Je ne sais pas si la justice elle-même est "en état de coma dépassé" mais on ne peut nier qu'elle souffre, va mal, a un souffle au coeur et à l'esprit et ressent "un malaise".
Pourtant, quelque chose se dessine qui ressemble sinon à une aurore du moins à une embellie, à une rémission. Le procureur général Nadal a "ouvert les vannes" et je suis persuadé que la liberté de parole va dorénavant parfois se manifester dans des enceintes guère habituées à en bénéficier. Par exemple, il est symptomatique que le premier président de la cour d'appel de Paris "ait invité le corps judiciaire à faire sa propre autocritique", tout en dénonçant le caractère ravageur de la mise en cause, par les politiques, des décisions judiciaires. Est-il possible d'espérer que dans ce rapport trop longtemps inégal entre Justice et Pouvoir, la première recouvre quelque chance face au second ?
Robert Badinter, il y a quelques jours, a déclaré que "jamais il n'y a eu un malaise aussi profond chez les magistrats". C'est sans doute vrai même si probablement, au cours de l'histoire judiciaire, on n'a jamais connu de période sans états d'âme ni récriminations. Notre difficulté d'être est en partie chronique. Robert Badinter, dans le même entretien, porte un regard à la fois compassionnel et agaçant sur la justice française comme si elle était "une pauvre petite chose", une sorte de Cendrillon. Il se plaint que nous n'ayons "aucune reconnaissance nationale ni dans les sondages ni du côté de la presse et encore moins du côté des autorités officielles" (émission Dimanche Soir Politique : France Inter-Le Monde-iTélé).
Puis-je souligner que sur ce plan, notre seul souci relève de notre relation avec les autorités officielles, la presse ni les sondages ne constituant un moyen d'évaluation et d'information fiable sur la réalité judiciaire, ses atouts et ses faiblesses. Il est normal que les citoyens n'aient pas un enthousiasme débordant pour un service public singulier comme le nôtre auquel on n'a recours qu'en dernière extrémité. Quant aux médias, bien loin de se contraindre à une description objective, ils raffolent d'une vision manichéenne qui fait de l'univers pénal une menace constante contre laquelle "les chevaliers blancs du barreau" se battraient sans se lasser.
Il est clair que la seule obsession qui vaille, c'est celle de notre compagnonnage à la fois nécessaire et orageux avec le Pouvoir - celui d'aujourd'hui comme celui de demain si en 2012 il changeait.
Je voudrais attirer l'attention sur l'une des causes, peut-être l'essentielle, de ce malentendu permanent. C'est la manière dont l'Etat, par l'entremise du président de la République, jette dans le débat public, en matière judiciaire, des propositions, des intuitions, des hypothèses, des certitudes, des approximations et des fulgurances qui se résument toutes en un ordre jamais véritablement discuté ni même authentiquement débattu. Ce qui désole intellectuellement la magistrature, c'est que rien de ce qui la concerne n'est profondément et durablement PENSE. Tout s'accomplit dans une forme d'urgence et d'improvisation qui non seulement détourne des problèmes fondamentaux de la Justice mais rend impossible une analyse lucide et sereine dans le domaine concerné. Le contraire de cette démarche précipitée reviendrait à examiner les impulsions ou pulsions présidentielles au regard de la réalité des cours d'assises et notamment de la manière dont les jurés, le premier jour de chaque session, traînent des pieds et de l'esprit pour venir respecter une obligation civique en invoquant mille excuses et dispenses pour avoir le droit d'y échapper. Alors que pourtant leur rôle est capital pour le registre criminel. Qui, parmi ceux qui vont réfléchir autour du garde des Sceaux, est en mesure de faire valoir le poids du réel quotidien et des expériences vécues pour apporter au président et à ses méconnaissances les lumières, les contradictions utiles ? La courtisanerie la plus grave consiste à vanter l'excellence d'un projet non pas en raison de sa qualité mais pour complaire à celui qui ne vous laisse le choix qu'entre l'assentiment ou l'adhésion ! Rien n'est pire que cette impression déprimante que de devoir constater que ceux qui ne savent pas, en matière de Justice, ordonnent et que ceux qui savent sont condamnés ou se condamnent à se taire. Pour les réformes techniques et à vocation démocratique, jamais le moindre téléscopage n'est opéré pour faire surgir une vérité plus fiable, plus consensuelle, entre les concepts et ce qui se dégage des pratiques. Ce ne peut pas être que l'affaire des politiques mais pour le moins de politiques modestes, éclairés, respectueux des leçons du réel et prêts à réviser une méthode de diktats pour la remplacer par une stratégie de vérité et d'ajustements. Le président se félicitera peut-être après mais il n'aura jamais raison avant tout seul.
