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27 décembre 2013

Commentaires

Camille @ Parigoth

@ Parigoth 28.12 à 12:15

Lorsqu'Anatole France signe en 1898 avec Zola la pétition demandant la révision du procès Dreyfus, il est un écrivain célèbre, riche, critique littéraire au journal de centre gauche Le Temps, mais également élu à l'Académie Française depuis 1896. Son engagement en faveur de causes politiques est récent, l'affaire Dreyfus est épineuse, quasiment aucun autre académicien ne signera cette pétition qui demande beaucoup de courage, et donc l'étonnement de Léon Blum peut se comprendre. Après la dénonciation du génocide arménien, son soutien au capitaine Dreyfus, Anatole France s'investira dans de nombreuses autres causes sociales et politiques.

C'est exact, le clivage droite/gauche ne correspond pas avec la répartition dreyfusards-antidreyfusards qui s'affrontaient même dans le cercle familial, comme le représente la caricature de Caran d'Ache : "ils en ont parlé".

Simon Epstein explique dans son ouvrage que la corrélation entre anciens dreyfusards et collaborateurs proviendrait de leur pacifisme, une explication qui en vaut une autre, dans une recherche qui ne peut être exhaustive.

Alex paulista

Alain était de gauche, et pourtant aimait s'appuyer sur les mots et le style pour associer profondeur et fulgurances, le temps d'un Propos.

berdepas

Excellent exercice de style sur "le style" de la Droite, illustré par des exemples assez convaincants.
Mais on reste sur sa faim. Car on espérait un pendant tout aussi convaincant sur "la pensée à gauche"....
Surtout à une époque où, précisément, les idées de gauche n'ont jamais été aussi ringardes face à un monde auquel "la Gauche" semble ne rien comprendre et se complaît dans un "antimondialisme" totalement anachronique.

Buridan

@Frank THOMAS
"Les catégories politiques plaquées sur une oeuvre - et pire encore - sur un style, ont à peu près autant de pertinence que celles de la morale sur la plomberie."

D'accord, en général. Cela dit, il y a quand même des oeuvres qui sont politisées... Comme vous le dites vous-même, Céline est pacifiste et anticolonialiste, ce sont des positions politiques qui sont populaires de nos jours, mais qui n'étaient pas unanimement partagées (et qui étaient, en général, de gauche : Céline tient de la gauche et de la droite, comme certains). Et par exemple, comme écrivains dont les oeuvres sont souvent politiquement marquées, vous avez les Français Voltaire, Victor Hugo, Barrès, Martin du Gard et Saint-Exupéry ("Citadelle"), l'Italien Manzoni, les Russes Tolstoï, Dostoïevski et Soljenitsyne, les Allemands Stefan George, Ernst Jünger et G. Grass, le Norvégien Ibsen, les Etats-Uniens Whitman, Hemingway, Steinbeck et Dos Passos, le Péruvien Vargas Llosa...

Achille

@ Tipaza
« Toute la panoplie des réactions possibles, avec le cas limite d’Achille, dont vous êtes le héros, et qui pour vous être agréable compare Céline et Victor Hugo !
Je n’en suis pas revenu. Du coup j’ai passé ma nuit à relire les oeuvres de Céline, et je n’ai pas trouvé, pas même un chapitre sur l’Art d’être grand-père pour pouvoir comparer Victor et Ferdinand. »

Vous avez passé toute le nuit à lire les œuvres de Céline ? Je ne vous crois pas car une nuit n’y suffirait pas.

Je vous soupçonne d’avoir été sur Wikipédia, dont vous êtes un fervent utilisateur, ne serait-ce que pour nous servir régulièrement quelques citations dont vous êtes si friand.

Entre nous je pense qu’il aurait bien plus utile pour vous de relire l’œuvre d’Hugo : les Contemplations, les Châtiments, alexandrins admirables, voire mêmes les Misérables.
Au moins votre « voyage au bout de la nuit » aurait eu le mérite d’étoffer votre style. Quant aux idées je crains qu'il ne vous soit difficile d’en changer. C'est trop tard ! :-)

Ludovic

Bonjour M. Bilger,

Difficile de caser les écrivains dans le clivage politique droite/gauche au risque de les enfermer avec leurs oeuvres dans des engagements qui ne les concernent pas nécessairement.

