Il fallait voir ce film. Une passion irrépressible me poussait vers cette oeuvre encensée au dernier festival de Cannes mais qui, comme on pouvait s'en douter avec ce goût du paradoxe qui titille tous les jurys artistiques, n'a pas obtenu la Palme d'Or. Il convenait de la décerner à ce qui causerait le plus d'étonnement : au film thaïlandais ! Cette surprise, si j'ose dire inévitable, a remis à sa juste place mon enthousiasme d'alors devant un festival qui aurait soudain été saisi par la grâce. Le temps d'une projection soit mais pas au-delà !
J'ai vu ce film. Oeuvre magnifique, grave, austère et profonde. Avec des acteurs jouant à l'évidence le rôle de leur vie. Tous ; avec une mention particulière pour Lambert Wilson et Michael Lonsdale qui me semblent aussi avoir à représenter les moines les plus éclatants d'identité et de densité.
J'ai admiré ce film, sa mise en scène, son allure, son registre parfaitement maîtrisé. Un rien l'aurait fait dériver vers d'insupportables lenteurs et un autre cinéaste aurait abusé des contrastes provocateurs entre le silence du monastère et des intimités et les bruits, voire les fureurs montant aux alentours. Xavier Beauvois - on le sait depuis longtemps - est sans doute le réalisateur le plus heureusement divers et le plus talentueux de notre cinéma. Paradoxalement, si je n'avais qu'une critique à émettre sur cette oeuvre quasiment parfaite, elle concernerait cette scène, cette "Cène" tant vantée et ayant fait pleurer, à ce qu'on a dit, le public de Cannes pourtant guère accordé aux émotions religieuses. Avec la musique du "Lac des Cygnes" pour amplifier un moment inouï, nous sommes témoins d'une histoire des visages et des âmes, sans aucune parole : l'instant où leur sort se joue et où leur destin prévisible est accepté. Oserai-je soutenir que cette séquence vient rompre, mais superbement, d'une manière ostensible dans sa beauté et son recueillement, une rigueur ayant su se défier des "morceaux de bravoure" ? Comme si Xavier Beauvois, porté par un remarquable scénario, avait éprouvé le besoin de pousser à son comble dramatique un climat déjà naturellement intense et puissant. C'est splendide mais le metteur en scène ne s'efface pas tout à fait : il vient paradoxalement damer le pion aux personnages.
Mais comme cette remarque constitue à peine un reproche, ou alors celui d'une excessive qualité, trop évidente, qu'on n'a pas coutume d'adresser à nos cinéastes!
Dans Le Journal du Dimanche qui affectionne les "pour" et "contre" au sujet de certains films, on a eu droit à une appréciation étriquée de Danielle Attali, qui n'a rien compris au film et laisse apparaître une personnalité tristement inapte à épouser les chemins sur lesquels l'histoire, la mort, la foi nous entraînent. Stéphanie Belpêche, à mon sens, offre un point de vue plus fin, plus lucide mais je ne la rejoins pas quand elle écrit qu'il n'est "guère question de religion mais d'humanité...". Ce n'est pas exact car j'ai la faiblesse de penser que cette oeuvre est unique précisément parce qu'elle mêle aux troubles de la guerre et aux crimes du terrorisme l'attente - presque l'espérance - du sacrifice, et le désir de Dieu dans cette sublime et dernière étape. C'est ce mélange terriblement humain et affamé de divin qui transporte et conduit le spectateur à être saisi, à la fin, quand tous disparaissent, victimes et bourreaux s'effaçant dans une brume neigeuse, par un sentiment moins de désespoir que de fierté.
Si la tonalité proprement religieuse du film est minimisée, voire occultée au profit des "droits de l'homme", force est de reconnaître que Xavier Beauvois, comme pour asseoir son oeuvre sur une base plus large, a souvent soutenu que ces moines étaient davantage des hommes achevés que des possédés par Dieu. Avec les doutes, les élans, les faiblesses, l'amour et la sérénité qui accompagnent diversement, chez les uns et les autres, cet état. Pourtant, je persiste au risque de désobliger son créateur : leur foi, présente mais sans cesse heureusement questionnée, coule dans les veines de ce film et le nimbe. D'une manière telle que celui qui croit au ciel et celui qui n'y croit pas sont touchés.
A la fois oeuvre politique, leçon de vie et de mort et hommage du terrestre au transcendant, "Des hommes et des dieux" confirme ce qu'on savait déjà : il n'y a aucune fatalité qui pèserait sur le cinéma français et le rendrait naturellement limité dans ses ambitions et poussif dans ses oeuvres. Mais n'est pas Xavier Beauvois qui veut.