Lui-même d'ailleurs ne l'a-t-il pas senti, puisqu'il est passé lors de ses voeux au pays de la justification de la présence du peuple dans les tribunaux correctionnels pour apporter une sévérité accrue, à l'éloge "d'un acte d'intégration et de citoyenneté" ( Le Figaro, Le Monde). Ce qui n'est plus du tout la même chose et ne rend pas moins absurde la prétendue avancée technique avec les coûts afférents ni moins aléatoire le prétexte démocratique. Encore une fois, quelle insanité que de prétendre retirer les jurés de là où ils sont nécessaires pour les imposer là où ils ne seront pas utiles ! Pas seulement parce que juger est un métier, comme l'a rappelé Robert Badinter, et qu'appréhender des crimes est infiniment plus ouvert à une culture générale qu'examiner et sanctionner des délits. Mais aussi parce que la démagogie est le contraire de la République et qu'il n'est pas honteux de résister à la tentation de l'action quand celle-ci n'est pas le prolongement d'un vrai débat ni d'un vide à combler mais leur substitut !
Que l'Etat nous permette d'avoir une Justice libre et digne de ce nom et nul besoin alors d'installer le peuple là où il n'aurait que faire : les citoyens seront fiers de leurs juges et proches d'eux. La démocratie par le haut, pas la "cuisine" par le bas !
Le malaise que je ressens en tant que simple citoyen ignorant de la chose judiciaire est relatif aux récidives de criminels libérés après plusieurs condamnations sans que les peines qu'ils avaient à purger n'aient été accomplies. Ceux qui leur ont redonné leur liberté ne se manifestent guère. Petit problème sans doute comparé au malaise des hierarques de la justice mais grande plainte des Français sans réponse satisfaisante.
Rédigé par : mike | 23 janvier 2011 à 16:02
Cher Monsieur Bilger,
Il est heureux qu’il y ait un malaise dans la magistrature, car s'il en était autrement alors qu’on ne peut y faire carrière sans appartenir aux « réseaux et fraternités », c’est qu'ils seraient tous corps et âme soumis à un régime totalitaire.
Mais au fait, n’y serions-nous pas sans même que le bon peuple s’en rende compte ?
Ce totalitarisme ne serait-il pas celui de la bien-pensance et du politiquement correct ?
Celui du vénérable Maître Dumas rendant visite à son vénérable frère Gbagbo ?
Mais aussi celui de votre blog dans lequel rien ne transpire à ce sujet hautement tabou ?
Eh oui, parce que si vous vous êtes « mouillé » comme aucun haut fonctionnaire ou magistrat n’a osé le faire depuis bien longtemps, on ne peut pas dire que vos admirateurs se soient pressés au portillon pour vous soutenir.
Ils en sont tous, où ils sont tous morts de trouille ?
Quant à la confrontation parquet/siège, pour ne pas dire droite/gauche, si vous ne pouvez évidemment l'exposer ainsi, là aussi, on ne peut pas dire que les intellectuels se battent pour occuper les premières colonnes.
Il est vrai aussi, qu'il y a les fraternels réseaux de droite et de gauche. Ils s'étripaient déjà sous la révolution entre pro monarchie parlementaire et rouges - ce qui ne les empêche pas de s'embrasser chaleureusement lorsqu'ils se rencontrent.
Qui a dit malaise ?
Rédigé par : xn | 17 janvier 2011 à 10:39
"Ah si, le citoyen rural devra faire des kilomètres en plus, indispensable progrès."
Faites la fine bouche. La réforme de la carte judiciaire était réclamée depuis des décennies.
Personne n'a osé. Quand je vois les réactions épidermiques de la corporation, je comprends mieux pourquoi…
Tous les Français n'ont pas affaire á la justice. Parlez de justiciable plutôt que de citoyen.
Rédigé par : jpledun@ M. Reffait JD | 16 janvier 2011 à 17:24
@ Native Proud
"J'ai l'impression qu'il tourne en rond, et que ça le rend nerveux, à moins que ça soit purement à cause de griefs personnels ?"
Le billet de R. Faurisson avec son introduction expéditive, sommaire et abjecte qui disqualifie d'entrée le propos général de la note, donne une idée de l'insuffisance et de la suffisance du personnage Faurisson.
"Aujourd’hui, il (Philippe Bilger) n’est plus contre la loi Gayssot : " elle fait partie du corpus [législatif]. Elle est là.""
écrit R. Faurisson.
Mais enfin, le débat de Philippe, magistrat - de tout magistrat - dans sa pratique judiciaire, n'est pas d'approuver ou de contester une loi, mais d'ancrer, d'encadrer et de border son analyse de praticien de tel ou tel délit ou crime sur et par la loi, quelle qu'en soit l'opinion que l'homme privé, l'intellectuel, le citoyen peut porter sur elle.
