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25 décembre 2013

Commentaires

CROZON

Mon cher Philippe, à C dans l'air vous oubliez le contenu du spectacle de Dieudonné, vous vous réfugiez derrière votre ancienne profession, redevenez pour juger l'humaniste que vous êtes et ne l'oubliez pas. S'il change de spectacle il reconnaît sa vraie nature. Ne pas nier les évidences...

Savonarole

Le film "Le premier homme" avec Jacques Gamblin dans le rôle de Camus est le flop de l'année 2013 : 36.000 entrées pour un coût de près de 11 millions d'euros. Les malheureux producteurs de ce film auraient dû s'aviser que l'on ne va pas au cinéma pour s'ennuyer.

Trekker

@ vamonos - 28 décembre 2013 à 02:42
"Pour en revenir à Camus, à son prix Nobel et surtout à la guerre d'Algérie, je n'ai aucune envie de donner une leçon ; mais il me semble que Camus n'avait absolument pas réussi à trouver une solution pacifique, voire fraternelle au conflit qui déchirait la France de Dunkerque à Tamanrasset."

Vous omettez que Camus en 1956 tenta plusieurs fois des médiations, et notamment initia une réunion publique à Alger entre personnalités pieds-noirs et algériennes. Hélas cela fut torpillé par les extrémistes des deux camps : ultras "Algérie Française" et FLN. Aucun des deux ne voulaient d'une solution médiane et pacifique, entre autre de type fédéral avec la France et dont alors Ferhat Abbas était proche.

Suite à cela, prenant acte à son grand regret de l'irrédentisme mortifère des ultras des deux camps, Camus ne s'exprima plus sur l'Algérie. A partir de fin 1956, il n'y avait plus d'espace en Algérie pour sa parole et celle de ceux que l'on pourrait qualifier de modérés. Hormis à Stockholm lors d'une question polémique qui lui fut posée, et dont perfidement Le Monde ne retint qu'un partie pour en faire un suppôt inconditionnel de la répression.

Buridan

@Trekker
"Camus n’était pas éloigné de l’essence du message biblique : humanité, amour des hommes, tolérance, adogmatisme, refus de la violence aveugle, etc."

Je trouve vos commentaires quelquefois excellents, mais là...
1° L'essence du message biblique, c'est qu'il y a un Dieu unique sauveur qui s'est fait homme en Palestine il y a deux mille ans sous le nom de Jésus.
2° Etre sympa, c'est un message qui est dans la Bible, mais aussi partout ailleurs, ou à peu près... (Qui n'a pas dit "Aimez-vous les uns les autres" ?)

vamonos

Des commémorations à la gloire de Camus, de son oeuvre, de la Fraternité, finalement, je ne peux pas laisser passer ce sujet sans donner mon avis.

Je ne sais plus ce que signifie réellement la Fraternité, ou la Liberté, ni même l'Egalité puisque ces trois fondements de la République sont galvaudés, vidés de leur sens progressivement, patiemment.

Pour en revenir à Camus, à son prix Nobel et surtout à la guerre d'Algérie, je n'ai aucune envie de donner une leçon ; mais il me semble que Camus n'avait absolument pas réussi à trouver une solution pacifique, voire fraternelle au conflit qui déchirait la France de Dunkerque à Tamanrasset.

M. Camus était bien planqué en Métropole tandis que les bombes explosaient au sud de la Méditerranée. M. Camus était un danseur ; mais il n'était pas à Alger ce dimanche funeste où une bombe a explosé sous le plancher du dancing pendant que les couples virevoltaient, les yeux dans les yeux.

M. Camus est mort en France avant l'indépendance. 52 années ont passé. Les cicatrices de la guerre civile ne sont pas refermées. Pas plus tard que la semaine dernière, une plaque de la rue de la Santé à Paris était recouverte d'une petite affiche sur laquelle le passant pouvait lire Liberté, Bastien-Thiry, Algérie etc. La Fraternité est un rêve qui n'a pas été suivi d'effet. Les Chrétiens sont partis d'Algérie, ceux qui ont préféré rester sans se convertir à la religion musulmane sont morts égorgés, y compris les prêtres qui avaient voué leur âme à Dieu, qui soulageaient les souffrances des migrants de passage en Algérie, tous ces migrants qui continuent de remonter depuis l'Afrique vers l'Europe, qui ne peuvent pas s'arrêter en Algérie car la vie y est trop dure pour eux.

