A la cour d'assises, loin de Paris, durant la journée, le soir je rentre et un flot d'informations m'accueille. Il est clair, surtout, que la justice revient doucement à l'honneur. Karachi, dont on parle sans cesse - deux pages remarquables du Monde et du Parisien sur l'affaire et sur Renaud van Ruymbeke - rappelle à ceux qui auraient pu en douter que le juge d'instruction existe, résiste et que quelques-uns peuvent même désarmer les hostilités les plus entêtées.
Dont la mienne. Il est évident que j'avais sous-estimé, je l'avais reconnu, le problème de l'indépendance du parquet quand le rapport du comité Léger avait été déposé et que je l'avais globalement approuvé. Prenant mes désirs pour des réalités, je m'étais persuadé qu'une nouvelle procédure métamorphoserait le parquet et en ferait un auxiliaire de la vérité plutôt qu'un agent de l'Etat. Je m'illusionnais en supposant que pour justifier demain à nouveau la suppression du magistrat instructeur, on s'efforcerait de donner, durant l'intérim entre un projet avorté et un projet renouvelé, l'image d'un ministère public rassurant, équilibré, équitable, d'ouverture plus que de rétention. C'est le contraire qui se produit comme si, de manière anticipée, on souhaitait abandonner la partie et avouer sa défaite devant tous ceux qui n'avaient, eux, jamais douté de leur victoire et de leur bon droit.
Pour la CEDH, le parquet français n'est pas une autorité judiciaire indépendante parce que ceux qui le composent ne peuvent être qualifiés "de juge ou autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires". Certes, la France a demandé le renvoi devant la grande Chambre mais y a-t-il des chances sérieuses pour que celle-ci infirme cet avis ? On peut en douter. Aussi bien pour les enquêtes dont le procureur devait devenir le centre que pour la garde à vue telle qu'aménagée par le gouvernement, les dispositifs devront être revus à cause de cette "déchéance" du ministère public.
Avant même cette décision de la CEDH, la pratique avait démontré que les optimistes qui, comme moi, s'acharnaient à démontrer que le pire n'était pas forcément sûr avaient tort. La réalité a manifesté, dans les affaires "sensibles", la dépendance du parquet et surtout sa volonté, ce qui revient au même, contre la solidarité des valeurs, de privilégier les intérêts de l'Etat, ses exigences interprétées ou explicites. Le rêve d'un parquet indépendant a donc pris du plomb dans l'aile et je craindrais, si je continuais tout de même sur un registre d'espoir, d'être taxé d'imbécile. Quand la contradiction est telle entre l'aspiration et le constat, il convient de faire le sacrifice de la première devenue impossible, au nom du second devenu accablant. Qu'on songe par exemple à cette étrange et opportune analyse qui vient couvrir du manteau présidentiel les agissements controversés de ses collaborateurs ! Didier Maus, qui est un peu "l'opinion way" des professeurs de droit approuve, quand Olivier Beaud, professeur de droit public, dénonce justement cette extension du "parapluie" présidentiel à interpréter pourtant strictement (Le Parisien).
Qu'on le veuille ou non, on sent une connivence entre les entraves juridiques ou politiques habillées de manière noble par l'Etat et le parquet qui, au lieu d'aider les juges indépendants et impartiaux à les vaincre, s'empresse trop souvent de les valider et même de les amplifier. A ce titre il est piquant de relever que le Premier ministre a opposé un refus de perquisitionner au siège de la DGSE au juge Van Ruymbeke à cause de l'avis défavorable émis par le président de la commission consultative du secret de la Défense nationale. Or il semble que cette instance se soit fondée surtout sur le fait que l'instruction du magistrat était contestée par le parquet. C'est un cercle vicieux puisque cela revient à se servir, tout au long, d'une mauvaise volonté du parquet exprimée initialement pour empêcher un magistrat d'aboutir aux fins légitimes qui sont les siennes et devraient être les nôtres.
Alain Juppé, lui aussi tout récemment sollicité par le juge Trévidic déjà demandeur à deux reprises, va saisir la Commission consultative du secret de la défense nationale dont il suivra l'avis pour une éventuelle déclassification de documents. On sait également que le président de l'Assemblée nationale fait tout ce qu'il peut - et le droit est un formidable étouffoir quand on ne le veut pas comme une force libératrice - pour ne pas rendre publics les débats de la mission d'enquête sur Karachi. Le gouvernement apparemment n'a pas la moindre intention d'autoriser le Conseil constitutionnel à lever le secret de ses délibérations au sujet de la validation des comptes de campagne d'Edouard Balladur, opérée sous la présidence de Roland Dumas. Tout cela est lent, lourd, difficile. Il est évident qu'il faut tout arracher pour dévoiler, qu'il faut se battre sans cesse, dépenser une énergie judiciaire folle pour obtenir ce qui pourtant devrait être la moindre des choses pour une démocratie : les moyens pour atteindre la vérité au nom d'une passion morale qui devrait être partagée. Je ne parviens pas à comprendre comment, et au nom de quoi, le respect de principes essentiels à la République passe au second plan et n'empêche pas une lutte fratricide entre les idéalistes de la société et les réalistes, voire les cyniques de l'Etat. On peut continuer à rêver d'une éthique publique qui réconcilierait un jour les uns et les autres. Antigone et Créon, ensemble, dans la même personne, dans le même Etat.
