L'incendie est nourri chaque jour davantage. On se lève et on est à peu près persuadé qu'une nouvelle inconnue hier va défrayer la chronique d'aujourd'hui. Ainsi, 100 000 euros ont-ils été retirés de la banque Dexia au mois de décembre 2006, sans être mentionnés sur les carnets Bettencourt (Marianne 2, nouvelobs.com) ! On ne peut plus suivre. Ce qui est sûr, c'est que sur les plans judiciaire et politique, l'échauffement incroyable de ces dernières semaines appelle des interrogations, des craintes et des mises en garde.
D'abord la justice. Y a-t-il encore un pilote dans l'avion judiciaire ? Pour l'instant, il vole à mi-hauteur : on ne sait s'il va s'écraser ou rejoindre l'éther radieux ! Comment ne pas être frappé par cette tempête à l'infinie résonance médiatique qui met les problèmes procéduraux en première place dans le débat et fait s'affronter magistrats et anciens magistrats avec une violence jamais atteinte ?
Le procureur Philippe Courroye a ordonné trois enquêtes diligentées à bride abattue avec, il est vrai, les limites de ce type de procédure tant pour les perquisitions et d'éventuelles écoutes que pour opérer sur le plan international. A priori, "saucissonner" ainsi les vérifications peut ne pas apparaître techniquement comme la meilleure des méthodes mais Philippe Courroye nous a indiqué que pour l'instant il n'y avait aucune raison de saisir un juge d'instruction.
Je n'établis pas à son encontre une présomption d'étouffement programmé mais je ne suis pas naïf. Il me semble évident que si tout ou partie de ces enquêtes, à leur retour au bercail du parquet de Nanterre, n'aboutissait pas à l'ouverture d'une information, nous pourrions alors légitimement soupçonner Philippe Courroye de vouloir limiter, voire classer des investigations que l'instruction amplifierait dangereusement sur le plan politique. Vers Eric Woerth, voire le président de la République ? A condition qu'un juge d'instruction à la fois compétent et réellement indépendant soit désigné.
Pour l'instant, nous n'en sommes pas là. Les revendications très fortement connotées idéologiquement d'une "justice indépendante" (Mediapart) m'apparaissent actuellement trop pessimistes et partisanes. Je préfère m'en tenir à un combat solitaire qui se donne le droit d'être près du réel. Je comprends bien comment Philippe Courroye peut être tenté, entre sa relation privilégiée avec le président et sa détestation réciproque avec Isabelle Prevost-Desprez, de "garder la main" et de ne rien faire qui puisse être préjudiciable au premier. Je relève aussi que ce magistrat a protesté récemment avec hauteur contre les accusations de dépendance formulées à son encontre et je constate que son action, au vu et au su de tout le monde, ne pourrait plus se permettre d'être ostensiblement soumise.
Il est clair que l'ébullition hostile d'aujourd'hui est dangereuse pour la justice, parce qu'on peut craindre que les inimitiés personnelles fassent ou défassent les procédures plus que leur fiabilité technique et judiciaire. Les dossiers sont confisqués ou partagés selon des humeurs qui n'ont pas l'objectivité pour ressort. Quand Gérard Davet, dans Le Monde, permet à Philippe Courroye de plaider sa cause, ce dernier ne dissimule pas comme les antagonismes ont quitté le terrain judiciaire pour s'attacher aux personnes. A ce sujet - pour mettre un peu d'ironie dans ce sérieux -, je me suis amusé à voir cité le seul Yves Bot, haut magistrat et ami de Nicolas Sarkozy, comme garant de l'indépendance de Philippe Courroye !
Toujours dans Le Monde, le même Gérard Davet, dans un exercice d'équilibre, donne la parole à Eva Joly qui, libre de s'exprimer sans nuance et brutalement, traite Courroye de manière insultante, en donnant par ailleurs un point de vue technique pertinent. Présentée comme le magistrat ayant "sorti" l'affaire Elf alors que celle-ci n'a pu être terminée et jugée que grâce à l'action de Renaud Van Ruymbeke, Eva Joly met en cause l'orgueil puis la vanité de Philippe Courroye. Si notre "écologiste" est apte à débattre des modalités procédurales, je ne suis pas sûr que son comportement personnel, hier comme aujourd'hui, l'autorise à donner des leçons de morale et à critiquer des intimités. Courroye, orgueilleux de sa fonction, est-il par ailleurs vaniteux ? Je ne sais pas. De quel côté va-t-il tomber ? Du côté de ses intérêts ou de celui de nos attentes ? Attendons qu'il ait choisi sa pente avant de l'accabler. Je ne doute pas en tout cas que l'alternative soit claire dans son esprit.