La Fraternité suppose un partage de chaque instant. La rectitude suppose un mode de vie lisse, sans discussion possible.

Quand il fait chaud, en plein été en Algérie, il est interdit de boire de l'eau mon frère.

Carl+Larmonier

Au-delà du génie de Camus, combien de jeunes de la génération du vouloir tout tout de suite actuel voudront bien s'arrêter à ces lignes arides, prendront attention à ce style qui de prime abord peut paraître austère.
Est-il encore étudié comme il se doit et se trouve-t-il encore en bonne place dans les manuels scolaires alors qu'avec les nouvelles pédagogies les jeunes apprennent à développer leur esprit en étudiant du rap en verlan.
A l'heure de toujours plus de technologies envahissantes et galopantes, on pourrait démontrer un jeune lisant de son début à la fin A la recherche du temps perdu pratiquement comme une perle rare.
Je l'imagine un peu comme dans la nouvelle de Kafka, Un artiste de la faim, derrière une cage à la vue et la risée de tout le monde.
Wikipédia a de beaux jours devant lui.

stalen illitch guevara

"Quand on veut faire taire les vivants on bricole les morts".

Camus ne fut qu'une articulation mystifiée par la 5ème colonne organisée et puissante.
Il fut dépassé par les bouleversements de son époque et ne fit que profiter de sa belle gueule que surent utiliser les marionnettistes implacables.
Les cornacs de son temps et de sa pensée ne lui demandaient pas autre chose.

Camus est mort comme il a vécu... dans la superficialité flamboyante et jouisseuse... évidemment de gauche pour pouvoir dire et écrire n'importe quoi... mais... même pas épicurienne.

Tipaza

"Il y a des héros qui ont eu la chance de mourir jeune".
Rédigé par : Savonarole | 26 décembre 2013 à 14:17

Parmi les héros qui n’ont pas eu la chance de mourir jeune, Savonarole oublie Ernst Junger, mort à 102 ans, et à qui on aurait souhaité encore une longue vie.

Junger symétrique ou antisymétrique, au choix, de Camus. On trouve chez les deux auteurs une perfection de style identique, et une attitude face au mal, à la fois voisine par son caractère esthétisant et opposée par un volontarisme plus déterminé chez Junger.

Au fond sur des analyses assez voisines face au mal, ils en tirent des conclusions d’action différentes.

Même en littérature le modèle allemand diffère du modèle français.

calamity jane

Allez, encore un petit commentaire pour en finir. Consultant Wikipédia, il y est précisé que recevant le prix Nobel, et,
devant le Roi de Suède, il avait remercié son instituteur Monsieur Germain !
Un culot monstre pour "un héros du renoncement, l'avant-garde du politiquement correct".

Revenons au XXIe et constatons avec quel
talent certains, certaines remercient l'équipe avec laquelle ils partagèrent un moment de leur vie ! mais qui leur a permis d'être l'élu, l'élue dans son propre milieu pour une soirée et transporter le savoir-faire d'un chef romain en compression quand le Pont du Gard, par exemple, a défié les siècles ; auxquelles il arrive de remercier
leur mère de façon subsidiaire car celle-ci ne faisant pas partie du milieu qui les écoute, elle n'y a aucune place.
"Je me révolte, donc nous sommes".

Boris

Puisque vous évoquez Camus et Char, le premier écrit quelque part au second : « Plus je produis et moins je suis sûr. Sur le chemin où marche un artiste, la nuit tombe de plus en plus épaisse. Finalement, il meurt aveugle ». Aujourd’hui, il n’y a plus que des certitudes. Sur ce blog, j’essaie d’en avoir le moins possible.

Mais pour terminer cette année pré-électorale sur une note moins crissante, voici un autre écrivain du dessus de la mêlée, photographié devant le lac des perles de verre. Puisse-t-il inspirer aux bilgériens des voeux œcuméniques…

http://files.newsnetz.ch/story/1/9/0/19014638/1/topelement.jpg

Duval Uzan

Qui de vous peut dire s'il aurait lancé une bombe dans un café dans lequel sa mère ou son enfant étaient installés et quelle que soit la cause qu'il poursuivait ?
Relisez "Les justes".
Préférer sa mère à une cause n'a rien de psychiatrique.
Et cessez donc de réduire Camus à cette phrase.

calamity jane

"Quand on préfère sa maman, c'est psychiatrique".
Sûrement ! Il faudrait se recaler les obsessions des découvreurs de l'inconscient ?
Il ne préférait pas sa mère. Il préférait la vie pleine et entière c'est-à-dire une femme avec laquelle il eût pu gueuler son
amour de la vie sans risquer de lui fermer le demi-tympan restant. Donc, pas d'une vie vécue à moitié que des instruments de mort pouvaient à tout moment réduire encore.
D'un autre côté, peut-être pouvait-il mieux écouter la vie puisque sa mère lui imposait une forme de silence en permanence...
On peut aussi vivre et respirer sans combats.

