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06 avril 2010

Commentaires

Pierre-Antoine

Voilà ce que déclare la police au sujet de l'agression du jeune grenoblois :

"Vers 23 h 15, heure de l'agression, la police nationale locale, il est vrai, est depuis 20 heures en «effectifs de nuit»."

Si j'étais policier, je demanderais à travailler de nuit pour être plus efficace à la sécurité des citoyens qui assurent mon salaire avec leurs impôts !

Cher Alex Paulista, qui a parlé des 35 heures concernant la cyber traque ?

Cordialement

Pierre-Antoine

Bernard B.

Je n'ai pas lu de façon extensive tous les doctes commentaires postés sur ce sujet et je suis nouveau sur ce blog.
Hors de toute considération morale, il me semble que l'on a oublié une réalité pratique : comment des journalistes d'investigation pourront-ils désormais convaincre leur sources qu'elles ne seront pas inquiétées du fait de leur témoignage lors de reportages par exemple sur le trafic de drogue ou la délinquance financière, pour ne citer que des cas où l'on peut provoquer un délit facilement ?
Sur le fond, il me semble que la limite est franchie lorsque le journaliste provoque la situation, ce qui était le cas de ce reportage.

Catherine JACOB (secret des sources)

Accessoirement et en recherchant tout autre chose, j'ai trouvé ceci :

LOI n° 2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes

NOR JUSX0803885L
JO du 05/01/2010 texte : 0003;1 page 272

(Art. 1er (1° et 2°) : Consécration du principe de la protection du secret des sources des journalistes et définition du journaliste - Transfert de l'art. 2 à l'art. 3 et rétablissement d'un nouvel art. 2 dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse
art. 1er (3°) : Diffamation et recel de violation du secret de l'instruction ou du secret professionnel - Ajout d'un alinéa à l'art. 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse)


semtob

Cher Philippe,

Le 19 mars 2010, les Petites Affiches ont publié l'analyse de Manuel Recio, Docteur en Droit Public, de la loi du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes.
Il titre son article : "Une protection en trompe l'oeil."
Les notions de délit de recel d'information d'intérêt et d'impératif prépondérant d'intérêt public y sont abordées.
Cette loi amène une relativisation du secret et appelle à la responsabilisation du journaliste.
La réforme en prévision préparée par le Haut Magistrat P. Léger, une fois de plus passe à côté de l'essentiel. Imprécision volontaire ?
En effet, le journaliste s'il peut encore se situer dans le "hors du commun", n'en reste pas moins un citoyen témoin et responsable.
Peut-être que quelques actions responsables éviteraient de grandes campagnes de communication pour expliquer les nouveaux usages de l'Internet et aider les usagers à développer vigilance et responsabilisation.
Peut-être n'est-ce pas là, la vocation première du journaliste... mais bien le rôle de la CNIL qui s'étiole dans ses pouvoirs, au moment où des moyens supplémentaires devraient lui être attribués.
La société ne traverse pas une révolution sans s'en donner les moyens. Quand un état de carence d'adaptation de politique industrielle, culturelle s'orne de flou, de vide juridique naît, elle ne peut compter que sur elle.
françoise et karell Semtob

Jean-Benoît Henriet

@ Véronique Raffeneau

Sur votre point 1 : j'avais surinterprété, à tort semble-t-il, vos "rien de plus, rien de moins" comme "bah! c'est normal". Désolé.

Véronique Raffeneau

@ M. Jean-Benoît Henriet

Juste deux choses.

1 -
Où lisez-vous dans mon appréciation de l'extrait de l'interview de Florence Aubenas par Marc Voinchet que j'approuve le fait qu'un journaliste de France Culture, ou d'ailleurs, ne lise pas l'ouvrage de son invité ?

J'ai seulement exprimé mon impression à l'écoute de l'extrait. C'est-à-dire l'idée que pour moi l'extrait proposé est en totale conformité avec ce qui a été très banalement et très généralement dit dans les médias au sujet du livre de F.A.

En clair, dans cet extrait, je n'ai rien entendu de différent et de dissonant par rapport à e que ce qui est, semble-t-il, le conducteur du dossier de presse chargé de promouvoir le livre auprès des journalistes.

2 -
Je réagis à votre post où vous évoquez Claude Lanzmann. Car c'est vrai, vous lisant alors, je ne comprends pas votre mention Lanzmann par rapport au reportage de Capa.

Suite à votre réponse, j'essaie de réfléchir à ce qui peut rapprocher et différencier le procédé Lanzmann et celui de l'agence Capa.

Mon idée est alors de dire que Claude Lanzmann, à la différence de Capa, revendique et assume le fait d'avoir transgressé l'engagement pris vis-à-vis de ses témoins-acteurs de son film.

D'autre part, je suggère - difficilement et maladroitement, je vous l'accorde - l'idée que dans le film de Lanzmann un témoin-acteur est un criminel jugé et condamné en tant que tel avant la mise en chantier du film.

Dans le cas Capa, le procès en correctionnelle d'un des protagonistes du reportage est programmé et médiatisé dans les 48 heures qui suivent la diffusion du reportage.

Enfin, et je vous l'avais précisé, j'ai essayé de vous répondre en me plaçant du point de vue de ce que sait ou de ce que ne sait pas le téléspectateur des dispositifs employés dans les films.

Ne me reprochez pas de vous avoir répondu du moins mal que je pouvais.

Jean-Benoît Henriet

@ Véronique Raffeneau

Florence Aubenas -
Libre à vous de trouver normal que celui qui tient l’antenne de France Culture deux heures par jour n’ait pas lu le livre dont il invite l’auteur et se contente de ressortir le dossier de presse. Ou, s’il l’a lu, qu’il en livre à ses auditeurs une interprétation partielle et biaisée, sous prétexte de se couler dans le moule de France Culture. Libre à vous. Je me demande simplement s’il est justifié de trouver normal ce qui n’est qu’ « habituel ». Et je note votre définition de l’objectivité : c’est le conformisme (bon sujet de dissertation : objectivité et conformisme).

Claude Lanzmann et les journalistes de CAPA -
Suchomel ou autre, peu importe. Dans les deux circonstances que j’ai eu la légèreté coupable de rapprocher, un point commun : pour avoir accès à une source d’information, obtenir le témoignage d’un acteur, un enquêteur prend un engagement, tacite dans un cas, explicite dans l’autre, et ne le respecte pas. L’ensemble de l’opinion, et de ceux qui contribuent à la fabriquer, trouve cela tout à fait normal dans un cas (Lanzmann) ; dans l’autre (journalistes), nombreux sont ceux qui se déclarent très choqués. Intéressant à commenter m’a-t-il semblé. D’autant plus que les plus fervents laudateurs de Lanzmann sont souvent ceux qui critiquent le plus vivement le comportement des journalistes de CAPA. Une telle dissymétrie ne laisse pas d’interroger. J’en propose une explication : le raisonnement par catégories mentales, Bien d’un côté, Mal de l’autre. Après tout, ce n’est pas anormal que, dans certains milieux, le fait d’avoir été le secrétaire de Sartre, - grand catégorisateur : les salauds et les autres - laisse subsister une « aura ». A côté de Sainte Florence, n’oublions pas Saint Claude.

Je m’arrête là car, d’une part j’ai l’impression de réécrire mon premier commentaire, d’autre part je n’ai guère envie de me lancer dans une dissertation sur la fin et les moyens.

Véronique Raffeneau

En complément de mon post adressé à Jean-Benoît.

J'ai regardé ce matin sur le site de France 2 "Pédophilie: les prédateurs".

