Il y a des rapprochements qui à première vue semblent incongrus mais éclairent cependant la pensée.
Je ne sais pourquoi mais j'éprouve toujours un malaise quand un président de la République, avec ce qu'une telle charge porte d'honneur, d'équité et de neutralité, égratigne l'une de nos prestigieuses institutions au service de l'Etat de droit. A la suite de l'avis du Conseil d'Etat selon lequel une interdiction générale de la burqa ne pourrait s'appuyer sur "aucun fondement juridique incontestable", le président de la République, devant les principaux responsables de la majorité, tout en leur rappelant sa détermination, s'est gaussé de la plus haute juridiction administrative qui avait critiqué le recours à l'article 11 de la Constitution, destiné à soumettre à référendum l'élection du président de la République au suffrage universel, en 1962 (JDD.fr, nouvelobs.com, Le Figaro, Le Monde). Elle manquerait aussi de "créativité juridique", ce qui, en termes nobles, laisse transparaître le rêve d'un droit infiniment malléable, adaptable à toutes les sauces. C'est, semble-t-il, à l'Etat de suivre le Droit, et pas l'inverse dans une démocratie authentique. Toutefois, en s'abritant sous Charles de Gaulle, Nicolas Sarkozy sait qu'il ne prend aucun risque et qu'il critique "sur du velours".
Il n'en demeure pas moins qu'on aurait pu prendre acte du point de vue du Conseil d'Etat en décidant tout de même de ne pas en tenir compte pour des motifs politiques et sociaux. Cette démarche sans arrogance ni dérision aurait constitué une démarche plus pertinente que celle qui a consisté à le ridiculiser au nom d'un précédent dont il n'a pourtant pas à rougir.
Que Jean-François Copé exprime son profond désaccord avec l'avis du Conseil d'Etat est déjà regrettable - on ne demande pas en démocratie une approbation obligatoire mais au moins de faire silence en suivant sa route -, mais le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale n'est pas soumis aux mêmes devoirs que le président de la République. Ce dernier, en mettant en cause si peu que ce soit le Conseil d'Etat, me paraît paradoxalement marquer un but contre son camp, porter atteinte à sa propre légitimité et créer une brèche dans un espace où son pouvoir coexiste avec celui de ces instances respectées qui structurent la République : le Conseil d'Etat, le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation essentiellement. Si elles sont indépendantes dans le fonctionnement des décrets présidentiels, elles participent d'une même sphère dont le chef de l'Etat est profondément le garant ultime, quoi qu'il en ait. Dénigrer le Conseil d'Etat, quand on est président de la République, c'est à la fois l'affaiblir et se banaliser. C'est, offensant l'Etat de droit, se dépouiller un peu soi-même de sa souveraineté. Quand on est président, on ne fait jamais République à part !
Marie-Laure de Villepin, l'épouse de l'ex-Premier ministre, va exposer ses sculptures pour la première fois. Très sollicitée, elle a fini par dire, à propos de l'affaire Clearstram : "On a été broyés. On a vécu des années terribles", avant de conclure, interrogée sur l'avenir judiciaire : "C'est au bon vouloir du roi. C'est comme ça, maintenant, en France..." (Le Parisien).
La fin de son propos, même si on fait la part de l'inévitable polémique, est injuste, dure, excessive. Il est évident qu'on ne se trouve pas en France en face d'une justice qui dépendrait du président de la République comme celle de l'ancien Régime était totalement soumise au Roi. Le "bon vouloir" prêté au président, avec les abus et l'arbitraire qui en sont les compagnons inséparables dans l'imaginaire public, relève du fantasme. Mais pourquoi une femme aussi fine que Marie-Laure de Villepin s'est-elle permise de proférer, en définitive, cette absurdité ? Parce qu'elle a jugé sans doute que, dans le contexte, elle pourrait sinon être validée du moins écoutée.
Je rapproche mon analyse de la critique du Conseil d'Etat qui nous renvoie à un président de la République sorti d'une conception neutre de l'Etat de droit, de cette boutade amère de Marie-Laure de Villepin. Il n'est pas incohérent de supposer que, si celle-ci s'est "lâchée" à ce point, et en l'occurrence si faussement, c'est parce que celui-là, en plusieurs circonstances, a laissé se distendre la relation entre l'impartialité de sa fonction et la considération démocratique due aux institutions. On ne les aime pas parce qu'elles complaisent mais parce qu'elles sont nécessaires.
Le "bon vouloir" républicain ne serait pas moins dangereux que le royal.
"Il est évident qu'on ne se trouve pas en France en face d'une justice qui dépendrait du président de la République comme celle de l'ancien Régime était totalement soumise au Roi. Le "bon vouloir" prêté au président, avec les abus et l'arbitraire qui en sont les compagnons inséparables dans l'imaginaire public, relève du fantasme."
Oh ! Il ose, le coquin ! Et en plus, il se met à parler comme Jean Ellenstein : "Il est évident que..." ? Ce la s'appelle de l'incantation, de la fumisterie ou du déni, cher Philippe Bilger. Et pas besoin d'être du métier, dans le secret des dieux, pour le voir et le sentir. Cette phraséologie du déni de ce qui froisse votre mauvaise conscience, et peut-être vos déceptions à propos du président, est la même que l'arrogance d'un Finkielkraut ou un BHL quand on n'est pas d'accord avec eux. Cela s'est beaucoup fait au PCF dans les années 70, puis cela a migré vers l'ENS rue d'Ulm, et cela fait tache. Cela s'appelle aussi l'anathème, vieille recette inquisitionnelle. Les gosses, dans les cours d'école, diraient volontiers, dans le même ordre d'idées : "N'importe quoi ! Jamais, la nuit, tu te... ?"
Pourquoi n'y a-t-il plus que les filous bien en cour, les politiciens véreux et certains magistrats qui ont encore "confiance dans la justice de leur pays" ? Daumier, reviens !