C'est avec l'Affaire Dreyfus que des écrivains vont s'engager et que l'on forge le concept d'intellectuel.
Emile Zola, Anatole France, Julien Benda dans un camp ; Maurice Barrès et Charles Maurras dans l'autre.
Il est toutefois difficile de caser ces auteurs à gauche ou à droite, d'autant que la démarcation entre ces deux camps politiques était loin d'être claire avant 1880. Après la défaite de Sedan, la droite se résumait en gros aux monarchistes (eux-mêmes divisés entre légitimistes et orléanistes) et la gauche aux républicains.
Le nouveau régime était transitoire et le terme même de République ne s'impose vraiment qu'avec l'amendement Wallon de 1875. Ce n'est que dans les années 1880 que le clivage gauche/droite traverse le camp républicain.

Ainsi, n'en déplaise à Sylvain, il serait illusoire de vouloir enfermer Victor Hugo (dont il est le seul à ne pas lui trouver de style) à gauche, tant ses engagements politiques ont évolué au fil des régimes et de ses exils. Ses discours à la chambre des Pairs sur la peine de mort ou sur l'école contrastent fortement avec sa participation à la répression sanglante des émeutes ouvrières de 1848. D'abord confident de Louis-Philippe, puis proche de Louis-Napoléon Bonaparte dont il condamnera ensuite le coup d'Etat de 1851, enfin opposé à la répression de la Commune puis au président Mac Mahon, était-il pour autant de gauche ?
Comment étiqueter un personnage aussi complexe que le génie littéraire transcende ?

Si Emile Zola est à mon sens le premier véritable intellectuel au sens d'auteur engagé, ce n'est que tardivement, alors qu'il est au faîte de sa carrière littéraire, en 1898 avec son célèbre "J'accuse" que débute son engagement pour la défense de la vérité et par amour de la justice davantage que par un positionnement partisan. Cet engagement lui a coûté très cher, être présenté comme un traître à la Patrie et à l'armée, la condamnation, l'exil, et un siège qu'il avait tant espéré à l'Académie Française. Il ne l'a pour autant jamais regretté.

Céline, bien sûr, inoubliable auteur du chef d'oeuvre "Voyage au bout de la nuit", d'abord considéré proche de la gauche à ses débuts, fut ensuite un pamphlétaire antisémite avec l'innommable "Ecole des cadavres" de 1938 :
"Je me sens très ami d'Hitler, très ami de tous les Allemands, je trouve que ce sont des frères, qu'ils ont bien raison d'être racistes. Ça me ferait énormément de peine si jamais ils étaient battus. Je trouve que nos vrais ennemis c'est les Juifs et les francs-maçons. Que la guerre c'est la guerre des Juifs et des francs-maçons, que c'est pas du tout la nôtre. Que c'est un crime qu'on nous oblige à porter les armes contre des personnes de notre race, qui nous demandent rien, que c'est juste pour faire plaisir aux détrousseurs du ghetto. Que c'est la dégringolade au dernier cran de la dégueulasserie".
Son antisémitisme, comme son admiration pour le nazisme ont poussé son engagement politique jusqu'au collaborationnisme le plus vil avant sa fuite à Sigmaringen.

Comment classifier nos écrivains, philosophes et pamphlétaires d'hier et d'aujourd'hui ?
Où se situait Jean-Edern Hallier qui se disait de gauche, pourtant condamné pour racisme et antisémitisme à plusieurs reprises ?
Si Denis Tillinac incarne l'intellectuel chiraquien, Eric Neuhoff me parait moins marqué politiquement.
Enfin où peut-on bien caser Marc-Edouard Nabe, polémiste inclassable passé par Hara-Kiri et proche du professeur Choron puis considéré comme antisémite depuis "Au régal des vermines" avant de se faire défenseur de Ben Laden ? Pas sûr que la droite, ni le Front National ne le revendiquent.
Rien n'est jamais simple et quant au style, je ne crois pas qu'il soit de droite ou de gauche.

Boris

Mon cher Nebout, vous faites une fixation sur la loi du père et la culpabilité, c’est très grave, il faut consulter ! Tenez, c’est la nouvelle année, je vous fais une fleur : si vous en êtes d’accord, je vous prends rendez-vous avec Gérard Miller.