Je ne doute pas que le président Sarkozy n'aime pas le magistrat Van Ruymbeke. Je suis persuadé que le citoyen Van Ruymbeke ne raffole pas de Nicolas Sarkozy. Là n'est pas l'important. Ce qui compte, c'est que ce dernier n'empêche pas le travail de ce grand juge et apparemment rien, pour l'instant, en dehors d'un appel surprenant du parquet, ne permet de penser que la liberté du magistrat et son indépendance sont menacées. En prendre le risque serait d'ailleurs une énorme faute. La magistrature a vécu ces derniers mois avec un sentiment à la fois d'indignation et de honte à tel point qu'aujourd'hui des juges d'instruction discrets - on n'a su que dix jours après qu'une perquisition avait été menée par RVR à Bercy ! - et compétents ont redoré le blason de la justice et que demain l'un d'eux aura à instruire sur les sondages de l'Elysée. Qu'on ne s'y trompe pas du côté des politiques : des dissensions existent, perturbent notre corps et je suis loin d'être d'accord avec beaucoup de mes collègues mais ce qui nous rassemble toutes tendances confondues, et c'est le propre de toutes les professions, c'est une adhésion à nos personnages emblématiques, exemplaires, dont la déontologie est aussi ferme que leur rectitude intellectuelle et juridique. Il n'y en a pas une profusion. Aussi le lien qu'ils représentent dans un monde judiciaire est cultivé avec bonheur et défendu avec fierté. Ils sont donc nous sommes.
A Mots Croisés, sous la sympathique férule d'Yves Calvi, Jean-François Copé, François Rebsamen, Marine Le Pen et Cécile Duflot ont échangé sur la justice. Christophe Régnard, président de l'USM, a pu répondre à cette dernière encore une fois excellente - Europe Ecologie est étonnante : elle dispose d'une candidate parfaite, elle en veut une autre ! - que Karachi, Woerth-Bettencourt avaient sauvé le juge d'instruction.
Je m'étonne moi-même mais j'applaudis.
@Dame Catherine & Dame Véronique
Je connais une chambre correctionnelle dont le président "expédiait" les affaires sous motif ô combien "légitimement égoïste" de pouvoir prendre son train à l'heure afin de rejoindre sa famille dans une ville où il n'avait pu être muté pour j'ignore quelle obscure raison.
Effectivement des citoyens (surtout tirés au sort) lui auraient immanquablement fait rater son train.
Cordialement
Pierre-Antoine
Rédigé par : Pierre-Antoine | 26 novembre 2010 à 15:20
Catherine, je ne sais pas répondre à votre question.
La question de l'indépendance du parquet telle qu'elle est traitée dans le billet n'a rien à voir avec celle du projet qui concerne les jurés populaires dans les cours correctionnelles.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 26 novembre 2010 à 12:47
Le juge d'instruction assassiné par l'exécutif ?
Au risque de vous paraître fort désagréable et je vous prie de bien vouloir m'en excuser par avance, Monsieur Bilger, l'on ne peut la veille, dire tout le bien des réformes institutionnelles et le lendemain tout son contraire en se raccrochant aux branches de votre confrère Van Ruymbeke qui essaie modestement d'exercer son talent de grand serviteur de l'Etat. Il m'avait semblé craindre que le produit de la République dont vous êtes issu, dans l'exercice de votre sacerdoce ne vous avait pas appris à voir plus loin que votre balance ! Néanmoins j'accepte votre mea culpa par cet excellent billet auquel je trouve une plénitude de bon sens commun !
Vous me permettrez de ne pas partager entièrement votre enthousiasme sur un improbable dénouement rapide des affaires politico-financières en cours, médiatisées et très sensibles. Bien que, comme tout le peuple français, je souhaite ardemment la vérité pour les familles des victimes le plus tôt possible. Regardons notre justice en face et l'image qu'elle nous renvoie à ce jour :
L'indépendance de la justice se pose en France face au pouvoir exécutif et tous les magistrats du parquet qui ont à traiter des affaires sensibles, médiatisées ou pas ont appris et savent dorénavant que tout se joue au cabinet où le garde des Sceaux est le maître absolu des décisions non plus écrites mais téléphoniques avec une violation caractérisée du secret professionnel par des non habilités !...
CEDH, "déchéance" "du ministère public", n'exagérons rien car la France n'est pas encore expressément condamnée. La Chancellerie rappelle qu'un projet de loi sur la garde à vue doit prochainement voir le jour. S'agissant de la motivation des arrêts d'assises, elle précise que c'est un point qui « fait l'objet d'une réflexion dans le cadre du projet de réforme de la procédure pénale ». Il est de notoriété publique que la Chancellerie attend souvent que la France soit condamnée par Strasbourg avant de réformer son code de procédure pénale. Il y a donc urgence !...
De la déclaration de Notre Seigneurie à l'université d'été du Medef en 2007 : "La pénalisation de notre droit des affaires est une grave erreur, je veux y mettre un terme." A ce jour il ne me semble pas rester grand-chose à dépénaliser ! Les exemples ne manquent pas : dans l'enquête préliminaire contrôlée par un procureur nommé par l'exécutif, soumis à son ministre en est la voie privilégiée dans l'affaire Bettencourt ! Le procureur Courroye avait annoncé avoir ordonné des investigations pour «violation du secret de l'enquête» susceptible de mettre en cause la juge Isabelle Prévost-Desprez, en charge du supplément d'enquête. Là on touche le fond.
La lutte contre la délinquance économique et financière où les "patrons voyous déjeunent au Fouquet's" est en voie d'extinction depuis la loi Perben 2. Les enquêtes sont contrôlées par les procureurs au détriment des juges d'instruction. Les pôles économiques et financiers traitant des affaires comme "Elf" sont privés de moyens ainsi que les services de police spécialisés (une centaine d'informations étaient encore ouvertes en 2005 au pôle financier ; il n'en reste plus qu'une dizaine en 2009).
"Ça sent la fin", déclarait le juge Van Ruymbeke et l'appel de Genève auquel j'avais applaudi me semble bien loin ! Mais j'applaudis encore pour le baroud d'honneur engagé en priant que ce ne soit pas le dernier.
L'on peut aussi jouer aux devinettes sur les déclarations officielles de notre exécutif, histoire de mesurer leur degré d'hypocrisie !
"On ne peut pas se battre à l'extérieur de notre continent contre certaines pratiques, et les tolérer sur notre continent" (en s'adressant au Luxembourg).