Rédigé par : Jean-Yves Bouchicot | 27 juin 2010 à 10:04
Cher Philippe Bilger,
votre analyse concernant la position du Président de la République et son expression quant à l'avis consultatif du Conseil d'état ignore, me semble-t-il un des aspects de la situation.
Votre droiture vous interdit d'imaginer le moindre dévoiement de la magistrature. Or le peuple s'émeut parfois de la contradiction apparente entre une magistrature revendiquant son indépendance de tout pouvoir comme consubstantielle à son existence, lors même qu'il semble qu'une partie de cette même magistrature participe parfois de combats politiques.
Ainsi dans le cas d'espèce, ce qui semble avoir provoqué la réaction des politiques n'est pas tant l'avis rendu, que l'insistance à comme le rendre une seconde fois. En effet, cet avis n'est bien que consultatif, et le Conseil d'état ne devrait pouvoir s'offusquer (sauf à vouloir modifier sa mission et son pouvoir par une sorte de coup d'état institutionnel) qu'il ne soit suivi.
Pourquoi dès lors convoquer les médias et republier son avis, si ce n'est dans une tentative de forcer le pouvoir politique dans une voie qu'il est pourtant libre de refuser?
C'est à cette tentative assez édifiante de modifier par le fait la nature même de sa mission et de son pouvoir, qu'il me semble que les politiques ont réagi.
J'en veux pour preuve que subitement, l'ensemble de nos journalistes pourtant très au fait des institutions qu'ils couvrent, ont donné du "Les sages" aux conseillers d'Etat, formule consacrée certes, mais uniquement destinée aux juges du Palais Royal. Etait-ce vraiment un hasard?
Rédigé par : simple citoyen | 25 mai 2010 à 05:45
La République, par Napoléon a emprunté à l'ancien régime le Conseil du Roi et en a fait le Conseil d'Etat. Le Roi a retiré aux Parlements l'appel des jugements de sorcellerie et a tout ramené à lui. Le Président de la République a reçu du Conseil d'Etat la claque Canal Robin Godot tout général qu'il était. Le Roi, le Président, les Conseils, font un tout d'occasions et d'opportunités politiques. Il y a des arrêts honteux dit-on dans les Universités, des magistrats sans envergure et des politiques sans âme. Et tout ça fait d'excellents Français.
Rédigé par : JM Thiers | 24 mai 2010 à 00:07
Je regrette de devoir vous contredire fermement. La justice n'était pas soumise au Roi ; c'était le Roi qui était soumis au bon vouloir des divers parlements et les justiciables le vivaient ainsi.
Cette fausse idée, véhiculée par les manipulateurs de l'histoire, n'est pas digne de votre réflexion.
Rédigé par : ACL | 23 mai 2010 à 15:55
Monsieur Bilger, c’est encore une fois un des principaux travers de l’actuelle majorité que vous pointez du doigt. Il est en effet consternant de voir tout ce qu’une équipe dirigeante se réclamant du libéralisme capitaliste emprunte au défunt régime soviétique. La tentation de l’état-UMP est toujours là, comme pour singer ce qu’était le Parti Communiste à l’URSS.
Rédigé par : Epaminondas | 22 mai 2010 à 15:21
Je ne comprends pas très bien ce texte de M. Bilger, avec lequel je suis habituellement d'accord.
Certes, Sarkozy n'a pas à se gausser du Conseil d'Etat.
Pour autant, celui-ci n'est pas Dieu, ce me semble, et reste soumis à la critique, pourvu qu'elle soit respectueuse et argumentée.
En l'espèce, il ne me paraît pas très pertinent d'invoquer "le Droit", dans l'absolu, comme si celui-ci siégeait de toute éternité dans le Ciel des idées.
Le Droit, ce peut être le droit pour l'individu de s'habiller comme bon lui semble (mais pas d'aller nu; tiens, pourquoi?).
Mais ce peut être aussi le droit pour un peuple de défendre sa culture et son mode de vie contre les provocations de quelques allumés fanatiques.
"Le Droit" a bon dos dans cette affaire, et il ne me paraît pas mauvais que le politique affirme aussi... son droit.
Rédigé par : dominique | 22 mai 2010 à 09:47
@ Pierre-Antoine
"...que seul un homme libre pouvait reconnaître entre mille un autre homme libre !"
Votre phrase est très belle et très profonde.
Elle est très littéraire, au sens haut du terme.
Parmi les personnages de l'affaire de l'esclave Furcy - c'est volontairement que j'emploie le mot de personnage lié dans mon esprit à la littérature et au romanesque - qu'est-ce qui anime pendant plus de vingt ans le procureur Boucher à sauvegarder coûte que coûte les éléments épars de l'action en justice menée par Furcy ?
Malgré l'époque, malgré les bons vouloirs et les bons plaisirs des rois et des républiques, malgré le cafard noir qui devait le prendre à la gorge quand il était relégué à Poitiers, ou à Rennes, ou à Bordeaux, je ne sais plus bien son errance de procureur, malgré tout ce qui fait que les procureurs des cours royales ou républicaines renoncent souvent à agir en hommes libres et affranchis ?
C'est au fond la question que je me suis posée en refermant le récit de Mohammed Aïssaoui.
Eh bien mon idée est que le procureur Boucher, au-delà du droit, des droits, de la Loi et des lois et règlements avait contracté une obligation morale vis-à-vis de Furcy.
Celui-ci lui avait demandé la protection de la loi. En donnant suite à la réclamation en justice de Furcy, je pense que l'action du procureur Boucher l'engageait pour toujours à ne jamais abandonner Furcy aux conséquences que cette action conjointe et inouïe pour l'époque ne manquerait pas de provoquer.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 22 mai 2010 à 07:43
@Véronique Raffeneau
Au delà du droit, des droits, de la Loi et des lois et règlements, je retiens de ce que vous m'apprenez par vos commentaires sur ce sujet, que seul un homme libre pouvait reconnaître entre mille un autre homme libre !
