A la moindre tentation, je repique.
Un très beau reportage de Pauline Delassus dans Paris Match sur le "héros si discret" qu'est Jean-Jacques Goldman, et ça y est, c'est reparti, j'ai envie de dire tout le bien que je pense de ce chanteur, de ce compositeur, de cet homme qu'on ne se sent pas ridicule d'estimer, d'admirer.
Notre époque, dans tous ses registres, est trop pauvre en personnalités d'élite pour qu'on puisse négliger la sienne. Ce n'est pas pour rien qu'elle se retrouve en tête du classement du JDD - pour ce qui le concerne, il y a au moins une clairvoyance populaire - et que depuis des années, nostalgie et curiosité se conjuguent pour le maintenir au pinacle public.
Le plus remarquable, et qui est exemplaire et séduit, tient au fait que cette existence simple, confortable mais non somptuaire, conjugale, familiale, inscrite dans la quotidienneté de Marseille et emplie d'activités sportives, apparaît authentique à tous. Pas un instant ne vient l'idée qu'il pourrait s'agir d'un simulacre. Jean-Jacques Goldman est ce qu'il montre.
Quel saisissant contraste, dans ce même hebdomadaire, entre ce qu'on nous dit de lui et les photographies qui le représentent en compagnie et, par ailleurs, les pages narcissiques sur BHL et Arielle Dombasle, avec le luxe et l'ostentation délibérément jetés à la tête du lecteur et, de surcroît un texte grotesque d'hommage écrit par Frédéric Mitterrand !
Comment un homme aussi fin et intelligent que BHL ne ressent-il pas ce qu'il y a de choquant, d'indécent dans cette exhibition qui ne dégrade pas l'essayiste et l'écrivain brillants mais les fait tomber paradoxalement dans le cours ordinaire des vanités et des superficialités ? On aurait tellement aimé qu'il y échappât !
Mais j'en ai assez, en forçant le trait pour rire, de cet exil de Goldman. A force de le sanctifier, on finit par oublier qu'il est des nôtres et on se satisfait d'être privé de lui. Alors que j'aurais adoré le voir revenir une seconde dans le monde.
Précisément parce qu'un tel choix d'existence, aussi fermement tenu, assumé, un tel talent dorénavant mis seulement au service des autres, une telle aura d'autant plus vive qu'elle se nourrit d'une discrétion recherchée et goûtée avec constance et cohérence imposent des obligations.
Certes il s'appartient mais peut-être devrait-il accepter l'évidence que toutes les sollicitations ne sont pas vulgaires, tous les questionnements impudiques et toutes les réponses inutiles ?
Sans doute devrait-on pouvoir le convaincre qu'on aspire véritablement à un très grand entretien avec lui qui, faisant le tour de son être sous ses facettes diverses, nous comblerait ? Est-il inconcevable de lui faire percevoir que son exigence noble de modestie, trop poussée, pourrait ressembler à une ascèse susceptible de faire douter de son bonheur ? Serait-il impudent de tenter de lui démontrer que l'entraîner sur d'autres chemins que ceux de la musique ne serait pas le faire déchoir, le mettre en péril ou l'entraîner dans des territoires où sa légitimité ferait défaut, mais le conduire là où beaucoup l'attendraient ? Pas pour le mythifier, qu'il se rassure, mais au contraire pour le faire encore plus homme parmi les hommes.
A cause de lui, grâce à lui, j'aurai toujours un manque.
Jean-Jacques Goldman a un grave défaut formidable : il est trop bien !
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