Qu'en est-il dans le reportage du volet dénonciation ? Qu'est-ce qui est dit à ce sujet au téléspectateur ?

Dans la présentation du reportage par David Pujadas aucune mention ne vient informer le téléspectateur du fait, selon Hervé Chabalier,

qu'“en démarrant notre enquête, on savait qu’on allait être obligés de les signaler à la police".

Dans le reportage c'est dans un commentaire du journaliste, incidemment - à peu près à la moitié du film -, et à la suite de la séquence avec la commissaire qui dirige les 20 policiers chargés d'infiltrer les réseaux pédophiles sur Internet que le journaliste précise :

"comme la loi sur la protection des mineurs nous y oblige, nous avons dû signaler certains agissements dont nous avons été témoins"

A la fin du reportage, au Canada, le journaliste indique qu'il a alerté les policiers car son informateur vient de lui dire qu'il s'apprête à abuser de deux enfants.

"A quel moment toutefois le journaliste sort-il de sa mission ? Puis-je formuler cette idée qu'il le fait, non pas lorsqu'il aide la police au gré des imprévisibles aléas d'une investigation curieuse de tout mais lorsqu'il devient policier, sans qu'autrui le sache" (le billet)

Selon moi c'est là où ça grince dans les justifications apportées par l'agence Capa et France 2.

Je ne serais par heurtée par l'aspect informateur, indic ou balance si un positionnement clair avait été apporté au téléspectateur dès la présentation et dès l'introduction du reportage sur la transformation prévue, organisée, réfléchie, inéluctable, obligatoire, selon Hervé Chabalier dès la conception de l'enquête, du journaliste en auxiliaire de police.

Bref, il faut attendre la 34ème minute du film pour que le téléspectateur soit informé qu'il visionne non pas seulement une enquête journalistique mais également, en même temps, l'une liée avec l'autre, une enquête de police principalement conduite par des "policiers" qui ne sont pas des policiers.

Herman

Merci Jean-Benoît Henriet pour cet éclairage du livre de F.A que je n'ai pas lu mais dont j'ai entendu parlé...
Votre "fabrique de l'opinion" me rappelle un livre de Chomsky, que je n'ai pas lu non plus, mais qui m'a l'air d'en être la source ?
Sur le traitement du livre d'Aubenas, plutôt que l'idéologie dominante chez les journalistes, ne serait-ce pas simplement la simplification, le vecteur principal de celui-ci, ainsi, ensuite, que le simple copié/collé, avec une pincée de corporatisme, qui permet en outre de se "post-valoir" d'une conscience morale ? Puisque jusqu'à ce témoignage, jamais Demorand n'abordait ces sujets dans ses "matins"...
Le sondage dont "Marianne" était à l'origine, et qui disait que 90% des journalistes étaient de gauche ne voulait-il pas plutôt dire que ceux-ci étaient socialement de gauche (ils ont du coeur quand même !)... mais économiquement de droite (ils on aussi un compte en banque, un gros même, pour les éditocrates qui font la pluie et le beau temps...) ? Lorsque des grèves sont déclenchées pour défendre le départ à tel âge à la retraite, ou pour simplement défendre des acquis, de quel côté penche la balance ?...
Sûr en tout cas que les questions sur le traitement de l'information par les médias de masse me paraissent essentielles.

Véronique Raffeneau

@ Jean-Benoît Henriet

"Ce qu’il m’intéresserait de savoir, c’est si des journalistes grand public et influents qui ont (à juste titre ou pas, là n’est pas ma question pour le moment) relevé et condamné les procédés de l’équipe de télévision enquêtant sur les pédophiles, auraient aussi relevé et condamné ceux de Lanzmann." (votre post)

Honnêtement je ne vois pas pourquoi la dénonciation de la part de l'agence Capa des protagonistes des "Infiltrés" devrait obligatoirement renvoyer les journalistes, selon vous faiseurs d'opinion, à Claude Lanzmann et à son parti pris de ne pas respecter l'anonymat de certains témoins ou d'un témoin de son film.

Comme je l’ai mentionné, Franz Suchomel, par exemple, a été jugé et condamné à Düsseldorf en 1964.

"Franz SUCHOMEL (1907- ? ), Unterscharführer.
Participe à l’Aktion T4 de 40 à 42 à Berlin et Hadamar. A Treblinka d’août 42 à octobre 43. D’abord en poste à l’arrivée des trains puis à la baraque de déshabillage des femmes avant le Schlauch, et enfin en charge des « Goldjuden ». Il est ensuite envoyé à Sobibor. Arrêté en juillet 63, il est condamné à 6 ans de prison. Libéré en 1969." (Le Procès de Treblinka)

Que FS le voulût ou pas, son identité comme criminel nazi appartenait d'une certaine façon à ce que j'appellerais un domaine public et à l'Histoire collective.

Je n'ai pas le livre de Claude Lanzmann, mais posons l'hypothèse que la personne dont il parle dans votre citation pourrait être Franz Suchomel :

"Il avait une deuxième requête [NB la première est de ne pas être filmé] que j’étais bien décidé à ne pas respecter tout en lui déclarant mon acceptation : je ne donnerais pas son nom".

Claude Lanzmann revendique clairement son choix de transgresser l'engagement pris vis-à-vis de l'ancien SS. Il montre dans son film comment a été réalisé leur entretien.

Dans les "Infiltrés", a priori, rien de l’épisode dénonciation n’a été montré aux téléspectateurs. Ce n’est qu’a posteriori, parce qu’il y a eu une polémique, que cet aspect dissimulé dans le film sera dévoilé dans le débat public.

Sur des forums des hommes répondent à une enfant de 12 ans. La nature des discussions et l'évolution de ces discussions conduisent le journaliste à dénoncer à la police les témoins de son reportage, dont le sujet est de montrer aux téléspectateurs "un immense terrain de chasse à ciel ouvert" que constitue Internet pour les pédophiles, du moins fortement présumés comme tels.

Un procès correctionnel concernant un de ces hommes, sans antécédent judiciaire, est programmé et médiatisé par la justice dans les 48 heures qui suivent la diffusion du reportage.

Où sont les points de convergence entre la dénonciation à la police du reportage du journaliste de Capa et la transgression de l’engagement de Claude Lanzmann ?

J’ai écouté l’extrait des Matins de France Culture.

Face à Florence Aubenas il me semble que Marc Voinchet s’en tient à suivre le conducteur du dossier de presse concocté par l’attaché de presse de la maison d’édition de FA. Rien de plus, rien de moins...

Est-il objectif ? Je pense surtout qu’il n’est pas suffisamment subjectif. Il évolue juste dans les limites de ce qu’il est convenu de penser à France Culture du livre de FA. Rien de plus, rien de moins...

Jean-Benoît Henriet

@ Véronique Raffeneau
Je suis sensible au fait que vous exposiez une réflexion sur ces sujets, car nombreux sont ceux qui se contentent de faire part de leurs réflexes. En matière de morale appliquée, je ne me reconnais aucunement le droit de donner des leçons définitives. En aurais-je la présomption ou l’envie, ce n’est pas invité chez un « ami » que je choisirais de le faire. Il se trouve qu’un sujet m’intéresse : la façon dont fonctionne ce que j’appelle « la fabrique de l’opinion », et que certaines questions me paraissent mériter d’être posées.

