Jean-Claude Magendie a réuni, pour son départ, un grand nombre de personnalités judiciaires. J'ai eu le bonheur d'être invité parce que je suis son ami et que j'ai tenté de le démontrer autant que j'ai pu au cours de ces années où il a réorganisé et rendu performante cette cour d'appel de Paris prestigieuse et emblématique.
Je vais le regretter parce que des natures comme la sienne, il y en a peu et que la principale manifestation de cette exceptionnelle qualité a été l'incroyable hostilité qu'elle a suscitée aussi bien sur le plan judiciaire, avant que les évidences de son action et de ses résultats l'emportent, que dans le domaine médiatique.
Courageux, déterminé, il l'a été. Pas l'un de ces conservateurs désireux de maintenir l'acquis par peur du changement et des réactions négatives que ce dernier suscite presque à coup sûr. Pour parler de ce que je vis encore aujourd'hui, il a su faire de l'univers de la cour d'assises, à tous les niveaux, un monde cohérent et efficace. Tant grâce au choix éclairé des présidents qu'à la réorganisation structurelle de la matière criminelle. Il a été beaucoup, injustement critiqué mais il a tenu.
Comme il a du caractère, l'art de déplaire pour la bonne cause ne lui a jamais déplu. Il aurait pu, comme tant d'autres, gérer à la petite semaine, ne pas s'acharner à distinguer les meilleurs et à blâmer les médiocres. Ce n'était pas son genre. Il n'était pas un premier président voué seulement aux inaugurations et aux commémorations. Il rêvait d'une Justice qui ait de l'allure et qui sache tenir son rang. Même si probablement dans son for intérieur il aurait encore espéré davantage, il n'a jamais baissé les bras ni l'esprit. Les adversaires ont aboyé, il est passé.
Les vertus cardinales d'un professionnel exemplaire en charge, à Paris, des plus hautes responsabilités et succédant à beaucoup d'immobilisme, il les a exercées : le courage, l'intelligence, l'orgueil de sa fonction et cette politesse suprême qui magnifie autant celui qui la possède que celui qui en bénéficie. Ses défauts n'étaient que la rançon de ses mérites.
Le Conseil supérieur de la magistrature avait trouvé le moyen de recaler Jean-Claude Magendie lors de sa première présentation et de lui préférer un rival qui, sans vouloir l'offenser, ne le valait pas et l'a démontré. Exemple, parmi d'autres, de l'aveuglement de ces instances composites qui ne brillent pas forcément par la lucidité quand la consécration du talent et de la compétence n'est pas leur exclusive préoccupation !
Jean-Claude Magendie, c'est quelqu'un et il n'est pas comme les autres ! Il a offert à la multitude de ses invités - quel contraste entre la masse obligatoire des officiels et des personnages et la chaleur émue des véritables partisans, ceux des combats au quotidien ! - avant la classique réception quatre pièces alertes, étincelantes de Sacha Guitry jouées par Christophe Barbier et sa compagnie.
Pas étonnant que Jean-Claude Magendie ait tiré sa révérence judiciaire en nous comblant de style et d'esprit. Il y a mille manières de s'en aller. La sienne était inimitable.
Je le regrette déjà.
@ Pantoufle
Les retraites, c'est plus ce que c'était...
Rédigé par : Alex paulista | 28 avril 2010 à 19:37
Magendie, voyons, n'est-ce pas ce haut magistrat dont on nous dit qu'il va agrémenter sa retraite par des jetons de présence dans le groupe Lagardère ?
Rédigé par : Pantoufle | 28 avril 2010 à 10:09
Vous décrivez Renaud Chazal de Mauriac, prédécesseur de Jean-Claude Magendie, comme "un rival qui, sans vouloir l'offenser, ne le valait pas et l'a démontré".
Eh bien, vous l'offensez, et gratuitement, et inutilement, à mon sens.
S'il n'a pas cru utile de braquer ses magistrats, il avait, et a toujours, une vision totalement désintéressée, intelligente, exigeante et constructive de la justice.
Mais tout cela est bien microcosmique...
Rédigé par : béelle | 23 avril 2010 à 16:11
@ Semtob
Faut-il avoir honte de ses "érections" ?
Et quand on rit, aussi ?
Vos propos sont eux-mêmes très empreints de références inconscientes...