Savonarole

"Pour vous, faire exploser des bombes dans un tramway empli de civils, au nom d'un combat dont la cause et la finalité seraient justes, relèverait donc d'une action bien supérieure à l'amour qu'on peut porter à sa mère ?

Rédigé par : Trekker | 26 décembre 2013 à 22:42

Et qu'a donc fait Mandela ? Il a commencé par poser des bombes.
Et vous le trouvez plus sublime que votre propre mère ?
Allons, cessez ces foutaises, on peut vivre et respirer sans Camus.

Savonarole

@Trekker

J'ai vécu moult combats, il ne m'est jamais venu à l'esprit de penser à ma mère.

Trekker

@ Savonarole - 26 décembre 2013 à 14:17
"Camus c'est le héros du renoncement, c'est l'avant-garde du politiquement correct"

C'est à se demander si vous l'avez lu, ou du moins avec un minimum d'attention !...

"Quand on préfère sa maman, c'est psychiatrique."

Pour vous, faire exploser des bombes dans un tramway empli de civils, au nom d'un combat dont la cause et la finalité seraient justes, relèverait donc d'une action bien supérieure à l'amour qu'on peut porter à sa mère ?

Duval Uzan

C'est un philosophe de la Résignation. Il n'y a pas d'absurde parce que l'absurde nécessite quelque chose à quoi il s'oppose.
Camus décide de tout aimer et n'être jamais infidèle ni à l'une ni à l'autre. Il est en état de perpétuelle contemplation mais militant quand même. Contemplation contagieuse ; on ne se lasse pas de lire Camus.
Il est le premier à faire connaître la signification des quatre lettre inscrites sur la croix :
I.N.R.I signification proscrite par l'Eglise pendant deux mille ans !
Le censeur crie ce qu'il proscrit écrit-il dans La chute.
Jesus le Nazarein Roi des Juifs.

Savonarole

Il y a des héros qui ont eu la chance de mourir jeune.

On dit que James Dean aurait mal vieilli si la mort ne l'avait pas fauché juste à temps. Marilyn Monroe nous insupporterait si elle avait vécu... Et Steve McQueen nous barberait aujourd'hui s'il s'était remis de son cancer.
Pour les intellos "morts jeune" il en va de même.
Il en va de même pour Camus, il aurait fini au Figaro Magazine à nous pomper l'air comme d'Ormesson, qui n'en fini plus de nous faire suer avec son passé. Camus chez Valeurs actuelles, pourquoi pas ?

L'avenir des morts est une science passionnante.
Qui peut aujourd'hui nous assommer avec ce qu'aurait pu être un de Gaulle, un Jaurès ou un Jean Moulin de nos jours et dont tout le monde se réclame ?
Camus c'est le héros du renoncement, c'est l'avant-garde du politiquement correct, c'est la fin des royaumes combattants, qui ont fait notre grandeur.
Quand on préfère sa maman, c'est psychiatrique.

Parigoth

"Antigone a raison mais Créon n'a pas tort"

Nous avons déjà proposé une lecture de ce jugement de Camus, mais ne pourrait-il pas y en avoir une autre ?

Nous savons, d'après l'Antigone de Sophocle, qu'« il y a des lois au-dessus des lois ».
Ce débat éternel entre le légal et le légitime reste toujours actuel dans notre société, avec une extrême acuité.
Alors que nombre de lois abominables au sens propre ont été votées parfois avec une jubilation perverse depuis quelques années et même récemment, pouvons-nous considérer qu'elles soient légitimes pour autant ?

Et pouvons-nous considérer que Camus estimerait que l'abominable légalité représentée par Créon serait en droit de rivaliser voire de l'emporter sur la vertueuse légitimité représentée par Antigone ?

