C'est une véritable épidémie.
En même temps que l'inculture judiciaire des politiques et des artistes atteint son comble, la frénésie médiatique pour les criminels, leurs personnalités et leurs évasions est devenue, depuis quelque temps, paroxystique.
Sur le premier plan, un exemple seulement car j'ai assez écrit sur le juge Gentil et le député Guaino.
Fabrice Burgaud, que je ne parviens pas à apprécier malgré son statut permanent d'accusé et ma détestation du lynchage, va poursuivre le cinéaste Bertrand Tavernier qui, dans une émission de télévision, n'a rien trouvé de mieux que de déclarer à son sujet : "C'est quelqu'un que vous avez envie d'exécuter, le juge d'Outreau", en ajoutant qu'il avait "cassé des vies, détruit des gens" (Libération). Ce qui est désolant, c'est de constater à quel point, pour cet intellectuel engagé ayant fait parfois de très bons films historiques ou "sociétaux", la dénonciation ne s'embarrasse pas de justesse et d'équité. Les détentions provisoires interminables qui ont fait souffrir des innocents ne relevaient pas de la responsabilité de Burgaud. Peu importe pour qui a envie de pourfendre et de se mêler au vaste flot de l'approximation judiciaire.
Cela étant dit, je serais Fabrice Burgaud, je m'abstiendrais de toute action qui n'aura pour conséquence que de rappeler au moins ma relative implication dans cette immense tragédie collective où un certain nombre de magistrats n'ont pas brillé.
Cette méconnaissance des uns n'est pas sans lien avec le traitement, opéré par les autres, des affaires criminelles et de tout ce qui concerne l'environnement et l'aura discutable voire scandaleuse, des tueurs, braqueurs et malfaiteurs de toutes sortes. Ils ont droit à la Justice, pas au vedettariat !
Cette appétence de certains médias a commencé bien avant l'évasion de Redoine Faïd mais depuis celle-ci, comme si elle avait encore plus libéré la bonde, que d'articles sur ces tristes héros de notre modernité dévoyée. Je songe à Christophe Khider qui a eu droit à deux pages dans un quotidien, à un cambrioleur en activité entendu en dissimulant évidemment son identité.
Je fais référence surtout à Redoine Faïd lui-même qui a bénéficié deux soirs de suite d'une part non négligeable du journal de France 2, d'une couverture substantielle par une presse écrite et des magazines ayant une curieuse conception de la hiérarchie et de la légitimité des sujets et, enfin, par la focalisation sur lui de l'excellent Le Parisien Magazine qui en profite pour évoquer plusieurs évadés célèbres et si peu recommandables comme Jacques Mesrine, Antonio Ferrara, Pascal Payet, etc.
Force est de considérer que cette manière de procéder constitue ces personnalités mortes ou vivantes en héros des temps modernes, projette sur elles une lumière qui, même sans prétendre les ennoblir, par le simple fait qu'elle existe, les fait sortir du cercle terrifiant de leurs crimes pour les faire entrer dans une familiarité, une proximité offensantes pour l'honnête homme et le citoyen exemplaire.
Cette sublimation de fait, par ailleurs, ne saurait être justifiée par un quelconque souci d'information. Je ne crois pas que notre démocratie serait privée d'une nourriture essentielle si, pour les sujets qui représentent une prime aux transgresseurs et favorisent le voyeurisme malsain, les médias s'abstenaient de les traiter ou alors, comme Le Monde, en caractères si petits et périphériques que le lecteur les dénichant accomplit un exploit.
Plus gravement, cette médiatisation se flattant de ne pas s'encombrer d'éthique - alors que celle-ci se devrait d'être au coeur de ce splendide métier qui rend compte du réel obligatoire, irremplaçable et propose son interprétation - a pour effet pervers d'amplifier ce qui est probablement le vice fondamental commun à ces malfaiteurs : une immense vanité, créatrice à terme de nouvelles transgressions. Les médias favorisent ainsi un culte de soi qui lui-même engendrera un pire renouvelé.
Je vais être qualifié de mauvais coucheur mais ces criminels à la Une, pour les avoir affrontés souvent sereinement aux assises de Paris durant vingt ans, me sembleraient mériter un sort moins éclatant. Une forme d'effacement pour étouffer leur superbe.
Une discrétion qui les réduirait à ce qu'ils ont été et à ce qu'ils ont accompli. Rien de plus, rien de moins. Des hommes qu'il ne faudrait pas porter aux nues, en Une.
Par respect, d'abord, pour leurs victimes.
Toujours aussi effarant d'entendre à la télévision que le crime est une profession ! Le braquage est ainsi qualifié de "travail de professionnel" et curieusement, celui des forces de police et des hommes de Loi lui ne mérite jamais tant de louanges. Rappelons à nos journalistes "professionnels" qu'un criminel est avant toute chose un "salaud". Il y a visiblement encore du travail à faire dans les écoles de journalisme.
Rédigé par : Patrick Emin | 10 mai 2013 à 19:09
Bonjour Philippe Bilger,
Je pense que vous n' avez pas assisté au procès de Fabrice Burgaud devant le CSM. Si cela avait été le cas les arguments de ses avocats auraient sans doute radicalement changé votre opinion à son sujet. Permettez-moi de les rappeler :
http://blogs.mediapart.fr/blog/marie-christine-gryson/260413/outreau-fabrice-burgaud-une-plainte-necessaire-contre-bertrand-tavernier-pour-incitation
Rédigé par : Marie-Christine Gryson | 03 mai 2013 à 11:01
La complaisance malsaine pour les bandits ne date pas d'hier. Déjà, Jacques Mesrine était considéré comme un héros par toute la gauche bien-pensante.