En lien une petite chanson qui vous fera peut-être sourire.
Rédigé par : Alex paulista | 22 avril 2010 à 15:35
@ Catherine Jacob
"Pourquoi être si assidu ici si le monde judiciaire vous 'débecte tant' ?"
Encore une fois, chère Catherine, vous lisez en creux dans mon commentaire quelque chose que je n'y ai pas mis. Vous ne seriez pas un peu psy ?
Mon post n'avait rien à voir avec le monde judiciaire en particulier.
Je ne sais même pas s'il était pertinent au sujet de M. Magendie, peut-être Christophe Barbier et lui étaient au primaire ensemble (je doute, ou bien le premier a beaucoup redoublé)...
Même, tout comme notre hôte, je trouve excellente et originale l'idée de faire jouer des pièces de théâtre pour une fête de départ.
Je voulais juste souligner le repli du microcosme sur lui-même, réflexe qui ne touche pas l'élite judiciaire en particulier. Cela touche les ingénieurs issus des Grandes Écoles, les expatriés, certains Versaillais, le monde des médias, les hommes politiques...
C'est le réflexe de ne chercher des amitiés (ou plus si affinités) que dans un cercle restreint. Alain Minc que je critiquais récemment a au moins le mérite d´en être totalement conscient.
Je suis assidu à ce blog justement parce que sa démarche est exactement à l'opposé.
Rédigé par : Alex paulista | 22 avril 2010 à 14:04
Les Semtob : "c'est l'expression d'une "érection" déguisée".
Michel Onfray a raison, Freud a fait beaucoup de dégâts !
"Is it a gun in your pocket, or are you just happy to see me ? " (Mae West)
Rédigé par : Savonarole | 22 avril 2010 à 10:39
@Anne
Vous avez sans doute raison, seule la Pucelle a réussi - malheureusement pour elle - à offrir sa présence à ces deux villes... C'était donc à Rouen (les dates concordent), la confusion étant due à la beauté commune des deux Chambres ! (Quoique celle de Rouen soit insurpassable, Rennes et Paris étant hors concours).
Rédigé par : sbriglia@Anne | 22 avril 2010 à 09:24
@Alex paulista | 21 avril 2010 à 18:49
"BEUARK !!
Monde clos pitoyable et médiocre."
Pourquoi être si assidu ici si le monde judiciaire vous 'débecte tant' ?
Personnellement, je ne connais ni la personnalité du jour, ni son parcours vu que le net reste assez discret à son sujet, ni la cour d'appel de Paris en dehors de ses locaux dont j'ai découvert l'autre jour qu'ils étaient un ancien palais royal, ce qui est intéressant en soi, par ex. à Metz, la Cour est logé dans l'ancien palais du gouverneur qui est doté de plafonds magnifiques très bien restaurés. J'avais à un moment sollicité la permission de les photographier qui me fut refusée. Dommage. Enfin, bon.
Je pense que ces magistrats qui rendent une justice si fort objet de nos préoccupations à tous ici, du moins j'imagine, ont bien le droit eux aussi d'organiser des petites sauteries à l'occasion de leur départ en retraite. Ici, les départs à la retraite des membres gradés de l'Éducation nationale font l'objet d'articles dans le journal avec photos et panégyriques, en dehors des journalistes, n'y sont invités que leur bientôt ex. collègues, plus rarement leur famille.
Les dits collègues se cotisent pour leur offrir au moins des fleurs.
J'ai sous les yeux en ce moment, une belle pyrogravure ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Pyrogravure ) offert par ses subordonnés à mon grand-père à l'occasion de son départ en retraite avec une belle étiquette apposée au dos le mentionnant et ça me fait plaisir d'apprendre ainsi qu'il était apprécié dans son travail.
Je ne vois pas pourquoi les petits-enfants des magistrats seraient privés de ce type de petit plaisir et n'auraient droit pour leur part qu'à une liste vindicative de condamnés innocents ou de victimes de dossiers traités avec légèreté!
Si PB dit que c'était quelqu'un de bien, lui que nous ne connaissons pas pour ménager ses critiques quand il le pense nécessaire et utile, je ne vois pas pourquoi je ne le croirais pas plutôt qu'un article dont même sbriglia ( 21 avril 2010 à 17:32 ) indique qu'il était « courageusement non signé ».