Un film très touchant qui donne à penser. Réflexion sur la foi, sur la peur de la mort, sur la communauté et sur le choix. Beaucoup de choses qui découlent de cette histoire au potentiel de légende évident. Quelques fausses notes à mon sens (le jeu d'acteur inégal, quelques carences sur l'implication des moines dans leur communauté, quelques longueurs...) mais une histoire tellement forte, profonde et humaine qu'elle porte et transcende ce film de Xavier Beauvois.
Quelques clés de lecture autres sur xulux.fr
>> http://www.xulux.fr/cinema/des-hommes-et-des-dieux-face-a-face-avec-la-mort
Rédigé par : xuvinz | 27 octobre 2010 à 13:25
Vu hier ce film : très beau film, pas du tout ennuyeux ni trop long. Des jeux d'acteurs excellents, mais beaucoup de questions surgissent, niveau religion, humanité, contexte mondial actuel... Du lourd, mais je ne regrette pas de l'avoir vu...
JA
Rédigé par : JA | 09 octobre 2010 à 22:30
Il est temps de changer de "foi". Je pense en effet que l'église a fait du mal à l'Eglise, et ce depuis trop longtemps. Chacun doit savoir aujourd'hui que ce qu'il ressent est l'essence même de l'Homme, à savoir qu'il est une créature non pas de Père Noël (mais pourquoi ne m'apporte-t-il pas les cadeaux que je lui demande en prières ?) mais d'un principe créateur qui nous dépasse. Alchimie de la Vie, Amour indicible que maintenant il va nous falloir vivre, chacun, en conscience et en nous défaisant de nos vieux schémas religieux. Comme l'a dit Malraux, et je pense que ceci rejoint cela, le 21ème siècle sera spirituel. On y vient...
Rédigé par : Patricia Beno | 06 octobre 2010 à 19:28
"Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne dieu". Les moines de Tibhirine en sont la plus belle illustration et le film de Xavier Beauvois nous démontre, avec une profondeur jamais égalée au cinéma, combien l'engagement enracine l'homme dans son humanité et comment l'amour transmis par le christ universalise les coeurs. Ce film me parle de l'homme, "cet infini qui s'échappe à lui-même", tel qu'il est en son essence et non tel qu'il paraît dans son apparence. Merci Xavier Beauvois d'avoir ouvert au cinéma les chemins de l'intériorité.
Comment pourrais-je avoir le scénario du film ? J'aimerais tellement pouvoir relire ce texte.
Rédigé par : Danièle-Marie Barré | 29 septembre 2010 à 13:49
Malgré le jeu des acteurs, en tous points remarquables, je ne suis rentrée dans ce film que lors de la scène où les moines se réunissent pour leur dernier repas et où l’on voit les visages des « frères » (dans toute l’acception du terme) - cadrés en gros plan - passer par toutes sortes d’émotion et comme auréolés de lumière. Regards d’enfants joyeux quand on leur présente la friandise sous forme de deux bouteilles de vin, fort symbole pour les chrétiens, ce vin c’est la gaieté autour d’une table fraternelle, mais c’est aussi le sang versé du sacrifice. Après la joie vient la peine, puis le renoncement et enfin la certitude qu’au-delà il y a quelque chose ou quelqu’un, une révélation soudaine qui donne au visage de celui qui s’était toujours montré le plus faible et le plus peureux une dimension extatique plus éloquente qu’un discours et un courage presque surhumain.
Ce film décrit bien la longue montée par des chemins escarpés, un parcours du combattant si semblable à nos vies parfois dans ce qu’elles ont d’ordinaire, de routinier, de difficile et rarement de sublime pour atteindre ce point d’orgue de l’Amour révélé. Et au final le chemin de croix dans la neige, la nuit de l’esprit avec ce corps qui n’en peut plus, le froid qui l’envahit, ce pas à pas de plus en plus douloureux et les têtes bourdonnantes qui résonnent d’une ultime espérance avant de s’évanouir dans la brume. Tandis que demeure comme un leitmotiv cette interrogation lancinante, pourquoi les dieux ? Seraient-ce les violents, ceux qui se sont faits dieux sur terre, et non pas Dieu l’Unique et le Miséricordieux, celui qui Est, qui Etait et qui Vient ? Peu importe le nom qu’on lui donne, Dieu est « celui qui suis ».
---
A Chantal Huet :
Vous pouvez effectivement faire une retraite dans une abbaye pour approfondir votre réflexion ainsi que vous le conseille un intervenant, mais de mon côté je vous recommanderais plutôt La Pierre qui Vire, Tamié ou le Bec d'Halluin.
