d'être débordé puisqu'il ne fixait pas abusivement des limites. Ne caporalisant rien, il était clairement maître de tout. J'ai compris, en lisant tout sur les affaires Pasqua et le cours des audiences, qu'il n'avait pas changé et que des médias prenaient à tort sa retenue pour de l'indifférence et de la mollesse quand elle n'avait pour but que de stimuler les interrogations et les discours des autres. La grande classe, quand on préside, c'est plus de laisser dire que de dire.
L'avocat général Yves Charpenel. J'ai suivi la carrière de ce magistrat. Notamment au cabinet d'un garde des Sceaux puis en charge des dossiers Fourniret avant d'être nommé à la Cour de cassation. Au-delà de son rôle à la Cour de Justice, où confronté à des témoins dont la plupart revenaient sur leurs déclarations à l'instruction il a dû faire valoir avec finesse le point de vue de l'accusation, j'ai apprécié la qualité intellectuelle, l'équilibre et la lucidité de ses réquisitions. Avec netteté et pertinence, il a abordé les problématiques en discussion, ne négligeant pas la part psychologique en ce qui concerne Charles Pasqua. De l'extérieur mais avec une certaine expérience, je salue ce qu'il a été au cours de ce procès.
Le magistrat instructeur Philippe Courroye. C'était devenu une mode que de mettre en cause les méthodes prétendues de ce juge, pour s'exonérer des charges ou contredire les témoignages. On avait parfois l'impression que cette démarche constituait l'unique ressource de prévenus ou de tiers très à court sur le plan de l'argumentation. La condamnation de Charles Pasqua, même partielle, bat heureusement en brèche ces attaques systématiques qui faisaient de Philippe Courroye un bouc émissaire commode, pas si commode que cela, d'ailleurs, si on se souvient du procès de l'Angolagate où il avait été cité comme témoin sans être le moins du monde déstabilisé par la défense.
Trois magistrats. Un destin. Et, je l'espère, la justice pour la Cour de justice.
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