Sans l'observation de cet impératif-là, il n'y a plus de magistrat, il n'y a plus que des tribunaux transformés en tribunes idéologiques et partisanes.
Comme je l'ai écrit dans le post précédent la loi est la règle collective et commune.
Le citoyen a parfaitement le droit et la liberté de la discuter, et au besoin de la combattre. Un magistrat dans un tribunal est absolument tenu de s'y référer.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 16 janvier 2011 à 07:05
@témoignage fiscal
Dans le petit commentaire que j'ai posté
pour le sujet "Nadal c'est trop tard" : j'y
faisais la remarque : Etat de droit ou
état de droit ? et également concernant
la Loi : que nul ne saurait ignorer !
Les questions les plus simples révèlent
souvent fois des soutènements complexes.
Rédigé par : calamity jane | 15 janvier 2011 à 21:12
Robert Faurisson s'emporte contre Philippe...
Je ne sais pas quelle mouche a piqué Robert Faurisson, mais je le trouve particulièrement virulent contre Philippe. J'ai l'impression qu'il tourne en rond, et que ça le rend nerveux, à moins que ça soit purement à cause de griefs personnels ?
http://robertfaurisson.blogspot.com/2011/01/philippe-bilger-en-apotre-de-la-shoah.html
Il ferait mieux de parler de Vincent Reynouard qui est à nouveau inquiété par la justice dans une nouvelle affaire (l'envoi de DVD révisionnistes à 120 lycées)
http://csvr.wordpress.com/2011/01/15/acharnement-judiciaire-vincent-a-ete-auditionne-pour-lenvoi-de-120-dvd/
Rédigé par : Native Proud | 15 janvier 2011 à 19:53
Pourquoi soutenir que les juges ne sont pas libres, alors que bien souvent ils n'appliquent pas la loi qui s'impose à eux, mais à laquelle ils résistent souvent avec raison.
Ainsi les procureurs qualifient des crimes en délit et des délits en contraventions, ne requièrent pas les peines planchers, etc. et les juges ne motivent pas leurs jugements, font fi des peines planchers ; les juges d'instruction rendent des ordonnances de renvoi qui sont des copiés collés des réquisitions du parquet, n'instruisent pas à décharge, etc.
Il me semble que les magistrats restent libres d'appliquer la loi ou non selon leurs personnalité ou opinions.
Le président Badinter lui, pense-t-il que les magistrats ont été plus à l'aise sous Vichy, pour soutenir qu'ils n'ont aujourd'hui jamais été si mal à l'aise...
Rédigé par : proxim | 15 janvier 2011 à 19:16
Bonjour,
Les émois de la justice sont récurrents, du côté des magistrats.
Puis-je me permettre d'évoquer le point de vue des citoyens?
Certes, comme tout un chacun, je suis débordé d'informations au sujet de certains crimes, qui je suppose doivent "faire vendre du papier". J'ai beaucoup de mal à apprécier la qualité du service judiciaire à ce niveau. Je pense sincèrement qu'il est peu probable que je sois amené à être concerné par une audience de cour d'assises, en tout cas je ne le souhaite pas.
Mon besoin de justice est beaucoup plus prosaïque. C'est ma vie de tous les jours qui nécessite des arbitrages judiciaires. Ce sont les droits du travail, du commerce, de la construction, de la route qui journellement qui me tracassent.
Je constate, chaque jour, dans ces domaines qui me touchent de prés, que les règles que je croyais devoir être appliquées, ne le sont pas. Je constate que la loi du plus fort est la règle. Peut importe que le plus fort ne soit pas fatalement celui que l'on croit, il peut être le politique, le syndicaliste, le patron, sa loi n'est pas la bonne.
J'imaginais que la justice avait pour fonction, notamment, d'éviter l'épanouissement de la loi du plus fort au profit de la loi tout court. Or, ce n'est objectivement pas le cas.
Les magistrats prétendent manquer de moyens, ce qui expliquerait la médiocrité de leur prestation. L'expérience m'a prouvé que ce n'est pas le fond du débat.
La vérité est qu'ils sont très dépendants de la loi du plus fort, tout simplement parce qu'ils ont complètement perdu de vue le sens de la loi. Combien de magistrats comprennent les règles de l'économie. Alors que déjà la plupart d'entre eux considèrent que l'économie est en soi une activité méprisable, comment auraient-ils l'envie de faire appliquer les règles de l'économie? Il en est de même dans tous les domaines ordinaires de la vie.
La justice, arbitre du jeu, ne s'intéresse pas aux règles du jeu, comment rendrait-elle la justice? Et par ailleurs, comment les Français peuvent-ils jouer la partie sans arbitre?
Il me semble que là est la vraie question, loin il est vrai des cimes de l'olympe.