Concernant plus particulièrement le film (qui vous habite) pourquoi ne pas vous adresser directement à Henry Quinson à la Fraternité Saint Paul à Marseille qui a été le conseiller du réalisateur (en sa qualité d'ex moine de Tamié) et dont vous trouverez les coordonnées sur Internet.
Rédigé par : Mary Preud'homme | 24 septembre 2010 à 01:37
"Film très profond qui m'habite depuis que je l'ai vu.
Comment puis-je avoir le texte du scénario pour y revenir et approfondir ?
Merci de me dire comment faire."
Rédigé par : chantal huet | 23 septembre 2010 à 07:35.
_______________________________________
- Faire une retraite spirituelle à Paray Le Monial.
- Réveil à 4 h
- Douche glacée.
- Prières.
- Travaux aux champs.
- Réfectoire.
- Prières.
- Vêpres.
- Prières.
C'est le seul scénario qui vaille.
Rédigé par : Savonarole | 23 septembre 2010 à 10:19
Film très profond qui m'habite depuis que je l'ai vu.
Comment puis-je avoir le texte du scénario pour y revenir et approfondir ?
Merci de me dire comment faire.
Rédigé par : chantal huet | 23 septembre 2010 à 07:35
« Quand un A-Dieu s’envisage
« …S’il m’arrivait un jour, et ça pourrait être aujourd’hui, d’être victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant tous les étrangers vivant en Algérie, j’aimerais que ma communauté, mon Eglise, ma famille, se souviennent que ma vie était donnée à Dieu et à ce pays. Qu’ils acceptent que le Maître Unique de toute vie ne saurait être étranger à ce départ brutal. Qu’ils prient pour moi : comment serais-je trouvé digne d’une telle offrande ? Qu’ils sachent associer cette mort à tant d’autres aussi violentes laissées dans l’indifférence de l’anonymat. Ma vie n’a pas plus de prix qu’une autre. Elle n’en a pas moins non plus. En tout cas, elle n’a pas l’innocence de l’enfance. J’ai suffisamment vécu pour me savoir complice du mal qui semble, hélas, prévaloir dans le monde, et même de celui-là qui me frapperait aveuglément. J’aimerais, le moment venu, avoir ce laps de lucidité qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu et celui de mes frères en humanité, en même temps que de pardonner de tout coeur à qui m’aurait atteint. Je ne saurais souhaiter une telle mort. Il me paraît important de le professer... »
(extrait de la lettre testament de Dom Christian de Chergé, prieur de la communauté des moines de Tibbhérine, 1er janvier 1994)
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Je me souviens de la première fois où j’ai lu ce texte. C’était dans une église peu après la tragédie de Tibbhérine. Cette lettre en forme de testament avait été imprimée dans son intégralité sur une feuille paroissiale en guise de méditation. Et quelle méditation !
C’était comme une voix venue d’ailleurs, une voix qui parlait au cœur dans la pénombre d’une église bruissante de bavardages distraits et de prières mécaniques parmi la lumière évanescente des cierges. Poussière de chrétiens habitués à un rituel pointilleux mais incapables, pour la plupart, de saisir le véritable sens de ce message d‘adieu, de se laisser interpeller, bousculer, par ces paroles pleines de lumière reflétant le véritable amour à l’œuvre dans le cœur humain. Un christianisme vivant et sans mièvreries dont cette lettre d’adieu témoignait à merveille de ce que l'Evangile vécu peut avoir de subversif et de révolutionnaire pour peu que les paroles des Saintes Ecritures viennent s’incarner dans des hommes et femmes de notre temps : "Vous êtes le sel de la terre… "Vous êtes la lumière du monde… "Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups…" nous rapporte Saint Matthieu aux chapitres 5 et 10. N’est-ce pas d’abord par leur volonté à vivre délibérément et jusqu’au bout cette incroyable contradiction que les moines de Tibbhérine furent exemplaires, y compris en acceptant leurs faiblesses, leurs peurs et la torture morale et physique des derniers instants quand ils se virent cernés par une horde brutale et assoiffée de sang chrétien. Et le sel intact de retourner à la terre comme pour en restaurer la saveur et lui rendre son énergie vitale. Et la lumière sacrificielle de s’élever vers l‘Invisible, avec en contrepoint et en guise de Requiem les cris de vengeance des hommes soulignés par le bêlement des bêtes affolées. Des loups rien que des loups dévorant des agneaux et sectionnant sauvagement des têtes innocentes sous un ciel plombé que la lumière semblait avoir brusquement déserté en signe de deuil pour rejoindre l'univers des cimes rayonnantes, loin très loin de cette vallée de larmes…
" Ô Gethsémani !
La lune danse dans les arbres !