"Ces trous noirs ne doivent plus exister. Leur disparition doit préluder à une refondation du système financier international".
" Nous ne pouvons plus tolérer que l'image du système financier international soit vérolée par des poches d'opacité, du secret excessif, d'absence de régulation".
Mais voilà la note abracadabrantesque de la mise à jour ce 16 novembre par le secrétariat général pour l'administration (SGA) qui a don d'une vue large, laissée à l'appréciation du gouvernement et de certains départements au sein de l'exécutif : « la protection du secret de la Défense nationale a pour objectif d'assurer la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation dans les domaines de la Défense, de la sécurité intérieure et de la protection des activités financières, économiques ou industrielles, de la protection du patrimoine scientifique et culturel de la France ». La loi ne permet pas aux magistrats, même pour les besoins de leurs enquêtes, de prendre connaissance de documents classifiés. L'article 23 12-4 du code de la défense prévoit qu'ils doivent présenter une demande motivée de déclassification à l'autorité administrative qui a classifié le document ».
Fillon a opposé une fin de non recevoir mais tout l'exécutif s'accorde avec Notre Seigneurie sur une déclaration à l'unisson pour une déclassification !
Le juge Trévidic avait demandé par écrit à Juppé une nouvelle déclassification de documents qu'il n'avait pas obtenus en mai relatant l'arrêt du paiement des "rétrocommissions". Il y a douze jours, le président de l'Assemblée nationale, Accoyer, avançait le principe de séparation des pouvoirs pour justifier son refus de lui transmettre les auditions menées par la mission. (Un argument qui n'a jamais été retenu lorsque le juge Bruguière voulut avoir accès aux auditions de la mission d'information sur le génocide rwandais)
Le président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, invoque la loi de 2008 sur les archives qui interdit leur consultation pendant vingt-cinq ans, afin de respecter le secret des délibérés des sages. Il omet de préciser que le gouvernement peut lui demander de lever le "secret" sur les délibérés des comptes de campagne Balladur ! Juppé a par ailleurs soutenu la décision de Fillon de ne pas autoriser une perquisition du site de la DGSE aux vagues motifs : "Cette décision doit être respectée, parce qu'ouvrir le site de la DGSE c'est priver la France de toutes les possibilités d'avoir un système de renseignement crédible."
Car Jacques Belle président du CCSDN avait accompagné le 29 juillet le juge Ramaël lors d'une perquisition au siège de la DGSE, faisant mettre de côté des documents classifiés sur l'affaire Ben Barka, qui ont fait l'objet quelques semaines plus tard d'un avis favorable à la déclassification. Durant cette législature seules 3 déclassifications ont porté sur Karachi !...C'est tout aussi piquant de constater ce revirement de sa part dans votre billet, si c'est de sa part, vous me mettez un doute ?
Il est bien évident qu'à ces motifs, la suspicion de corruption grandit à vue d'oeil dans les médias !...
Je constate, hélas, que nos institutions sont devenues depuis fin juillet 2009 un territoire de non droit "législatif" au même titre que les banlieues. La déclaration de Notre Seigneurie promet un "nettoyage au Kärcher" destiné aux habitants des quartiers populaires, qui font l'objet d'une frénésie législative par un arsenal répressif sans précédent à qui il prône la guerre ; aux autres et lui-même, il s'offre la relaxe quand bien même réussirions-nous à condamner.
Belle image de notre justice de classe féodale !
Rédigé par : On se bat toujours pour ce qui nous manque le plus | 26 novembre 2010 à 11:05
@Véronique Raffeneau | 25 novembre 2010 à 13:58 « Non Catherine, je ne suis pas favorable au jurés populaires dans les tribunaux correctionnels: je me range à l'ensemble des arguments développés par Philippe Bilger dans son précédent billet. »
C'est bien ce qu'il m'avait tout d'abord semblé. Faut-il donc conclure que dans le contexte de la correctionnelle « le destin judiciaire de nos concitoyens pourrait sans problèmes être admis à dépendre [en effet] des ambitions de carrière » ou bien qu'il n'y a pas dans le dit contexte possibilité que viennent à être audiencées des affaires suffisamment sensibles pour tenter les ambitions de carrière?
Rédigé par : Catherine [email protected]éronique Raffeneau | 26 novembre 2010 à 10:02
« La réalité a manifesté, dans les affaires "sensibles", la dépendance du parquet et surtout sa volonté, ce qui revient au même, contre la solidarité des valeurs, de privilégier les intérêts de l'Etat, ses exigences interprétées ou explicites. »
« …on sent une connivence entre les entraves juridiques ou politiques habillées de manière noble par l'Etat et le parquet qui, au lieu d'aider les juges indépendants et impartiaux à les vaincre, s'empresse trop souvent de les valider et même de les amplifier. »
« Je ne parviens pas à comprendre comment, et au nom de quoi, le respect de principes essentiels à la République passe au second plan et n'empêche pas une lutte fratricide entre les idéalistes de la société et les réalistes, voire les cyniques de l'Etat. »
Monsieur l’Avocat général,
Ces trois citations de votre excellent texte me permettent de soulever, ce qu’ont déjà fait quelques intervenants, une confusion regrettable dans la notion d’État.
En l’espèce, ce n’est que l’instrumentalisation des services de l’État au profit du personnel politique qui le dirige pour camoufler ses turpitudes et pratiques aux relents délictuels qui est en cause.
Il me semble que l’État ne doit pas être abusivement confondu avec le seul exécutif « ministériel » ou « présidentiel ». En l’espèce, la Justice reste une fonction régalienne de l’Etat dans le sens de l’exercice de l’intérêt général, largement perdu de vue par ceux qui exercent leurs fonctions (et non leur « métier », comme le proclame notre président de la République) trop souvent pour des bénéfices personnels bien plus que dans l’intérêt du Peuple et de la nation !