C’est un lacanien, ancien Mao-Spontex, et surtout il est l’auteur d’une somme, Les pousse-au-jouir du maréchal Pétain, qui fait autorité. C’est le premier à avoir décrypté en profondeur la bêtise stupéfiante et satisfaite des discours du Maréchal, à avoir défini le Père jouisseur et tyrannique comme l’emblème de la puissance étatique sous Vichy : « Personne ne réussissait à se hisser à la hauteur de l’exigence pétainiste, et c’est pour cela qu’on peut dire de Pétain ce qu’on dit du surmoi : qu’il était à la fois obscène et féroce ». Eh oui, Xavier Nebout ! C’est Miller qu’il vous faut !

Après une petite analyse d’une dizaine d’années, vous serez tout à fait guéri et apte à vous rendre à la fête de l’Huma.

Robert

Cette séparation me paraît spécieuse parce qu'artificielle et liée à notre temps, du moins depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et surtout depuis ces dernières décennies, et non à notre histoire culturelle.
Certains ont évoqué Hugo dans la seconde partie de sa vie comme homme de gauche. Pourtant, pair de France, il a commencé sa vie politique dans ce qu'on appelle la droite.
Au-delà de la littérature, le personnel politique des débuts de la IIIe République, de gauche comme de droite, a cultivé et le style et la pensée. Ce faux débat me paraît donc essentiellement parisien et germanopratin.

En revanche, la gauche actuelle a massacré la culture au profit de tous et y a substitué une sous-culture tout aussi bien que la droite actuelle. Il convient sur ce point de se pencher sur les programmes du primaire et du secondaire pour voir le sort réservé à l'enseignement de la langue française, de l'histoire, de la géographie notamment. Et ce ne sont pas Messieurs Hollande et Sarkozy, ni Lionel Jospin, qui sont des références de notre culture. Il suffit de lire les débats lancés par le ministre de l'Education nationale sur les classes préparatoires pour s'apercevoir que la gauche actuelle, qui se prétend républicaine et qui de facto est antirépublicaine, a la volonté de tout niveler par le bas en voulant éradiquer l'élitisme républicain, celui qui a donné, pour se rattacher au billet précédent, un Albert Camus ! De même qu'elle fait tout pour tuer la culture française : il suffit de lire les rapports sur la politique d'intégration pour s'en convaincre.
Un seul mot d'ordre : la honte d'être Français, son seul leitmotiv !
Et, plus largement, c'est la politique de l'élite européenne qui n'a qu'un objectif : supprimer tout ce qui peut évoquer les nations, en premier lieu les cultures diverses qu'elles représentent. Cela au prétexte de supprimer le nationalisme, censé être père de tous les maux de notre continent. A cette belle diversité on substitue l'uniformité de la sous-culture financiariste de l'empire culturel nord-américain. Quel progrès !

Parigoth

@Camille
Anatole France, injustement méconnu, écrivain militant, ami de Jaurès, de Zola, engagé pour la défense de Dreyfus (…)

Attention à ne pas tomber dans le simplisme : la répartition dreyfusards-antidreyfusards ne reproduit pas nécessairement le clivage gauche-droite, une partie de la gauche ayant été violemment anti-dreyfusarde.
A propos d'Anatole France, Léon Blum a dit de lui : « Lorsque j'ai appris qu'il était dreyfusard, je fus enchanté mais étonné ».

Cette citation est extraite de l'ouvrage de Simon Epstein Les dreyfusards sous l'Occupation (Albin Michel, 2001), dans lequel il expose la corrélation ayant existé entre dreyfusards (pour ceux qui vivaient encore) et « collaborateurs ».

Carl+Larmonier

Tout homme qui marche peut s'égarer - Goethe.
Moi, je suis pour un homme, politiquement, qui marche et tout en gardant son cap puise aux alentours, parfois, pour consolider son esprit.

Xavier NEBOUT

A droite, l’esthétique est la forme de l’amour du père. A gauche, on cherche à justifier la haine du père par des idéologies. Dieu et le diable.

Sous prétexte de révolte légitime, la haine est très manifestement l'âme de la gauche. On hait les patrons, JMLP, les curés, les racistes, les antisémites, l’extrême droite, les ceci, les cela, en général tout ce qui relève de la tradition et sans savoir au juste pourquoi. Le maréchal Pétain synthétise ainsi tout ce qui doit être haï.

La révolution est toujours animée par une haine féroce animée de colère comme justification inconsciente de la culpabilité.

Tipaza

« Le style à droite, la pensée à gauche ? »

Je vous ai lu vantant successivement les mérites de N. Sarkozy, de F. Bayrou, de F. Hollande et tout récemment encore chantant le charme et la fine intelligence de Marion MLP, avec toujours le même excellent style.