Ô Gethsémani !
Le vieux pressoir est plein de fruits !"
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Un film virtuel qui me tourne dans la tête depuis pas mal de temps, que je revis parfois lors d'un séisme ou d'une catastrophe, comme celle d'Haïti où j'ai perdu certains de mes proches... Un film (réel cette fois) que j'irai voir avec des amis et que nous avons décidé de faire suivre d'une rencontre où chacun pourra venir exprimer son ressenti.
Rédigé par : Mary Preud'homme | 21 septembre 2010 à 14:24
Je suis allée voir "Des hommes et des dieux".
Je suis totalement conquise par le jeu de l'immense acteur Michael Lonsdale.
Concernant la scène pour laquelle vous manifestez de la réserve et qui "illustre" - de trop - la Cène, je pense que le frère Luc dans sa vraie vie devait simplement aimer plus que de raison Le Lac des Cygnes, Tchaïkovski et les vins rares. Egalement ses frères humains et la fidélité à soi.
J'ai aimé non pas les larmes et l'émotion de la scène, mais les sourires de sérénité, d'affection et de plénitude qui animent et éclairent doucement les visages des comédiens.
Moi aussi j'ai eu envie de sourire avec eux.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 20 septembre 2010 à 08:33
Avis d'un cinéphile :
En dehors du thème auquel on adhère ou pas, un film, en tant qu'œuvre d'art, est génial, bon, moyen, médiocre ou mauvais, un point c'est tout !
Personnellement, je suis très surpris par les réactions quasi extatiques que je lis sur ce film. En effet je le trouve assez quelconque, pas très très bien joué (à part Michael Lonsdale), et pas terriblement bien réalisé (tout le monde ne parle que de la scène clipesque du Lac du cygne qui est d'une médiocrité artistique terrifiante).
Rédigé par : Maxxy | 17 septembre 2010 à 18:48
Cher Monsieur Bilger,
Décidément, je me fais avoir à tous les coups par votre érudition. Je m'étais, il y a peu, juré de ne plus écrire sur votre blog.
Mon "truc" était un peu "prévertien" : Notre Père qui êtes aux cieux, restez-y et nous nous resterons sur le terre, etc., etc.
Jean-Toussaint Desanti était comme Jacques Prévert, mais vous ne l'avez toujours pas lu et je n'ose croire que vous ne connaissiez pas Prévert par coeur.
Je me suis encore fait avoir, bravo pour votre billet. Je vous aurai... un jour !
(copyright MMMA)
Rédigé par : routa villanova | 14 septembre 2010 à 19:57
@ PB - "Il fallait voir ce film. Une passion irrépressible me poussait vers cette oeuvre encensée au dernier festival de Cannes mais qui, comme on pouvait s'en douter avec ce goût du paradoxe qui titille tous les jurys artistiques, n'a pas obtenu la Palme d'Or. Il convenait de la décerner à ce qui causerait le plus d'étonnement : au film thaïlandais ! Cette surprise, si j'ose dire inévitable, a remis à sa juste place mon enthousiasme d'alors devant un festival qui aurait soudain été saisi par la grâce. Le temps d'une projection soit mais pas au-delà !"
Le "film thaïlandais" s'appelle "Oncle Bonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures".
Le plus étonnant eût sans doute été qu'il ne lui soit décerné aucune récompense, les précédentes œuvres du cinéaste ayant toutes été récompensées.
Enfin, de grâce, ce film ne manque pas, tandis que votre impartialité, tellement affichée sur ce blog, laisse quelque peu à désirer, mais nous pourrons peut-être avoir une discussion sur les mérites cinématographiques de ces deux films après que vous les ayez vus.
Rédigé par : Billy Budd | 14 septembre 2010 à 11:37
@ Denis Monod-Broca
Oui, votre réponse est normale. On a le droit de ne voir aucun honneur dans la guerre, on peut lire Saint Augustin à ce sujet, il y a des lois de la guerre, il n'y en a pas pour le terrorisme islamiste qui n'est que pénal, même si bien traité par les Etats qui en ont besoin, ou envie.
Oui, j'ai du mépris contre les auteurs d'attentats contre les civils, et aucune estime pour les populations qui n'osent pas, au nom d'une religion, condamner leurs criminels. Oui, je crois au devoir d'indignation de Julien Green, pour la théorie des baïonnettes intelligentes de Rossi et pour le devoir de révolte inscrit dans la Constitution américaine.
Il est vrai qu'aujourd'hui il faut penser autrement qu'en termes de nation et que l'humilité est au programme, mais pour tous pas seulement pour l'Occident.
