C'est une histoire de chasse. Il y a des épisodes dérisoires qui en disent long sur l'art de rendre service et les moeurs politiques.
Maurice Leroy, homme au demeurant sympathique, à la faconde souriante et forcément tolérant puisque communiste, puis bayrouiste, puis du Nouveau Centre, enfin ministre. De la Ville et du Grand Paris (Marianne 2). Il paraît que depuis longtemps il rêvait d'être au gouvernement. Il a plusieurs frôlé le Graal mais le dernier remaniement a été le bon pour lui.
Pierre Charon, une sorte de Fregoli de la politique, s'est vu prêter tant de rôles, une telle influence dans des domaines divers, de l'aide personnalisée aux manoeuvres de haute volée, qu'on ne sait plus trop ce qu'il convient vraiment de lui attribuer ou ce dont sa réputation sulfureuse et envahissante l'a faussement crédité (Le Canard enchaîné).
Ces deux personnes se sont rencontrées à la chasse. Pas là seulement mais d'abord là. Pierre Charon, dont l'Elysée n'a plus désiré la présence à partir du mois de novembre, avait été nommé par le président de la République, dont il était proche, responsable des chasses présidentielles à Chambord. Il semble que cette activité ne consiste pas qu'à tuer des bêtes mais à nouer des contacts. On tire mais surtout on parle. Ce doit être passionnant ! Maurice Leroy y a été invité par Pierre Charon. On devine ce que ces deux bons vivants ont dû échanger entre deux coups de fusils.
A peine ministre, Maurice Leroy nomme Pierre Charon chargé de mission (Le Parisien). Mais de laquelle ? Il sera "facilitateur" - défense de rire ! - pour le "Grand Paris" (Le Monde). Son travail sera de promouvoir, d'expliquer, de persuader, d'exploiter ses nombreux contacts, d'user de ses multiples relations. Le contraire de Christian Blanc qui était un "ours" aussi secret et susceptible que l'autre joue à l'extraverti plein de ressources et riche de son entregent. Elle est tout de même bizarre, cette nomination dont la nécessité n'est pas éclatante, au parfum de mondanité politique, fleurant le copinage, qui montre surtout que Maurice Leroy a un grand coeur et que la chasse n'est pas un passe-temps inutile. Ce qui me fascine, c'est la tranquille évidence avec laquelle tout cela s'est mis en place, avec cette bonhomie un tantinet cynique. Je suis ministre, Pierre Charon a besoin de moi, je n'ai pas besoin de lui mais je le nomme "facilitateur". Il n'y a pas de quoi bouleverser l'Etat mais force est de constater que derrière la morale publique affichée, il y aura toujours de petits arrangements, des réciprocités douteuses, comme si les uns et les autres allaient de soi, qu'ils ne défiguraient pas modestement la démocratie mais permettaient au contraire, en France, de l'identifier à coup sûr. C'est drôle et navrant, en même temps. A la longue, on ne s'émeut plus. Dans la hiérarchie des indécences, il est vrai qu'on a connu infiniment pire ces derniers mois.
Mais comment ne pas finir sur ce nouveau merveilleux métier de "facilitateur" qui mis à toutes les sauces va permettre d'engager et d'employer sans s'arrêter à de misérables détails comme la compétence, le besoin ou l'équité ! Pourtant, derrière la désagréable sonorité de ce mot, on devine que grouillent du clair et de l'obscur. "Facilitateur" est un monde à lui seul. Tout est dit. Je suis persuadé qu'à l'avenir les "facilitateurs" vont surgir à foison dans notre République. Une fonction aussi vague et bienfaisante est inattaquable.
A garder en mémoire pour d'éventuelles reconversions !
Bien, c'est vrai, d'accord, OK : cette République des petits arrangements entre amis, surtout en période de disette, n'est pas acceptable ; vous avez mille fois raison.
Mais imaginez l'inverse : je veux dire un système parfaitement transparent, honnête, sans aucun passe-droit, sans copinage aucun où, selon la belle formule de la Déclaration, les places seraient distribués seulement en fonction des vertus et des mérites de chacun.
Ce serait l'idéal ?
A voir, car on connaît les fruits qu'a produits cette rigueur morale par le passé.
Fanatisme, tyrannie, dénonciations, souffrances injustes...
Un peu de faisandé (puisqu'il s'agit de chasse) pour un peu de liberté.
Danton, Barras, même, plutôt que Robespierre.
Mais, direz-vous, où donc est passé Danton ?
Rédigé par : Frank THOMAS | 14 décembre 2010 à 07:57
Facilitateur, adj et n.m.