J’ai simplement voulu mettre en évidence que les professeurs de vertu que sont bon nombre de journalistes et critiques laissent fréquemment libre cours, dans le meilleur des cas, à leurs réflexes, conditionnés par leurs sympathies idéologico-politiques (problème : ce sont très souvent les mêmes), et dans le pire des cas (mais pas le plus rare) à une volonté délibérée d’influencer l’opinion (majoritairement dans le même sens) par des procédés dont je questionne l’honnêteté. Je vous renvoie à ce que j’ai pu écrire dans les commentaires de ce blog sur Nicolas Demorand, plus que sur Guillon, (commentaires à « Interdit de défendre le pape », 29 mars 16h56 et 6 avril 9h11), comme sur la réception du livre de Florence Aubenas (commentaires ci-dessous). Ah ! Ces Matins de France Culture du 23 février ! L’émission n’est plus écoutable mais, encore visible ce matin sur le site de l’émission, une vidéo en donne le premier quart d’heure ; écoutez, puis (re)lisez le livre, et dites-moi ce que vous pensez de l’objectivité de Marc Voinchet qui, lui, avait pourtant lu le livre...

Pour en revenir à notre échange, pas plus que vous je n’ai vu l’émission de télévision dont il s’agit. Quant au Lièvre de Patagonie, allez en lire le chapitre XIX (une trentaine de pages dont j’extrais les trois lignes suivantes -page 467 de l’édition Gallimard-NRF : « Il avait une deuxième requête [NB la première est de ne pas être filmé] que j’étais bien décidé à ne pas respecter tout en lui déclarant mon acceptation : je ne donnerais pas son nom »).

Je ne passe pas toutes mes journées et mes nuits à lire les journaux et écouter les radios, et suis totalement allergique au média télévision. Je vous accorde que Le Monde, Le Figaro (eh oui ! Savonarole), Les Echos et France Culture, c’est un échantillon significatif mais limité. Ce qu’il m’intéresserait de savoir, c’est si des journalistes grand public et influents qui ont (à juste titre ou pas, là n’est pas ma question pour le moment) relevé et condamné les procédés de l’équipe de télévision enquêtant sur les pédophiles, auraient aussi relevé et condamné ceux de Lanzmann. Merci à qui m’éclairera.

Voyeur

Je n'ai aucune estime pour les pédophiles, mais le procédé du journaliste me répugne. Qui peut savoir quels arguments il a avancé lors de ses dialogues sur Internet, en se faisant passer pour une jeune fille ? Est-ce le journaliste qui a proposé les rendez-vous ?

Si l'on met de côté l'aspect voyeurisme, ce type de sujet n'a aucun intérêt. La gendarmerie mène déjà des infiltrations, dans le respect des règles de droit nécessaires.

Si l'on recherche le côté prévention, on sera beaucoup plus efficace en allant physiquement parler dans les collèges et lycées, comme cela se fait au Canada. Mais ça suppose des moyens financiers et humains et l'État est depuis longtemps désengagé.

Bref, que du voyeurisme à deux francs.

Véronique Raffeneau

@ M. Jean-Benoît Henriet

La discussion que vous abordez est gigantesque. Je ne vous cache pas que cet échange me pose plein de difficultés dans ma réflexion, car je ne suis pas sûre de maîtriser tous les tenants théoriques que suggère une telle discussion.

Pour vous répondre j'ai choisi de privilégier la question : que sait le spectateur ou le téléspectateur du procédé utilisé et de ses conséquences ?

Je dois d'abord vous dire que je n'ai pas lu le livre de Claude Lanzmann. Ce qui me manque pour vous répondre est donc ce que dit Claude Lanzmann au sujet du procédé "caméra cachée" utilisé dans Shoah.

Extrait de "Lanzmann - Mémoire vive"
- Marianne Payot (L'Express)- 26-03-09, à propos de la parution "Le Lièvre de Patagonie" :

"C'est l'un de ses amis, nous apprend Lanzmann, qui, après la projection de son documentaire sur Israël, lui suggère de concevoir «non pas un film sur la Shoah, mais un film qui soit la Shoah». «Le sujet de mon film serait la mort même, la mort et non pas la survie», poursuit-il, se fixant dès lors pour défi de ne pas utiliser d'images d'archives et de remplacer les documents inexistants sur les chambres à gaz par des entretiens avec les «témoins» les plus proches de la solution finale. Soit les protagonistes juifs (membres des Sonderkommandos, prisonniers de longue durée) ayant œuvré dans l'antichambre de la mort, plus «revenants» que «survivants», les Polonais ayant travaillé pour les nazis et les tueurs eux-mêmes, qu'il espère bien confesser à visage découvert."

Vous me dites que CL a trompé les témoins de son film. Vous ajoutez que le moyen utilisé est plus condamnable de la part de CL que de la part de l’agence Capa

"car sa justification est moins forte. Informer sur un crime passé et déjà puni, ce n’est pas pareil que faire prendre un criminel et éviter un nouveau crime."

Je pense que ce qui est important dans votre phrase est le mot "justification".

Le spectateur de Shoah n’ignore pas par exemple que le témoignage de Franz Suchomel (un ancien SS), est réalisé en caméra cachée. Dans le film nous voyons la camionnette à l’extérieur de la maison chargée d’enregistrer clandestinement l’entretien.

Claude Lanzmann assume totalement dans ses images le fait d’avoir menti à ses témoins. Non seulement il pense que sa fin justifie son moyen, mais il montre dans son film comment il a procédé.

Je n’ai pas regardé "Les Infiltrés". J’imagine que le téléspectateur n’ignore rien du procédé "caméra cachée" employé.
En revanche, ce qu’il semble que le spectateur aurait ignoré – mais à ceux qui ont vu le reportage de confirmer ou d’infirmer - c’est le fait que le reportage, dès sa conception, va conduire le journaliste à dénoncer à la police ses témoins.

Je ne suis pas du tout certaine que sans la polémique "journalistes ou balances ?" dans le débat public, l’Agence Capa et France 2, au moment de la diffusion du reportage auraient d'entrée informé les téléspectateurs de la partie policière du reportage. Bref, sans la polémique, la dénonciation n’aurait pas été assumée ouvertement vis-à-vis du téléspectateur.

Alors, puisque nous comparons un procédé avec l’autre, je pense pour ma part que ce qui constitue et structure le projet de Claude Lanzmann - "Le sujet de mon film serait la mort même, la mort et non pas la survie" - justifie le procédé utilisé.

D’un point de vue moral le choix de CL est bien entendu discutable. Il n’empêche que je l’approuve. Sa justification n’est pas d’infiltrer par exemple un groupe d’anciens SS pour, selon votre expression, "éviter un nouveau crime".

Son unique justification, absolument, très clairement revendiquée et assumée est de montrer le crime et de désigner par exemple avec le témoignage de l’ancien SS Franz Suchomel un criminel que la justice a condamné comme tel :

"Le procès dit de Treblinka eut lieu à Düsseldorf. Il concernait dix accusés et près de cent témoins ont déposé. Kurt FRANZ (né le 17 janvier 1914) a été condamné à la prison à vie pour le meurtre "d'au moins 300.000 personnes" bien qu'il se déclarait innocent, comme d'ailleurs plus ou moins tous les autres accusés de ce procès. Il fut libéré en 1993 et mourut en 1998. Il était à Belzec avant de devenir commandant du camp de Treblinka, où il succédait à Christian WIRTH. Trois autres accusés ont été condamnés avec Kurt FRANZ aux "travaux forcés à vie" (peine maximale alors en vigueur en Allemagne), il s'agit de Heinrich MATTHES, August MIETE (libéré pour sénilité) et Willi MENTZ. Les cinq autres condamnations étaient des peines de 3 à 12 ans de prison".
( www.sonderkommando.info - chapitre : Les procès.)