Rédigé par : Robert Marchenoir | 02 mai 2013 à 01:59
@ Xavier Nebout
"C'est donc les patrons qu'on devrait condamner pour ne pas donner leur maudit argent pour faire que les enfants d'immigrés et autres gens du voyage soient des enfants de chœur".
Mais la condamnation a déjà été prononcée, et depuis longtemps : "Omne pomum, omne granum, omne frumentum, omne lignum habet vermem suum. Vermis divitiarum superbia"...
Je vois d'ailleurs que vous n'en êtes pas totalement dépourvu.
Rédigé par : Boris | 29 avril 2013 à 17:35
Avant de voter Hollande, il fallait relire ses classiques, parce que les socialistes français, ils en sont encore à Mai 68 eux, magistrats de gauche compris et jusqu'en cassation.
Le socialisme, c'est la négation de la responsabilité individuelle au profit de la responsabilité collective.
Donc, il n'y a de délinquant que du fait de la société qui porte seule la responsabilité de sa mauvaise éducation et par là même de toutes ses perversions.
C'est donc les patrons qu'on devrait condamner pour ne pas donner leur maudit argent pour faire que les enfants d'immigrés et autres gens du voyage soient des enfants de chœur.
Rédigé par : Xavier NEBOUT | 29 avril 2013 à 11:34
Bonjour,
Ce rappel de "l'affaire d'Outreau" me fait me souvenir de ma perplexité lorsque j'ai constaté la différence de traitement entre le juge d'instruction, Fabrice Burgaud, et son supérieur hiérarchique, Jean-Amédée Lathoud, procureur général près la cour d’appel de Douai.
En effet, le premier a été considéré comme le seul responsable des erreurs commises alors que le second a été récompensé par une promotion brillante en étant nommé procureur général au parquet de Versailles.
Comment cela s'explique-t-il ?
Rédigé par : EG | 29 avril 2013 à 11:17
A propos de bouc émissaire, ou de haine de la singularité, ou d'erreur de justice, on peut lire l'étonnant "Un homme effacé" d'Alexandre Postel, Prix Goncourt du premier roman, livre sombre, démonstration implacable, glaçante.
Rédigé par : Jachri | 28 avril 2013 à 12:46
Une lecture qui pourra donner une base plus solide aux dernières interventions de zenblabla :
http://blog.mondediplo.net/2013-04-12-Le-balai-comme-la-moindre-des-choses#La-revolution-des-balais
Certes ce très long article peut paraître n'avoir pas de lien direct avec le sujet principal de ce billet. Pour autant il s'y raccorde si l'on considère ce passage rédigé par notre hôte :
"Je ne crois pas que notre démocratie serait privée d'une nourriture essentielle si, pour les sujets qui représentent une prime aux transgresseurs et favorisent le voyeurisme malsain, les médias s'abstenaient de les traiter ou alors, comme Le Monde, en caractères si petits et périphériques que le lecteur les dénichant accomplit un exploit".
Cela permet aussi de relier le présent billet à celui relatif à l'affaire Cahuzac en tant que montrant que le vrai problème reste celui du système dans lequel nous vivons et dont personne parmi nos dirigeants ne veut plus entamer la moindre esquisse d'une sortie...
Rédigé par : Robert | 28 avril 2013 à 11:26
@ zenblabla
Catherine Jacob est à ce blog ce que Jean Dutourd fut aux Grosses Têtes de Bouvard.
Il lui manque juste une petite pointe d’humour et ce serait parfait ! :-)
Rédigé par : Achille | 28 avril 2013 à 09:11
@Catherine Jacob
Magnifique expertise.
Rédigé par : zenblabla | 28 avril 2013 à 01:45
J'oubliais:
Quand donc l'industrie financière financera-t-elle une bonne fois véritablement n'importe quoi ?
...puisque déjà elle finance vraiment n'importe quoi, comme si on était sur terre pour fabriquer et acheter des voitures allemandes !!!
Rédigé par : zenblabla | 28 avril 2013 à 01:29
Les médias ne se passent pas de stars...
Souvent, c'est ennuyeux.
L'argent, en toute conformité bien-pensante, qui n'est pas encore fortement déclarée tellement l'infamie rend cela périlleux parmi les doxa révélées être en cours, régulerait les apparitions aux médias.
Manque de pot, on s'ennuie tellement si on est journaliste qui doit représenter les stars, qu'on présente n'importe quoi !
Je me demande quand, et surtout par qui, l'industrie financière, qui engage tout mais n'a pas la moindre imagination, nous tirera de notre ennui, engageant pour autant les médias...
D'un côté les bandits, de l'autre les autres !!!
Rédigé par : zenblabla | 28 avril 2013 à 01:22
Suite et fin,
De tous temps des termes « étrangers » ont pénétré et pénètrent dans l’espace linguistique des langues, quelles qu’elles soient. Ce phénomène touche de nbreux domaines. L’Economie, la Science et la Médecine et le Sport en sont friands. Ex : As-tu « checké » (pour vérifier), « briefé, brieffing » (pour mise au point), le fameux « turnover » des entreprises, surf (er), les « rollers » (patins à roulettes), etc., etc……
Là où c’est agaçant, c’est lorsqu’un terme français existe mais que des pédants ou des incultes (parfois les deux) sont paresseux et ne les utilisent pas.
