Pourtant, je croyais que c'était une bonne idée.
Montrer que derrière les antagonismes partisans, il y a une sorte de discours politique commun et homogène fait d'outrance et d'absurdité assumées. Un style qui conduit, à cause de la forme et de ses rituels de dénonciation ou de dévotion, la gauche et la droite à se ressembler.
J'avais retenu, pour ma démonstration, Harlem Désir et Brice Hortefeux. Le premier, à La Rochelle, profère cette ineptie que Claude Guéant serait "une triste copie de Bruno Gollnisch" (Le Figaro). Le second, qui n'a jamais hésité devant l'hyperbole au risque de faire sombrer dans le ridicule qui s'attache à toute pompe verbale celui qui en bénéficie, déclare sans frémir que "pour le monde, Nicolas Sarkozy est le champion des droits de l'homme", en évoquant la Géorgie et la Libye (Europe 1).
Il est drôle d'observer, dans ce qui relève de la "petite politique", à quel point l'insulte ou l'éloge deviennent mécaniques, donc sans aucune portée. Le locuteur n'y croit pas plus que les auditeurs mais la démesure noire ou rose a cet avantage d'emporter tout sur son passage. Ce qui est modéré et lucide leur est étranger, il y a un devoir d'inanité.
L'idée n'était pas mauvaise mais il y a eu ce coup de massue qui renvoie aux oubliettes le futile de ces joutes et le dérisoire de ces excès.
Quand l'excès terrible est là qui tétanise.
Les plus riches encore plus riches, les pauvres encore plus pauvres.
La pauvreté française s'est aggravée, à cause notamment de la crise de 2008. Selon l'Insee (Le Monde), 8,17 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté en 2009, soit avec moins de 954 euros par mois. A la précarisation de l'emploi s'est ajoutée la hausse des prix, d'après le constat alarmiste du délégué général de la Fondation Abbé Pierre (nouvelobs.com, Mediapart). Pour Louis Maurin, directeur de l'Observatoire des inégalités, "la pauvreté augmente dans notre pays depuis 2002. C'est un tournant historique".
Que cette situation déplorable soit exploitée politiquement, c'est de bonne guerre et c'est inévitable. Mais, au-delà des polémiques conjoncturelles qui vont davantage chercher des responsabilités que des remèdes, on ne peut manquer d'être effondré, comme citoyen français, devant ce qui apparaît comme l'inéluctable montée d'un désastre social qui laisse dans la misère beaucoup de ceux qui nous côtoient. Au nom d'une égalité qui n'existe pas on ne les rejette pas ou, avec mauvaise conscience, on passe sans les regarder.
Méfions-nous, devant cette catastrophe croissante, d'une démagogie trop facile. Du genre "il n'y a qu'à". Difficile de ne pas se payer de mots et de bons sentiments pour se donner l'illusion d'agir et jouer aux solidaires quand de fait nous laissons toute la charge à l'Etat.
Il n'empêche que la politique semble vaine qui, concentrée sur des débats de pouvoir à l'intérieur et sur des attitudes de prestance à l'extérieur, oublie l'essentiel, qui se rapporte au quotidien, à la nourriture et à la santé des corps, au travail à fournir, à l'exclusion à combattre, à la décence des conditions de vie.
On est en train de perdre le combat contre la pauvreté. Elle grignote et s'étend. On compatit certes mais, puisqu'on cherche désespérément un destin collectif susceptible de faire battre notre société d'un seul souffle et avec un élan authentique, ne serait-ce pas la cause nationale qu'on attend ?
Pour la petite politique ou contre la grande pauvreté : il faut choisir son camp.
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