Dans les "Infiltrés" la part officieuse, dissimulée du reportage, la dénonciation, semble-t-il, est occultée pour le téléspectateur.

La tenue d'un procès dont il était question hier dans la presse découle directement de la dénonciation du journaliste.

J'écris que ce procès est une conséquence directe car selon ce qui a été écrit dans la presse au sujet de cette comparution est qu'habituellement la justice dans ce type d'affaire fait un rappel à la loi. Là, pour un témoin du reportage, elle a choisi de médiatiser un procès correctionnel.


frida

Je reste très surprise par votre article, venant d'un homme de loi, c'est très étonnant.
Les journalistes en question n'ont pas assisté à une infraction d'une manière fortuite, pour la dénoncer, ils ont "participé" et en quelque sorte ne sont pas neutres, et qu'est-ce que vous faites de la procédure judiciaire et policière, qui sont des garde-fous pour préserver les citoyens de l'arbitraire ?

Zenblabla

Au sujet de la morale "tout court", je signale des auteurs, très intéressants sur le sujet de la morale, surtout si on les lit à main gauche et à main droite à la fois!
Ils s'agit de Karl Jaspers, et de Vladimir Jankélévitch.
Avec eux, on comprend bien ce que la morale peut avoir de "tout court", et pourquoi, à partir de là, sont advenues les lois, et bien d'autres artifices absolument nécessaires à l'existence des autres, en quelque morale parmi les autres comme soi-même, à vrai dire comme ils ne le sont jamais, heureusement !

Alex paulista

Savonarole

Je crois plutôt que c'est parce que les lecteurs réels (ceux qui payent) de 80 ans ne sont justement pas des lecteurs virtuels.
Pensez-vous, ils ont déjà découvert la télé sur le tard, alors s'inscrire et poster des commentaires sur le net...

Notre hôte a la chance d'avoir quelques commentateurs hors d'âge, il faut les bichonner ça ne court pas les rues.

HEITCH

La seule solution à cette angoissante alternative me semble être de se faire embaucher par les Services de renseignements de la République, puis d'aller enquêter sur le terrain en se faisant passer pour journaliste… ou n'importe quoi d'autre.
On sait qu'on peut alors être aussi agent double, ou triple, et devenir tout à fait glauque, et vendre ses informations au plus offrant.
Mais peut-être tout cela nous éloigne-t-il de ce qu'on appelle la déontologie ?
Bof !

Démosthène

En pareil cas, il me semble que la morale tout court doit passer avant la déontologie et la morale professionnelle.

Pierre-Antoine

@Alex Paulista
Et moi, je vous sens de gauche :-)
ça tombe bien il faut pied droit et pied gauche pour avancer, sinon c'est le grand écart assuré...
Je ne pense pas que déshabiller Pierre pour habiller Paul soit le solution du déficit de personnel e cyber criminalité.
Je verrai plutôt cette "chasse" confiée à des sociétés "expertes et assermentée" qui recevraient le statut d'auxiliaires de justice" et non auxiliaires de police.
L'avantage serait double, efficacité d'un côté et diminution du chômage chez les jeunes (spécialistes des blogs) et cerise sur le gâteau sans augmentation du nombre de fonctionnaires.

Cordialement

Pierre-Antoine

Mary Preud'homme

Et que serait-il advenu de ce "journaliste racoleur" en recherche de sensationnel s'il s'était fait pincer par la police criminelle ou la cyber au cours de sa soi-disant enquête ? Très certainement, il aurait été mis en examen pour complicité et aurait eu beaucoup de mal à prouver qu'il jouait en fait au détective privé de cinéma. La pédophilie est un problème de société beaucoup trop grave et complexe pour que l'on laisse ainsi instrumentaliser, galvauder et dénaturer par des Maigret d'opérette et autres Hercule Poirot le difficile travail des policiers, gendarmes et magistrats (hautement spécialisés) qui doivent obligatoirement réunir des preuves indiscutables pour interpeller un pédophile. En conclusion, ce journaliste a donc commis une double faute, primo en se substituant aux enquêteurs de la PJ et secundo en n'informant pas immédiatement la justice ou la police des faits criminels dont il aurait eu connaissance. Quant à l'animateur ignorant de la chaîne qui s'est permis d'ironiser sur les résultats des policiers, le commissaire divisionnaire présent a bien fait de lui rappeler calmement et non sans humour que pendant le déroulement de cet épisode aux fins de feuilleton télévisé, la police elle, avait bouclé d'autres affaires.

Savonarole

A noter un phénomène qui n'échappera pas aux sagaces de ce blog : la lecture des "commentaires" des lecteurs du Figaro.
On ne peut qu'être surpris de l'abîme qui sépare la teneur de n'importe quel article du Figaro et des commentaires que font SES lecteurs... Stupéfiant !
On ne peut qu'en tirer la conclusion que les journalistes du Figaro écrivent pour des lecteurs virtuels âgés de 80 à 85 ans, de la génération des "30 glorieuses"...
Le Figaro ne semble même pas s'en rendre compte.

B. Guérin

La profession de journaliste n'était déjà pas très reluisante (crétinisateur des masses, moralisateur, délateur...), mais avec Pujadas, non seulement elle lève les derniers doutes, mais encore atteste son arrogante toute-puissance. Piéger lâchement quelqu'un et le livrer au bourreau, quel que soit son "crime", est indéfendable et répugnant (même si l'on préfère le gendarme au voleur, ce qui n'est pas mon cas).
Le triste résultat en sera dans la désaffection du public pour cette profession si peu sympathique.
Il suffit de voir que même sur France Inter, on consacra récemment DIX minutes d'un journal aux prétendues coucheries péri-élyséennes !!! Est-ce cela qui s'appelle informer, élever, parler à l'intelligence, faire comprendre le monde ???
En vérité, les Pujadas de toutes obédiences font admirablement ce pour quoi ils sont payés : laminer, uniformiser, aseptiser, créer une foule imbécile, docile à ses maîtres et à ses lois.

Savonarole

@ Rédigé par: fabien | 08 avril 2010 à 07:11

On se souvient également de l'affaire Thierry Paulin, "le tueur en série de vieilles dames", qui fut traité par Libération avec une certaine fascination nauséeuse.
A n'en pas douter Serge July sera un jour décoré de la Légion d'honneur ou nommé ambassadeur à l'UNESCO ou à l'UNICEF...

Jean-Benoît Henriet

@ Véronique Raffeneau (7-4 7h28) et Achille (7-4 9h21), sur Florence Aubenas

Tout d’abord, merci à Philippe Bilger s’il veut bien continuer à héberger cet échange qui prend un caractère privé, mais reste dans la ligne de son billet car il concerne la façon dont les journalistes pratiquent leur métier.

D’accord avec Véronique Raffeneau. Voir ci-dessous la première partie de ma note de lecture, que je n’avais volontairement pas jointe à mon commentaire du 6 avril (19h47), dans la mesure où il ne portait pas sur le livre de FA, mais sur la façon biaisée dont certains médias en avaient rendu compte.

« J’ai entendu surabondamment parler de son livre (Le quai de Ouistreham) soit par elle soit par des journalistes (France Culture + presse écrite : Le Figaro, Le Monde, Les Echos) : louanges unanimes sur la forme et sur le fond, et très souvent utilisation politique pour illustrer divers thèmes du genre aggravation des inégalités, montée de la désespérance sociale, l’entreprise c’est un système d’exploitation de l’homme, et l’intérim c’est la même chose au cube, le chômage c’est horrible, il n’y a pas moyen de s’en sortir sauf à accepter n’importe quoi...

Le livre est facile et agréable à lire, très correctement écrit et, au total, intéressant.