Cordialement. H. Dumas
Rédigé par : temoignagefiscal | 15 janvier 2011 à 18:29
@ caliméro
Pour le Ç, on peut aussi taper ALT 128 (c’est plus court et plus facile à retenir).
Quant au œ entrelacé généralement le traitement de texte Word reconnaît automatiquement les mots qui en sont composés (en tout cas le mien).
Rédigé par : Achille | 15 janvier 2011 à 18:27
Rectificatif concernant mon post de 15:07 :
j'aurais dû écrire "leurs détenteurs" et non pas "ils".
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L’autorité ou le pouvoir - quels qu’ils soient - ne devraient jamais avoir pour objet, et encore moins pour priorité, de plaire ou de complaire, mais de faire essentiellement le travail pour lequel leurs détenteurs ont été élus ou désignés.
Rédigé par : Mary Preud'homme | 15 janvier 2011 à 18:04
Un peu de technique.
Pour écrire "vœux" et non pas "voeux", pour faire le "œ" il faut faire : Alt-maintenu-0156
En majuscule : Alt-maintenu-0140
Pour le Ç (c cédille majuscule) : Alt-maintenu-0199
Rédigé par : Caliméro | 15 janvier 2011 à 17:06
Philippe Bilger a écrit avec raison :
« Puis-je souligner que sur ce plan, notre seul souci relève de notre relation avec les autorités officielles, la presse ni les sondages ne constituant un moyen d'évaluation et d'information fiable sur la réalité judiciaire, ses atouts et ses faiblesses. Il est normal que les citoyens n'aient pas un enthousiasme débordant pour un service public singulier comme le nôtre auquel on n'a recours qu'en dernière extrémité. Quant aux médias, bien loin de se contraindre à une description objective, ils raffolent d'une vision manichéenne qui fait de l'univers pénal une menace constante contre laquelle "les chevaliers blancs du barreau" se battraient sans se lasser… »
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Bien d’accord avec vous, cher Monsieur.
L’autorité ou le pouvoir - quels qu’ils soient - ne devraient jamais avoir pour objet, et encore moins pour priorité, de plaire ou de complaire, mais de faire essentiellement le travail pour lequel leurs détenteurs ont été élus ou désignés.
Or, ne sont-ce pas les médias ou les instituts de sondages qui de nos jours infléchissent trop souvent les plus justes décisions ou les réformes nécessaires de ceux qui sont en charge de l’ordre et de l’autorité à tous les niveaux, y compris dans les plus hautes instances, quand elle ne les induisent pas de bout en bout avec les conséquences néfastes que l‘on sait. La réputation, bonne ou mauvaise et souvent fabriquée de toutes pièces, les commérages et les rumeurs sournoisement instillés dans les esprits, tels sont les maux qui taraudent notre société (y compris nos gouvernements) et sapent peu à peu les plus sûrs fondements de notre démocratie. A trop vouloir plaire ou ne pas déplaire, se montrer sous un jour flatteur, tester sa popularité, l’adhésion ou le désamour que l’on suscite, et vouloir y remédier à tout prix, l’on finit par être transformé en girouette ou en malade imaginaire et compulsif, ne plus rien faire de sensé et de construit et finalement être réduit à l’impuissance (si l’on gouverne) ou à une contestation de pure forme (si l’on est gouverné), cette dernière posture néo révolutionnaire, intolérante ou sectaire tenant lieu de rente de situation (exemple les gauches françaises guimauves, propriétaires à vie des voix d’un peuple avachi ou l‘extrême droite arc-boutée sur ses phobies).
La France gavée d’informations et bardée de béquilles tous azimuts ne sait plus où donner de la tête et marche de plus en plus mal. Un seul remède à tout cela, une bonne diète, de saines lectures et de fructueuses rencontres en lieu et place d’un matraquage médiatique incessant qui obscurcit la raison ou d’un assistanat pervers qui déresponsabilise et engendre le mal-être. Toutes prises de conscience et résolutions qui devraient conduire au retour de l’esprit critique, à un minimum de confiance en nos institutions (judiciaires entre autres) et, par voie de conséquence, à une gouvernance assainie et à une opposition intelligente, crédible et non manipulatrice et sottement manichéenne.
La France, « notre cher et vieux pays », le mérite… La France le veut !
Bonne année à tous.
Rédigé par : Mary Preud'homme | 15 janvier 2011 à 15:07
Bonjour M. Bilger
Vous écrivez :
..."Robert Badinter, dans le même entretien, porte un regard à la fois compassionnel et agaçant sur la justice française comme si elle était "une pauvre petite chose", une sorte de Cendrillon. Il se plaint que nous n'ayons "aucune reconnaissance nationale ni dans les sondages ni du côté de la presse et encore moins du côté des autorités officielles"".........
.....................