Lucile

Ma prof de philo en classe préparatoire, elle-même marxiste, pensait que si Camus avait survécu, sa position n'aurait pu qu'évoluer vers la foi. Elle le voyait arrivé au stade pascalien de : "Misère de l'homme sans Dieu". Je crois me souvenir que c'était à propos du mythe de Sisyphe, le damné qu'il fallait "imaginer heureux". Je ne suis pas certaine que cette Kantienne rigoureuse considérait pour autant Camus comme un grand philosophe, mais quand je lis les divers courriers aujourd'hui, je repense à cette conjecture, non sans fondement quoique gratuite.

Alex paulista

Je ferme les yeux et je revois... Irène Jacob.
Souvenirs personnels du ciné-club lyonnais que la jeune actrice venait gratifier de sa présence, par l'entremise de son grand-père. On regardait La double vie de Véronique et on en ressortait totalement amoureux. Sinon Camus bien sûr, L'étranger et La chute sont d'autres émotions de la même époque...
Mais du fond de mon avenir je retourne toujours à Irène Jacob, à sa fraîcheur joufflue.

Camille

Un bel hommage rendu à Albert Camus. L'on retiendra de lui surtout son humanisme, ses combats et ses prises de position courageuses contre le totalitarisme soviétique et le communisme, sa fidélité à l'Algérie tant aimée, presque autant que sa mère.
Mais, étonnamment, le temps transforme, édulcore, modifie la perception des êtres et des choses.
On n'encense plus Camus au XXIe siècle pour les mêmes raisons qu'à son époque et pendant les vingt ans après sa mort en 1960.
En ce temps-là, Camus s'imposait surtout comme un grand philosophe avec sa doctrine personnelle de l'absurde, apparentée d'abord à l'existentialisme de Sartre mais qui s'en sépare nettement après le Mythe de Sisyphe.
Ces doctrines à la mode chez les jeunes ont influencé des courants de pensée nihilistes, bien que Camus ait prôné la révolte, qui a motivé ses engagements, pour réagir à l'absurdité du monde.
Le prix Nobel en 1957 est venu récompenser "l'ensemble d'une œuvre qui met en lumière les problèmes se posant à la conscience des hommes."
Aujourd'hui, on oublie la doctrine, pour ne garder que l'appel à l'engagement.
C'est ainsi que la lecture de L'Etranger, un essai sur l'absurde, m'a toujours semblé fastidieuse, alors que la biographie de Camus est fascinante.

Robert

L'hommage rendu à Albert Camus par notre hôte le jour de Noël ne me semble pas incongru.
Quant à son athéisme, si l'on veut faire référence à un "athéisme de combat des religions", alors effectivement Camus n'était pas athée.
On peut considérer plus simplement que son athéisme, ou son agnosticisme voire son paganisme si l'on préfère, repose simplement sur le constat qu'il fait de l'inexistence de Dieu comme explication du monde et donc la priorité qu'il donne à la vie sur la mort, au respect de la vie et de ce qu'elle offre de joies et de plaisirs existentiels. D'autant qu'il n'oublie jamais la simplicité de ses origines, ni sa tuberculose qui l'a très tôt confronté à sa propre mort. Ou il rejoint le carpe diem antique, face aux ruines de Tipaza.
En ce sens, il reste plus proche du message christique, et donc des Évangiles, que de l'Ancien Testament, non sur Dieu, mais bien dans la relation humaine faite de tolérance, de respect et d'amour du prochain.

moncreiffe

Camus n’est devenu un personnage consensuel (solaire et humain) qu’à mesure que l’étoile (surfaite et éphémère) de Sartre (personnage froid et dogmatique) s’est étiolée.

De son vivant, Camus fut conspué par les communistes staliniens, les philosophes de salon, des écrivains bourgeois tels que François Mauriac, des partisans de l’Algérie française, bref tous ceux dont Camus se méfiait comme de la peste, les dogmatiques, les partisans, tous ceux qui préféraient le confort des certitudes à l’effort de la réflexion sur la réalité, étranger qu’il était à l’esprit de système et à l’engagement politique.

Camus fut qualifié, plus tard, de façon méprisante, de philosophe pour classe de terminale. Il est cependant heureux que les adolescents français soient, aujourd’hui encore, sensibilisés à l’oeuvre de Camus. Car il y a plus de profondeur dans une seule page de Camus que dans toute l’œuvre de Sartre.