En un mot, c’est insulter les vrais serviteurs de l’État que de les confondre avec ceux que l’on pourrait qualifier de « profiteurs du système » !
Rédigé par : Robert | 25 novembre 2010 à 20:54
Une très grande première...
La justice est-elle "enfin" en train de retrouver son honneur ?
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/societe/20101125.OBS3578/premiere-judiciaire-un-verdict-de-cour-d-assises-est-motive.html
Cordialement
Pierre-Antoine
Rédigé par : Pierre-Antoine | 25 novembre 2010 à 20:09
Bonjour M. Bilger,
J'avais anticipé sans le savoir sur votre billet lors d'un de mes commentaires sur "Le peuple dans ou sur la justice" dans lequel j'évoquais assez longuement cet arrêt de la CEDH qui sonne le glas de la suppression du juge d'instruction, projet déjà reporté sine die depuis quelque temps.
Même si la Chancellerie s'entête par un appel purement dilatoire, la jurisprudence européenne étant constante en la matière, en affirmant ne partager "ni le raisonnement ni l'analyse de la Cour", on notera au passage l'absence d'argumentation qui n'est pas sans rappeler les commentaires toujours très nuancés de Sylvain. Plutôt que de jouer les autistes, le ministère de la Justice devrait amorcer un projet de réforme constitutionnelle sur le statut du parquet, à moins que l'on ne confie le contrôle des gardes à vue à un magistrat du siège réellement indépendant.
Une chose est sûre la réforme de la procédure de garde à vue qui devait s'appliquer dans un an est déjà torpillée par la CEDH.
Je suis tout de même heureux de vous voir changer d'avis à propos de la suppression envisagée du juge d'instruction et du rapport de la commission Léger, déjà enterré. Il n'est pas si facile de reconnaître s'être trompé, mais comme vous le laissez entendre, seuls les imbéciles ne changent jamais d'avis tant ils sont pétris de leurs certitudes.
Rédigé par : Ludovic | 25 novembre 2010 à 19:20
Hey jpledun, Mitterrand s'est contenté de se lever et de partir. C'est méprisant. Sarko est parti aussi sans répondre aux questions, mais il a ajouté l'insulte au mépris. On peut préférer si on est maso... Moi je préfère l'hypocrite qui ne me dit pas tout le mal qu'il pense de moi.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 25 novembre 2010 à 18:33
Juste quelque phrases que certains "journalistes" ont omis de communiquer...
« D’abord, le pauvre, il n’est pas pédophile, non, je ne le pense pas. C’est pas un fait. En plus je le connais, je l’apprécie, j’ai aucun contentieux...
...Faites votre travail, c’est à vous de voir si c’est sérieux. C’est à vous de faire votre travail. Vous le voyez bien que c’est pas sérieux. C’est à vous de faire votre travail. Vous me demandez de faire quoi ? Je suis pas journaliste-enquêteur, vous avez le droit d’enquêter » réplique Nicolas Sarkozy.
Nicolas Sarkozy en OFF...
Rédigé par : jpledun | 25 novembre 2010 à 16:03
Et puis se lever en pleine interview sans répondre á la question, c'est quoi d'après vous ?
Je dirais qu'il s'agit de mépris et d'une jolie fuite en avant.
Moi, j’ai choisi mon camp.
Rédigé par : jpledun | 25 novembre 2010 à 15:46
Oui vous avez raison. Je suis complètement d'accord avec vous.
L'hypocrisie est plus payante et moins salissante.
Maintenant, moi je ne demanderai jamais á un homme de changer sa nature. C'est ce qu'il a de plus précieux. C'est ce qui fait sa différence.
J’ai une aversion pour les troupeaux et je n’en suis même pas désolé.
Ne réduisez pas cette sortie au seul fait que le journaliste ait confondu
« trésorier et porte-parole ».
Nous savons tous, depuis le menuisier qui lui a refait (ne le prenez pas personnellement) un escalier et Clearstream, que « Pau’v Sarko » est mis en cause et traîné dans la boue depuis toujours.
Moi je suis partisan de la réponse á vif.
Maintenant je serais lui, je ne m'adresserais plus aux journalistes qu'officiellement. Qu'ils aillent voir ailleurs. Qu'ils passent plus de temps à développer des dossiers. Qu’ils nous éclaircissent sur une décision, sur un choix politique…
Evidemment c'est plus fatigant et moins visible en terme de com.
"Choisis ton camp camarade journaliste"
Rédigé par : jpledun | 25 novembre 2010 à 15:36
Je ne suis pas d'accord avec vous : j'ai trouvé dans ce débat Cécile Duflot très mauvaise, et complètement pulvérisée par Marine Le Pen. Ce n'est pas avec cette apparente (j'espère...) exaltation qu'elle va convaincre face à une Le Pen toujours calme et donnant au moins l'apparence de la réflexion. Le summum à mon sens étant quand Duflot lui sort, limite en colère, qu'elle n'a pas le droit de dire ça, et Le Pen fille lui répond tout calmement que c'est son opinion, et que donc elle n'aurait pas le droit de l'affirmer ?
Quant à votre confrère, Christophe Régnard, je l'ai trouvé très bon à mon goût : pas un mot plus haut que l'autre, toujours calme et pondéré, là par contre j'approuve ce genre d'intervention !!
Rédigé par : Nono | 25 novembre 2010 à 13:58
Non Catherine, je ne suis pas favorable au jurés populaires dans les tribunaux correctionnels: je me range à l'ensemble des arguments développés par Philippe Bilger dans son précédent billet.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 25 novembre 2010 à 13:58
Monsieur l'Avocat général,
Je vous félicite d'avoir changé d'avis sur la suppression des juges d'instruction. Ce changement montre que vous êtes un vrai magistrat qui travaille pour la justice et la vérité, ce qui n'est pas le cas de tous, mais d'un certain nombre tout de même.