J’en conclus que vous êtes le parfait contre-exemple de votre billet.

Que vous êtes ou que vous seriez, au présent ou au conditionnel ? That is the question !
Car enfin que diable êtes-vous allé faire dans cet étiquetage sauvage, à gauche le mauvais larron à droite le bon, ou l’inverse.

À partir de quelques faits ponctuels, indéniables, vous en tirez des conclusions générales bien hâtives. Le raisonnement inductif a ses limites surtout lorsqu’il concerne le comportement humain. Me vient alors une idée saugrenue, mais tout aussi plausible que votre séparation « stylesque ».
Peut être s’agit-il d’une nouvelle expérience de Milgram, pour tester la capacité critique de vos lecteurs.
Et là vous avez été gâté. Toute la panoplie des réactions possibles, avec le cas limite d’Achille, dont vous êtes le héros, et qui pour vous être agréable compare Céline et Victor Hugo !
Je n’en suis pas revenu. Du coup j’ai passé ma nuit à relire les oeuvres de Céline, et je n’ai pas trouvé, pas même un chapitre sur l’Art d’être grand-père pour pouvoir comparer Victor et Ferdinand.

Enfin tout ceci pour vous dire que vous m’intéressez, m’intriguez, et m’amusez .
Et vous savez qu’à droite on s’amuse beaucoup, avec de la classe et du style évidemment.

Je formule donc le vœu, un peu anticipé, de vous voir continuer dans cette voie, si vous le voulez bien.

Perplexe-gb

Ronsard devait être de gauche avec mieux vaut une tête bien faite qu'une tête bien pleine. Je suis effaré par le lien que fait ce billet entre le style et les idées politiques. Le style cela peut venir tout seul pour les gens doués ou être le fruit d'un travail de reprise incessant comme en témoignent les vieux manuscrits raturés ou l'œuvre de Ffaubert qui se plaignait de sa difficulté à écrire.
Monsieur Bilger vous rédigez bien, mais vous pouvez raisonner faux, à l'image de bien des hommes de médias, vous tirez des conclusions qui vont très loin dans l'absurde et le déni de réalité. A l'analyse on peut être moins sévère en disant que vous maniez les paradoxes par effet de style pour opposer les mondes et en cela selon votre argumentation vous n'êtes vraiment pas un homme de gauche.

fugace

[....Le style est souvent une manière de se cacher.]

En effet, cette phrase résume bien ce billet. Pourtant je demeure convaincu que le style est à sa façon un moyen de s'extérioriser. Seuls les moyens diffèrent.
Et il est probable que l'on pourrait utiliser cette affirmation dans nombre de domaines depuis le sport jusque dans la vie quotidienne.

«Le style simple est semblable à la clarté blanche. Il est complexe, mais il n'y paraît pas» (A.F. )

"mais qu’un pape se lance sur le terrain glissant de la définition d’un modèle de société (j’exagère un peu à dessein), voilà le problème."
Tipaza

"Il ne dit pas ce qu'il faut faire, il dit ce qui n'est pas tolérable.

La loi procède justement ainsi, elle ne vous dit pas ce que vous devez faire, mais ce qu'elle vous interdit.

Une religion - surtout celles du Livre, les mystiques asiatiques sont plus subtiles - est une loi, La Loi.

Ce pape est dans son rôle.

Pleinement."

AO

Camille

Un exemple d'écrivain conciliant pensée de gauche avec la perfection du style :
Anatole France, injustement méconnu, écrivain militant, ami de Jaurès, de Zola, engagé pour la défense de Dreyfus et de multiples causes, et dont le style classique, élégant, parfois d'une ironie subtile, fut une référence et un modèle pour les générations suivantes.