On peut regretter que l’hommage rendu à Camus, à l’occasion du centenaire de sa naissance, n’ait pas été plus éclatant. Mais Camus lui-même, pas plus que sa famille, n’aurait pas apprécié qu’on le mette sur un piédestal, tellement il est resté marqué par ses origines modestes et provinciales. J’en veux pour preuve son attachement profond à sa mère.

Trekker

Merci Monsieur Bilger pour ce bel hommage à Camus, qui me rappelle l’excellente biographie que lui a consacrée Michel Onfray.

Un hommage à Camus l’athée le jour de Noël, cela n’a rien d’antinomique voire de sacrilège hormis pour les esprits sectaires. Bien qu’il ne croyait pas à l’au-delà et divergeait sur divers points avec le catholicisme, surtout le plus dogmatique, Camus n’était pas éloigné de l’essence du message biblique : humanité, amour des hommes, tolérance, adogmatisme, refus de la violence aveugle, etc.

MS

"Car enfin Camus n’a jamais caché son athéisme."

Rédigé par : Tipaza | 25 décembre 2013 à 19:35

C'était plus nuancé, plus complexe. Il n'est jamais entré dans la foi chrétienne mais... : "Je ne crois pas en Dieu, c’est vrai. Mais je ne suis pas athée pour autant. Je serais même d’accord avec Benjamin Constant pour trouver à l’irréligion quelque chose de vulgaire et de… oui, d’usé."
[A. Camus - Le Monde, 31 août 1956]

La question se pose des ressorts de cette perception d’usure. Ils sont nombreux, en filigrane souvent dans son œuvre, en plein jour me semble-t-il dans la préface d’une réédition de L’envers et l’Endroit : "Pour corriger une indifférence naturelle, je fus placé à mi-distance de la misère et du soleil. La misère m’empêche de croire que tout est bien sous le soleil et dans l’histoire, le soleil m’apprit que l’histoire n’est pas tout."

Loin du paganisme grec, soleil porteur d’une fulguration spirituelle, extraite de Noces, sur une stèle gravée face au large de... Tipaza ! : "Je comprends ici ce qu’on appelle gloire : le droit d’aimer sans mesure."

Parigoth

"Antigone a raison mais Créon n'a pas tort".

Comment ne pas voir là une allusion de Camus à l'Antigone d'Anouilh plutôt qu'à celle de Sophocle ?

On sait que cette version, où Antigone est supposée symboliser la Résistance et Créon Philippe Pétain, a été reprochée à Anouilh pour ne pas avoir noirci le personnage de Créon - dépeint comme un monarque fatigué d'exercer le pouvoir mais continuant de le faire par devoir sans illusions - et pour ne pas avoir cherché à forcer le trait quitte à tomber dans un manichéisme binaire en noir et blanc.

Nous pouvons penser que cette prise de distance avec le dogmatisme terroriste explique une partie de la personnalité de Camus lui-même, visant manifestement à faire respecter son droit à la nuance, en dehors de tout esprit de chapelle.

Camus a été encensé et revendiqué à une époque par les « intellectuels » de gauche, mais sans vouloir absolument faire parler les disparus nous pouvons penser (entre autres suite à ce que l'épisode de Stockholm nous a révélé de son attitude) que le déroulement des événements de la guerre d'Algérie l'auraient conduit à prendre des positions qui auraient tranché avec celles de ses compagnons de route.

Et par certains côtés, nous pouvons même nous demander si nos chasseurs de sorcières actuels ne seraient pas parfois tentés de lui coller une étiquette d'« extrême droite » sur le dos...

Tipaza

Célébrer Albert Camus, cet immense humaniste, voilà qui serait presque une banalité si cette célébration n’avait lieu le jour de Noël.
En voulant célébrer la paix entre les hommes vous faites appel à un athée !
Car enfin Camus n’a jamais caché son athéisme. Un athéisme d’ailleurs, qui par certains aspects pourrait se rapprocher du paganisme grec. Il a chanté la nature et la mer Méditerranée à la façon des Grecs.

Mais il refusait l’un des fondements de la religion chrétienne. L’espérance en une autre vie, après la mort.
Il est même allé jusqu’à écrire :
« Il ne me plaît pas de croire que la mort ouvre sur une autre vie. Elle est pour moi une porte fermée. » (Noces, Ch. Le vent à Djémila)

Alors en ce jour de Noël qui ne célèbre pas seulement la paix entre les hommes à laquelle vous souhaitez participer, mais qui commémore la naissance de Jésus rédempteur du monde, Camus est « un peu » en dehors de la foi chrétienne.