Rédigé par : Nath | 27 avril 2013 à 18:41
"Cette méconnaissance des uns n'est pas sans lien avec le traitement, opéré par les autres, des affaires criminelles et de tout ce qui concerne l'environnement et l'aura discutable voire scandaleuse, des tueurs, braqueurs et malfaiteurs de toutes sortes. Ils ont droit à la Justice, pas au vedettariat !"
On entre ici dans la "criminologie", domaine vaste et ardu, et il est délicat de s'exprimer sur l'influence des médias dans le passage à l'acte non seulement des criminels, mais aussi des délinquants de toute nature.
Il me semble que c'est plutôt le relativisme généralisé, prôné notamment par Monsieur Jack Lang en matière de culture, qui fait que tout se vaut. Ainsi les actes les plus barbares ne heurtent que provisoirement la sensibilité des auditeurs ou téléspectateurs, avant que d'autres faits médiatisés ne les remplacent dans la mémoire collective.
C'est aussi le fait que nombre d'intellectuels se sont affranchis des règles de la morale "ordinaire", ceux mêmes qui considéraient avec mépris le terme de "morale" et ceux qui l'évoquaient comme des arriérés et réactionnaires ou qui ont nié et rejeté le principe d'autorité.
Au plan judiciaire, il convient aussi que nombre de magistrats battent leur coulpe puisque la règle a toujours été que la justice pénale ne s'intéresse qu'aux seuls auteurs, excluant de facto les victimes de leur champ d'action limité au civil ou à la partie civile, donc seconde et donc négligée.
A présent on ne peut que constater la perte des repères de beaucoup d'individus dans une société individualiste. D'où aussi le fait que nombre de personnes considèrent que frauder est une réaction naturelle et que ne pas frauder est une attitude infantile, pour ne pas dire une c... monumentale...
En conclusion, si la relativité est une noble attitude, le relativisme permanent généralisé par les médias produit les effets auxquels l'on ne pouvait que s'attendre. Pourquoi donc cette surprise ? D'où enfin la nouvelle politique éducative du ministre de l'éducation avec l'institution de cours de morale du primaire au lycée... Mais avec un fond bisounours, je reste persuadé que l'effet sera purement cosmétique.
Rédigé par : Robert | 27 avril 2013 à 18:22
@calamity jane
Comme vous, et bien qu’angliciste, je suis allergique à l’emploi que certains font, à tort et à travers, de termes anglo-américains, parfois sans connaissance réelle de leur contenu. Ne parlons pas de la prononciation des « journaleux », en premier : ex : « low cost » prononcé "locauste". Mais nobody’s perfect (dont moi !).
Cependant, la langue anglaise et surtout "yankee" a cet avantage d’être plus simple, sans fioritures, en prise directe avec le réel, donc parfois assez simpliste. Elle manque souvent de l’élégance et de l’exactitude que l’on reconnaît à la langue française. Mais ce terme de « salles de shoot » m’apparaît (hélas) adéquat, pour une fois. Shooter = tirer (en football, bien sûr), pratiquer une injection (pour les toxicomanes) alors que « injection » est le terme médical de référence.
Avec le terme « salles de shoot », on a quitté le foot pour le shoot. Le terme "shoot" est péjoratif et envisagé comme dégradant par le citoyen « ordinaire ». On est donc bien en contexte, encore hélas... mais pas trois fois.
Rédigé par : Nath | 27 avril 2013 à 17:56
Cher Philippe Bilger,
Il est assez étrange d’opposer, dans ce billet, l’adulation de certains médias pour des malfaiteurs récidivistes, adulation que vous jugez responsable d’une boursouflure de vanité créatrice de nouvelles transgressions desdits malfaiteurs, à une condamnation sans nuance du juge Burgaud par Bertrand Tavernier dans l’affaire d’Outreau.
Le technicien que vous êtes peut bien moquer, sans grand risque, le béotien Tavernier. Ce dernier s’élève, mal sans doute, comme peuvent s’élever nombre d’imbéciles au rang desquels je me range, contre la blanche froideur d’un juge d’instruction tout imbu de sa certitude d’être droit dans ses bottes, et d’avoir fait son devoir, rien que son devoir. Techniquement, il n’est pas, sans doute, le seul à porter le poids des années de vies légèrement dégradées des accusés innocents des crimes dont on les accusait. Mais ses refus répétés d’actes de procédure aux avocats des mis en cause ne constituent pas le signe du doute qui a pu effleurer son subconscient au cours de l’instruction.
Je garderai, à titre personnel, plus d’admiration pour l’œuvre de Bertrand Tavernier que pour la carrière de Fabrice Burgaud.
Le jugement « à l’emporte-pièce » rendu par Francis Szpiner sur vos réquisitions dans l’affaire Fofana a certainement plus fait pour votre popularité auprès de la famille Halimi que la bêtise des co-accusés de Fofana ? Szpiner est pourtant un professionnel de la justice, ce qui ne l’a empêché à aucun moment de piétiner l’éthique. Mais, dirait le premier crétin venu, Philippe Bilger s’est-il soucié du respect dû à la victime ?
Pour le reste, votre mise en cause de la pertinence des choix de certains médias est recevable, certes, mais croyez-vous que l’exploitation du « mur des cons » soit plus exempte de vice que la loupe portée devant les « exploits » des Redoine Faïd ou Christophe Khider ?
Les carrières de ces derniers sont assez largement derrière eux. Ce n’est certes pas une raison pour les traiter en héros, vous avez raison.