Rédigé par : JMT | 13 septembre 2010 à 19:38
@Catherine Jacob
"mais s'il passe par ici, je me trouverai certainement quelqu'un pour y aller avec moi, vu que depuis que j'ai été agressée dans un cinéma à Nancy,
Gente dame Catherine, ce sera un plaisant honneur de vous prêter mon bras...
Contactez-moi, cette invitation est sincère...
Cordialement
Pierre-Antoine
Rédigé par : Pierre-Antoine | 12 septembre 2010 à 19:08
@ JMT
"Ils ne pourront jamais être que des tueurs d'êtres sans défense", ils "n'ont pas accès à l'honneur de la guerre", dites-vous avec mépris. Mais nous aussi, hier en Serbie, en Irak, aujourd'hui en Afghanistan, pour ne citer que ces exemples récents, nous qui pourtant avons accès à l'honneur de la guerre comme vous dites (drôle d'honneur !), nous tuons (nous ou nos alliés) des êtres sans défense, par dizaines, chaque semaine. Est-ce plus excusable ? Je ne le crois vraiment pas. Bien au contraire. Qu'elle est facile à voir la paille dans l'oeil du voisin !...
Rédigé par : Denis Monod-Broca | 12 septembre 2010 à 17:41
@JMT
Très bon texte, raison de plus pour que vous alliez voir ce film !!!
bruno
Rédigé par : bruno | 12 septembre 2010 à 15:38
Je ne l'ai pas vu, j'irai sans doute le voir. Certains commentaires me laissent pantois. La foi et sa complexité constituent évidemment un sujet majeur et légitime, l'imbroglio culturel et symbolique de ce drame de Tibéhirine est à lui seul un puissant scenario de film, je ne comprends même pas que l'on puisse dire qu'on n'ira pas voir le film parce qu'il y est question de religion. L'athée que je suis ne peut qu'y trouver matière à réflexion. De même, quelle absurdité de reprocher à Xavier Beauvois de n'être pas moine bénédictin ! L'Evangile selon Saint Matthieu de Pasolini est un chef d'oeuvre, le Requiem de Mozart peut-être le degré ultime de ce genre ; critique infondée et stupide.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 12 septembre 2010 à 13:01
Cher Monsieur Bilger, merci pour votre critique de ce très beau film. Il rend parfaitement compte de la vie et de l'espérance qui animait les moines. Je comprends que Xavier Beauvois ait dû engager des têtes d'affiche comme Lambert Wilson et Michael Lonsdale pour "appâter" le public mais pour moi ces acteurs (par ailleurs excellents) sont inutiles ; le film aurait parfaitement fonctionné avec de bons acteurs inconnus dans les rôles de frère Christian et de frère Luc.
Rédigé par : Georges | 12 septembre 2010 à 10:54
Je vous invite à écouter, sur le site de France Inter, l’émission Interception de ce jour où l’un des moines rescapés de la tuerie apporte son témoignage.
http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/interception/
Rédigé par : Achille | 12 septembre 2010 à 09:50
Bon, je n'irai pas voir ce film non plus, mais pour une raison que j'ai quelque scrupule à énoncer. Je vois l'Islam, dans sa totalité, comme une religion de conquête politique quand le monde musulman sur la planète consomme moins de livres que le seul Portugal dans une année. Je ne me crois pas capable de regarder ce film sans ressentir une profonde haine contre les auteurs de ce massacre, obligatoirement musulmans ou de telle obédience. Je suis décontenancé par l'exhibitionnisme cultuel de cette religion, la pauvreté de son dogmatisme et le mépris dans lequel elle tient les autres cultes, même, en son sein, les écoles de sagesse. Assister, dans ces conditions, à l'acceptation de la mort au nom d'une transcendance serait la réouverture d'une blessure qui date des événements et non l'admiration d'une oeuvre, aussi estimable soit-elle.
Parfaitement conscient de la limite que je pose à mon raisonnement et de ma distance des bons esprits, j'en assume toutes les conséquences. Je ne connais aucun pays musulman où l'exercice d'autres religions se fasse dans la paix, même l'Egypte, et hors de toute haine, même pas la France.
Cela dit, la réduction de mon opinion au massacre de Tibehirine va de pair avec l'absence de crainte d'un conflit général avec les musulmans qui n'ont pas accès à l'honneur de la guerre. Ils ne pourront jamais être que des tueurs d'êtres sans défense, jusqu'à ce jour, surtout des civils musulmans. Les moines de Tibehirine ne sont que les martyrs (au sens grec), les témoins des performances de l'islamisme que les musulmans n'ont jamais condamnées malgré la souffrance qu'il leur impose, mais c'est leur problème.