Et que la lumière ne fait fuir que les cloportes !
Cordialement
Pierre-Antoine
Rédigé par : Pierre-Antoine | 21 mai 2010 à 10:36
@ M. Chinetti
Vous vous doutez bien que ma mention du livre de Mohammed Aïssaoui n'est pas faite pour vous convaincre que la justice de Louis XVIII est un modèle inégalé à ce jour d'indépendance des procureurs généraux des Cours royales.
L'auteur de ce récit-roman ne revendique en rien la qualité d'historien ou de juriste.
Mohammed Aïssaoui a simplement été bouleversé par une vente aux enchères du dossier qui relate l'histoire de Furcy - cet homme qui ne possède que son prénom - et de sa réclamation en justice de son droit à être un homme libre.
L'Etat a acheté ce dossier d'archives pour 2 100 euros - au même moment un des clichés du Baiser de l'Hôtel de Ville de Doisneau était adjugé 155 000 euros (prologue du livre de MA) -, pour le laisser ensuite se perdre dans les poussières des Archives nationales.
"L'affaire de l'esclave Furcy" est donc le récit de cette émotion et de la quête de Mohammed Aïssaoui pour retrouver et désensevelir les quelques traces de l'incroyable détermination de Furcy.
Mais sans le courage et la constance du procureur général de la Cour royale Boucher l'affaire de Furcy serait aujourd'hui totalement ensevelie.
Ce procureur chassé de l'île Bourbon en état d'errance d'affectation professionnelle permanent - il fera pratiquement toutes les cours d'appel de France - jusqu'à sa mort en 1841 a inlassablement consigné, archivé et conservé les éléments du dossier qui sera vendu à l'hôtel Drouot en 2005.
"Ce dossier, Gilbert Boucher l'avait légué à sa famille, comme on lègue une fortune soigneusement constituée."
Moahammed Aïssaoui a profondément aimé jusqu'aux larmes cette fidélité qui a lié Furcy et le procureur Boucher.
Philippe Bilger évoque dans son billet le Conseil d'Etat, le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation. Et tout, et tout.
Je n'ai eu envie que de dire que quand quelques-uns, c'est vrai, se moquent de toutes les hermines aux airs compassés et confites dans les ambiances des hautes juridictions, un écrivain a probablement pleuré d'émotion quand il a exhumé de la BNF :
COUR ROYALE DE PARIS
AUDIENCE SOLENELLE
RENVOI DE CASSATION
PLAIDOYER DE Me Ed. THUREAU
POUR
LE SIEUR FURCY, INDIEN
et que le cœur et l'esprit de cet écrivain battaient la chamade comme jamais quand il a lu en tremblant la conclusion du Président Portalis :
"Sur la base de toutes ces considérations... la Cour dit que Furcy est né en état de liberté"
Voilà tout.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 21 mai 2010 à 07:40
"Que Jean-François Copé exprime son profond désaccord avec l'avis du Conseil d'Etat est déjà regrettable - on ne demande pas en démocratie une approbation obligatoire mais au moins de faire silence en suivant sa route".
Non et 100 fois NON.
En démocratie on a le droit d'ouvrir sa bouche, fut-elle grande, quand on n'est pas d'accord. Cela n'empêche pas de suivre la loi ou de respecter celle-ci mais on a le DROIT de ne pas être d'accord et le DROIT de l'exprimer.
Toute autre attitude que de respecter la liberté d'expression, de la part d'une juridiction, d'un Etat ou que sais-je encore ayant autorité serait arbitraire pour ne pas dire plus.
Rédigé par : Surcouf | 20 mai 2010 à 22:48
Bien évidemment, dans "l'Affaire du Collier", c'est à une "lettre de cachet" à l'encontre du Cardinal de Rohan qu'aurait dû avoir recours Louis XVI, s'il n'avait été imbu des préjugés du temps sur "l'arbitraire royal"..
La suite du déroulé cette affaire établit avec une aveuglante évidence que le Roi n'avait, ni ne pouvait avoir (puisque les procureurs eux-mêmes ne dépendaient pas de lui) aucune influence sur le cours de la justice !
A contrario, l'affaire de l'esclave Furcy est déjà hors du cadre de l'Ancien Régime puisque Louis XVIII a maintenu en l'état une justice serve, héritée de Buonaparte, et qui est encore la nôtre aujourd'hui.
Rédigé par : Gérard CHINETTI | 20 mai 2010 à 20:52
A tout propos, et hors de propos, l'Ancien régime et la Monarchie sont mis à contribution pour qualifier péjorativement le comportement des "Princes qui nous gouvernent"..
Faut-il rappeler que la justice française n'a jamais été aussi indépendante qu'au temps de nos Rois: en portent témoignage les conflits toujours renaissants au fil des siècles entre le pouvoir exécutif et les Parlements.
Lorsque le Roi voulait imposer sa volonté, il fallait qu'il procède à un "Lit de Justice", une procédure d'une publicité inouïe dont toute la Nation était comme prise à témoin.
Présent dans le Parlement, qui prononçait en son nom, les pouvoirs de celui-ci se trouvaient oblitérés et le Roi faisait procéder à l'enregistrement de sa décision...
Bien souvent, d'ailleurs, et parfois dès le lendemain, le Parlement révoquait cette même décision... toujours au nom du Roi.
Bien sûr, à côté de la procédure judiciaire, et nullement en conflit avec elle, il y avait les "lettres de cachets" qui envoyait tel ou tel garnement, opposant à la politique du moment ou fils de famille égaré méditer quelque temps, à la Bastille, à Vincennes ou dans une des rares "prisons d'Etat" (Il n'y en avait pas d'autres !!).
Beaucoup rentraient en grâce et même redevenaient ministres... Ce n'étaient pas là châtiments mais sanctions du Roi, "Père de toutes les familles"...