Mais ne perdez pas de vue, lorsqu’il s’agit de montrer du doigt les médias, qu’il ne faut pas nier le rôle des "complices" qu’ils se trouvent invariablement pour venir, flattés de l’expertise qui leur est reconnue, parler doctement et savamment des erreurs « des autres », comme un certain Philippe Bilger dans la triste affaire du « mur des cons », ce qui lui a valu la cooptation de Nadine Morano.
Je suis sûr que vous en avez conçu de la fierté.
Rédigé par : Christian C | 27 avril 2013 à 17:54
C'est drôle, je viens tout juste de voir le film sur Hannah Arendt de Margarethe Von Trotta avec Barbara Sukowa.
Hannah Arendt avait avancé le concept de banalité du mal. En sortant du film j'ai fait un lien avec cet article.
Le mal pas forcément banal se banalise à partir du moment où il est trop hautement médiatisé, disons même qu'on outrepasse toute idée de décence du fait qu'il est hyper-médiatisé.
Exemple : j'aurais préféré ne pas voir certaines choses sur le reportage fait sur Mohamed Merah il y a un peu plus d'un mois ; faits banals qui banalisent le mal. Je vois pas ce que cela m'apportait de le voir skier en vacances, tout joyeux de vivre, dans ce reportage peu avant ses meurtres. Si ce n'est pas de l'indécence, je ne sais pas ce que c'est.
Rédigé par : Carl+Larmonier | 27 avril 2013 à 17:24
Pourquoi alors que nous exécrons l'ignominie imposée à certaines victimes, n'aurions-nous pas une étincelle de stupéfaction admirative au su d'actes permettant de recouvrer sa liberté ?
C'est à la Justice de se poser la question ; aux journalistes de la poser à la Justice lorsqu'ils expliqueront ensuite qu'untel majoritairement (et non unetelle) était en
liberté surveillée, quartier sécurisé, pour exemples.
C'est le pendant d'une info donnée hier ou avant-hier par une chaîne publique :
-1er temps on trouve des seringues ici et/ou là et... même les enfants peuvent les voir et surtout poser des questions...
-2ème temps : proposition de salles de shoot* pour tous - dans l'ensemble du pays s'entend.
Les enfants ! Mais c'est bien sûr ! dans les pubs, dans les prétextes à..., et bientôt main dans la main avec un de leurs parents "juré".
Moi non plus je n'arrive pas à comprendre où, il serait normal de fabriquer des "héros" quand certaines victimes en portent déjà le mérite.
* les photographes sont contents !
ces vocables anglais sans signifiant exact me pompent le cerveau disponible.
Rédigé par : calamity jane | 27 avril 2013 à 15:04
Si chaque profession, parce qu'elle suppose des connaissances particulières et souvent complexes, prétend dénier au public, c'est-à-dire au peuple, le droit de s'intéresser à ce qu'elle fait et le droit de la juger, nous vivrons bientôt dans un monde cloisonné aux antipodes de l'idéal républicain.
Non seulement il ne s'agit pas que chacun, dans sa tour d'ivoire, protège jalousement son savoir et son savoir-faire, mais la République dont les fondements sont l'Ecole et le savoir, doit permettre aux citoyens de tout connaître et de tout comprendre, avec pour seules exceptions les rares domaines où la publicité nuirait à l'intérêt commun.
Si les juges, qui sont au service du peuple, se mettent à prétendre empêcher celui-ci de fourrer son nez dans leurs affaires sous prétexte qu'elles sont trop compliquées et subtiles pour lui, nous changeons de régime.
Comme les savants, comme les enseignants, comme les médecins ou les vétérinaires ils devraient avoir la noble obligation de rendre compréhensibles les arcanes de leur métier et accessible au plus grand nombre la raison de leurs décisions.
On ne peut pas se déclarer démocrate et républicain en gros, et refuser les implications de ces engagements en détail.
Aux Etats-Unis, le peuple désigne ses juges et ses gendarmes. Il ne faudrait pas que la France, parce qu'elle a choisi un autre mode de désignation, plus indirect, oublie que ces responsables n'agissent qu'au nom et dans l'intérêt du peuple.
Ils lui doivent donc clarté et transparence.
Au reste, vous rappelez ici, Philippe, le goût invétéré du public pour les affaires bien saignantes. Il ne date pas d'aujourd'hui et ne disparaîtra pas demain.
Rédigé par : Frank THOMAS | 27 avril 2013 à 12:48
Nous avons besoin de héros, même négatifs ou balafrés. En cette période de grande difficulté économique c'est une façon de se rassurer en se disant qu'il y a plus mal loti que soi. Des gens en prison, en maison d'arrêt ou mis en examen. Des victimes injustement frappées ou tuées, ç'eût pu être nous ou moi.
L'aspect éventuellement malsain, c'est de reconnaître que ces criminels sont plus vivants, jusqu'au-boutistes, en un mot courageux. Franchisseurs de ligne jaune de grande visibilité là où beaucoup se contentent de subreptice, de pas vu pas pris. Si ces justiciables étaient tout bonnement des gros maladroits de l'axiome "vivons heureux vivons cachés" ? Ou simplement reproduisent-ils comme beaucoup une sorte de tradition familiale : fils de médecins médecins, fils de fonctionnaire fonctionnaire, fils de voyou voyou à son tour...
Je n'en veux pas à Bertrand Tavernier. Nous connaissons le sale caractère impérieux du cinéaste lyonnais que j'admire. Mais, que voulez-vous, toute mise en perspective artistique s'accompagne d'approximatif et d'irrationnel dans son interprétation des lignes de fuite. A l'inverse, un rapport de police circonstancié et d'une précision chirurgicale n'a jamais fait rêver personne, même pas ses victimes.