Il renseigne bien sur le monde et le travail des femmes de ménage dans l’industrie et les services. On voit notamment de quelle façon, pour obtenir les marchés, les entreprises de nettoyage sous-estiment le temps nécessaire. Ensuite, les femmes de ménage sont coincées entre les exigences de qualité du donneur d’ordre et le temps trop court prévu pour leur intervention. Elles doivent souvent travailler plus longtemps que prévu, tout en restant payées en fonction du temps initialement prévu.

Intéressant aussi de voir à quel point l’administration chômage-emploi, en tout cas « le monde des guichets » auquel elle se réduit pour les « ayants droit » est kafkaïenne (mais nous avons tous pu faire cette expérience ne serait-ce que pour réunir les pièces nécessaires au renouvellement d’un passeport). »

..................... (la suite de la note de lecture est insérée dans mon commentaire du 6-4 19h47)

Pour Achille, maintenant.
Je pensais l’avoir dit clairement dans mon commentaire initial, mon point était de montrer ce que les commentateurs et interviewers ont tous (pour les médias que je lis ou écoute) choisi de masquer, à savoir que, sans être rose, tout n’est pas uniformément noir :
- un CDI engageant trouvé au bout de 15 jours, mais refusé (avec un autre exemple du même genre, concernant une collègue de FA),
- un autre CDI, à tiers temps mais rémunéré 1000 euros par mois, trouvé cinq mois et demi plus tard.

Certes, le lecteur du livre aura aussi pris connaissance des points positifs de l’expérience de FA (grâce soit rendue à l’auteur de ne pas les avoir masqués), mais celui qui se sera contenté des recensions, critiques, et interviews de l’auteur par les journalistes que j’ai lus et entendus aura eu une vision partielle, tendancieuse, du type « critique sociale ». C’est ce que j’appelle « la fabrique de l’opinion » : il faut bien pousser le tableau au noir, il faut faire pleurer Margot, fût-ce au pris d’une bonne dose de désinformation. Ce n’est pas FA en tant qu’auteur que j’incrimine, ce sont ses confrères journalistes : doivent-ils se comporter comme les avocats de l’une des parties (toujours la même, neuf fois sur dix), ou donner un éclairage non polarisé ? S’agissant de FA, on peut seulement lui reprocher de s’être laissé interroger de façon partisane, sans rectifier l’éclairage polarisé de ses interviewers, bref, de s’être facilement laissé instrumentaliser.

Vous pouvez me taxer d’idéalisme, voire de naïveté, m’expliquer que « l’autre bord fait pareil », que chacun est libre de trouver ses munitions où il veut et de ne surtout pas en fournir à l’autre bord. Mais après tout, n’est-ce pas à une réflexion honnête, construite à partir DES faits (et pas de CERTAINS faits soigneusement choisis), que nous invitent les billets de Philippe Bilger ?

Catherine JACOB@Denis Monod-Broca

S'agissant d'incitation à la commission d'infractions directe ou indirecte telles les publicités incitatives à l'acquisition de boissons alcoolisées, au tabac ou à la violence, quid en fin de compte de ceci relativement au recrutement d'un certain type de profil clientèle? : http://www2.bplc.fr/pg4r135_Les_Banques_Populaires.html

Jean-Benoît Henriet

@ Véronique Raffeneau, sur Claude Lanzmann

Votre point de vue me semble très réducteur. Il ne s’agit pas de savoir si Claude Lanzmann a une carte de presse ou non. Il s’agissait simplement dans mon commentaire de rapprocher deux situations : celle du journaliste qui rompt le contrat implicite qui le lie à son informateur en dénonçant celui-ci; celle de « l’enquêteur » qui, pour réaliser un film, cherche à avoir accès aux protagonistes des événements auxquels il s’intéresse, et les trompe de façon caractérisée. Certes le premier est soumis à une déontologie, pas le second (et cette déontologie répond notamment à un souci bien concret : ne pas s’aliéner ses sources futures). Mais il n’est pas interdit de supposer que tout homme, y compris CL, a une éthique personnelle.

Vous pourrez me répondre que les situations ne sont pas identiques : rien à voir entre des journalistes enquêtant sur les milieux pédophiles et CL sur la Shoah. Outre qu’il serait de peu d’intérêt de comparer des situations identiques, je vous l’accorde bien volontiers : d’un côté, des journalistes qui, dans l’exercice de leur fonction « d’utilité publique » (ou, plus prosaïquement, cherchant à réaliser un scoop), ont la possibilité de prévenir des crimes en dénonçant les criminels passés et futurs; de l’autre une personne qui, a posteriori, veut prendre contact avec des criminels déjà punis et leur ment pour obtenir ce contact. La tromperie que commet CL me paraît plus condamnable que celle commise par les journalistes car sa justification est moins forte. Informer sur un crime passé et déjà puni, ce n’est pas pareil que faire prendre un criminel et éviter un nouveau crime.

Cette différence explique pourquoi je me suis étonné que soit largement condamné le comportement des journalistes, et qu’ait été non seulement absous, mais même pas relevé, celui de CL. Il faudrait avoir l’esprit bien mal tourné, ce qui n’est pas mon cas, et la plume très acérée d’un polémiste de talent, ce que je ne suis pas, pour expliquer qu’en fait cela n’a rien de bien étonnant...

fabien

La position récente lamentable de « Libé » n’est pas réellement surprenante. A se demander si il n’y a pas un nid de dégénérés soixante-huitards pédos spécialiste de la désinformation qui ne distingue même pas la frontière de la délation et du devoir citoyen. D’autre part un « auteur de crime ou délit impliqué dans un sujet de reportage » ne peut être considéré comme un informateur. Petit rappel :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Discussion:Lib%C3%A9ration_(journal)
En mai 1977, Libération publie un article faisant explicitement l'apologie de la pédophilie. "Naissance du "front de libération des pédophiles"" est un véritable acte de foi en faveur des pédophiles, qui constituaient une partie des lecteurs de Libération. L'article sera à nouveau publié le 1er mars 1979. Pendant dix-neuf mois, Libération va publier des articles, dessins et photographies à caractère pédophile (entre autres dans l'édition du 5 novembre 1978). Le caractère choquant de ces publications entraînera des poursuites judiciaires ! Cependant, le 1er mars 1979, Libération publie fièrement "Les outrages de Libération" 3, article qui relate ses démêlés avec la justice française. Une justice sclérosée et "bourgeoise", qui s'attaque injustement à un journal "novateur". Pour l'occasion, Libération republie une grande partie des articles et autres dessins qui ont défrayé la chronique ! En 1981, Libération publie un témoignage, "câlins enfantins", dans son édition du 20 juin. Un homme rapporte ses relations pédophiles avec une enfant, sur une durée de près de trois ans. (…)