Il ne s'agit pas de supériorité de l'Occident, seulement du rejet absolu d'un monde qui contribue au paradigme que relate le film "Des hommes et des dieux".
Rédigé par : JMT | 12 septembre 2010 à 00:26
Le moment qui m'a le plus touché dans ce très beau film est celui où la petite communauté doute: certains expriment leur peur face au danger que représentent les terroristes qui sont déjà venus au monastère. Certains membres de la communauté veulent partir, d'autres souhaitent au contraire rester et leur dialogue si vraisemblable et simple les rend tout simplement humains, eux qui sont avant tout des hommes de Dieu.
Rédigé par : Thierry | 11 septembre 2010 à 23:17
Croyances et Religions ou « Les vérités hallucinatoires ».
Mais à qui l’a-t-il dit ?
http://maurice.champion20.pagesperso-orange.fr/Mais-a-qui-l-a-t-il-dit-VL.htm
A-t-on le droit de vénérer une maladie?
Et c'est quoi un enthéogène?
Cordialement.
Rédigé par : Maurice Champion | 11 septembre 2010 à 20:09
Comme je n'ai pas la chance des Parisiens en matière de cinéma, je ne l'ai pas vu, mais s'il passe par ici, je me trouverai certainement quelqu'un pour y aller avec moi, vu que depuis que j'ai été agressée dans un cinéma à Nancy, je ne vais plus que rarement au cinéma et jamais toute seule. Comme les chiens n'y sont pas admis, les cinémas sont en effet davantage à craindre en ce qui me concerne que... les bois !
Rédigé par : Catherine JACOB | 11 septembre 2010 à 19:45
Vu le film cet après-midi.
Le titre est fort étrange : il s'agit de la relation d'hommes à Dieu, et non pas à des dieux. L'Islam n'a que valeur de faire-valoir du martyre chrétien.
Ce titre est donc sans doute un sacrifice au politiquement correct.
Sinon, très bien.
Parle à tous. Il faut vraiment avoir décidé de se fermer pour ne pas être touché. Mon épouse, qui n'a pas du tout la fibre religieuse, a été émue.
Toutefois, une culture chrétienne n'est pas inutile. En effet, la différence principale entre Islam et Christianisme tient à la relation d'amour avec Dieu.
Dans l'Islam, Dieu surplombe tellement les hommes que toute relation d'amour avec lui est sacrilège. Dans le Christianisme, c'est au contraire toute la problématique de la foi, la relation d'amour entre Dieu, qui a sacrifié son Fils bien-aimé, et les hommes.
Cette problématique de l'amour imprègne tout le film, peut-être en partie à l'insu de son auteur.
Rédigé par : Franck Boizard | 11 septembre 2010 à 19:14
Je vais utiliser des mots simples : j'ai beaucoup aimé ce film !!!
Rédigé par : bruno | 11 septembre 2010 à 17:43
Bonjour Philippe Bilger,
Une chose est sûre : si j’ai le choix entre aller voir le film thaïlandais qui a obtenu la Palme d’Or et celui de Xavier Beauvois, j’opte sans hésiter pour ce dernier.
J’imagine mal le premier faire salle comble. Il attirera sans doute le personnel de l’ambassade de Thaïlande et quelques touristes de passages en France, d’autant qu’il est en V.O. sous-titrée. Peut-être faut-il y ajouter aussi les inévitables esthètes ou prétendus tels qui se font un devoir de lire tous les ans le dernier Goncourt et de voir la Palme d’Or du festival de Cannes afin de faire la démonstration de leur goût exquis pour tout ce qui se rapporte à l’art à leurs amis du café de Flore.
Le second film a le mérite de nous parler d’un fait réel survenu en 1996 et qui a marqué les mémoires par son atrocité, mais aussi par le tapage médiatique et politique qui en a suivi.
Il semble que le film ne s’attarde pas sur les circonstances réelles de l’assassinat des moines de Tibérine qui a fait l’objet de bien des controverses, mais plutôt sur la vie monacale et la spiritualité de ces hommes qui avaient consacré leur vie à la méditation et à l’amour des hommes, aux antipodes en sommes du monde ce ceux qui devaient les assassiner.
Un film apolitique donc, qui ne condamne pas les auteurs du massacre des moines,
évitant ainsi de creuser encore un peu plus le fossé entre les communautés catholiques et musulmanes en ces temps où l’intégrisme des deux côtés est au plus fort. Mais aussi entre deux pays, la France et l’Algérie qui près d’un un demi-siècle après l’indépendance de cette dernière n’ont toujours pas refermé leurs blessures.
Ajoutant à cela le talent des acteurs, je pense que finalement j’irai sans doute le voir.