Rédigé par : scoubab00 | 27 avril 2013 à 11:38
Bonjour Monsieur Bilger,
Le début de votre billet est intéressant car c'est un sujet qui n'a pas été épuisé. Certes "l'inculture" juridique de certains peut être blâmée, mais vous qui avez fait partie de ce corps prestigieux, mais ô combien corporatiste, devez reconnaître cette incapacité à se faire analyser par le "reste" des gens, qu'ils sont pourtant censés défendre. Aujourd'hui ce qui se passe en médecine, chez les policiers, chez les avocats devrait se produire au niveau de la justice : NON, le blâme ne suffit pas pour punir les agissements de personnes détenant une autorité incroyable et qui ne sont tout simplement pas à leur place dans certaines fonctions : procureurs, juge d'instruction. Le réflexe de caste ne doit plus être admis.
Pour la deuxième partie de votre billet et la popularité des criminels, est-ce nouveau ? depuis Arsène Lupin, le voyou n'est-il pas plus sexy que le juge ?
Rédigé par : Claude Jonniaux | 27 avril 2013 à 10:01
Un jour, on entendra ça, c'est certain, c'est le progrès :
"Tiens, j'ai un fidèle auditeur, fidèle comme vous tous, vous savez que notre radio monte monte monte, qui m'appelle au sujet de l'évasion de prison de Ray Cidivist... Allo, bonjour Jef Etrantan, merci d'avoir choisi notre radio.
- Je vous écoute depuis toujours car vous êtes les meilleurs.
- Vous avez donc fait trente ans de prison, je n'en dirai pas le motif, respect oblige, vous êtes sorti de prison depuis deux ans, bravo, c'est bien ça ?
- Oui, d'ailleurs, je vous écoutais déjà beaucoup en prison.
- Je vous en remercie Jef, vous êtes donc bien placé et très expert pour nous expliquer comment Ray Cidivist a procédé pour s'échapper de la prison, que vous connaissez d'ailleurs je le vois sur mes fiches. Vous avez côtoyé Ray Cidivist dans cette prison ?
- Ca a pu se faire, oui.
-Merveilleux, nous allons tout comprendre, car sur notre radio, nous sommes là pour vous faire vivre les choses, comprendre les choses, grâce aux meilleurs connaisseurs des choses, vous, chers auditeurs. Alors Jef, expliquez-nous, comment des armes peuvent-elles rentrer dans une telle enceinte ?
-C'est facile, vous me donnez quelques minutes ?
-Bien sûr, Jef, tout le temps qu'il faudra...
-Bon, Jef, merci mille fois, merci encore, il est temps de nous quitter, avec vous, une vraie personne, une personne d'en bas, les auditeurs au bout de ces quinze minutes, comme le temps passe, ont vécu au plus près la vérité des prisons, la vérité de cette surprenante évasion. Ne vous gênez pas, si vous avez d'autres infos, n'hésitez pas à nous rappeler, vous serez toujours le bienvenu, c'est grâce à des gens comme vous, à leur courage de prendre la parole, qu'une société avance, merci Jef, bonne "fin de matinée" !
-Bonne "fin de matinée" à vous aussi.
-Tiens je vais prendre maintenant Josette qui veut nous dire son indignation à propos de l'augmentation des péages d'autoroute. Josette, ça va, Josette, alors vous n'..., pardon je vous coupe Josette car j'ai un appel de Philippe Bilger, un habitué de notre radio, un consultant que nous aimons bien, qui va nous donner son avis sur l'évasion de Ray Cidivist en particulier et de la chose carcérale en général. Ici, tout le monde s'exprime, personne n'est interdit d'antenne, nous n'avons qu'un but, vous faire vivre en direct la France, le Monde, l'Univers, la Vie, vous êtes bien sur notre radio, on est bien, allo, Philippe Bilger... ?"
Rédigé par : bernard | 27 avril 2013 à 08:59
Tout à fait d'accord : en finir avec la provocation au voyeurisme qui flatte les bas instincts inhérents à la testostérone !
Par exemple il faut "loger et attraire" cet odieux magistrat "apolitique et non-syndiqué" qui a osé profaner de sa caméra à technologie CCD (condensator charge device) ce nouveau Mur de Lamentations exhibé "au sein" d'un local consacré aux activités SM. Les goûts SM "sont dans la nature" et doivent être protégés au titre de l'égalité des droits. Quand un voyeurisme actif fait intrusion et divulgue des moeurs privées comme en l'espèce SM, l'Ordre Moral cher à Pétain (et à son ministre Abel Bonnard surnommé Gestapette) n'est pas loin !
"La vérité toute nue" est forcément obscène et c'est pour cela que les épitoges ont été inventées permettant en prétoire de se les rabattre illico jusque zaux zyeux.
Rédigé par : mémorialiste | 27 avril 2013 à 01:28
Bonjour Philippe Bilger,
« Force est de considérer que cette manière de procéder constitue ces personnalités mortes ou vivantes en héros des temps modernes, projette sur elles une lumière qui, même sans prétendre les ennoblir, par le simple fait qu'elle existe, les fait sortir du cercle terrifiant de leurs crimes pour les faire entrer dans une familiarité, une proximité offensantes pour l'honnête homme et le citoyen exemplaire. »
Eh oui, Philippe Bilger, les temps ont bien changé. Sans remonter à Robin des Bois ou à Cartouche il fut une époque pas si lointaine où les truands avaient un certain code de l’honneur et ne tuaient qu’en cas d’absolue nécessité.