La naissance de Jésus est la marque de la force de l’innocence et de sa future victoire sur le mal.
Camus a chanté l’innocence à sa façon, à la façon des Grecs, une innocence plus qu’humaine, dionysiaque.
En voici quelques lignes parmi les plus belles de la littérature :

« Je me souviens du moins d'une grande fille magnifique qui avait dansé tout l'après-midi. Elle portait un collier de jasmin sur sa robe bleue collante, que la sueur mouillait depuis les reins jusqu'aux jambes. Elle riait en dansant et renversait la tête. Quand elle passait près des tables, elle laissait après elle une odeur mêlée de fleurs et de chair. Le soir venu, je ne voyais plus son corps collé contre son danseur, mais sur le ciel tournaient les taches alternées du jasmin blanc et des cheveux noirs, et quand elle rejetait en arrière sa gorge gonflée, j'entendais son rire et voyais le profil de son danseur se pencher soudain. L'idée que je me fais de l'innocence, c'est à des soirs semblables que je la dois. Et ces êtres chargés de violence, j'apprends à ne plus les séparer du ciel où leurs désirs tournoient. » (Noces, Ch. L’Été à Alger)

C’est si beau, que c’est bien la preuve que "Vocatus atque non vocatus deus aderit", et pour cela on lui pardonne.

anne-marie marson

A propos de ce caractère sélectif et volontairement amnésique des commémorations l'an passé en 2012, c'était le centenaire de la mort d'Henri Poincaré. Hormis la communauté scientifique, personne ou presque n'a eu un mot pour ce génie universel.

Je suis d’accord avec cette analyse. J’ai entendu une interview de Serge Haroche, remarquable de clarté et d’intelligence. J’ai moins aimé l’intervention récente de Pascal Picq, anthropologue, sur France Inter, qui est celle d’une vulgarisation de bas niveau.
Ceci dit, Monsieur Bilger nous oblige à des vacances de Noël studieuses, puisque pour répondre à ses billets il faut relire Shakespeare, Karl Marx, l’Ancien et le Nouveau Testament, Albert Camus parmi les plus récents, et j’en oublie.
En tout cas, je souhaite de bonnes fêtes de Noël à tous.

semtob

Cher Philippe,

Nous ne pouvons vous laisser dire que Camus fut inspiré par un philosophe maudit.
Si vous reprenez la lecture de "L'Homme révolté", dans son chapitre dernier et qui reste d'une fraîcheur étourdissante, "Au-delà du Nihilisme", vous verrez qu'un abîme sépare Camus de ce philosophe. Prenons par exemple la métaphore de la moisson :
"L'obsession de la moisson et l'indifférence à l'histoire, sont les deux extrémités de mon arc"... (la citation saute trois pages).
"A cette heure où chacun d'entre nous doit tendre l'arc pour refaire ses preuves, conquérir, dans et contre l'histoire, ce qu'il possède déjà, la maigre moisson de ses champs, le bref amour de cette terre, à l'heure où naît enfin un homme, il faut laisser l'époque et ses fureurs adolescentes. L'arc se tord, le bois crie. Au sommet de la plus haute tension va jaillir l'élan d'une droite flèche, du trait le plus dur et le plus libre."
C'est le long silence de Prométhée qui crie encore.
Ceci pour montrer "l'interminable tension et la sérénité crispée", la fécondité d'une révolte vigilante.
Camus précise que Nietzsche est un fantôme, un philosophe sans tendresse. Nous nous laissons relire les autres leçons à son attention.
françoise et karell semtob

Carl+Larmonier

Ma mère m'a toujours dit que pour elle l'écrivain le plus sombre était Kafka ; j'ai pu en entendre qui me dirent que c'était Boris Vian ou Jean-Paul Sartre qui leur causait un profond malaise.
Pour moi ce n'est pas Kafka. J'ai toujours trouvé son style narratif surréaliste drôlissime et Jean-Paul Sartre reste pour moi un réaliste existentialiste point à la ligne.
D'ailleurs, je n'ai jamais compris que l'on classe Kafka dans les existentialistes ; son œuvre m'a toujours fait plutôt sourire et même rire parfois et pour tout avouer cela reste mon écrivain préféré.
Par contre j'ai déjà lu plusieurs Camus. Alors, là, d'accord. J'ai toujours ressenti comme une nappe de brume engluant sa plume, une écriture au napalm comme derrière une nappe de brouillard et je n'aimerais pas, la plupart du temps, vivre dans un de ses romans. Je ne le relirai pas déprimé mais je suis d'accord pour le classer dans les très bons écrivains désespérés comme Cioran.