Rédigé par : Achille | 11 septembre 2010 à 15:27
@ sbriglia
Dieu aussi. C'est pour cela que le film dérange.
Pour ma part, je comprends qu'on ne veuille pas voir un film, et que ce rejet soit déjà matière à commentaire.
J'ai chez moi le film Mar Adentro, que plusieurs amis m'avaient vanté à sa sortie.
Je n'arrive pas à le regarder.
Rédigé par : Alex paulista | 11 septembre 2010 à 12:15
Et s'il y avait du sublime dans ce film parce que Xavier Beauvois ne comprenait pas ce qu'il filmait ?
François F.
C'est possible, en partie.
Le sublime est au-delà du raisonnable et du raisonné, un supplément qu'on ne saurait fabriquer mais que l'on peut accueillir. Il commence où nous nous arrêtons. Moyennant ouverture (d'où "en partie").
Rédigé par : MS | 11 septembre 2010 à 10:54
Quel embarras en France pour évoquer un film où la religion catholique a un rôle dans la distribution, si mince soit-il.
Les une se tortillent pour ne pas y adhérer totalement, les autres émettent des réserves sur la longueur du film, ou sur les oeuvres précédentes du réalisateur.
Un autre encore, de manière subliminale, regrette qu'il n'y ait pas eu un rabbin parmi les victimes, ce qui aurait transfiguré le film en chef d'oeuvre incontournable.
Bref, on cherche des poux dans la tonsure pour faire croire qu'on n'est pas dupe.
Et on attendra encore un peu pour lire ici, l'homélie moralisatrice de Gôche du grand Armaguédon, qui va nous prouver que cette terrible histoire est la faute d'Alain Juppé, qui aura mis un certain temps à s'indigner de ce massacre.
Bref, la Fille Aînée de l'Église a des complexes.
Pourtant, le cinéma américain et anglais nous ont donné quelques chefs d'oeuvre que nous allions voir, bon public, et sans préjugés.
Dans les années 50, précisément. C'est vieux.
Un français, Jean Anouilh, qui n'était pas une grenouille de bénitier, nous a donné "Becket, ou L'Honneur de Dieu".
Cette pièce a fait le tour du monde (créée en 1959, par Bruno Cremer).
En 1964, elle fut portée à l'écran par Peter Glenville, avec Peter O'Toole (Henri II) et Richard Burton (Thomas Becket) : un succès mondial.
Sauf en France...
Complexe de la soutane...
Seul Don Camillo a trouvé grâce aux yeux des Français et a franchement fait suer les Anglo-Saxons, qui ayant 20 ans d'avance sur nos moeurs, s'étaient déjà débarrassés du communisme (Don Pepone) et des caricatures religieuses (Don Camillo).
Rédigé par : Savonarole | 11 septembre 2010 à 09:59
Pas vu le film mais sa promo !
Retour à la proximité d'avec certaines
femmes consacrées à "Dieu" qui ont aidé
à mon devenir de femme. Celles qui savaient
être là sans jugement de valeur plutôt de
"possibilités". Elles différenciaient
leur position (choix de vie) d'avec donner
le meilleur à de futures femmes responsables.
Rédigé par : calamity jane | 11 septembre 2010 à 09:56
A la lecture de la réaction de sbriglia et de sa ridicule évocation de Descartes, je ne résiste pas à écrire quelques mots supplémentaires sur ce film que je n'ai pas vu et que je n'irai pas voir.
Je me souviens de la conférence de presse donnée à Cannes par l'équipe du film "Des hommes et des dieux". Elle avait été totalement polluée par le soutien sans nuances apporté à cette occasion par Beauvois à Polanski. Passer d'un film sur l'ascèse à la défense de la débauche la plus décadente, fallait oser ! J'avais découvert à cette époque que ce soutien trop appuyé s'expliquait surtout par le fait que Beauvois était en fait une vieille connaissance de BHL qui l'avait fait jouer dans son fameux film "Le Jour et la nuit" (ce que les journalistes avaient bien sûr omis de dire). Je n'avais pas trouvé ce comportement très digne.
Maintenant quand M. Bilger voit dans ce film une intense foi chrétienne dont le réalisateur ne semble pas conscient, me reviennent ces mots de Jean-Louis Barrault contemplant sa femme Madeleine Renaud qui interprétait une pièce d'avant-garde :
« Elle n'est jamais si bonne que quand elle ne comprend pas ce qu'elle dit »
Et s'il y avait du sublime dans ce film parce que Xavier Beauvois ne comprenait pas ce qu'il filmait ?