Ce pôv' Badinter, voilà qu'il nous la joue victime... Faut dire que depuis que son idéologie démagogique gauchiste a sclérosé et anesthésié le corps de la magistrature, cette institution met beaucoup du sien pour se faire détester.
Ne revenons pas sur les nombreuses bavures judiciaires criminelles ubuesques, par respect pour les victimes...
Décidément après Battisti hier, j'ai beaucoup d'oignons à éplucher en ce moment pour essayer de verser quelques larmes sur ces pôv'... messieurs.
Rédigé par : sylvain | 15 janvier 2011 à 14:00
Lu dans J'essaime de décembre 2010 - janvier 2011
"LA PAROLE LIBRE D’UN (ANCIEN ?) MAGISTRAT DU PARQUET : "Le parquet français est un mort en sursis" Entretien avec Samuel Corto,auteur du roman Parquet flottant"
"la servilité autant verticale qu’horizontale des procureurs aux obsessionnels de la répression, marquée
par un zèle statistique sans précédent,
les a sortis de la sphère judiciaire depuis des années. Ce n’est aucunement en réformant le mode statutaire de désignation que la solution sera trouvée, car le mal est mental."
"Qui porte la responsabilité de cet état actuel de la justice ? Je doute d'être très habilité pour y répondre mais mon avis (très) personnel, puisque vous me le demandez, est le suivant : la responsabilité est toujours celle des
individus, jamais celle d'un système. Les magistrats sont des poulets dodus, emmitouflés dans la soie d'un statut qui les materne et les récompense. Aucun esprit de résistance ne peut venir les habiter et leur recrutement par ce goût si français du concours les anesthésie pour la vie,
faute d'expérience alternative. C'est cette nudité devant l'esprit de résistance qui a fait d'eux les premiers collaborateurs du désastre."
http://syndicat-magistrature.org/J-essaime-pour-une-autre-justice,1424.html
Rédigé par : Choubidou | 15 janvier 2011 à 12:54
Si j'en crois les interventions de M. Garraud - député UMP en charge de ce projet de réforme - dans la table ronde diffusée sur la chaîne parlementaire et à laquelle vous avez participé, de mon point de vue, l’énorme souci de ce projet de réforme est qu'il va aboutir à créer des jurés désignés on ne sait pas comment, au final ne représentant que des intérêts particuliers et idéologiques, de type associatifs et partisans.
Les aspects concret, technique et d’organisation que vous soulevez ne seront pas, à mon avis, le moins du monde pris en compte. L’idée est de créer des jurys abusivement présentés et définis comme populaires, constitués par la force des choses et par le poids de la politique, d’une part par des socio-judiciaires, avec une surreprésentation de professionnels du social, du para-judiciaire et de l'éducatif qui va avec, de l’autre par des tenants du victimo-judiciaire, avec une surreprésentation des associations de victimes.
Autant dire, de quelque côté où l'on se place, au final, un projet construit pour l'expression et la représentation des politiquement judiciaires corrects et partisans.
Rien, strictement rien à voir avec le juré populaire tel qu'on le connaît dans les cours d'assises.
Imaginons seulement dans ces conditions la décision de cette caricature de jury populaire dans une affaire de délit d’opinion comme le procès actuel d’Eric Zemmour.
Toutes les difficultés pratiques et techniques que vous listez ne comptent pas et ne compteront pas pour les concepteurs du projet.
Avez-vous vu seulement une fois un projet de loi prendre en compte l’environnement concret d'un projet de loi et de son application ?
De toutes façons, l’objectif du projet de M. Garraud tel qu’il le décrit dans cette table ronde n’est pas du tout d’introduire d’authentiques jurés populaires dans les cours correctionnelles, mais bien celui de supprimer les jurés populaires des cours d’assises pour les remplacer par des relais d’inspiration associative.
En clair: faire rentrer dans les prétoires la politique et la passion militante.
Je suis opposée à cette transformation à venir qui va exploser toute notre tradition de jury réellement populaire.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 15 janvier 2011 à 09:16
Vous avez dit malaise de nos magistrats ?
Je relativiserai votre propos dans ce billet. Le qualificatif "malaise" reste au bas mot faible en regard de la situation générale française de nos PME et des salariés. Une petite piqûre anti-malaise magistrale de rappel s'impose ! C'est toute la population française salariée qui ressent le malaise et qui le porte sur ses épaules avec en prime le fardeau d'un PIB de retard !
Comparaison.