Mais aussi la politique. Si on veut bien examiner la source de tout, à l'origine il y a une configuration où Eric Woerth est ministre du Budget et son épouse employée par la première contribuable de France. Cette situation en elle-même est inacceptable, que le ministre soit vertueux ou non. L'honnêteté n'oppose pas seulement le noir et le blanc, les attitudes limpides aux comportements délictuels. Elle refuse l'instauration de ces zones grises qui, même si on se croit plus fort qu'elles avec un sens moral développé, créent dans la réalité des mécanismes virtuellement menaçants et en tout cas peu compatibles avec la transparence et la rectitude de conditions professionnelles soumises à l'exemplarité. La conséquence en est que depuis des semaines, chacun y va de son couplet sur l'intégrité d'Eric Woerth, à commencer par lui-même. Il n'est pas un ministre qui ne "s'y colle"! D'abord c'est lassant. Ensuite l'affirmation tactiquement répétée d'une moralité, d'une intégrité a pour conséquence inévitable de semer le doute sur leur authenticité. A force de le défendre, ils l'enfoncent parce que, structurellement, dédaignant le poids démocratique des apparences, le ministre a manqué de prudence : ce constat, d'ailleurs, commence à être partagé par tous. Cette obligation de netteté n'est pas incompatible avec une véritable honnêteté. Elle permet seulement d'éviter que celle-ci puisse être tentée ou soupçonnée. Elle empêche la fonction politique, même confiante dans sa clarté, de sombrer dans une confusion qui en elle-même est scandaleuse. Il ne me viendrait pas à l'esprit de ne pas me déporter demain des assises, en dépit de ma certitude d'accomplir en conscience mon métier, si je connaissais si peu que ce soit l'accusé. J'entends la cohorte de ceux qui protestent contre la violation de la présomption d'innocence. Contre eux j'invoquerais d'abord, à la charge des politiques, l'obligation de respecter décence et prudence, quelle que soit la qualité de leur éthique. On ne joue pas avec la réalité. Elle vous rattrape si on la complique. Elle vous laisse sauf si on ne la trouble pas.
Mais quelle pétaudière, vraiment !
J'hésite entre deux images :
Soit MAM comme une chatte ronronnante qui attend son heure !
Soit MAM comme une tigresse à l'affût attend que la proie passe à portée de ses griffes !
Puis finalement j'opte pour celle-ci :
MAM comme tout homme politique attend de saisir son adversaire aux c...
Ah bon c'est pas un homme ? je croyais...
Cordialement
Pierre-Antoine
Rédigé par : Pierre-Antoine | 16 juillet 2010 à 16:38
Et sur l'affaire des terrains cédés à l'hippodrome de Compiègne, sans parler du prix de marché qui n'existe pas on peut se demander quelle était l'urgence de vendre ces hectares puisque le loyer annuel de 45000 euros rapportait un revenu supérieur à ce que coûte à l'État français d'emprunter 2.5 millions. Sans parler de la valorisation probable de ce capital immobilier et de la coupe dans un domaine de l'ONF.
M. Le Maire y était opposé, on peut comprendre pourquoi.
Sur cette affaire, M. Woerth semble avoir été pressé de faire passer les intérêts de son milieu avant ceux de l'État, sinon pourquoi forcer la main de l'ONF quelques jours avant de changer de poste ?
Cette affaire est petite en soi, et il en existe des similaires dans toutes les municipalités où bien souvent une main lave l'autre. Mais au niveau du Ministre, c'est un peu limite.
Rédigé par : Alex paulista | 16 juillet 2010 à 16:08
Oui, quelle pétaudière !
Dans Le Monde de ce soir, en page 3, le reportage sur "Les bienfaiteurs du président" se termine par une citation entendue à l'UMP : "il n'y a rien de rien d'illégal. L'ingéniosité des juristes, c'est de savoir utiliser la loi".
Cette phrase est consternante. On croirait entendre un caïd du milieu disant à son avocat : "sortez-moi de là, maître ! C'est pour ça que je vous paie, non ?"
La loi est faite pour être respectée, dans sa lettre et dans son esprit. Nos politiques devraient être les premiers à le savoir et à le pratiquer.
La loi n'est pas faite pour être "utilisée" pour le profit de l'un ou de l'autre.
Elle est notre bien commun, notre bien le plus précieux. Chaque fois qu'on la maltraite on fait un pas de plus dans la mauvaise direction.
On déplore l'existence de zones de non-droit dans les banlieues et les "quartiers". De telles phrases montrent que des zones de non-droit bien plus inquiétantes se trouvent aussi dans les palais nationaux...
"Une république irréprochable" qu'il disait...
Rédigé par : Denis Monod-Broca | 16 juillet 2010 à 16:06
Comme vous avez raison et quelle preuve d'indépendance vu vos fonctions !
Je ne savais pas que l'on pouvait garder à vue sans qu'il y ait un Juge d'Instruction nommé, surtout dans une affaire aussi sensible.
L'ensemble de la Justice améliorerait son image si le dossier allait vite avec un Juge vraiment indépendant.
Ce serait un exemple pour une jeunesse délinquante qui pense que les foudres des jugements ne sont que pour eux.
Il est étrange que l'on ne parle plus du tout du rendez-vous du ministre Woerth avec Eric Peugeot.
Rédigé par : Christelle Andrieu | 16 juillet 2010 à 15:17
Comme toujours, un regard pertinent et une vraie liberté de ton.
Rédigé par : Philippe Robin | 16 juillet 2010 à 15:12