Jabiru

Un philosophe sincère avec lui-même, qui n'a pas hésité à privilégier ses idées au prix de rompre définitivement avec certains de ses amis.

fredi maque

Rien de ce qui est humain ne lui a été étranger.

Bravo !

Parigoth

A propos de ce caractère sélectif et volontairement amnésique des commémorations l'an passé en 2012, c'était le centenaire de la mort d'Henri Poincaré. Hormis la communauté scientifique, personne ou presque n'a eu un mot pour ce génie universel.

Henri Poincaré qui fut le véritable inventeur de la théorie de la relativité, avant quelqu'un d'autre dont le nom m'échappe...

Frank THOMAS

Camus est l'anti-Sartre. De toutes ses fibres il refuse le dogmatisme scolastique, le rejet de celui qui ne pense pas comme nous, l'intellectualisme coupé des réalités de la science et du monde.
Sartre est un clerc médiéval, Camus un homme moderne, révolté et profondément humaniste.
Qu'on me permette une petite anecdote : mes parents travaillaient tous deux à Radio Alger et Camus y adaptait, avec l'oncle de Bedos, Jacques, des dramatiques radiophoniques. J'ai le souvenir d'avoir sauté sur ses genoux et qu'une seule chose me rebutait chez cet être doux et charmant : une oreille ratatinée qui me faisait un peu peur !

Marc Ghinsberg

"Camus, c'était bien, mais trop souvent un peu prêcheur. Sérieux comme Yourcenar, il était rarement amusant à la façon de Rabelais, de Montaigne, de Chateaubriand, de Hugo ou d'Aragon."
Jean d'Ormesson, Un jour je m'en irai sans avoir tout dit (Robert Laffont).

Jugement sévère. Mais le côté "prêcheur", pontifiant de Camus (surtout dans ses interviews) m'a toujours gêné.

Xavier NEBOUT

Non Monsieur Bilger ! Aujourd’hui, ce n’est pas la fête d’Albert Camus ni celle des francs-maçons, mais Noël.

Il est dommage que dans une période où notre pays cède à l’invasion musulmane et tombe dans l’athéisme sous couvert de laïcité comme pour l’aider, vous ne saisissiez pas l’impérieuse nécessité de ne vous attacher à ce qui a forgé notre civilisation.
Seuls ceux qui n’en veulent pas, savent ce qu’est Dieu. Les autres lui donnent le sens que leur donne l’écoute de leur cœur. Ecoute est ainsi le maître mot des bénédictins.
Certains nous diront que c’est en écoutant le cœur des hommes qu’on est près de Dieu et non en l’invoquant. Erreur ! Ecouter le cœur des hommes, c’est entendre leur angoisse devant l’abîme qui les hante.
Moi, je ne vois que des gens qui hurlent : « Papa, pourquoi ne m’as-tu pas appris la religion de ton grand-père, pourquoi me laisses-tu si seul ? »

Tipaza

Albert Camus était un homme de la Méditerranée, ne cessant jamais d’y revenir.

On lui a reproché de ne pas être un vrai philosophe, ni un penseur patenté.
Il était plus que cela, il était un homme, en toute simplicité, un homme qui pensait avec son cœur. Des hommes qui pensent, il n’y en a pas beaucoup, et avec leur cœur encore moins.
Il se voulait, ou aurait voulu être un homme passerelle entre les différentes civilisations qui peuplent cette Méditerranée qu’il chérissait.
Il était trop humain, trop lié à cette mer et à ses rivages, pour imaginer ou pour accepter l’idée que la religion empêcherait définitivement tous rapprochements entre les hommes qui l’habitaient.

Il s’est peu exprimé sur cette violence qu’il sentait dans l’Islam renaissant. Et vous citez une des rares fois où il a exprimé son refus de la violence et du terrorisme aveugle, dans un engagement qui lui a été souvent reproché avec mauvaise foi.
Par contre il s’est souvent exprimé sur cette maladie de l’esprit qui est le drame de la démocratie occidentale.