Les magistrats, "nantis de notre République sont parmi les agents de l'État toute proportion gardée, les plus sanctionnés, rarement virés mais mutés au bagne à Cayenne avec les policiers". Ils émargent au départ de leur carrière par une rémunération de base en mai 2007 (à la prise de pouvoir de Notre Seigneurie) d'un net mensuel moyen au second grade 1er échelon de 2 578 à 8 563 euros en fin. (Indemnité de fonction+prime modulable+indemnité de résidence+ prime d'astreinte). Nos magistrats ont également accès, par l'intermédiaire de l'Ecole de la magistrature, à la formation continue tout au long de leur carrière :-Actualisation et approfondissement des connaissances juridiques et des pratiques professionnelles. - Cours sur les grandes questions de la société contemporaine, etc.
La plupart de nos présidents directeurs généraux de PME françaises sont donc très loin d'émarger sur ce montant de rémunérations de la magistrature soit 3973,41 mensuels net moyen en mai 2007. Seule la finance s'octroie le double et serait donc comparable avec un magistrat en fin de carrière. Leurs salariés commencent en général au Smic tout en possédant parfois aussi une licence, sans compter leur formation qu'ils paient au prix fort ! Et quant arriva la crise, bien qu'ils manquèrent de trésorerie en ayant leur carnet de commandes pleins, les banquiers leurs ont refusé l'avance de trésorerie pour payer les salaires de leurs employés; les contraignants pour certains au suicide...
Il me semble pas constater beaucoup de suicide parmi la hiérarchie des magistrats français malgré ces "profonds malaises d'un coma dépassé". Mais ils existent dans bon nombre d'entreprise. Qui se soucie de leur malaise et des millions de sans emploi avec 400 euros mensuels pour vivre grâce à certains patrons délinquants qu'aucun magistrat ne poursuit ?...
La cause essentielle est définie et hélas vous avez bien raison M. Bilger de la clamer.
Le passage du second au premier grade est soumis à l'inscription d'un tableau d'avancement dressé par une commission indépendante (CSM-syndicats). Il nécessite 7 ans d'exercice professionnel, dont 5 ans minimum en qualité de magistrat dans une juridiction ou l'administration centrale du ministère de la Justice. Le passage en hors-hiérarchie s'effectue au choix de l'autorité de nomination sur proposition ou sans de Notre Seigneurie avec avis conforme du CSM ou sans pour les magistrats du siège.
Encore faut-il s'entendre sur la dénomination "commission indépendante".
En effet ce corporatisme ou compagnonnage politique est bénéfique à celui d'un clan en fonction, majoritaire de la couleur politique de l'exécutif au pouvoir ayant pour seul but de lui être agréable donc quoi que vous en disiez soumis à la décision de Notre Seigneurie que vous soutenez par un cirage de pompes politiques en échange de nominations de postes. Exactement comme la hiérarchie militaire, plus vous êtes près du siège ou de l'état-major, plus vous avez de chance d'être nommé rapidement. Ce compagnonnage est-il un mal nécessaire ? Permettez-moi d'en douter. Le malaise vient donc principalement du choix de l'autorité de nomination de l'exécutif élu, Notre Seigneurie qui émarge à 21000 euros net comme argent de poche ! Depuis le départ de Chirac le budget du château sous Notre Seigneurie a quadruplé !
Devrait-il restituer à la République l'indu des sommes qu'il a perçu entre le 7 mai 2007 et le 31 décembre en qualité de ministre de l'intérieur alors qu'il émargeait en qualité de président ? Si un juge du parquet français se sent la force de requérir à ce sujet ?
Ce jour est encore bien loin d'arriver, je n'ai que pour solution, celle préconisée dans un précédent billet, celle d'une justice s'en remettant au vote du peuple pour élire ses magistrats par le suffrage universel direct, seul garant de leur indépendance et de leurs révocations , d'un contre pouvoir politique contrôlé (présidentielles, législatives, judiciaires). Un juge faisant tomber un président élu tel un Watergate, un Angolagate, un Karachigate, quelle leçon démocratique !... Les magistrats; héros populaires ! Encore faut-il une presse indépendante de toutes affaires politico-financières et des politiques qui ne se votent pas des lois d'amnisties au Palais Bourbon et en classant toutes affaires pétantes secret défense ! Identifier les problèmes est un bon départ pour les résoudre, souhaitons que 2011 soit l'an 1 de la réforme démocratique de notre Justice avec comme premier rendez-vous la garde à vue. En effet le texte sera examiné en séance publique par les députés à partir du 18 janvier.
Quant à mettre, au nom de la démocratie invoquée par Notre Seigneurie, des jurés en correctionnelle, sa jobarderie n'a d'égale que son ânerie tel un Don Quichotte courant après les moulins à vent médiatiques... Quand on a des difficultés parfois à réunir neuf jurés en cour d'assises ou ils sont indispensables. Le CSM en tant que son conseil aura donc son mot à dire, quand on n'a plus un rond en caisse et que l'Etat est en faillite depuis 6 ans.