Rien de commun donc entre le "bon vouloir" républicain et le "bon vouloir" royal... On me permettra de préférer définitivement le second au premier.
Rédigé par : Gérard CHINETTI | 20 mai 2010 à 20:28
Je découvre votre blog, Philippe Bilger.
Après avoir pris beaucoup de plaisir à vous écouter à certaines rares occasions (C dans l'air notamment), je suis ébloui par l'intelligence de vos textes (mais aussi par les commentaires de vos lecteurs).
Je continuerai donc à vous lire en regrettant que des gens comme vous ne soient pas ceux qui nous gouvernent.
Ne voyez aucun espèce d'humour décalé, ni de flagornerie à mes propos.
Je suis en fauteuil à la suite d'un accident de sport, et c'est l'intelligence des autres qui me réconcilie avec la vie.
Alors je vous lirai dorénavant !!
Patrick
Rédigé par : Thalie | 20 mai 2010 à 17:38
Le Conseil d'Etat n'est aucunement souillé par les propos de Sarkozy. Sarkozy c'est comme un fameux personnage de bande dessinée, petit et teigneux, qui lorsqu'il tape sur quelqu'un se blesse et se discrédite lui-même.
De fait, Sarkozy n'est pas président de la République et est indigne de l'être. Quant à savoir si nous sommes encore en République, et sous la Vème, j'en doute. Ca ressemble plus à un no man's land institutionnel.
Rédigé par : Antoine | 20 mai 2010 à 13:25
Philippe, je voudrais juste recommander à vos lecteurs ce livre très récemment paru :
"L'Affaire de l'esclave Furcy" de Mohammed Aïssaoui - Gallimard 2010
Il y est question de Furcy qui, en 1817, soutenu par le le procureur général de la Cour royale de Saint-Denis et son jeune substitut, a saisi le tribunal d'instance de l'île Bourbon - l'île de la Réunion actuelle - pour réclamer sa liberté.
Le procès durera vingt-sept ans.
Alors, comme il est question dans votre billet de la justice des rois :
1818, trente ans avant l'abolition de l'esclavage, Furcy a été emprisonné. Le tribunal doit statuer sur sa demande. Sa mère ayant été affranchie, Furcy, comme le plaide son avocat, est né libre. Mais un autre avocat, plus général celui-là, est malheureusement absent du tribunal.
Cet avocat plutôt spécialisé dans la défense des intérêts du général soutiendra sans faille Furcy pendant vingt-sept ans.
"(...) On avait entendu parler de ce Gilbert Boucher, ce père de famille avait une belle situation de procureur général et avait osé affronter le clan Desbassayns*, au risque de perdre sa place. Sans trop le connaître, on disait de lui que c'était un humaniste dont les paroles pouvaient soulever les coeurs. Des colons affirmaient, au contraire, que c'était un homme imbu de sa personne et motivé par le recherche de la célébrité. La foule ignorait qu'il avait été empêché de venir (...)."
* la plus puissante dynastie de l'île. Desbassayns de Richemont est un riche sucrier qui possède, entre autres, 400 esclaves.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 20 mai 2010 à 07:03
Pensée pour la journée :
"Pourquoi, pauvres idiots, commettre des coquineries en dehors de la loi ? il y a tellement de place pour en commettre en dedans."
Carlo Dossi
Rédigé par : jpledun | 20 mai 2010 à 01:27
"Les avis rendus par le Conseil d’État dans le cadre de sa fonction consultative le sont sous réserve de l’appréciation souveraine des juridictions compétentes. Ils ne préjugent pas les solutions qui pourraient être retenues par le juge administratif." (site du Conseil d'Etat)
Je ne sais pas moi, mais 200 á 300 fonctionnaires nommés qui se penchent sur un problème… je ne trouve pas cela satisfaisant.
Que le politique (élu donc) prenne ses risques, qu'il aille au charbon, qu'il aille au clash. S'il a raison, je lui pardonnerai.
Rédigé par : jpledun | 20 mai 2010 à 00:54
Laurent Dingli, à Alzheimer, Alzheimer et demi, camarade ! Anis Naccache a été tout bonnement amnistié par F. Mitterrand (le vrai), sans faux-semblant. On échange et on le dit, on ne maltraite pas publiquement une institution de la République au passage. Je ne conteste pas le droit de faire un échange quand cela est nécessaire (et cela était nécessaire pour sortir Clotilde Reiss du pétrin) mais c'est la contorsion du droit qui m'amuse. L'arrêté d'expulsion signé la veille d'un jugement dont personne n'est censé connaître l'issue, voilà une bien légère façon de considérer la justice tout juste bonne à servir la soupe qu'on lui commande sans se pincer le nez. Je ne trouve cela ni normal, ni sain.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait@Laurent Dingli | 19 mai 2010 à 20:10
@ sbriglia
Où lisez-vous dans la critique de Jean-François Copé de la position du Conseil d'Etat la trace d'une discussion des arguments du Conseil d'Etat ?
Par exemple dans l'article du Point.fr :
"Copé : "Le Conseil d'État n'est pas unanime" 18-05
JFC nous dit que la position du Conseil d'Etat n'était pas unanime. C'est tout.
En soi l'information n'est pas inintéressante, loin de là. Mais je n'appelle pas cela discuter une position.
Philippe ne reproche pas du tout à Nicolas Sarkozy et à Jean-François Copé de désapprouver la décision du Conseil d'Etat. Il leur reproche de ne pas la discuter avec des arguments.
@ Jean-Dominique et Laurent
Je pense qu'il serait bien de mentionner le juge Boulouque quand vous évoquez l'Iran.
J'ai aimé le livre de sa fille Clémence. J'ai été touchée également lors de la diffusion d'un film où Clémence évoquait son père très fragilisé et suicidé.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 19 mai 2010 à 19:30
@ Cinquo
En toute vraisemblance s’il y a pierre dans le jardin de François Fillon, elle ne vient pas du Président Sarkozy mais du Vice-président Sauvé qui assure la présidence effective du Conseil d’Etat, sachant que le Premier ministre ne peut présider qu’en théorie ou en son absence le garde des Sceaux, ministre de la Justice. Mais cela ne se produit que de façon très exceptionnelle et essentiellement pour des séances à caractère protocolaire.