Aujourd’hui, les casses immortalisés par les films d’Audiard, c’est bien fini. Les petites frappes sans envergure se procurent leur kalachnikov sur Internet et sont prêts à s’en servir à la moindre contrariété. Difficiles dans ces conditions d’en faire des héros des temps modernes.
Mais la presse, c’est bien connu, a besoin de ce genre de faits divers pour exister, quitte souvent à en rajouter un peu pour améliorer le tirage des exemplaires ou l’audimat. Le sordide se vend bien de nos jours. Même si les affaires politico-financières ont tendance depuis quelque temps à leur voler la vedette en une des quotidiens.
Les héros n’existent plus, surtout quand ils sont méchants.
Question d’époque, de changement dans les mentalités, ou peut-être pour d’autres raisons, allez savoir.
Rédigé par : Achille | 26 avril 2013 à 22:15
Il y a peut-être des personnes hautement respectables avec un casier vierge comme une pucelle du temps des troubadours (je ne sais pas si je suis hautement respectable mais j'ai un casier vierge tel quel, du moins pour l'instant encore) qui se verraient bien (voire se voient en rêve) comme des Jacques Mesrine dans une vie ou un monde parallèle (en passant, il me semble que le film sur Mesrine avec Vincent Cassel a été un succès au box-office).
Personnellement ni dans une vie parallèle, ni dans une vie antérieure, ni même en rêve je désirerais être et jouer Jacques Mesrine.
Par contre on sait que Scarface est le film par excellence, devenu culte pour certains jeunes de cité, et ça... c'est un tout petit peu regrettable, quand même, au passage.
Rédigé par : Carl+Larmonier | 26 avril 2013 à 19:52
On ne peut qu'être d'accord avec vous M. Bilger, toutefois vous voudrez bien reconnaître que nous avons vécu sous la botte du politiquement correct pendant des années et que nous n'avions le droit que de voir les bobines des Gérard Courtecuisse ou Ginette Lambert ou Albert Desrognons, jamais on nous montrait la bobine de "Momo" ou Rachid, Diallo ou Abdelkader, voyons... car "il-ne-faut-pas-faire -le-jeu-des-extrêmes"...
Le monde anglo-saxon qui ne s'embarrasse pas de ces foutaises et qui est vraiment un monde multiculturel, affiche benoîtement à la une de sa presse les bobines des salopards, noirs, blancs ou Pakis.
Dès lors, on y voit plus clair (sans jeu de mot)...
Rédigé par : Savonarole | 26 avril 2013 à 19:41
Sujet captivant en depit du tacle sur le juge d'"ou trop ou... pas assez" qui a bon dos !
Les commentaires sont a la hauteur du billet... excellents surtout la reflexion de Dame Jacob.
Rédigé par : Valerie | 26 avril 2013 à 18:35
Les victimes sont des loosers, des perdants, le visage que l'on ne veut ni montrer, ni voir, pas assez glamour, le visage de la faiblesse, celui qui renvoie à sa propre vulnérabilité, on préfère au mieux les ignorer, au pire les mépriser.
Les auteurs sont souvent des manipulateurs qui savent très bien valoriser leur image, eux. Trop souvent les avocats des auteurs jouent à fond cette carte, connaissant les arguments à utiliser pour encore plus déstabiliser les victimes qui leur font face - et la mauvaise foi de leurs clients est un atout qu'ils n'hésitent pas à utiliser - ils en usent sans aucun scrupule, y compris lorsque les victimes sont des enfants, car ils savent que notre société (notre Justice reflète ce que nous sommes et rien d'autre) préfère les forts, les dominants. Les victimes, elles, ne savent pas jouer de leur image, donner le change, donner l'apparence de la force, et sont parfois maltraitées par la justice même, double peine, car le soupçon peut peser sur elles autant que sur leurs agresseurs.
Je confirme, le sort des victimes est trop souvent secondaire.
Rédigé par : Josiane Lacombe Minguell | 26 avril 2013 à 18:06
L'acte d'évasion en lui-même a une sorte de noblesse. On se souvient du film Un condamné à mort s'est échappé. Les évadés de France de la dernière guerre sont des héros. Aussi le criminel qui s'évade est-il considéré. De plus s'il s'évade c'est que le personnel des prisons ne fait pas son boulot. Guignol est aussi toujours présent dans nos coeurs.
Alex paulista rappelait que dans le métier d'officier de marine il était possible par les procédures en vigueur de dire non à sa hiérarchie en cas de doute sur un ordre reçu en passerelle. Bien souvent je me suis demandé si gendarmes, policiers et juges avaient cette possibilité.
Rédigé par : perplexe-gb | 26 avril 2013 à 17:46
La presse doit vendre pour continuer à vivre, son fonds de commerce est donc directement lié à ce qui capte l'attention, c'est-à-dire le sensationnel.
Les trains qui arrivent à l'heure n'intéressent personne alors que ceux qui déraillent font la Une des médias.
Alors on magnifie le truand, l'auteur de scandale et on oublie ceux qui cherchent, qui trouvent, qui soignent, qui aident, qui risquent, qui créent de l'emploi, qui se dévouent à titre bénévole, qui sont victimes, qui souffrent en silence. Ceux-là n'ont droit qu'à la discrétion et bien souvent à l'anonymat et à l'oubli. Malheureusement ce n'est pas nouveau et ce n'est demain que les mentalités vont changer. Triste époque qui ne reconnaît les siens, les vrais, que parfois trop tard. Alors une solution, quand la coupe est pleine, on zappe !