Rédigé par : On se bat toujours pour ce qui nous manque le plus | 15 janvier 2011 à 06:01
Bonjour Philippe Bilger,
« Que l'Etat nous permette d'avoir une Justice libre et digne de ce nom et nul besoin alors d'installer le peuple là où il n'aurait que faire : les citoyens seront fiers de leurs juges et proches d'eux. La démocratie par le haut, pas la "cuisine" par le bas ! »
Il est vrai que lorsque le fonctionnement de la Justice est utilisé pour faire de la cuisine électorale, cela donne un résultat qui manque singulièrement de raffinement.
Rédigé par : Achille | 14 janvier 2011 à 18:38
Monsieur l’avocat général,
Je vous assure de toute l’estime que je porte, tant à votre intelligence, qu’à votre honnêteté et à votre compétence. C’est la raison qui me conduit à mettre sur le compte d’un affaiblissement passager votre analyse, selon laquelle « la manière dont l'Etat, par l'entremise du président de la République, jette dans le débat public, en matière judiciaire, des propositions, des intuitions, des hypothèses, des certitudes, des approximations et des fulgurances qui se résument toutes en un ordre jamais véritablement discuté ni même authentiquement débattu » serait l’une des causes du malentendu.
Où trouvez-vous, dans les initiatives par vous incriminées, la présence de l’Etat, quand l’ensemble des propositions, intuitions, approximations et autres fulgurances n’ont été depuis près de quatre ans lancées qu’à l’initiative d’un seul homme, Nicolas Sarkozy, éventuellement suppléé à l’occasion par deux ou trois séides appelés en renforts ?
C’est cet acharnement à placer le parquet sous la dépendance de l’exécutif qui, ironie de l’histoire, conduit la population française à se sentir bernée dans le même mouvement qui conduit quelques hauts magistrats à exprimer publiquement leur hostilité au mouvement amorcé.
Je crois que nous sommes nombreux à éprouver de la fierté, de l’estime et du respect envers nos juges.
Rédigé par : Christian C | 14 janvier 2011 à 18:17
Que les magistrats éprouvent un malaise, c'est tout à leur honneur, du moins pour ceux qui l'éprouvent !
En effet comment ne pas sentir du mal à l'âme quand on fait un métier où l'âme des autres a la valeur d'un article du code pénal !
Où l'exercice de ce métier impose (parfois, souvent, tout le temps ?) un compromis entre le corporatisme de l'institution que l'on sert et l'intégrité individuelle sortie toute neuve de l'ENM et bien écornée par les désillusions successives (peut-être, probablement, c'est certain ?) au long d'une carrière et ce jusqu'aux abords de la retraite.
Un honnête homme (femme) se sentirait mal à l'aise pour moins que ça.
Alors il y a de l'espoir pour ceux qui ressentent du malaise. C'est preuve qu'ils ont encore les fondements (parcelles, lambeaux ?) d'intégrité au fond de leur âme !
Cordialement
Pierre-Antoine
Rédigé par : Pierre-Antoine | 14 janvier 2011 à 17:21
Le concept séduisant et fumeux à la fois de "démocratie participative" de Madame Royal n'est à tout prendre pas si éloigné que cela de la dispendieuse mesure envisagée par le Président de la République pour "réconcilier" le peuple avec sa justice en introduisant des jurys populaires dans les tribunaux correctionnels.
Malheureusement c'est un mouvement que je crains irréversible parce qu'il sera de plus en plus difficile à un gouvernant, quelle que soit la nature du mandat qu'il aura reçu du suffrage universel ou acquis par ses diplômes, de refuser ce qui apparaît à première vue comme une avancée démocratique.
Ce que vous craignez, Philippe, pour la justice est aussi à redouter pour la vie municipale, pour l'Education, etc.
Sous ombre que l'on est usager d'un service, aussi techniques et complexes qu'en soient l'organisation et les rouages, on commence à croire qu'on peut y mettre son grain de sel, y apporter son "bon sens".
Comme si le fait d'avoir été opéré nous donnait les capacités pour juger de la marche d'un hôpital, voire du déroulement d'une opération.
Il y a là une dérive dont les médias sont en partie responsables, tendant à persuader chacun d'entre nous qu'il est légitime de trancher de tout, au nom d'une conception dégradée de l'égalité.
On y est encouragé par les démagogues de tous bords, qui savent parfaitement que ces ouvertures ne sont que des leurres, mais qui vont sans cesse de l'avant sur ce terrain.
Ainsi le combat que vous menez me semble, hélas, perdu d'avance.
Mais ce serait une faute de ne pas le mener.