Vous semblez oublier que M. Fillon, en sa qualité de chef du gouvernement, et non de président de droit du CE, a adressé à JM Sauvé un courrier en date du 29 janvier 2010 par lequel il demandait au Conseil d’Etat d’étudier les solutions juridiques visant à interdire le port du voile intégral, indiquant que cette situation n’était pas acceptable dans notre République et demandant expressément à cette instance d’apporter tout son concours à "son gouvernement" pour trouver une solution rapide. Par conséquent si M. Fillon s’est vu opposer un refus à une demande formulée en ces termes, il est évident que si camouflet il y a, il ne peut en aucun cas être imputé à Nicolas Sarkozy mais uniquement au CE par la voix de son président effectif.
Rédigé par : Mary Preud'homme | 19 mai 2010 à 18:44
Surtout que, contrairement à une opinion commune tenace, le roi, sous l'Ancien Régime, n'est pas si absolu que cela.
Son pouvoir est limité par par les lois fondamentales du royaume et, surtout, par la faiblesse de son administration et par le pouvoir des différents corps (communautés diverses et variées, abolies par la Révolution).
Pour le dire autrement, le roi n'avait pas les moyens d'imposer une politique impopulaire dans la durée et était obligé de négocier avec les communautés. Exemple pour le XVIIIe siècle : l'administration fiscale négociait, dans un climat très difficile, les impôts avec les États du Languedoc.
À l'heure actuelle, l'administration, forte de ses moyens humains et techniques, est beaucoup plus puissante et l'individualisme révolutionnaire a laissé l'individu, sans défense, face à l'État.
Je n'ai pas donc peur d'écrire qu'un président de la République est bien plus puissant qu'un roi. Pour cette raison, la modération et le respect du droit (tant dans la lettre que dans l'esprit) seraient appréciés.
Mais le compte n'y pas...
Rédigé par : pollicarpe | 19 mai 2010 à 17:45
Aucun président de groupe politique (pas même du sien) à l'Assemblée Nationale n'est soumis aux mêmes devoirs (envers les Institutions de la République, la Vème en l'occurrence ...) que le Président de la République … C'est ce que vous avez écrit. Vous avez raison. Maintenant, il faut imaginer un Président de la République rencontrant de ces Institutions une résistance à son projet de changer cette République … A partir de là, votre questionnement étonné trouve sa réponse. On dénigre publiquement ce qu'on devrait -publiquement en tout cas- respecter; ainsi on fait état de l'insignifiance de la chose critiquée. Une réponse en forme de protestation non moins publique devrait venir; elle ne vient pas; on fait alors état de son impuissance. Puis de son impuissance à son inutilité en l'état, il ne reste plus loin qu'on le dise et propose alors autre chose en s'adressant cette fois au Peuple. Une autre République puisque celle-là fait la preuve en ses Institutions «faibles» puisqu'elles subissent le mépris et ne répondent pas, puisqu'il est patent qu'elles acceptent d'elles-mêmes par cette attitude incertaine de se situer à la marge de la République quand elles devraient des manières les plus éclatantes être son coeur même, une autre République donc est nécessaire dont les Institutions seraient davantage fermes, puissantes et respectables … D'où la référence à De Gaulle qui de la même manière (les gros mots en moins, en tout cas les gros mots publics ...) dénigra la IXème République pour créer la suivante comme il la souhaitait et dans une manière qui n'était pas un modèle de façon de faire démocratique. Nicolas Sarkozy n'agit pas différemment que De Gaulle en cette chose et vise au même but: donner à la République un régime davantage stable, plus fort, plus constant, pérenne et surtout moins contradictoire, plus logique avec son esprit constitutionnel … Un régime présidentiel, enfin, comme l'avait -aussi- souhaité De Gaulle (le référendum soumettant l'élection du Président de la République au suffrage universel et qui le fit entrer en conflit avec précisément le Conseil d'Etat) qui ne put cependant tout faire en une fois, ménageant une transition qui sans elle aurait amené sans aucun doute à une transformation par trop rapide et risquée, peut-être même incomprise et désemparante. La VIème République en somme, maintenant que le temps a passé, que les Français se sont habitués -et l'ont acceptée- en un Exécutif plus représenté et exercé par un seul que jamais … Une monarchie? Certainement pas; les principes républicains se sont pas mis en cause ni encore moins menacés ... Mais il est clair que le Conseil d'Etat tout comme la Cour de Cassation ou le Conseil Constitutionnel n'ont aucune légitimité à s'opposer politiquement et au Législatif et à l'Exécutif. Dans l'absolu, ce serait préférable qu'il réussisse en cette révolution. Le régime parlementaire a montré ses limites et ses insuffisances -en tout cas en France. Ce régime actuel, régime bâtard par excellence et qui charrie plus que souvent au détriment de la France ses contradictions, montre les siennes à présent … En ces questions de l'avenir à long terme d'un Peuple, d'une Nation en somme, croyez-moi, il est parfois des «bon vouloir» républicains d'Institutions qui sans même souvent s'en rendre compte pervertissent leur rôle et finissent de se croire au-dessus même la volonté populaire, qui causent plus de tort qu'ils ne font bien à la République.
Aïssa.
Rédigé par : Aïssa Lacheb-Boukachache | 19 mai 2010 à 12:03
Même si ce n'est pas très malin le président avait le droit de critiquer la position du CE puisqu'il agissait en tant que conseil et non en tant que juridiction.
Là où il commet une belle bourde, c'est qu'il oublie (comme d'ailleurs pas mal d'autres) qu'en droit le CE est présidé par le Premier ministre. Une pierre dans le jardinet de François ?