Voici quelques lignes, parmi les plus explicites, extraites de « L’Été », au chapitre « les Amandiers » :

« …si l'on veut sauver l'esprit, il faut ignorer ses vertus gémissantes et exalter sa force et ses prestiges. Ce monde est empoisonné de malheurs et semble s'y complaire. Il est tout entier livré à ce mal que Nietzsche appelait l'esprit de lourdeur. N'y prêtons pas la main. Il est vain de pleurer sur l'esprit, il suffit de travailler pour lui.

Mais où sont les vertus conquérantes de l'esprit ? Le même Nietzsche les a énumérées comme les ennemis mortels de l'esprit de lourdeur. Pour lui, ce sont la force de caractère, le goût, le « monde », le bonheur classique, la dure fierté, la froide frugalité du sage. Ces vertus, plus que jamais, sont nécessaires et chacun peut choisir celle qui lui convient. Devant l'énormité de la partie engagée, qu'on n'oublie pas en tout cas la force de caractère. Je ne parle pas de celle qui s'accompagne sur les estrades électorales de froncements de sourcils et de menaces. Mais de celle qui résiste à tous les vents de la mer par la vertu de la blancheur et de la sève. C'est elle qui, dans l'hiver du monde, préparera le fruit. »

calamity jane

"Il est bon qu'une nation soit assez forte de tradition et d'honneur pour trouver le courage de dénoncer ses propres erreurs.
Mais elle ne doit pas oublier les raisons qu'elle peut avoir de s'estimer elle-même.
Il est dangereux en tout cas de lui demander de s'avouer seule coupable et de la vouer à une pénitence perpétuelle."

"Le temps des colonialismes est fini, il faut savoir seulement en tirer les conséquences."

Qu'il reste bien au chaud à dormir sous la lavande et le soleil du Lubéron.
Et merci à Monsieur Henri Guaino pour le livre commis, pour sa réflexion loin des ors de la République et sa capacité à expliquer tous ses choix.

Le Luyer

Merci pour cet hommage à Camus.
Joyeux Noël !

Achille

Bonjour Philippe Bilger,

« Un copain qui aimait le foot. Un séducteur qui aimait les femmes. Un intellectuel qui aimait convaincre et partager. Un homme qui aimait la compagnie des autres hommes. Un juste qui aimait être au plus près de la douloureuse et riche complexité des réalités auxquelles son existence discrète puis célèbre l'avait confronté. »

Vous avez raison, Philippe Bilger, Albert Camus ne s’est jamais targué de son statut d’intellectuel que lui avait décerné le petit microcosme germanopratin du Café de Flore. Il n’a jamais cherché à établir un courant de pensée, érigé en doctrine comme l’a fait celui que la presse se plaisait à lui opposer, à savoir J-P Sartre.

D’origine modeste, il a su rester simple, ce qui est tout à son honneur, car beaucoup, dans son cas, ont plutôt eu tendance à se comporter comme des parvenus. On a quelques exemples bien précis, notamment en politique.

Un homme à la pensée saine, qui aimait la vie, qui ne s’est jamais pris pour un phare de la philosophie et a donné à cette dernière toute sa vraie signification : comprendre le monde tel qu’il est, la société telle que l’homme l’a faite et la nature humaine avec ses grandeurs et ses faiblesses qui le mènent depuis l'aube de l'humanité.

S’il est un seul homme que j’aurais aimé connaître, c’est bien lui.

Ribus

Je n'ai rien contre l'hommage rendu à Albert Camus pour le centenaire de sa naissance. C'était un penseur et un écrivain de grande valeur.

Ce qui me chagrine est le caractère très sélectif de ce genre d'exercice d'admiration dont certains bénéficient et pas d'autres, en particulier de la part des politiques. Il y a toujours une arrière-pensée et c'est pénible.

A propos de ce caractère sélectif et volontairement amnésique des commémorations l'an passé en 2012, c'était le centenaire de la mort d'Henri Poincaré. Hormis la communauté scientifique, personne ou presque n'a eu un mot pour ce génie universel.

A Nancy, ville natale du mathématicien, il y a bien eu une petite cérémonie, mais le maire n'a pas jugé utile de se déplacer... En 1954, pour le centenaire de la naissance de Poincaré, le président de la République et plusieurs ministres s'étaient déplacés à la Sorbonne. Il faut croire que Poincaré est, lui, passé de mode.

Donc, très bien d'honorer nos grands hommes mais à condition que l'égalité de traitement et l'objectivité soient la règle.

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