Aïssa Lacheb-Boukachache

J'écoutais Joffrin, Ménard et les autres ce soir chez Taddéï … Il a raison, Joffrin, il faut des sous pour payer son enterrement. Je plaisante … Plus sérieusement, ils se sont tous fourvoyés, à mon sens, lors de ce débat. Pour la raison qu'ils employaient les vocables «journalistes» et «journalisme» au singulier. Partant, toutes les confusions étaient possibles. Pour cause: journaliste et journalisme sont pluriels et on ne saurait confondre, tiens, Ménard ou Joffrin, avec tel ou tel rédacteur de Gala, Voici ou Closer qui, cependant, n'en possèdent pas moins la même carte de journalistes qu'eux. Puis il y a eu, lors de l'arrivée sur le plateau de Benoît Raphael du Post.fr, une dérive de leur part qu'on a bien senti méprisante à l'égard des blogueurs qui seraient des caricatures ratées de journalistes … En somme, le blogueur est secondaire voire insignifiant car il ne fait que commenter. Je veux bien, certes, mais eux, dans l'ensemble, que font-ils de plus et/ou de différent? Ils rapportent des faits de ce monde que sans eux, l'on ne connaîtrait pas … C'est exact. Cependant, ils ne font toujours que les rapporter et qu'ils viennent à cesser de les rapporter, on n'en sera pas moins, pour peu qu'on y tienne absolument, informé de ces faits et d'autres encore par une infinité de moyens dont Internet actuellement n'est pas le moindre. Il est tard et je suis fatigué; une autre fois peut-être aura-t-on l'occasion de développer ici ce sujet intéressant. Pour résumer simplement: n'est pas journaliste qui rapporte simplement un fait. Lui est un rapporteur, c'est différent. Est journaliste qui produit de la pensée non simplement qui dit le monde mais le propose à chaque fois et l'entraîne. En somme, une pensée, fusse-t-elle même d'un sujet le plus anodin, qui profite à l'humain. Et ceci n'est pas le bonheur de n'importe qui, carte de presse ou non … Si en plus de produire cette pensée, le journaliste relate un fait inédit ou non, en direct ou en différé, rapportée à cette pensée et inversement, alors nous sommes là en présence d'un grand journaliste. Il y a plus de vrais journalistes anonymes ou non, conscients ou non qu'ils font du vrai journalisme, sur les blogs que dans certaines rédactions bien connues … C'est cela qui gêne tant certains. Et c'est gratuit en plus … Enfin, il commence à être des blogs payants mais c'est un autre sujet ...


Aïssa.

Alex paulista

@ Pierre-Antoine
Vous me dites
"Laisser faire la police ?
Deux objections majeures à cette proposition :
1- elle n'a pas les moyens humains...
2- et ces moyens humains seraient aux 35 heures et aux RTT !"

Si je suis votre raisonnement, c'est une bénédiction que le sujet soit graveleux, car pour tous les autres sujets moins racoleurs la Police est vouée à l'échec faute de moyens humains et à cause des 35h (plus de flics et halte aux 35h, je vous sens un peu de droite :o) ...).

Des moyens humains, je vais vous en trouver: prenez quelques policiers qui se pèlent dans le froid à contrôler 50 fois par jour Hammed et Aristide, donnez leur un accès internet pour s'amuser à jouer les adolescentes. Ils ont le niveau en langage texto.

En plus, je n'aime pas trop les flics mais il me semble qu'ils font souvent plus de 35h (ils glandent la nuit au commissariat une fois trouvé leur pigeon quotidien qui conduisait après 3 bières et touchent des primes en comptant les post-it). Inversement les gens que je connais qui bossent à la radio ou à la télé ne bossent pas tant que ça.

Catherine JACOB@Denis Monod-Broca

@Denis Monod-Broca | 07 avril 2010 à 14:05 « Qu'il soit journaliste ou policier, et fut-ce pour une "bonne cause", celui qui provoque délibérément la commission d'un crime n'en partage-t-il la responsabilité avec celui qui le commet ? »

Je ne sais pas dans quelle mesure on peut en induire quelque chose relativement à l'incitation à la commission du crime telle que vous évoquez, mais dans un autre domaine, il existe ceci :

« Article 226-3
Est punie des mêmes peines la fabrication, l'importation, la détention, l'exposition, l'offre, la location ou la vente, en l'absence d'autorisation ministérielle dont les conditions d'octroi sont fixées par décret en Conseil d'État, d'appareils conçus pour réaliser les opérations pouvant constituer l'infraction prévue par le deuxième alinéa de l'article 226-15 ou qui, conçus pour la détection à distance des conversations, permettent de réaliser l'infraction prévue par l'article 226-1 et figurant sur une liste dressée dans des conditions fixées par ce même décret.
Est également puni des mêmes peines le fait de réaliser une publicité en faveur d'un appareil susceptible de permettre la réalisation des infractions prévues par l'article 226-1 et le second alinéa de l'article 226-15 lorsque cette publicité constitue une incitation à commettre cette infraction. »


Accessoirement j'ai également découvert cet étonnant art. Du code des Impôts :
«Assiette et modalités de recouvrement du prélèvement spécial sur les bénéfices résultant de la vente, la location ou l'exploitation d'œuvres pornographiques ou d'incitation à la violence : code général des impôts, art. 235 ter L et s. et 163 septdecies et s. de l'annexe II  » 

Bernard76000 ex 27400

Agence CAPA... Volontaire ou non le nom de cette agence ? Pour les initiés, on pense de suite à Robert Capa (un des fondateurs de l'agence Magnum), un grand reporter photographe (voir ses photos sur Internet). Si le nom de cette agence a été donné en songeant à ce photographe et vu le sujet qui fait l'objet de ce billet on peut conclure que le nom de CAPA associé à cette agence est une véritable insulte faite à ceux qui ont été jusqu'à donner leur vie pour l'information.

Gérard Lenne, carte de presse N°30120

Il n'y a aucune discussion possible.
Ce Pujadas et ses complices ne méritent pas le nom de journaliste. Point final.

Denis Monod-Broca

Qu'il soit journaliste ou policier, et fut-ce pour une "bonne cause", celui qui provoque délibérément la commission d'un crime n'en partage-t-il la responsabilité avec celui qui le commet ?

Catherine A : les donneurs de leçons font des petits

L'Ethique et la Conscience, jolis mots mais je crains que (comme pour le sexe) ceux qui en parlent le plus soient ceux qui en aient le moins... Ici franchement on est gâté.
Et heureusement que le ridicule ne tue pas : "Journalisme sans conscience n'est que ruine de l'âme", ben voyons !
Une chose est sûre, pas besoin d'une enquête journalistique approfondie pour le constater : les donneurs de leçons se reproduisent plus vite que les lapins.

Catherine JACOB@Aïssa

@Aïssa Lacheb-Boukachache | 06 avril 2010 à 21:36
«C'est délicat en vérité … Je ne me prononcerai pas; préférant laisser ces professionnels du journalisme interpréter eux-mêmes leur code de déontologie.»

Aïssa, avant de parler du code de déontologie, parlons de code tout court. Lequel ne souffre qu'une exception au secret professionnel, notamment d'ordre médical en précisant : «Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut faire l'objet d'aucune sanction disciplinaire.»

En effet, en dehors de ce cas précis, «toute entorse peut être sanctionnée non seulement par les institutions professionnelles dont les coupables dépendent (conseil de l'ordre...) mais aussi par le tribunal de grande instance.»

Ceci étant, il faut savoir que le secret médical est, à ma connaissance du moins, toujours déclaré «absolu».
Ce qui sans doute génère une situation un peu schizophrénique.

Nonobstant je sais par ailleurs, et quand je dis «je sais» sur ce blog, je porte en quelque sorte témoignage publiquement, que si certaine(s) victime(s) qui se sont confiées à leur médecin à l'époque des faits avaient pu imaginer que le secret ne serait pas «absolu», elles ne s'en seraient pas 'ouvertes', précisément. Je pense qu'il en va de même pour le secret de la confession. Libérer quelqu'un du poids d'un secret et en particulier et surtout une victime, suppose tout un processus qui ne va pas sans respect de la personne, et vis-à-vis de quoi la possibilité que ce secret puisse et doive être trahi sans son accord autrement dit au mépris de sa volonté, ce qui représente également une forme de viol, s'inscrit donc totalement en faux !
Cela ne concerne bien évidemment pas qui n'est pas capable d'exprimer et d'avoir une volonté libre, et donc je pense que cela seul devrait être le critère et non pas l'âge.