Je vous remercie pour votre franchise et votre liberté d'esprit qui redonne espoir et fait chaud au cœur.
Rédigé par : guydebourg | 25 novembre 2010 à 11:47
@Véronique Raffeneau | 25 novembre 2010 à 08:33
"Je ne veux simplement pas que le destin judiciaire de nos concitoyens soit dépendant des ambitions de carrière - petites et grandes, médiocres et honorables - même si elles sont compréhensibles et légitimes, de ceux qui sont chargés de les poursuivre ou de les juger."
Donc, d'une certaine façon, vous êtes pour la présence de jurés en correctionnelle.
Rédigé par : Catherine JACOB | 25 novembre 2010 à 11:19
JP Ledun
La CEDH ne conteste pas le bien-fondé du Parquet français lié à l'exécutif. Mais elle en déduit que cette liaison organique, au nom de la séparation des pouvoirs, ne pouvait conférer au Parquet le statut d'autorité judiciaire indépendante. La conséquence directe de ce constat, c'est l'illégitimité du Parquet à prendre une décision en matière de privation de liberté, comme c'est le cas pour la prolongation de la garde à vue. C'est très logique.
Pour ce qui est du pauvre Sarkozy, il ne s'agit pas d'un moment d'énervement mais d'un raisonnement mûri. Il avait cette comparaison en tête bien avant de la sortir. Or N. Sarkozy s'enfonce lourdement : on le disait trésorier de Balladur, il était son porte-parole. Et de considérer que le titre de trésorier de Balladur est aussi infamant que celui de pédophile, aveu que cette fonction a caché bien des turpitudes.
Je ne suis pas président de la République, ni vous. Je ne suis d'ailleurs pas rémunéré grassement en conséquence ni vous. Je ne représente pas mon pays au G20 et personne n'a songé - une erreur sans doute - à m'en confier la présidence pour 2011. Ni vous ni moi ne sommes astreints, contre rétribution et privilèges, au même contrôle strict de sa parole. Quand Mitterrand n'aimait pas une question de journalistes belges, il se levait et s'en allait, sans insulter gravement celui qui l'interrogeait. Quel nom d'oiseau avait-il en tête alors ? Il l'a gardé pour lui et il fit bien. En trois ans, N. Sarkozy n'a pas compris, c'est à désespérer.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 25 novembre 2010 à 11:13
Avec tous ces charabias une question
se pose : à qui appartient la justice ?
Dans un "état de droit" la justice appartient à ceux qui se sentent
atteints dans leur intégrité morale,
physique, psychologique !
S'il existe d'autres considérations c'est
qu'effectivement elle se plie à des contingences occasionnelles, politiques entre
autres.
C'est chaque citoyen du pays qui a fait et
fait la Justice.
Se serait-on tellement éloignés de cette
évidence ?
Rédigé par : calamity jane | 25 novembre 2010 à 09:46
Selon les déclarations d'Eva Joly du 18-11-2010 en rapport avec l'affaire Karachi, "Aujourd'hui, tout le monde voit pourquoi il était important pour Nicolas Sarkozy de supprimer le juge d'instruction, qu'il présentait comme une menace pour les droits de l'Homme", a déclaré l'ancienne juge d'instruction, en marge d'un déplacement à Nantes (Loire-Atlantique).
http://www.lepoint.fr/fil-info-reuters/eva-joly-lie-karachi-et-la-suppression-du-juge-d-instruction-18-11-2010-1264371_240.php
En avril 2007, et selon Le Canard enchaîné, il était déjà question de réduire les pouvoirs des juges pour détruire certains dossiers :
"D’après un "chiraquien pur sucre", cité par le "Canard", "un article de la loi imposera aux juges de clore leurs dossiers dans des délais très stricts. Pas plus d’une dizaine d’années après les faits incriminés pour les simples délits. Les dossiers trop anciens, encore à l’instruction, seront purement et simplement annulés". Un "proche de Chirac" cité par ailleurs avertit que "les promesses peuvent être oubliées, mais nous avons pris des garanties". "C’est du rapport de forces, du donnant-donnant. On a des dossiers sous le coude", a-t-il affirmé au Canard. Interrogée sur les informations de l’hebdomadaire, la présidence de la République a déclaré ne faire aucun commentaire."
http://www.interet-general.info/article.php3?id_article=8846
http://www.lefigaro.fr/politique/2010/08/25/01002-20100825ARTFIG00283-emplois-fictifs-un-accord-chirac-ump-delanoe.php
http://www.liberation.fr/politiques/010119850-y-a-t-il-eu-un-accord-secret-entre-sarkozy-et-chirac
Rédigé par : Choubidou | 25 novembre 2010 à 08:46
@ calamity jane
En même temps, écrire au mois de juin que le projet de suppression du juge d'instruction semblait particulièrement compromis au regard des épisodes de Woerth-Bettencourt ne demandait pas, très loin de là, un effort intellectuel remarquable et soutenu.
Un des intérêts de ce feuilleton de l'été a été d'illustrer en live, comme dans un album ouvert, la dépendance du Parquet, et pardon de l'exprimer ainsi, de montrer également comment un procureur finissait, et d'une façon presque fatale, par troquer sa fonction de magistrat contre une sorte d'identité professionnelle d'inspiration essentiellement politique et liée au pouvoir.
Avec en arrière-plan un procureur général inexistant et invisible dont la seule mission, semble-t-il, était de faire tenir un dossier jusqu'à l'échéance du vote d'une loi et d'un remaniement ministériel.
Totale confusion des rôles, des missions, des hommes, des tribunaux et des cours d’appel essentiellement agités et parcourus par les soubresauts et les temps médiatiques liés aux "affaires", alors que les étages intermédiaires, les rez-de-chaussée et les sous-sols brassent d'abord du malheur et de la misère.