Ce mot, tombé en désuétude, a suscité bien des polémiques parmi les linguistes.
Certains auteurs utilisaient "facilitateuse" et d'autre "facilitatrice".
Les premiers défendaient la forme étymologique composée, donnant "facilis", sorte d'enduit plâtreux, composé avec le verbe transitif "tâter". Ils citent VH avec "facilicroqueuse" pour faire foi.
Les seconds optent pour la facilité.
Rédigé par : Zenblabla | 13 décembre 2010 à 22:27
Je ne comprends pas que Philippe Bilger ne soit toujours pas entré au gouvernement !
Qui mieux que lui incarne les valeurs de la droite "de gouvernement" ?
C'est scandaleux qu'un homme d'une telle qualité, d'une telle probité n'ait pas un rôle plus important dans nos institutions !
A croire qu'il paye très (très) cher sa filiation... (Quand pour d'autres ça rapporte gros)
Rédigé par : Native Proud | 13 décembre 2010 à 15:36
Et dire que M.Sarkozy a été élu en nous promettant une "république irréprochable"...
Et que dire de ce ministre de l'intérieur qui proclame impunément son soutien à 7 délinquants !
Rédigé par : twitter.com/Mussipont | 13 décembre 2010 à 14:30
Vous n'êtes pas bienveillant.
Vous pourriez y voir au contraire la force de caractère d'un homme qui sait tirer le parti de la chasse (ou l'inverse), depuis le placard agréable où on l'a mis.
Quand d'autres se seraient morfondus loin de la capitale, ce M. Charon profitait du grand air de sa charge, nouait ou entretenait des amitiés dans des sorties saines en plein air avec des animaux.
Un tel homme a objectivement des talents de facilitateur: malin, discret, efficace, positif, bon communiquant, bon vivant.
Rédigé par : Alex paulista | 13 décembre 2010 à 14:21
@Polochon | 12 décembre 2010 à 22:50
« Selon Wikipédia,
Le facilitateur crée les conditions nécessaires pour que : »
Après vérification, je comprends mieux pourquoi le terme ne figure pas dans les dictionnaires de langue française:
D'après wikipédia toujours: « Le mot "facilitateur" est calqué de l'anglais "facilitator".
Il y a à la fois des éléments communs et des différences avec les rôles d'animateur, de médiateur et de passeur. »
Si comme l'a dit hier à Nicolas Demorand la rose de droite, cette chère Mme Bachelot-Narquin dont le Joker+ personnel paraît être l'impeccable dentition étincelante, « La politique est un jeu terrible », de Terminator à Facilitator, quand on ne sait pas comment montrer les dents, Tatort t'as tort, mais 'Confidence, pour Confidence', il reste : « Allo je suis bien chez la Fille du Gobernator? Oui? Bonjour, bonjour, ici une amie du commissaire Rimmel, écoutez je viens de jouer pour la première fois à votre jeu Facilitator+. Oui, j'adore, j'adore et j'ai gagné... à un Tatort près, bon un simple Taxi nach Leipzig dans le fond ça n'a pas beaucoup d'importance, surtout que j'avais le Tatort d'à côté et j'me disais qu'on pouvais peut-être trouver une solution? […] Ah mais non, je n'quitte pas, je n'quitte pas.... »
« Allo? DA DA, avec la nouvelle option + ou – 1 quand vous avez perdu à un Tatort près vous avez gagné ! Avec Facilitator+ Mettez encore + de chances de votre côté! »
- Voir ou revoir au besoin l'original en cliquant sur mon nom.
Rédigé par : Catherine JACOB | 13 décembre 2010 à 11:52
mrd, je hais la chasse... et les chasseurs !
Rédigé par : catherine A râpé pour moi | 13 décembre 2010 à 09:55
@Polochon
C’est vrai que facilitateur est un beau métier quand on voit toutes ses prérogatives.
En fait ça me fait penser à secrétaire d’Etat. Généralement plus le titre est ronflant, plus le poste est bidon.
Regardez Frédéric Lefebvre : Secrétaire d'Etat, chargé du commerce, de l'artisanat, des PME, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.
Alors que Michèle Alliot-Marie ministre des Affaires étrangères et européennes. Avouez que c’est beaucoup moins impressionnant.
Rédigé par : Achille | 13 décembre 2010 à 09:16
Selon Wikipédia,
Le facilitateur crée les conditions nécessaires pour que :
1.l'envie de participer des acteurs ne soit pas freinée,
2.l'équilibre participatif au sein du groupe soit assuré,
3.le respect des uns par les autres soit suffisant,
4.les textes et illustrations produits soient correctement organisés,
5.l'accès aux prestations devienne possible, compte tenu de la complexité des réseaux et de leurs diversités.