Rédigé par : Cinquo | 19 mai 2010 à 11:34
@PB
Voilà encore une situation en deux poids deux mesures.
Les juges du Conseil d'Etat ont rempli leur mission, mais transgressé leur "déontologie de fonctionnaire" (mot à la mode).
Il leur était demandé un avis mais de ne pas le communiquer sans l'accord du gouvernement.
Qui va donc sanctionner cette "faute" d'une juridiction chargée de faire respecter le droit administratif ?
http://www.conseil-etat.fr/cde/fr/les-grands-avis/
"Conseiller du Gouvernement, le Conseil d’État peut être consulté par les ministres sur les difficultés qui s’élèvent en matière administrative. Ces demandes d’avis sont traitées par la section administrative du Conseil d’État à laquelle sont rattachés le département ministériel ou le type d’affaires en cause. Ces avis peuvent également être rendus, après un premier examen par la section compétente, par l’Assemblée générale du Conseil d’État.
D’ampleur et de complexité inégales, ces avis permettent souvent de rappeler ou de clarifier la portée des règles juridiques applicables. Ils sont toujours donnés sous réserve de l’appréciation souveraine des juridictions compétentes.
Ces avis ne constituent pas des documents librement communicables aux administrés en application de la loi du 17 juillet 1978 relative à l’accès aux documents administratifs. Cependant, depuis 1976, de nombreux avis ont été publiés avec l’accord du Gouvernement dans le rapport d’activité du Conseil d’État."
Deux poids deux mesures.
Cordialement
Pierre-Antoine
Rédigé par : Pierre-Antoine | 19 mai 2010 à 10:40
Je ne partage pas votre opinion, mon cher Philippe, et suis plus proche de ce qu'en dit "Jean" (qui m'apprend au passage bien des choses) et de Savonarole.
Par ailleurs, mis à part sous le règne de Louis le Grand, la justice n'a jamais été totalement soumise au roi, contrairement à ce que vous écrivez. Souvenez-vous de la lutte permanente entre les Parlements et la monarchie, de la réforme Maupéou à l'affaire du collier, et n'oubliez pas que cette guerre fut l'une des (nombreuses) causes de la Révolution française.
@ Jean-Dominique Reffait,
Comme vous semblez frappé d'Alzheimer (idéologique), je vous copie ce passage en guise de pense-bête:
"Portrait d'Anis Naccache, jeune Libanais militant au Fatah, preneur d'otages, avec Carlos, des ministres de l'Opep à Vienne, en 1975, avant de se convertir à la révolution islamique de Khomeiny pour le compte de laquelle il tente d'assassiner, à Paris, le dernier premier ministre du Chah, Chapur Bakhtiar, en 1980. Arrêté, il sert de monnaie d'échange à François Mitterrand lors des négociations avec l'Iran pendant la vague d'attentats à Paris, au milieu des années quatre-vingt. Il est aujourd'hui "business man" et vit entre Téhéran et Beyrouth"
Source : http://www.timonkoulmasis.eu/fr/documentaires/anis-naccache-revolutionnaire-ou-terroriste.html
Rédigé par : Laurent Dingli | 19 mai 2010 à 10:27
"Que Jean-François Copé exprime son profond désaccord avec l'avis du Conseil d'Etat est déjà regrettable - on ne demande pas en démocratie une approbation obligatoire mais au moins de faire silence en suivant sa route" écrit PB...
...Et je dois dire que vos lignes me restent en travers de la gorge !
Dieu sait si je suis légaliste, mais je m'arroge le droit de clamer haut et fort parfois le mal que je pense de certaines décisions de la Cour de cassation (je ne suis pas publiciste, je laisse donc de côté le Conseil d'Etat) voire de cours d'appel. Je n'ai pas de crainte révérencielle à l'égard de ces juridictions qui pour être "suprêmes" ont souvent versé dans la suprême sottise avant de virer de bord, quitte à revirer à nouveau...
Je ne vois pas en quoi il est regrettable que Copé (qui n'est pas, loin s'en faut, ma tasse de thé) critique l'avis "préalable" (!) du CE ! Va-t-il falloir désormais se prosterner en silence devant des avis informels ou préjudiciels, des arrêts de principe ou des décisions plénières sachant qu'il peuvent, d'une chambre à l'autre, d'une section civile à une section criminelle (pour la C de C) être contredits ou que l'épreuve du temps en révèlera l'inadaptation à défaut du ridicule ?
"En démocratie, on demande de faire silence en suivant sa route". Diantre ! A cette aune, la peine de mort serait toujours en vigueur (heureusement elle ne subsiste plus que pour les victimes...).
Allons, cher PB, Cyrano aurait-il égaré sa rapière ?...
Rédigé par : sbriglia | 19 mai 2010 à 09:55
Hum ! Personnellement, je m'interroge sur le fondement du calcul politique qui entreprend de faire passer en force, en somme, une loi à propos de laquelle les recours sont déjà rédigés, en disant : « Il doit y avoir = il y a certainement même si on ne peut pas présentement les produire, mais on trouvera bien de parquetiers bons juristes pour les dénicher au besoin et au fur et à mesure, des fondements juridiques incontestables. »
Cela n'est ni digne, ni sérieux et porte nécessairement à la réflexion quant à un exécutif qui ne se préoccupe pas de produire de tels fondements à titre de préalable à la rédaction de la loi concernée et se gargarise en lieu et place de boniments politiques.
D'où ma question, l'interdiction est-elle réellement voulue ou seulement provisoirement mise en avant d'autres bidouillages, pour leur part in dévoilables?