Ras-le-bol de cette aura pour ceux, et ils sont nombreux, qui ne la méritent pas.
Rédigé par : Jabiru | 26 avril 2013 à 16:35
Le triste sort des victimes ne semble pas non plus intéresser les 30% de magistrats faisant partie du Syndicat de la Magistrature si l'on en croit l'inscription sur le "mur des cons" des parents de victimes du criminel Guy Georges. Dans ces conditions comment le citoyen moyen n'ayant jamais eu affaire à la justice peut-il faire confiance à celle-ci. ? Le juge d'Outreau malgré l'indulgence de M. Bilger n'est pas un exemple susceptible de conforter cette confiance car si le juge des libertés et la chambre d'accusation ont suivi son avis sans - disait la presse à l'époque - s'interroger le moins du monde sur le bien-fondé de ses réquisitions partageant ainsi la faute, du moins était-il à l'origine de celle-ci par son comportement inqualifiable bien mis en évidence par la commission d'enquête parlementaire. La perte de confiance dans la justice n'est qu'un élément dans la perte générale de confiance dans les institutions de la République et le temps n'est peut-être pas loin où se lèveront les "orages désirés" venus des tréfonds de la population excédée du comportement de ses soi-disant élites.
Rédigé par : cellier | 26 avril 2013 à 16:31
«Les détentions provisoires interminables qui ont fait souffrir des innocents ne relevaient pas de la responsabilité de Burgaud. Peu importe pour qui a envie de pourfendre et de se mêler au vaste flot de l'approximation judiciaire.
Cela étant dit, je serais Fabrice Burgaud, je m'abstiendrais de toute action qui n'aura pour conséquence que de rappeler au moins sa relative implication dans cette immense tragédie collective où un certain nombre de magistrats n'ont pas brillé.»
Comme ce Jù (豦) dont il a été précédemment question, on peut se demander si Fabrice Burgaud ne tiendrait pas le rôle de cette sorte d'objet de transfert qui a nom aussi «Bouc émissaire» en ce que précisément le « bouc émissaire est un individu choisi par le groupe auquel il appartient, pour endosser, à titre individuel, une responsabilité ou une faute collective». «Pour que ce phénomène soit effectif, il faut entre autres choses, que les individus soient persuadés de la culpabilité du bouc émissaire. »
On touche donc là dans nos sociétés réputées laïques, à cet antique rituel que, de nos jours, nous pointons dans les société plus archaïques sous le nom de sacrifice de substitution. Comme dit précédemment, nous sommes là au lieu même du mensonge en tant que tenant lieu, par lequel quelque chose comme la vérité, par ex. celle de la violence des souffrances infligées et subies bien au-delà de l'épisode Outreau, peut sans doute trouver à être dérivée.
«Chez les anthropologues contemporains, le concept de bouc émissaire désigne l'ensemble des rites d'expiation dont use une communauté.»
La mise en cause médiatique du juge Burgaud qui se produit périodiquement, participe sans doute de ces rites. Si on s'y oppose en faisant valoir, comme sans doute de juste, qu'il a assez payé, ou qu'il finira par y avoir disproportion entre cette mise régulière au pilori et les erreurs qui lui sont imputables à lui seul, il y aura vraisemblablement substitution au premier d'un nouveau bouc émissaire dont la culpabilité apparente pourra être à la hauteur des phénomènes sociaux en jeu depuis que notre société s'estime malade de sa justice. Je m'abstiendrai toutefois de chercher qui ça pourrait bien être.
Il n'est cependant pas inintéressant en soi de rechercher comment une société ou un groupe humain se choisit un dérivatif à la «violence endémique» que réveille toujours une injustice commise ou tout acte ressenti comme tel dès lors qu'il reste sans sanction véritable.
Outre les thèses de René Girard, Wikipédia présente encore un ouvrage qui apporte aussi quelques éléments de réponse à cette question dans l'ordre de la folie ordinaire. Il s'agit de celui du Dr Yves Prigent, La Cruauté ordinaire, qui analyse le comportement de petits groupes menés par un pervers envieux.
Je ne dis bien évidemment pas par là, que Bertrand Tavernier est un tel pervers envieux et encore moins que Fabrice Burgaud est tel l'agneau qui vient de naître ou tel encore la biche substituée à Aulis à Iphigénie par Artémis, et pas non plus qu'il y a de la persécution dans cette affaire somme toute anecdotique.
L'article résume ainsi La Cruauté ordinaire:
«L'attaque se porte sur celui qui dispose d'une vie intérieure profonde ou de compétences affirmées selon le principe que « le clou qui dépasse connaîtra le marteau » (Li M'Hâ Ong in Traité des Semences et des Étoiles ).
Le pervers agit sans intentionnalité claire, car il ne peut exprimer son manque par le logos. Il transforme donc un souci impensable (l'envie qu'il ressent et ne peut s'avouer sans perdre la face à ses propres yeux) en un souci pensable à l'occasion d'un travail psychique. Il émet donc un double message :
Il se demande comment on ferait sans l'objet de sa haine.
Mais en même temps, il propage un message de persécution.