J'aurais trouvé intéressant de connaître le menu qui eût représenté une donnée sociologique intéressante, mais bon cela est resté du domaine de la vie privée et un magistrat de bien régaler de ses propos deniers ses pairs comme il lui plaît, tout de même que ces derniers peuvent bien le régaler lui-même d'une petite sauterie en souvenir de ses bons et loyaux services. Non vraiment, il n'y a là rien de choquant à priori. Si maintenant on apprenait qu'elle avait été organisée sur le modèle des enterrements de vie de garçon US, alors là oui et seulement pour autant que cela eût été organisé dans l'enceinte des locaux de la République...!
Rédigé par : Catherine JACOB@Alex paulista | 22 avril 2010 à 08:48
Cher Philippe,
Ce que vous proposez dans votre billet, c'est une carence d'image. Derrière le voile de cette invitation à laquelle nous ne fûmes pas conviées, c'est l'expression d'une "érection" déguisée. Continuez de sublimer ainsi votre quête de clés, celle de Rimbaud qui vous eût dit : Lis-moi, qui vous eût confié que de ces années au soleil, il prenait 5 ans tous les ans, que pour écrire, il faut se nourrir de livres, de peintures, d'aventures.
Qu'il aurait aimé se marier; avoir un fils et continuer une vie d'errance et se reposer dans un accueil familial.
Autre chose : Honorer un ami ne peut se faire à l'imparfait.
françoise et karell Semtob
Rédigé par : semtob | 21 avril 2010 à 23:47
Pour sbriglia : J.C Magendie n'a jamais été en poste à Orléans (sa seule fonction en province, à l'exception de ses débuts à Toulon, est celle de président de chambre pendant quatre ans à Rouen (1989-1993)...
Rédigé par : anne l. | 21 avril 2010 à 19:01
Je ne connais pas M. Magendie sauf par le biais de ce billet, donc je n'ai qu'un a priori positif sur l'homme.
Mais cette histoire de faire jouer M. Barbier pour son départ me rappelle le côté "club" des Grandes Écoles, qui les rend parfois un peu détestables.
On veut voir du théâtre, hop on demande à un ami membre de l'assoce théâtre de réunir ses ouailles.
On veut se mettre au badmington ? Tiens, inscrivons-nous à l'assoce badmington.
Au fait, t'as vu la nana du prez du BDE ?
Étonnant, non ? C'est une 1ère année amie avec le théâtreux.
C'est vrai que le prez, les nanas du campus en sont dingues... Après, ça jase...
Au bout de 3 ans:
T'as une voiture, toi ?
Ben non, pourquoi ? Avec les potes, on sort jamais du campus.
BEUARK !!
Monde clos pitoyable et médiocre.
Rédigé par : Alex paulista | 21 avril 2010 à 18:49
Voilà quelqu'un qui est plus regretté, semble-t-il, que Juan Antonio Samaranch.
Rédigé par : Polochon | 21 avril 2010 à 18:22
@Ludovic
J'ai lu l'article...courageusement non signé...
Il ne m'étonne pas d'un syndicat qui, jadis, édita un opuscule intitulé "Police!vos papiers!" où figurait en couverture un policier à tête de porc...Une triste Sire Marin en était alors la présidente (je mets le "p" en minuscule).
Rédigé par : sbriglia | 21 avril 2010 à 17:32
Magendie, magendie !!!! tiens comme c'est magendie, car ça ne me dit rien du tout... Remarquez que je ne connais pas toutes les gloires de cette terre... et je ne le regrette pas encore !
Rédigé par : Marie C. | 21 avril 2010 à 17:25
Les amis de nos amis sont nos amis.
Rédigé par : mike | 21 avril 2010 à 16:16
Je suis fort marri de n'avoir pas été invité à la sauterie : ma famille fut quand même une bonne cliente pour la cour d'appel de Paris, nous avons bien fait tourner les présidents d'assises, nous avons fait casser deux arrêts histoire de stimuler l'imagination, cela valait bien un carton...
Au fait, y avait-il des justiciables à l'occasion de ce brillant départ ? Un "grand nombre de personnalités judiciaires" : le club quoi, toujours le même aquarium.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 21 avril 2010 à 15:53
Bonjour Philippe Bilger,
Billet très confidentiel aujourd’hui. Réservé au microcosme magistrats/avocats.