Rédigé par : Francois F. | 11 septembre 2010 à 08:57
M. Bilger, on peut quand même écrire que l'on n'a pas aimé un film qui ne recueille que des louanges extatiques, sans être un imbécile ; je me suis ennuyée lors de la projection tout comme un critique du JLD et un autre de Télérama (qui fait aussi régulièrement des pour ou contre) ; vous ne détenez pas la vérité, que diable ! Acceptez des points de vue différents du vôtre.
Rédigé par : Schmitt | 11 septembre 2010 à 08:37
@ sbriglia
N'avons-nous pas toujours un avis avant d'aller voir un film ? avis fondé sur le titre, le sujet, l'histoire, les avis donnés par ceux qui l'ont vu déjà... Peut-être mon propos est-il infondé, inconsistant, mal exprimé... que sais-je ?, mais je ne crois pas qu'il soit contraire à la raison au prétexte qu'il aurait été donné avant d'avoir vu le film.
Rédigé par : Denis Monod-Broca | 10 septembre 2010 à 23:18
"Je n’ai pas vu... mais je sais d’avance" Décidément, Descartes est bien mort...
Rédigé par : sbriglia | 10 septembre 2010 à 22:46
Juste avant de vous lire, Monsieur Bilger, je m'étais fait la réflexion suivante :
Pour mieux les voir, on peut exposer un glaçon ou la flamme d’une bougie à la lumière du soleil mais le glaçon rapidement fond, quant à la flamme, ainsi éclairée, elle n’éclaire rien. N’en est-il pas de même de l’ascèse et de l’humilité montrées au cinéma ? Je n’ai pas vu le film « Des hommes et des dieux ». Peut-être irai-je le voir. Mais je sais d’avance qu’il ne peut que trahir les vertus qu’il aimerait montrer. Quand on dépense des millions pour montrer l’ascèse que reste-t-il d’elle ? Quand on fait de l’humilité un succès artistique et commercial, que reste-t-il d’elle ? Rien, je le crains, il ne reste rien ni de l’une ni de l’autre, sinon quelques illusions et une bonne dose de bonne conscience...
Ce film était un pari impossible sauf à tomber dans l'éternelle tentation consistant à voir dans les victimes sacrifiées des dieux ou presque des dieux (n'est-ce pas plus ou moins le sens caché du titre ?)
Rédigé par : Denis Monod-Broca | 10 septembre 2010 à 18:56
@PB,
La seule critique que j'adresserai à ce film concerne le titre :
Pourquoi "des dieux" alors qu'il n'y en a qu'Un que les hommes dans leur myopie spirituelle croient voir polymorphe.
Concernant le "rôle de leur vie" que vous attribuez aux acteurs, je mettrai un bémol à Michael Lonsdale.
Il n'était pas dans un jeu d'acteur !
Pour l'avoir rencontré et échangé avec lui, il est dans l'ordinaire de la vie cet homme d'un niveau spirituellement peu ordinaire qui a prêté son âme à son personnage.
Pour en revenir aux personnages réels incarnés dans ce film, il est heureux pour l'humanité que des hommes aient su laisser leur âme s'enflammer d'amour pour ceux qui trop souvent brûlent des bibles et des chrétiens.
Ceux-là même qui sont prompts à attiser la haine quand on parle de brûler leur "Livre".
Cordialement
Pierre-Antoine
Rédigé par : Pierre-Antoine | 10 septembre 2010 à 18:51
J'ai trouvé ce film long, très long. Pour moi il aurait dû s'arrêter à l'arrivée du personnage supplémentaire parmi les moines. Mon indication est une indication de temps suffisant pour un spectateur lambda !!!
Rédigé par : pitou002 | 10 septembre 2010 à 18:37
Mais à lire votre critique, je comprends que ce film est beaucoup trop profond pour moi. Par ailleurs les hommes entre eux ne m'intéressent plus guère et encore moins les dieux qu'ils se sont créés !
En clair, grâce à vous, je n'irai pas voir ce film.
François F.
Merci pour le soin et le souci de cette information, moins le signe d'un manque de profondeur que d'un homme bien élevé.
Rédigé par : MS | 10 septembre 2010 à 18:28
Xavier Beauvois, je le connaissais surtout comme acteur du film cultissime de BHL "Le jour et la nuit". J'apprends qu'il fait lui aussi des films ambitieux. La preuve, il n'a pas hésité à concourir dans le grand cirque cannois. Mais à lire votre critique, je comprends que ce film est beaucoup trop profond pour moi. Par ailleurs les hommes entre eux ne m'intéressent plus guère et encore moins les dieux qu'ils se sont créés !
En clair, grâce à vous, je n'irai pas voir ce film.
Rédigé par : Francois F. | 10 septembre 2010 à 17:25