Livré à l'impensable, la pulsion de mort, il émet un message organo-dynamique. Le pervers s'efforce de détruire le lieu du langage, le « trognon » (selon Jacques Lacan) à savoir la base même de la personnalité humaine de la personne qu'il persécute. Faute d'espace psychique intérieur, il dirige son action contre l'espace intérieur de l'autre, c'est-à-dire diffamant l'autre si celui-ci est un être éthique, tâchant de désoler (« de rendre désert ») l'autre de manière généralement cynique en s'affranchissant, pour ce faire, des règles de sociabilité ou de civilité les plus courantes qui ne sauraient être appliquées qu'aux autres, son public. Le pervers laisse entendre de façon répétée que les mesures qu'il prend pour brimer sa victime sont souhaitables 'selon les dires des autres', bien sûr... - Et, le recours à la panacée du fameux principe de précaution n'est pas sans participer souvent de telles mesures, qui n'est, qui plus est jamais invoqué quand il eût pu l'être à bon escient -, mais aussi, il essaye de détruire ce qui rend l'autre spécifique, ce pourquoi il est apprécié. « Méfie-toi car c'est ce que tu as de meilleur » est la règle de l'exclusion du bouc émissaire.
Le pervers envieux hait la singularité parce que lui-même en est dépourvu ; de ce fait, elle lui fait ombrage - Et on peut peut-être bien dès lors imputer l'absence de ce caractère marquant de PB, chez celui qui l'a épinglé au fameux mur - .
Il projette sur autrui les difficultés qu'il pourrait avoir lui-même parce qu'il est démuni des outils pour les résoudre. L'objectif consiste à annihiler l'identité sociale de l'autre ou la reconnaissance sociale dont serait susceptible de bénéficier le sujet de sa haine ; cette reconnaissance qui, selon le pervers envieux, ne serait due qu'à lui-même.» Bel ouvrage à lire et à bien méditer donc.
Rédigé par : Catherine JACOB | 26 avril 2013 à 16:28
Monsieur Bilger
Il est vrai que d'un coup vous m'éclairez l'esprit, moi qui ai regardé pendant des années "Faites entrer l'accusé" (période Christophe Hondelatte).
Alors que j'ai toujours hautement déprécié la téléréalité ou l'info-voyeurisme, j'ai été en quelque sorte voyeur, sous un certain angle, moi-même, d'affaires criminelles, finalement.
Je ferai écho à Bruno en pensant qu'on se met rarement du côté des victimes instinctivement, mais plutôt dans la réflexion de ce qu'ont exécuté d'abominable le ou les bourreaux. C'est une sorte de mauvaise fascination du mal en se disant : comment est-ce possible ? N'empêche, pendant ce temps-là, on regarde.
Exemple : en ce moment je lis une biographie sur Heydrich et la solution finale d'Edouard Husson aux éditions Perrin (oui, je sais, il y a plus gai comme lecture). J'essaye de comprendre les tenants et les aboutissants, mais il n'y a sincèrement plus rien à comprendre dans cette apogée du mal.
PS : Ceci dit comme je n'ai plus regardé l'émission que je mentionnais depuis le dernier déluge, inconsciemment la lumière s'était peut-être déjà faite en moi.
Bonne fin de journée
Rédigé par : Carl+Larmonier | 26 avril 2013 à 15:30
Excellent billet.
La hiérarchie des infos est sans doute difficile mais lors d'une affaire, le déchaînement médiatique "vedettarise" les voyous, ce qui donne des idées pour en faire autant à des esprits faibles et cherchant la pub. Un danger.
Il est bien heureux de pouvoir faire la part des choses, en écoutant la télé et les infos, en regardant les téléfilms ou films sur tel ou tel fait de société. Hélas ce n'est pas le cas de tous.
Certains cinéastes engagés évitent les sujets qui les dérangent, eux. C'est vraiment dommage car ceux qui lisent peu ou s'intéressent aux sujets historiques uniquement via le cinéma ou la télé, ignorent tout un pan de vérité, camouflé par les intello engagés.
Rédigé par : Michelle Leroy-D. | 26 avril 2013 à 15:28
Il y a toujours eu, je pense, une sorte de fascination pour les criminels et les grands délinquants.
Mon grand-père (1898-1988) m'a raconté qu'il avait assisté à l'âge de 14 ans, à Saintes (alors Charente-Inférieure), à une exécution publique sur la place peu spacieuse de la prison. Il y avait une foule immense, certains étaient montés sur les toits. Il était allé à Saintes en famille pour voir mourir le condamné, un voisin, ouvrier agricole qui avait violé et tué une écolière de 9 ans.
Fascination exercée par Landru qui suscitait et recevait même des lettres d'amour au fond de sa prison. Une rescapée du sieur de Gambais interrogée par le président de la cour d'assises sur les capacités viriles du prévenu s'était exclamée : "Oh Monsieur le Président, il était aussi fougueux qu'un jeune homme !"
La liste serait longue et fastidieuse de ces "auteurs" de crimes qui ont fait les beaux jours de la presse quand ils ont eu leur heure de gloire ! Et même les beaux jours d'une presse spécialisée (Détective, par exemple).
Les victimes ? bruno a raison, elles n'intéressent pas les médias.
Rédigé par : Bernardini | 26 avril 2013 à 15:17
http://www.jacquesthomet.com/jacquesthomet/2013/04/26/outreau-le-juge-fabrice-burgaud-porte-plainte-contre-le-ralisateur-bertrand-tavernier-pour-provocation-au-crime/
Rédigé par : Charlemagne | 26 avril 2013 à 14:57
L'énorme problème : le triste sort des victimes n'intéresse pas les médias !!
Rédigé par : bruno | 26 avril 2013 à 13:08