Jean-Claude Magendie ? Jamais entendu parler !
Bon Rachida Dati, oui... encore dernièrement. Jean-Claude Marin également, mais que dire de ce monsieur Magendie ?
Là j’avoue que je suis sec de chez sec. Il était certainement très discret ce magistrat. Une qualité rare de nos jours...
Rédigé par : Achille | 21 avril 2010 à 14:43
Bonjour M. Bilger,
Difficile pour nous qui ne le connaissons pas, de commenter votre billet consacré à votre ami Jean-Claude Magendie.
M'efforçant à me documenter davantage sur ce grand magistrat, je suis tombé sur un article intitulé "Jean-Claude Magendie, enfin la quille !" publié le 15 avril sur le site du Syndicat de la Magistrature.
Curieusement le portrait qui en est brossé est l'exact négatif du vôtre, en voici un extrait :
"Faisant preuve d’une brutalité et d’un autoritarisme surprenant pour ce chantre autoproclamé de la médiation et du dialogue social, il s’est acharné à éliminer de la présidence de certaines chambres ou de la cour d’assises des magistrats dont les compétences et l’expérience professionnelles étaient pourtant reconnues, mais qui avaient le malheur de déplaire au pouvoir ou, ce qui revient au même, de lui déplaire. Il laisse finalement derrière lui une juridiction désorganisée, dont les délais de traitement sont excessivement longs dans certains contentieux, et des magistrats et fonctionnaires découragés.
Grand donneur de leçons de déontologie adressées à l’ensemble des magistrats, on regrettera que M. Magendie ait négligé de se les appliquer à lui-même. Outre ses liens de proximité avec le pouvoir exécutif et son approbation affichée des réformes gouvernementales - comme celle visant à supprimer le juge d’instruction sans contrepartie sérieuse - il a su également se concilier les bonnes grâces du monde des affaires.
Ainsi, en décembre 2009, il a pris l’initiative d’organiser à la Cour d’appel de Paris un colloque bling-bling intitulé « La justice et la crise » auquel il n’a jugé utile de convier que des chefs d’entreprise et des représentants du monde de la finance. Il est certain que les effets dévastateurs de la crise sociale n’intéressent guère celui pour qui la Justice, dans une conception toute libérale, doit avant tout être efficace, rapide et prévisible dans ses décisions pour favoriser l’activité économique. Gageons que ces clins d’œil appuyés aux milieux d’affaires ont fini par payer puisque M. Magendie, à peine retraité de la magistrature, est en passe d’obtenir un « golden parachute » au conseil de surveillance du groupe Lagardère.
Drôle de conception de l’impartialité et de l’indépendance des magistrats, décidément, pour celui qui avait la charge, lorsqu’il présidait aux destinées du tribunal de Paris, de désigner les juges d’instruction dans des dossiers comme celui d’E.A.D.S."
Un peu déroutant non ?
Rédigé par : Ludovic@Pierre Antoine | 21 avril 2010 à 11:15
@PB
"Exemple, parmi d'autres, de l'aveuglement de ces instances composites qui ne brillent pas forcément par la lucidité quand la consécration du talent et de la compétence n'est pas leur exclusive préoccupation !"
Réforme, vous avez dit réforme ? Quand je lis "aveuglement de ces instances" "pas exclusive préoccupation", je me dis que la réforme si elle tarde risque de passer par une révolution.
Ceci étant dit, je reconnais que des hommes intègres et intelligents (si, si les deux sont possibles) ça doit bien exister dans la justice, la preuve, vous venez en excellent panégyriste, de nous le démontrer. Confirmé si cela était nécessaire par sbriglia.
Cordialement
Pierre-Antoine
Rédigé par : Pierre-Antoine@PB | 21 avril 2010 à 10:51
Je me souviens avoir demandé, comme c'était l'usage, à mon avoué orléanais, comment était le Président de leur première chambre qui venait de débarquer et devant lequel j'allais plaider : "imprévisible voire caractériel" me répondit-il alors...
L'arrêt fut un chef d'oeuvre par sa motivation juridique et surtout par son originalité... Il passa sans encombre le filtre de la Cassation et fut publié.
C'était Magendie.
Rédigé par : sbriglia | 21 avril 2010 à 06:51