Par conséquent, il y a les codes et il y a la conscience qui parfois, mais ce n'est fort heureusement pas la règle, peuvent se trouver en conflit.
Souhaiter que le médecin ou le confesseur respecte un secret avec l'absoluité qui est celle du secret défense, ne signifie pas non plus nécessairement qu'on ne souhaite pas qu'il ne vienne à se savoir, mais pas par ce biais. C'est compliqué.

Je pense donc qu'il faut laisser ouverte la possibilité de savoir/mettre au jour, qu'une exigence brute et absolue de révélation (telle que donc inscrite dans la loi) peut tarir, et il me semble, s'agissant du secret de la confession, qu'une longue pratique de cette dernière a appris à ses dépositaires à organiser le hasard dans les cas bien sûr, où leur conscience a pu le leur commander quelque part, tout en respectant le silence relativement à qui a dit quoi, autrement dit en s'abstenant de porter formellement témoignage relativement à ce qui, à travers eux, s'est adressé à Dieu et non aux hommes et je pense qu'on ne peut pas mélanger inconsidérément les affaires de Dieu et les affaires des hommes !

Je crois avoir cité cette affirmation d'un chirurgien : « tout est poison, rien est poison. » Je pense qu'il en va de même et s'agissant de parler et s'agissant de se taire.

Pierre-Antoine

@Alex Paulista

Laisser faire la police ?
Deux objections majeures à cette proposition :
1- elle n'a pas les moyens humains...
2- et ces moyens humains seraient aux 35 heures et aux RTT !

Le seul moyen, c'est de rendre responsables pénalement les hébergeurs de ces sites... ça devrait en refroidir plus d'un !

Et ne pas dire que c'est techniquement impossible, des dirigeants de certains pays arrivent bien à censurer Google.

Tout est question de volonté politique et de moyens techniques. Mais quand on sait que ça rapporte des milliards d'euros, on se demande dans quelle direction s'exerce la volonté !

Cordialement

Pierre-Antoine

vuparmwa

Suite à cela, quelques réflexions de juriste de comptoir :

En matière de procédure pénale, rien de plus important que la preuve... il faut pouvoir imputer les faits à un individu... démontrer qu'il a commis l'ensemble des éléments constitutifs de l'infraction...

Le principe, si on se réfère à l'article 427 du code de procédure pénale, semble être la liberté dans l'établissement de la preuve...
Toutefois, la jurisprudence a érigé deux principes généraux du droit : la loyauté dans la recherche de la preuve et la loyauté dans la discussion de la preuve...

La loyauté dans la recherche de la preuve suppose notamment que les éléments de preuve doivent être obtenus de manière licite et digne...

Ce qui entraîne les juges à faire la différence entre la provocation à la preuve d'une infraction (qui peut être faite par un policier) et la provocation à la commission d'une infraction (qui ne peut être faite par un policier)

Plusieurs interrogations surgissent alors et notamment :

s'agit-il d'une provocation à la preuve ou d'une provocation à l'infraction ?
ce principe s'applique-t-il à un individu tiers accessoirement journaliste ?

Joachim A.

Le reportage est accablant. Le débat qui a suivi, navrant ! Les deux parties de l'émission posent clairement le problème de l'efficacité de la police et des autorités. C'est la lecture que je fais de cette émission.

Le journaliste a dû effectivement sortir de son rôle premier pour donner la pleine mesure de la carence en la matière. Et c'est réussi ! Le sentiment d'impunité qui anime les pédophiles est révélateur de l'action policière.

L'avantage du journaliste, outre d'informer sur l'ampleur du fléau, c'est qu'il donne les preuves de son efficacité.

Je regrette simplement qu'il n'ait pas interrogé le commissaire dans les mêmes formes que celles prises avec les responsables sécurité des sites de chats. En marge, j'aurais aimé avoir la mesure de la performance des actions menées par les autorités.

La pédophilie doit être combattue sans pitié. Chacun d'entre nous est acteur de ce combat, à sa mesure. Les problèmes de déontologie ne devraient pas se discuter le jour où il faut agir.

mike

"Journalisme" sans conscience n'est que ruine de l'âme.

Achille

Achille @ Jean-Benoît Henriet | 06 avril 2010 à 19:47

Je me doute bien que Florence Aubenas a sans doute en partie "romancé" son immersion dans le monde de la précarité afin de la rendre plus « réaliste » et mieux faire partager le drame des gens qui sont dans la galère. Mais je pense que sa démarche est salutaire car ces gens là ne sont soutenus par personne et n’ont même pas les moyens de s’exprimer... pire, ils n’osent pas.

Le fait de nous avoir rappelé qu’ils existent, malgré tout ne me semble pas inutile.

Savonarole

"Mettez-vous d'accord avec vos arrière-pensées !", s'exclamait Edgar Faure devant un parterre de députés-jésuites de l'Assemblée Nationale lors d'un inextricable examen de loi.

Hervé Chabalier en diacre tonsuré de la Morale, ça fait sourire.
Lui qui avait fait rapatrier, en priorité d'"Etat", ses cameramen-journalistes dans un avion de la République (merci Sarko) et laissé sur place les "zozos" et les "101 orphelins du Darfour"... puis s'était contorsionné dans la presse pour dire qu'ils "ne faisaient que leur métier"...

Des pédophiles en taule c'est bien, mais des prédicateurs qui sentent l'andouillette politique, comme le disait Edouard Herriot, c'est too much...

christophe

Bien évidemment que tout le monde a envie de se mettre à la place de victimes, et qu'il apparaît bon, pour la société, que ces pédophiles aient été dénoncés. Il me semble, et je porte effectivement pas les journalistes dans mon coeur, qu'il a été fait ce qu'il fallait.
A vous lire, M. Bilger, le fait d'être journaliste serait une question d'apparence, de la manière dont l'autre nous perçoit !
Je ne le pense pas. Le but est d'informer (et non pas de déformer, hein !) sur ce qu'il se passe à travers le monde. Si, pour ce faire, il doit aller jusque là, pour obtenir des choses qu'il n'auraient pas obtenues différemment, pourquoi pas ! A partir du moment où il assume les risques qu'il prend !
Ce qui me semble être le cas.

Véronique Raffeneau

@ M. Henriet

Si vous le permettez.

A propos du livre de Florence Aubenas que j'ai lu.

Il me semble que le sujet de la chronique de FA soit prioritairement l'inadéquation des structures forme Pôle Emploi et de ses sous-traitants type boîte de formation ou structure d'insertion professionnelle X ou Y qui catégorisent jusqu'à l'absurde le profil demandeur d'emploi, précaire, exclu.

De ce point de vue ce témoignage très littéraire est une réussite.

La critique majeure que j'adresserais à Florence Aubenas est le sentiment que dans son projet "d'infiltration" elle ait elle-même confondu et enfermé son personnage - le choix du mot personnage est volontaire de ma part - avec et dans tous les poncifs liés à l'exclusion professionnelle sur lesquels les structures institutionnelles, associatives et privées chargées de l'emploi s'appuient sans aucune retenue.

Ce qui est important dans "Le Quai d'Ouistreham" est la description de la brutalité institutionnelle doublée d'une bêtise épaisse avec lesquelles sont maltraités, l'air de rien, avec des pléthores de petits chefs du social, ce qu'il est convenu d'appeler les pauvres et les exclus.

Alex paulista

JPLedun

Je crois que la question est plus de savoir s'il est sain d'en faire un spectacle.
Pourquoi ne pas laisser faire la même chose à la Police en toute discrétion ?