Il n'est simplement pas tenable lorsque nous disons "Procureur de la République" que d'emblée nous devions associer cette fonction à celle de responsable politique en charge de la défense des intérêts de l'exécutif du moment.
Je pense que l'attrait du pouvoir politique, du pouvoir tout court, reste un alcool très puissant, que les caractères et les tempéraments capables de s'en dissocier sont infiniment rares.
Je ne veux simplement pas que le destin judiciaire de nos concitoyens soit dépendant des ambitions de carrière - petites et grandes, médiocres et honorables - même si elles sont compréhensibles et légitimes, de ceux qui sont chargés de les poursuivre ou de les juger.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 25 novembre 2010 à 08:33
Cher Philippe,
Que doit faire le pouvoir en place pour se mettre á jour au yeux de la CEDH et se libérer une fois pour toutes des tentations et autres suspicions d'ingérence ?
N'y a-t-il donc personne en France fichu de régler ce problème ?
Votre réponse m'intéresse grandement.
Rédigé par : jpledun | 25 novembre 2010 à 00:37
Si, il reste encore des Antigone et RVR sans moustache l'incarnerait très bien, mais je ne peux imaginer Sarkozy en Créon.
Au-delà de l'affrontement de l'ordre contre la morale ce sont ces principes structurant les individus qui s'opposent et là le compromis est peut-être possible.
Malheureusement pour notre Créon quinquennal l'ordre comme agrégeant de la cité n'est pas ce qui l'anime mais au mieux une avidité insatiable rend tout dialogue impossible.
Rédigé par : Docteur No | 24 novembre 2010 à 23:57
La réalité peut-elle dépasser la fiction ?
L'actualité nécrologique aidant, je revisionnai pour la énième fois un Film majuscule « Z » où apparaissait le regretté Julien Guiomar.
Bel exemple cinématographique d'un juge d'instruction intègre !
Rédigé par : Baudricourt | 24 novembre 2010 à 22:43
Cher Philippe,
Le parcours et la personnalité de notre président montrent depuis assez longtemps maintenant que toute sa stratégie consiste à étendre sa maîtrise sur les choses, quitte à le faire avec une certaine brutalité. Ses détracteurs trouvent cela dangereux et y voient une menace pour nos valeurs démocratiques, ses partisans y voient du volontarisme politique. Lui, « fera bouger les choses ». Formule à énorme succès, malgré une signification réelle totalement creuse.
Donc, les choses bougent. S’imaginer que cet homme s’attache à maintenir un équilibre en toutes choses, avec des contrepouvoirs qui échapperaient à sa maîtrise relève d’une pure naïveté. C’est pour beaucoup une évidence depuis longtemps.
Essayer de comprendre les stratégies réelles et leur cohérence derrière la présentation qui en est faite, éviter le procès d’intention mais rester vigilant, sont des devoirs citoyens. Ce qui n’empêche pas d’avoir des convictions diverses et légitimes.
Entre Cécile et Eva, vous avez choisi. Il est sûr qu’entre la jeune femme dynamique, rompue au débat, et le look grand-mère idéale, petite voix et grosses lunettes, la forme profite à la première. Quant au fond, ben faut aller y voir. Chez Europe Ecologie aussi, leur démarche s’inscrit dans une stratégie…
Le reste est dit par Jean-Dominique Reffait avec humour et talent.
Rédigé par : Claude L | 24 novembre 2010 à 19:11
"Un pouvoir qui voit des pédophiles partout..."
Souffrez, M. Reffait, qu'un homme puisse, à un moment donné, se défendre.
Cela faisait un moment que l'envie de lancer la même démonstration par l'absurde me démangeait.
Je n’aurais peut-être pas pris les pédophiles comme référence.
Quoique...
Pour le reste réjouissez-vous, ils sont si malhabiles et si bêtes que votre candidat va en faire une bouchée en 2012.
PS : Pendant que vous aviez les oreilles tendues sur vos bruits de couloirs éminemment intéressants, j’avais les yeux rivés sur mon écran et écoutais pieusement mon maître au congrès des maires de France.
Cela m'a renforcé dans ma conviction d’avoir choisi le bon en 2007.
A chacun ses points d’intérêt.
Rédigé par : jpledun | 24 novembre 2010 à 17:27
Même s'il est sauvé, même s'il est saisi, il n'est pas à l'abri des pressions.
Le juge de l'affaire Festina se met à table
(lepoint 12/11/2009 )
"le président du tribunal m’a convoqué pour me dire que j’étais indépendant mais que, dans quelques années, « on parlerait encore de Richard Virenque »... sous-entendu : plus de moi"
http://www.lepoint.fr/archives/article.php/394361
Rédigé par : Choubidou | 24 novembre 2010 à 16:45
Rédigé par Monsieur Jean-Dominique Reffait le 24 novembre 2010 à 11:05
"...le Parquet flottant semble s'être mis à fumer l'épaisse moquette..."
Moi, tant que je ne creve pas la dalle...
Rédigé par : Valerie | 24 novembre 2010 à 14:53
Cher JDR
"Je croyais le pouvoir habile à défaut d'être intelligent. Même pas."
Vous vous trompez. Je crois qu'ils sont habiles et intelligents, et s'ils en sont réduits à se ridiculiser ainsi, c'est parce que les choses qu'ils dissimulent sont probablement pires que ce que l'on imagine, même à Mediapart, où pourtant on n'hésite pas à imaginer parfois.
Ils doivent prendre le temps nécessaire pour détruire tous les fils qu'un juge indépendant pourrait être amené à tirer. Voyez ce qu'ont amené des écoutes menées par hasard pour une sombre histoire de tutelle...
Cher PB
Cécile Duflot gagnerait à supprimer ses tics de langage.
C'est "juste" soûlant, comme le faisait remarquer le Petit Journal de Canal Plus.