Rédigé par : Catherine JACOB | 19 mai 2010 à 09:16
Monsieur Bilger,
J'aime et j'ai beaucoup de plaisir à lire votre blog et vous remercie de le tenir avec une telle régularité. J'y trouve toujours matière à réflexion. Je dois néanmoins vous dire que sur ce point particulier, je ne suis pas d'accord avec vous. Le Conseil d'État agit ici en formation de conseil et non de jugement. Lorsque l'exécutif lui demande d'exercer ces mêmes fonctions, son avis est tenu secret et c'est heureux ainsi. Les juges n'ont pas à dicter la loi au politique, même si celle-ci est tenue de respecter la Constitution et les conventions internationales. La Conseil d'État n'a pas tout à fait la même interprétation de la Constitution que le Conseil constitutionnel, son avis ne protège pas d'une censure de la loi et il reste toujours possible de recourir à une loi référendaire pour passer outre le Conseil constitutionnel.
Et je serais tenté de vous dire qu'on a le droit de commenter une décision de justice quand elle prend des airs politiques. Ce n'est pas le Président de la République qui a stigmatisé récemment la Cour de cassation, ce sont deux grands professeurs de droit, Guy Carcassone et Nicolas Molfessis. On pourrait également regretter que la jurisprudence de la CEDH soit aussi contraignante et sans responsabilité devant des électeurs… Si j'étais un peu provocateur, je vous dirais que la Révolution française a commencé, en partie, à cause de l'obstination du Parlement à se croire législateur et non simple juge. Les révolutionnaires ont demandé aux juges de n'être que la "bouche de la loi" ; le jour où ils le seront seulement à nouveau, ils gagneront en respectabilité.
Rédigé par : Jean | 19 mai 2010 à 09:13
Le fait est qu'il est extrêmement confortable pour un peuple comme pour chacun de ses membres d'avoir un roi, c'est-à-dire un coupable tout désigné, une victime qu'on charge tout à loisir de tous les péchés de la terre, à commencer par ceux qu'on a soi-même commis. C'est ainsi que les sociétés, les cultures et les religions se sont développées génération après génération depuis la nuit des temps.
Mais le fait est aussi que nous sommes sortis - que nous devrions être sortis - de ce confort-là, car nous savons bien que tout mettre sur le dos d'un seul est faux et injuste, qu'un président de la République n'est pas un roi, victime et coupable de tout, mais qu'il est un citoyen comme un autre qui, ayant été élu, est chargé d'assurer une fonction définie par des textes.
Mais la tentation et forte de retomber dans cet immémorial confort.
C'est ce qui se passe en ce moment.
Et force est de constater qu'il y a sur le sujet complicité objective entre les Français (opposition comprise) d'une part et le président (et son entourage et sa majorité) d'autre part. M. Sarkozy a une fâcheuse tendance, plus encore que ses prédécesseurs, à se comporter plus en roi (une sorte de "droit populaire" ayant remplacé le "droit divin" par l'"onction" du suffrage universel) qu'en président de la République et les Français, tous autant que sommes, ont une fâcheuse tendance à se comporter plus en sujets qu'en citoyens.
Rédigé par : Denis Monod-Broca | 19 mai 2010 à 08:55
Bonjour Philippe Bilger,
Même si c’est sous des circonlocutions alambiquées, vous dites une chose et ensuite son contraire dans votre billet de ce matin.
Vous reconnaissez que notre Président se fiche comme d’une guigne d’une des plus importantes institutions de la République, allant même jusqu’à s’en gausser. Et que donc il est bien décidé à ne pas tenir compte de son avis.
Puis vous reprochez à Madame de Villepin de parler de « bon vouloir du roi ».
Il me semble que c’est Laurent Joffrin qui avait parlé de « monarchie élective », lors de la seule conférence de presse de Sarkozy devant un parterre composé de journalistes de la presse internationale. En fait tout semble indiquer que nous n’en sommes pas loin.
Le fait que notre Président « s’abrite » sous l’immense stature du Général n’est pas non plus surprenant puisqu’il avait déclaré à Manuel Valls lors d’un entretien avec lui qu’il était le nouveau De Gaulle. Le seul problème semble-t-il est que le costume soit un peu trop grand pour lui...
Rédigé par : Achille | 19 mai 2010 à 08:39
A vous lire, nous sommes dans un monde parfait...
Je ne m'en étais pas aperçu.
En somme, le Conseil d'État est une assemblée de patriciens insoupçonnables.
Le Conseil Constitutionnel est une acropole de vertu.
Les reflux gastriques de Mme de Villepin sont déplacés car Jean-Claude Marin est une sommité inatteignable de dignité.
Les footballeurs sont des exemples pour notre jeunesse.
Roman Polanski est finalement un type très convenable.
Pierre Arditi est un philosophe.
Régis Debray n'est pas incontinent.
Un monde parfait...
Rédigé par : Savonarole | 19 mai 2010 à 08:32
Je pense que ce n'est pas tant parce que Nicolas Sarkozy évoque le Général de Gaulle qu'il ne prend pas de risques à critiquer le Conseil d'Etat, mais beaucoup plus parce qu'il doit savoir que pour la grande majorité de nos concitoyens le Conseil d'Etat, le Conseil constitutionnel ou la Cour de cassation sont de grands inconnus.
Ils savent à peu près, de très loin, très vaguement, que tout cela existe mais c'est tout.
Moi-même je dois reconnaître qu'avant de lire votre blog et celui d'Eolas j'aurais été bien incapable de définir clairement et correctement le rôle de ces institutions.
Du reste, j'ai dû apprendre - beaucoup - pour pouvoir comprendre.
Je ne donne pas raison à Marie-Laure de Villepin et je ne vous donne pas raison.
L'imaginaire collectif - très candidement, je le reconnais - n'envisage pas comme ça, d'un coup d'un seul que la justice serait de toute façon enclavée dans le bon vouloir du Roi.
Il y a une confiance spontanée - naïve, je sais - dans les institutions judiciaires.
Il y a quelques jours dans une discussion avec une amie, j'ai défendu spontanément l'idée que le juge qui a à trancher une question même très liée et inspirée uniquement par le désir du Roi était un juge indépendant.