Pour ce dernier point, le facilitateur doit avoir une très bonne connaissance du terrain professionnel dans lequel il travaille. Il doit assurer un rôle de plaque tournante, d'interface et de conseiller entre l'utilisateur, ses besoins et les prestataires de services.
Qui a dit que c'était un métier bidon ?
Mieux vaut être facilitateur à Paris que liquidateur à Tchernobyl.
Rédigé par : Polochon | 12 décembre 2010 à 22:50
Très subtil le titre de votre billet.
A part ça, rien de nouveau sous le... la neige.
Rédigé par : jpledun | 12 décembre 2010 à 22:31
Il ne faut surtout pas oublier dans le long cheminement de Maurice Leroy qu'il a été un membre des réseaux Pasqua et que cela ne s'oublie jamais.
Rédigé par : paul marie bertrand | 12 décembre 2010 à 14:30
Après la chasse ? un bon repas, précédé d'un apéro et suivi d'un café grand armagnac cigare de cuba.
Et retour d'ascenseur en prime.
Entre gens de bonne compagnie, la démocratie a tout à y perdre sa place.
Mais attention que le bon peuple ne joue pas à "qui perd gagne".
Cordialement
Pierre-Antoine
Rédigé par : Pierre-Antoine | 12 décembre 2010 à 14:22
Oui, oui ! on passe mieux entre les mailles
du filet avec un "r" qu'avec deux... ou, si
vous préférez on passe mieux dans le chas
d'une aiguille bien sûr, etc.
Dans le même ordre d'idées, un avocat
plaideur ayant obtenu satisfaction contre
la Sncf, question horaires et sachant que
le précédent est donc créé, la Sncf a prévenu que des médiateurs seront disponibles. Comprenons que les médiateurs-filtrateurs vont gentiment déconseiller aux usagers lésés de se pourvoir en remboursement.
L'art de l'embrouille in nomine republica
est enfin parvenu jusqu'à nous.
Rédigé par : calamity jane | 12 décembre 2010 à 14:17
Dans le genre combines en tous genres, celles - rapportées par le Monde - du Président du CRAN, à l'intransigeance fluctuante, et futur président - paraît-il - d'un Observatoire du Racisme ne sont pas mal non plus... Encore un "facilitateur" !
Rédigé par : Guzet | 12 décembre 2010 à 13:56
Suite et fin du post précédent, exemple d'un 'Entre-deux':
Rédigé par : Catherine JACOB | 12 décembre 2010 à 12:14
Bonjour,
C'est très drôle. Des pistes s'ouvrent : "intrigateur", "potdevintateur",
"propulsateur", un monde où chacun aura sa place. Sans compter les inverses : "complicateur", "bordelateur",
"chianlitateur"...
Enfin un peu de délire dans cet océan de bons élèves.
M. Leroy devrait être élevé au grade de la légion de "nommateur".
Bon dimanche. H. Dumas
Rédigé par : temoignagefiscal | 12 décembre 2010 à 11:50
Or donc Pierre Charon, avec un seul « r », « conseiller en communication », nouveau facilitateur, passeur en somme, et qui n'est ni le nocher infernal, ni le chien fauve d' « Aktæôn le chasseur, » dévoré par sa propre meute pour avoir surpris Artémis au bain (et mis en quelque sorte le nez dans son intimité), s'est donc retrouvé puni pour avoir, pour sa part, « mis l'origine des rumeurs qui ce printemps se régalaient du couple présidentiel, sur le dos de Rachida Dati, en se voyant relégué « à la gestion des chasses présidentielles de Chambord (sachant que le Président ne chasse pas) ». Mais quel n'a pas été là sa chance en réalité, puisqu'il y fit la connaissance de « Maurice Leroy, homme au demeurant sympathique, avec une faconde souriante et forcément tolérante, », un homme qui fait donc doublement penser à J.P. Raffarin avec dix ans de moins, ce qui, soit dit en passant, permet de conserver en façade l'image de ce dernier tout en l'effaçant, une forme de phagocytage dans lequel excellent depuis quelque temps certains services, et facilitateur dont le nom évoque aux érudits « l'homme au 25 enfants » et le prédicateur de Marguerite de Navarre, destiné, en digne disciple des antiques Charites, à huiler les rouages ('charron', mais avec deux 'r', oblige) des relations extérieures de l'UMPPA, du PS, de l'UDF, du Nouveau Centre, de l'UMP tout court, et que sais-je encore, ainsi que de tous leurs météores et autres people.