Rédigé par : Alex paulista | 24 novembre 2010 à 14:34
« A la cour d'assises, loin de Paris, durant la journée, le soir je rentre et un flot d'informations m'accueille. »
Dans l'idée que la cour d'assises était, telle la colline d'Arès, un lieu à l'écart de la Cité, j'ai jeté un œil sur la carte interactive de la mairie de Paris.fr qui permet de localiser par le menu les lieux de Paris et voici que non.
-34, quai des Orfèvres-
-à la pointe de l'île-
-et il y plus précis encore, bientôt les conjoints pourront contrôler si les véhicules sont bien là où ils doivent être...
Quel site superbe en tout cas et quelle chance de travailler dans un tel environnement tous les jours, même dans un bureau calfeutré à l'abri des bruits de la ville.
Rédigé par : Catherine JACOB | 24 novembre 2010 à 13:44
Le mur de Berlin a fini par tomber. La justice française va-t-elle, elle aussi, enfin se libérer... Ne serait-ce que pour gagner quelque place dans un classement où elle fait figure de justice de pays communiste.
Rédigé par : Patrick Handicap expatrié | 24 novembre 2010 à 13:29
@Clafoutis,
vous avez raison, bien sûr.
Rédigé par : Christian C | 24 novembre 2010 à 12:27
Madame Raffeneau, bonjour !
Votre intervention en juin avait retenu
mon attention et je m'étais promis d'y
revenir.
Aujourd'hui vous faites acte de justice en
rappelant vos dires car comme vous le savez : il n'est pas toujours bon d'avoir
un été d'avance...
Rédigé par : calamity jane | 24 novembre 2010 à 12:05
Ne pourrait-on pas classer la Justice
française au patrimoine immatériel de
l'humanité ?
Rédigé par : calamity jane | 24 novembre 2010 à 11:48
@PB
"Il est clair, surtout, que la justice revient doucement à l'honneur"
Il serait temps qu'elle y revienne à cet honneur qu'elle semble avoir perdu de vue !
Quant au juge, perdu ou sauvé, là n'est pas (à mon humble avis de citoyen lambda) le véritable problème.
Tant que la Justice, avec ou sans juge d'instruction, ne procurera pas un équitable traitement (peu importe le système, latin ou anglo-saxon) entre les victimes et le mis en cause dans les enquêtes et les procès, il y aura toujours ce sentiment d'injustice et d'incompréhension qui perdurera.
Désolé d'empiéter sur le billet précédent, mais seule la présence active du citoyen dans le système pourra garantir cette équité.
Il serait temps que la justice revienne à son honneur !
Cordialement
Pierre-Antoine
Rédigé par : Pierre-Antoine | 24 novembre 2010 à 11:38
V'la une bonne chose de faite ! On aura rarement vu un suicide aussi régulièrement programmé depuis l'irruption de ce projet funeste. Dans un superbe crescendo, le Parquet flottant semble s'être mis à fumer l'épaisse moquette élyséenne en rêvant de s'asseoir lourdement sur le Siège. Il s'est pris les pieds dans le tapis et le voilà réduit à l'état de carpette mitée et ses membres rétrogradés au rang de commissaires politiques de l'UMP. Belle dégringolade de la roche tarpéienne en vérité. Je croyais le pouvoir habile à défaut d'être intelligent. Même pas.
Le juge d'instruction n'a rien eu à faire ; il n'eut qu'à considérer médusé le naufrage du Parquet. Le désormais Radeau est condamné à errer jusqu'en 2012, de classements sans suite en réquisitions serviles. Que le juge d'instruction ne se rengorge pas pour autant : sa responsabilité est d'autant plus importante qu'il n'a plus personne face à lui, il est le seul rempart du droit face à un pouvoir qui voit des pédophiles partout et un parquet réduit à mordre sans relâche. Nous devons nous attendre à des entraves multipliées, à des ralentissements de carrières des juges du siège. La charge a commencé : faute d'avoir réussi à mettre la main sur l'instruction, le pouvoir lance son offensive pour affaiblir le Siège avec cette idée absurde de jurés citoyens. Cette initiative n'est que l'envers d'une même médaille : la prise de contrôle espérée de la justice par le pouvoir.
Je crois avoir repéré dans mes amis Facebook un cousin de la préposée aux pots de fleurs de l'Elysée : je suis donc immunisé. Tout n'est pas si noir !
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 24 novembre 2010 à 11:05
@ notre hôte et Christian C.
"Etes-vous sûr que le mot « Etat » est approprié ? Le mot « exécutif » ne devrait-il pas lui être substitué ?"
J'ai le sentiment qu'il ne s'agit, en effet, pas de privilégier les intérêts de l'Etat, ni même ceux de l'exécutif, mais bien ceux des gouvernants concernés, passés et actuels.
Rédigé par : Clafoutis | 24 novembre 2010 à 10:57
Monsieur Bilger,
Encore une fois, bravo!
Mais comment est-ce possible que ce qui devrait être, normalement, le comportement de chacun de nous, nous apparaisse si souvent comme un exploit?
Rédigé par : JM | 24 novembre 2010 à 10:44
Ce retournement de situation est sans doute agréable à ceux qui ont ressenti la réforme comme une vue de l'esprit, privée de la démonstration du fondement sérieux de l'indépendance du Parquet.
Plus gênante est l'inspiration de ce projet refoulé.
Vouloir domestiquer l'enquête, c'est réduire le projet à quelques affaires, sans doute gênantes, mais qui ne préjudicient pas à l'énorme tâche du Parquet au quotidien. Tout le monde n'est pas Woerth ou Balladur.
Méconnaître les pesanteurs et les ambiguïtés politiques est le contraire de ce que sait un politique, a fortiori un Président des politiques.
Vouloir juguler une institution qui, bon an mal an, fait son travail honnêtement, ça n'a pas de sens.
S'exposer à recevoir la démonstration que le projet n'est pas viable, c'est à tout le moins une maladresse.