Cela vous concernait indirectement puisqu'il s'agissait d'une discussion autour de la loi votée récemment qui, si je l'ai bien comprise, va confier au président d'une cour d'assises - un juge normalement indépendant - le soin de décider ou non de la publicité des débats dans le cas de prévenus mineurs au moment des faits et devenus majeurs au moment du procès.
Mon interlocutrice qui connaît, c'est vrai le monde judiciaire plus que comme sa poche, me disait que compte tenu du vote de cette loi, il y aura publicité des débats dans le procès en appel Fofana.
Je lui ai dit que selon moi, rien n'était mécaniquement sûr.
Quand bien même il s'agirait d'une injonction voilée de la part du GDS et de ce fait de la volonté impérative du président de la République, le juge pourra parfaitement décider de ne pas autoriser la publicité des débats.
Je ne dis pas du tout que le juge devrait refuser cette publicité des débats pour simplement défendre et affirmer son indépendance.
Mais je pense que le tribunal d'appel aura obligation de débattre entre lui et lui de cette question et obligation de JUGER de l'opportunité ou non de la publicité des débats.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 19 mai 2010 à 06:58
Cher ami (si je puis me le permettre),
vous commencez à comprendre à qui vous avez affaire, paré des plumes de "Président de la République".
Je pense qu'il serait de circonstance que toutes ses déclarations se terminassent (pardon, cela m'a échappé) par : "Parce que tel est mon bon plaisir".
Consternant, mais il faut vivre avec...
Rédigé par : papet croûton | 19 mai 2010 à 06:46
Il semble qu'un phénomène de divination publique ait échappé aux observateurs : lundi, le ministre de l'Intérieur signe un arrêté d'expulsion à l'encontre d'un détenu iranien. Quel mouche le pique donc, me dis-je, cet homme est tranquillement au chaud dans sa cellule, aucun tribunal ne s'est encore prononcé sur une éventuelle libération, quelle illumination soudaine a donc frappé notre auvergnat ? Comme je me refuse à imaginer une milliseconde que des juges seraient aux ordres des consignes diplomatiques, je me dis, mais je n'ose y croire, qu'il s'agit d'un rituel et que le ministre, une fois par semaine, signe des arrêtés d'expulsion au cas où, se constituant une sorte de stock en prévision de libération massive de terroristes.
Et paf, le mardi, le tribunal libère l'iranien, lequel profite instantanément de l'arrêté d'expulsion de la veille qui lui octroie, pour faire bonne mesure, une place en avion aux frais de la République. Je me dis alors, émerveillé, que ce ministre qui devine les décisions de justice comme s'il les avait lui-même commandées (que dis-je ? suis-je fou ?) devrait jouer au Loto car il a le nez sacrément creux.
Rarement un pouvoir s'est assis avec plus de constance et de cynisme sur le droit. Au sujet de cette burqa, le Premier ministre avait évacué l'avis défavorable du Conseil d'Etat : "Ca vaut le coup de prendre un risque juridique". C'est ce que se disent tous les chauffards, tous les escrocs, tous les malfaiteurs.
La bêtise de ce raisonnement, c'est que, in fine, les contentieux issus de cette loi atterriront sur le bureau du Conseil d'Etat, lequel a de bonnes raisons de penser qu'un nombre impressionnant de procès-verbaux seront annulés, ridiculisant une loi publicitaire. Loin d'avoir banni la burqa, ce gouvernement va réussir le prodige de créer une jurisprudence qui consolidera cette pratique. On me rétorquera avec raison qu'on s'en balance et que le temps que les procédures arrivent au Conseil d'Etat, l'élection de 2012 sera passée. Après moi, le déluge.
En s'abritant derrière le précédent de 1962, N. Sarkozy commet évidemment une bourde. Quand bien même le referendum de 62 constituait-il à l'évidence un coup de force éventuellement illégal au regard du droit de l'époque - coup d'Etat permanent - il n'y avait pas de conséquences directes sur les contentieux administratifs de centaines ou milliers de français. Cela pouvait être illégal sans grand dommage. La confrontation juridique qui s'annonce entre les excités du voile et les tribunaux est d'une toute autre ampleur. Un véritable homme d'Etat écouterait le Conseil d'Etat qui dit rarement des bêtises.
Enfin, qu'on se rassure : cette loi est bien moins anti-burqa qu'anti-Copé. A aucun prix il ne fallait laisser l'avantage à Copé sur un terrain aussi populaire, fut-ce au prix de la contorsion du droit.
Nous sommes gouvernés avec une très grande hauteur de vue.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 19 mai 2010 à 01:57
Ce qui est dangereux, c'est avec la loi, et surtout contre elle, faire dire l'interdiction de se cacher.
Tant que l'on n'exprime pas, on se tait...
Faudra-t-il interdire le maquillage, reléguer nos plus prestigieuses manières comme avec la mode et comme avec l'industrie du paraître, au rang des bannissements !
Rédigé par : zenblabla | 19 mai 2010 à 01:13
La "créativité juridique" est au droit ce que la titrisation des créances toxiques est à l'économie...
J'espère que la campagne de Balladur n'a pas trop profité de la comptabilité créative du ministre du Budget de l'époque.
Saluons aussi la créativité des socialistes sur les retraites. Après avoir invoqué les grands principes de la redistribution comme alpha et omega du système français, les voilà qui proposent de colmater le déficit chronique par tout sauf de la redistribution entre actifs, en nous ressortant des taxes qui ont déjà échoué (stock options) ou en créant une taxe inapplicable sur ce qui se délocalise comme le vent : la spéculation boursière.
Juste pour s'en prendre aux méchants à la mode, sans se soucier de la validité du concept.
Mais pourquoi faire les choses à moitié et ne pas re-nationaliser ou créer une banque d'investissement d'État ?
Vu qu'on essuie les pertes des banques, au moins on aurait leurs bénéfices. À 100%.
Rédigé par : Alex paulista | 19 mai 2010 à 01:04