Les criminels se feront d'autant plus surprendre qu'ils ne verront pas comment le piège est tendu...

Christian C

@Marcel Enclume,
si vous m'expliquiez en quoi les policiers ne pourraient pas utiliser les moyens employés par les journalistes dans cette affaire liée à la pédophilie, cela m'intéresse.
Il n'est ici nullement question de sources, puisque les journalistes ont "surfé" sur le web en se faisant passer pour des mineurs.

Véronique Raffeneau

Je partage somme toute la position de Bruno Roger-Petit mise en lien par Valérie.

Capa ce sont AUSSI des journalistes-communicants missionnés par exemple pour juste promouvoir le plan média de la triste équipée L'Arche de Zoé.

Quand le vent a tourné, le journaliste là n'est devenu qu'accusateur. Et Hervé Chabalier se répandait alors partout dans les médias pour sauver son journaliste, que son agence avait pourtant transformé et confondu dès le départ en une attachée de presse de l'opération.

Je me demande dans quelle mesure le produit médiatique "Les infiltrés" n'est pas construit de la même manière que celle qui a prévalu quand il s'agissait aussi selon Capa - pour reprendre l'expression d'Hervé Chabalier - "d'observer" l'ineffable opération Arche de Zoé.

D'accord Philippe. il est très, très difficilement imaginable - impossible -, entre soi et soi, pour reprendre l'expression d'Hervé Chabalier de ne pas "signaler".

Mais bon, depuis L'Arche de Zoé, Capa n'est plus selon moi une agence de presse et de journalisme.

Alors...

@ M. Henriet

Claude Lanzmann n'a jamais prétendu avec Shoah avoir fait un travail de journaliste-attaché de presse, type Capa au Tchad ou Capa chez les pédophiles, que sais-je encore ?

Tout n'est pas égal à tout.


jpledun

Que l'on puisse perdre trois secondes à s'interroger pour savoir s'il faut ou non signaler, dénoncer, balancer ces "malades",
me "fout les boules".
Alors en faire tout un billet...

Jean-Dominique Reffait

La détestation des journalistes pour la police est bien relative : ils se nourrissent beaucoup à cette source tout de même. Et les commissariats envoient quotidiennement leur lot de faits divers aux échotiers locaux en échange d'un dialogue fructueux sur la pluie et le beau temps.

La littérature et le cinéma eux-mêmes font la part belle à cette relation entre le journaliste et le policier, depuis Tintin jusqu'à Rouletabille ou Fandor et tant d'autres. Le journaliste est, en France, à l'image d'un privé américain : il s'émancipe des procédures coûteuses en efficacité pour parvenir plus vite à un résultat tandis que le policier ne se contente pas d'un résultat, il lui faut une solution.

Cela dit, il est évident qu'une fois que l'on se trouve face à la préparation du crime, comment ne pas le signaler ? Certaines positions de principes ne peuvent résister à la pression de la réalité. Il est possible de rencontrer Colonna en cavale sans le dénoncer car il n'est pas alors en situation de préparer un crime. Il en va autrement lorsqu'on se trouve devant la préparation du crime auquel il convient de faire échec.

Cela dit, j'irai pas regarder cette enquête, suis pas assez tordu pour consacrer mes soirées à ça.

Enclume Marcel

Monsieur Bilger,

A mon sens, le dilemme journalistique repose sur le précédent ainsi créé. Non pas le précédent d'un citoyen dénonçant un crime à venir - là, le sujet ne me semble autoriser aucun atermoiement. Mais le précédent en terme de confiance ; concrètement, dorénavant, un individu sachant que la sortie de l'anonymat peut lui coûter, d'une manière ou d'une autre, aurait tort de se fier aux journalistes des Infiltrés, et aux journalistes en général. C'est comme déplacer des armes dans une ambulance, même si la guerre est juste, la stratégie guerrière crée un fâcheux précédent.

Ceci étant précisé, je n'imagine pas, après avoir vu cette émission, comment, vu la teneur des propos des violeurs d'enfants dénoncés, qui que ce soit aurait pu rester silencieux. Le scandale né de ces dénonciations aurait été plus outrageant encore s'il était né de non-dénonciations. Face à un danger imminent et caractérisé (on ne parle pas de la vente d'une barrette de 3 grammes de résine de cannabis, ou même d'une dégradation grave d'un bien ; on parle de crimes ayant une empreinte aussi durable que pénible sur la vie de leurs victimes), aucun secret n'est légitime, aucun intérêt ne peut se dire supérieur.

Quant à savoir s'ils en deviennent des auxiliaires de police, il est évident qu'on n'attend pas d'un journaliste de guerre qu'il prenne les armes et parte. Mais là, le sujet n'offre pas de marge de neutralité. Ce n'est pas comme si tout le monde avait raison en la matière, ce n'est pas comme si tout y était relatif.

Valérie,

En effet, le format de l'émission crée ce dilemme. On ne peut pas s'infiltrer parmi des criminels et garder sa morale sauve.
Il est d'ailleurs certain que son efficacité repose sur le fait que l'infiltré est journaliste ; c'est bien parce qu'il n'est pas policier qu'il fait tant de progrès si rapidement.
Je trouve néanmoins l'expérience intéressante. Quant à son résultat, doit-on s'en plaindre ?

Christian C,

Même remarque : évidemment qu'il est plus simple à un journaliste qu'à un policier que de débusquer des trafiquants. Il n'a pas accès aux mêmes sources.

Catherine A,

« le secret de la confession » dites-vous ? Aucun secret que ce soit n'est opposable au fait de taire un risque imminent de commission de crime à l'encontre de l'intégrité physique d'une personne.

Patrick Pike

Tout à fait en osmose avec votre développement Philippe. J'ajouterai ceci : quel intérêt présente ce dernier reportage sinon celui de racoler un auditoire en quête à la fois de frissons et de voyeurisme ? Ma réponse est sans ambiguïté, aucun sinon donner à quelques-uns les clefs et astuces pour assouvir leur désir immonde si tant est que de ceux-là qui le regarderont ils n'en ont déjà la connaissance. Quant à ceux qui vont s'en émouvoir, je me demande si quelque part il n'y aura pas chez eux, dans le coin obscur que tout être masque, une certaine délectation malsaine.
Reportage d'ailleurs et de manière générale, en ce qui concerne cette émission, à mettre entre guillemets tant il est vrai que n'importe quel individu sans scrupule est à même d'en faire autant. Rien que son titre, déjà, est une dérision, un mépris à la décence. Ce n'est pas du journalisme, ce n'est pas plus une enquête de police, c'est un travail de taupe qui mobilise les plus bas instincts de ceux qui le réalisent, s'infiltrer comme on joue à l'espion.
Il est au reportage ce que le roman de gare est à la littérature, néant.
La question, pour ce qui concerne ce documentaire, n'est pas même de savoir si les auteurs devaient balancer ou se taire, à partir du moment où l'on se conduit comme de vulgaires barbouzes il est bien naturel d'aller au bout de sa démarche. Le fait même d'avoir dénoncé leurs interlocuteurs est la preuve que ces prétendus journalistes ne se considèrent pas comme tels mais plus comme des auxiliaires de basse police, des vigiles ou encore membres de ces milices illicites qui s'érigent en justiciers. Or, à chacun son rôle.
Non, la seule question qui vaille est de savoir s'il était judicieux de le réaliser. Pour ma part je réponds par la négative, mais il est vrai que je n'ai aucun souci de gloriole et d'audimat.
Je n'ai que celui de la dignité.

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