Je reste perplexe devant tant de confusion sauf à penser qu'il existait une volonté d'américanisation de notre système judiciaire, sans ses bases fédérales, sans son multiethnisme revendiqué et sans ses conséquences souvent désastreuses démontrées.
SI c'est cela gouverner, il faudrait apprendre à ceux-là même qui exercent le pouvoir à cultiver leur jardin. Chacun sait le double sens de l'aphorisme de Voltaire mais peut-être est-ce cette culture-là qui a fait défaut.
Rédigé par : Jean Marie THIERS | 24 novembre 2010 à 10:36
Le lien le plus intéressant, concernant les contradictions dans l'argumentation de Nicolas Sarkozy, est celui-ci:
http://sites.radiofrance.fr/franceinter/ev/fiche.php?ev_id=1524
Rédigé par : Christian C | 24 novembre 2010 à 10:03
Bravo pour cet article qui montre que l'analyse des faits par quelqu'un d'honnête et intelligent, peut faire évoluer une opinion (vous voyez que je ne suis pas toujours critique).
Cordialement,
Jean-Paul SCHON
Rédigé par : Schon Jean-Paul | 24 novembre 2010 à 10:03
Monsieur l’avocat général,
J’ignore quel aveuglement conduit les plus hauts personnages de notre Etat - je n’ose plus écrire république - à dresser ouvertement tous les obstacles possibles devant Renaud Van Ruymbeke et Marc Trevidic. Peut-être cela permettra-t-il à Edouard Balladur et à d’autres d’échapper à une procédure peu glorieuse, mais rien n’aurait pu souligner l’embarras de la tête de l’exécutif de façon aussi démonstrative que ces obstructions répétées, et la conclusion que nombre d’entre nous ne manqueront pas d’en tirer est que décidément, il doit y avoir bien davantage à cacher que ce financement de campagne supposé illicite.
L’édito politique de Thomas Legrand était, ce 22 novembre, encore une fois très lucide : « La seule façon pour le président d’empêcher Dominique de Villepin de continuer d’insinuer le pire, ce n’est pas simplement de laisser faire la justice mais bien de l’aider en lui ouvrant tous les tiroirs de la vérité. Pour l’instant ce n’est pas le cas. Ce qui, logiquement, nourrit la suspicion. »
Une phrase de votre billet me chatouille l’oreille néanmoins : « La réalité a manifesté, dans les affaires "sensibles", la dépendance du parquet et surtout sa volonté, ce qui revient au même, contre la solidarité des valeurs, de privilégier les intérêts de l'Etat, ses exigences interprétées ou explicites. » Etes-vous sûr que le mot « Etat » est approprié ? Le mot « exécutif » ne devrait-il pas lui être substitué ?
Ceux que cette affaire Karachi intrigue trouveront un dossier très fouillé de Benoît Collombat sur ce lien :
http://sites.radiofrance.fr/franceinter/ev/fiche.php?ev_id=1515
L’un des fondements de la démocratie est la confiance qui doit figurer au cœur des relations entre la population et ses représentants. Sommes-nous encore en démocratie ?
Rédigé par : Christian C | 24 novembre 2010 à 09:52
"Je m'étonne moi-même mais j'applaudis."
En même temps, compte tenu de l'ensemble des éléments que vous décrivez dans ce billet, votre enthousiasme me fait un peu mal au coeur.
Car comment se fait-il que votre profession ait pu laisser faire le cours des choses si naturellement et sans franchement réagir au fait que depuis des années 5% seulement des affaires sont confiées à des juges d'instruction ?
Karachi, Woerth - Bettencourt, d'accord.
Je pense que bon nombre de nos concitoyens ont bien saisi, surtout à travers Woerth - Bettencourt, le fonctionnement, disons très prudent et consentant des parquets vis-à-vis de l'exécutif.
Il n'empêche que l'écrasante majorité des enquêtes sont confiées au Parquet depuis longtemps sans que cela n'ait provoqué et ne provoque aujourd'hui des interrogations, en premier lieu chez les magistrats.
Je sais, les affaires du quotidien n'intéressent ni le pouvoir, ni l'Etat, ni en réalité l'univers judiciaire et médiatique.
Mais tout de même, je pense que dans cette dérive sanctionnée par le CEDH votre corporation a une grande responsabilité.
Parce qu'elle a laissé faire et s'est somme toute parfaitement bien accommodée pour ce qui concerne le pénal de tous les jours qui a le tort de n'être ni politique et ni médiatique.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 24 novembre 2010 à 09:49
Même si le juge est conservé, faut-il encore qu'il soit saisi ?
Et pour qu'il soit saisi, combien de temps faudra-t-il encore attendre pour que la France entière ne soit plus obligée de se mobiliser ?
Rédigé par : Choubidou | 24 novembre 2010 à 09:28
M. l'Avocat Général,
Je salue votre "nouvelle" analyse courageuse et pleine de bon sens concernant cette remise en cause du poste de juge d'instruction.
En ce qui me concerne je me suis toujours posé cette question fondamentale : à qui va profiter ce projet de réforme ?
La réponse est on ne peut plus claire et vous l'avez parfaitement exposée.
Cordialement à vous
Rédigé par : Jabiru | 24 novembre 2010 à 09:15
Ah mais, sans vouloir me donner des auto-compliments abusifs, je n'ai pas attendu Christophe Régnard pour dire la même chose que lui !
Pardon de m'auto-citer, mais bon.
"Je ne sais pas du tout quelle sera l'issue de cette affaire, mais je pense qu'elle va donner le coup de grâce au projet de suppression du juge d'instruction.
Des enquêtes exclusivement confiées à des Parquets pilotés par l'officieux, représentant et défendant les intérêts d'une partie dans la procédure et de l'exécutif confondus ne sont simplement pas imaginables une seconde."
Eh oui, c'est signé moi-même le 30 juin à 13h01, à propos de votre billet "La Woerth attitude" 28-06-10
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 24 novembre 2010 à 09:12