Vaste tâche et vaste programme même si le mot est un néologisme qui ne figure pas dans le dictionnaire.
Ne vous moquez donc pas de ce facilitateur, dont l'ancêtre est le vieil entremetteur qui ainsi passe des affaires galantes qu'évoque aussi quelque part le rendez-vous de chasse (vu qu'il semble bien en effet « que cette activité ne consiste pas qu'à tuer des bêtes mais à nouer des contacts. On tire mais surtout on parle », on parle et quelque fois donc aussi, on 'tire'), aux affaires tout court.
Les Japonais utilisent pour nommer cette profession qui dans l'ensemble jouit chez eux, ainsi qu'en général chez les orientaux, d'une meilleure presse que chez nous, du terme de 仲立ち ( Naka_Dachi: celui qui se dresse entre) ou encore媒介 (Baï_Kaï) comme dans Baï_Kaï_Go (媒介語) qui représente une autre façon de nommer l'anglais en tant que langue internationale entre deux interlocuteurs qui souvent ne le parlent correctement ni l'un ni l'autre, donc à la fois 'remède aux' et 'créatrice de', problèmes de communication, et enfin 手引き (Té_Hiki), celui tire par la main -ou le bras-, hors de l'ennui et le conduit le tiré en sûreté sous sa sauvegarde.
Un bon exemple en est le 仲人 ou Nakōdo, l'homme -ou la personne- entre les deux, celui des mariages arrangés, qui donc enquête de part et d'autre, renseigne, fait passer les messages, invente des légendes aussi quelquefois, mais en somme « facilite » la chose, ce qui est parfois une bonne chose mais parfois aussi le commencement de la fin...!
Rédigé par : Catherine JACOB | 12 décembre 2010 à 11:28
On connaît les chasseurs, les proies sont nombreuses.
Rédigé par : SR | 12 décembre 2010 à 10:09
Cher Philippe Bilger,
Je vous trouve bien injuste pour ce pauvre Pierre Charon, théologien et philosophe, moraliste qui composa un Traité de la Sagesse ; répondant aux attaques dont il était l'objet, ce traité provoqua un scandale : il y défendait la tolérance religieuse…
Au temps pour moi, j’étais en train de dresser le panégyrique de Pierre Charron (1541-1603), théologien et philosophe (merci Wikipedia).
Si Pierre Charon est le Fregoli de la politique, Maurice Leroy est l’Arturo Brachetti de la discipline.
Quel « team », qui vient à propos nous rappeler à quel point la politique n’est plus, depuis lurette, le champ de l’intérêt public, mais bien celui d’un spectacle d’autant plus consternant que le costume et les breloques ont pris le pas, ô combien, sur le contenu.
Rédigé par : Christian C | 12 décembre 2010 à 09:56
Facilitateur : combien ça coûte ? combien ça rapporte ? et qui c'est qui paye ?
Rédigé par : Jabiru | 12 décembre 2010 à 09:32
Bonjour Philippe Bilger,
« Je suis ministre, Pierre Charon a besoin de moi, je n'ai pas besoin de lui mais je le nomme "facilitateur". Il n'y a pas de quoi bouleverser l'Etat mais force est de constater que derrière la morale publique affichée, il y aura toujours de petits arrangements, des réciprocités douteuses, comme si les uns et les autres allaient de soi, qu'ils ne défiguraient pas modestement la démocratie mais permettaient au contraire, en France, de l'identifier à coup sûr. C'est drôle et navrant, en même temps. A la longue, on ne s'émeut plus. Dans la hiérarchie des indécences, il est vrai qu'on a connu infiniment pire ces derniers mois. »
C’est généralement ce qui se passe dans des régimes oligarchiques. Les petits arrangements du type passe-moi le sel, je te passe le poivre sont monnaie courante.
Il faut dire que Maurice Leroy en parfait Rastignac, prêt à toutes les compromissions, les renoncements et les trahisons pour assouvir ses ambitions y est parfaitement à l’aise. Et son entregent peut effectivement être d’une certaine utilité.
Alors effectivement des « facilitateurs » on risque d’en trouver un peu partout pour entretenir ce système des bons copains. On eut préféré cependant des facilitateurs pour lancer la croissance, ouvrir le marché de l’emploi, réduire les inégalités sociales. Mais là, bien sûr, il ne s’agit plus de faire de la figuration et se réunir dans des « pince-fesses » huppés. Là c’est du travail, alors...
Rédigé par : Achille | 12 décembre 2010 à 09:00