Rédigé par : Frank THOMAS | 14 janvier 2011 à 17:19
Trop, parmi nos élites, ne se laissent jamais déstabiliser par le doute. Compte tenu de sa personnalité, Sarkozy moins que quiconque. Les tenants de la stricte démocratie représentative vous diront qu’il a été élu et qu’il a donc toute légitimité pour concrétiser ses fulgurances forcément géniales. Les objections que les spécialistes, dont vous êtes, tentent de faire valoir, au prétexte qu’ils maîtrisent leurs savoirs et leurs techniques et sont rompus à l’expérience du terrain, ne sont qu’insupportables discutailleries.
« J’écoute, mais j’tiens pas compte ».
Si votre billet ne suffit pas à vous donner bonne conscience, cher Philippe, j’ai bien peur que vous ne deviez envisager de descendre dans la rue avec une banderole.
Rédigé par : Claude L | 14 janvier 2011 à 16:43
Soulignons tout de même que les juges dans leur ensemble ont largement contribué, avec parfois un acharnement désastreux, à nettoyer les écuries d'Augias chez les autres sans qu'il n'ait jamais été permis de faire une remarque sur la crasse qui recouvrait siège et parquet. Le juge d'instruction était l'homme le plus puissant de France, il embastillait les notables et les responsables politiques, jusqu'à l'acmé d'Outreau. Rappelons-nous les gloires usurpées de Thierry Jean-Pierre, d'Eric Alphen ou d'Eva Joly (laquelle n'a jamais été aussi populaire que depuis qu'elle a quitté le navire)
L'arrogance judiciaire n'avait d'égal que la crainte d'avoir un jour à devoir croiser un juge. Il fallait bien qu'un jour, le ménage soit envisagé dans cet appartement tant poussiéreux que pompeux de la République.
Il faut admettre que le régime actuel ne s'embarrasse pas de formes dans sa détestation des magistrats et ces pauvres juges font désormais penser à mon chat se débattant des quatre fers l'autre jour en prenant conscience de la folle prétention du vétérinaire à lui prendre la température.
Le problème, c'est que rien n'est réglé par les illuminations sarkoziennes. La terrible question des instructions criminelles, après Outreau, reste en suspens, dans l'attente d'une nouvelle catastrophe. Le collège d'instruction voté n'est pas mis en place, le juge d'instruction ne disparaît plus et, finalement, à faire des moulinets fatigants, on se retrouve au même point. Il en sera de même pour ces jurés correctionnels qui ne verront jamais le jour, car c'est juste une usine à gaz conçues comme un décor de théâtre et qu'un simple coup de pied met par terre. Après cinq ans de présidence, rien n'aura bougé. Ah si, le citoyen rural devra faire des kilomètres en plus, indispensable progrès.
Si malaise il y a, il serait dommage que cela ne soit que le produit de la relation dégradée au pouvoir et non de la relation au citoyen. Que des millions de citoyens grondent, les juges se hissent sur l'Aventin de leurs prérogatives, mais que le président les houspille et les voilà déprimés. Surprenant d'ailleurs que ce prétendu malaise, qui ne m'apparaît à moi que comme une déception de jeune fille, n'aboutisse à rien dans l'opinion. Combien d'autres magistrats blogueurs ? Combien, y compris syndicalistes, préoccupés du citoyen ? Rien, ça continue de tourner en rond sans que le débat soit porté vers le public.
Vous regrettez que seuls les avocats bénéficient d'une image de chevaliers blancs, remparts contre une justice impénétrable. Vous avez le sens du timing au moins ! Car ce sont bien les avocats qui, en Tunisie, ont fortement initié le mouvement actuel. Entend-on un procureur ou un juge tunisien, même timidement ? Non. Ils ont de bonnes relations avec le pouvoir, heureux magistrats, ils embastillent sans barguigner ce peuple désordonné et ne souffrent d'aucun malaise.
C'est un monde qui veut rester hermétiquement clos et qu'il est difficile de prendre en pitié. Au boulot, mesdames et messieurs et trêve de manières.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 14 janvier 2011 à 16:30
"Pourtant, quelque chose se dessine qui ressemble sinon à une aurore du moins à une embellie, à une rémission."
C'est à cause des jours qui renaissent.
Comme le disait Alain:
"L’enfant conçu en avril naît à Noël. En avril il est ressuscité ; en décembre il naîtra. Théologie absurde. Mais plantez-la en terre, elle poussera merveilleusement. Car c’est ainsi que l’Humanité ressuscite. Désir d’avril, berceau de Noël. Renaissance, ivresse ; naissance, espoir ; tout marche du même pas que le Soleil."
Rédigé par : Alex paulista | 14 janvier 2011 à 16:10
Je me répète: la démocratie par le haut, certes, mais elle reste à installer à la place du vide intersidéral et sidérant entre le peuple d'une part et "ses" juges de l'autre.
Tant qu'on ne veut pas voir cette faille béante dans le dispositif démocratique, on a peu de chances d'arriver à une situation saine.
Rédigé par : Jiel | 14 janvier 2011 à 15:37