semtob

Cher Philippe,

"Bon. Mais de gauche ? De droite ? Est-ce qu'il pourra s'échapper, s'esquiver si facilement ? Non, alors, ne pas s'esquiver. Car ce n'est pas rien, après tout. Ce n'est pas une mince question. Ce n'est pas une mince histoire. Ce n'est pas un mince patrimoine qu'elles transportent toutes les deux, sur notre droite, sur notre gauche. Eh bien donc, article un : la droite et la gauche existent. Article deux : elles existent comme des noms, des histoires, des patrimoines. Article trois : celui qui le nierait, qui révoquerait en doute cette existence serait à peu près aussi comique que s'il doutait du Parnasse, du Romantisme ou du Théâtre. Article quatre : il y a un troisième larron qui, en revanche, a récemment troublé la fête et qui s'appelle le totalitarisme. Article cinq, donc, et dernier : il y a des totalitaires de droite, des totalitaires de gauche, des antitotalitaires de gauche, des antitotalitaires de droite. Se repérer dans tout ça ?Choisir la gauche contre la droite ? La droite contre la gauche ? Choisir l'une ou choisir l'autre, selon qu'elle choisit elle-même son camp dans l'autre affaire ? C'est très exactement la tâche imposée. L'intellectuel du troisième type, un jeu à quatre termes. Antitotalitaire alors? Totalement ? Exclusivement ? Et le verra-t-on, un coup à droite, un coup à gauche courir la planète comme un chien fou à la recherche de ses morts de gauche, puis de ses morts de droite, puis de ses morts de gauche à nouveau, de peur que l'équilibre n'y soit pas encore tout à fait ?Grotesque. Intenable. Complètement pris, surtout, dans le minimalisme mou dont il aura entrepris de se libérer. Aimer tout le monde, c'est n'aimer personne. Amour sans visage n'est qu'amour de soi prolongé. Et on sait depuis Marat, Robespierre et quelques autres que les "amis du genre humain" ont toujours été, en réalité, ses plus acharnés assassins. Sans doute vais-je choquer. Mais je n'aime pas le "genre" humain. Je me moque de son salut. Et de même que Baudelaire, encore lui, revendiquait "le droit de choisir ses frères", je revendique, moi, le droit de choisir mes morts."
Eloge des Intellectuels de Bernard-Henri Lévy.

Voici ce que votre billet nous conduit à souligner, la pensée, le style et l'action ne pouvant s'exprimer dans le déni particulièrement chéri par la gauche actuelle qui s'auto-contente de ses échecs.
françoise et karell Semtob

genau

"Qui abordera ici pour la première fois croira sans doute inaugurer de ce belvédère choisi les délices de l'incomparable reflet nuancé et moiré de nos toits et de nos églises au liquide miroir qui tremble toujours.
Je tiens de Barrès qu'il y a des rapports entre nos plus pauvres quartiers et ceux que l'on rencontre à Murano et à Chioggia, faubourgs de Venise. Alors, pourquoi cette lumière d'aquarium, ces étangs, ces quais, ces canaux, ne méneraient-ils pas à quelque bourgade des Flandres ? Quelque chose m'y parle aussi, à des égards tout autres et tout aussi réels de beaux lacs du Nord italien."

Cet écrivain poète pensait aussi, très fort, et nul n'en a parlé. Deviné ?

La débauche des idées, des leçons publiques encapuchonne la littérature d'une séduction ambiguë, livre les illusions comme des évidences, alors que les choses de l'intime ne se portent pas sur la scène des théâtres. La raideur du style de certains ramène chacun à sa place, dans son comportement envers les autres, tel que sa raison et sa piété l'inspirent.
Etait-elle de droite cette philosophe morte si jeune à Londres que les commentaires de gauche sur son enracinement, vertu classée à droite, placent à côté de Platon, alors que bien des écrivains de droite placent Platon à gauche, comme créateur de la société fermée et autoritaire, à l'égal de Marx ?
La sélection du billet me paraît bien trop contemporaine comme si la politique venait pervertir le sens de l'écriture et fournir une argumentation assez vaine car, en général, on classe un écrivain à droite s'il ne hurle pas avec les loups et à gauche s'il vaporise de la pensée à l'occasion de son écriture ?
Drieu la Rochelle est l'exemple de la vanité de ce classement, car il est un homme originairement de gauche, a dirigé la NRF qui n'était pas particulièrement de droite a sauvé surtout des hommes réputés de gauche et a versé dans le fascisme par désespoir. Mais il a été classé à la Libération et porte sa marque comme une fleur de lys sur l'épaule.
Léautaud que l'on classe assez bien dans les désespérés d'origine n'est pas sévère vis-à-vis d'Hitler et lui donne souvent raison dans sa conduite de la politique. Où est la droite ? la gauche ? si ce n'est dans l'esprit français.

Liliane Guisset

Cher Monsieur Bilger,

Dans un commentaire qui faisait suite à votre billet consacré à Marion Maréchal-Le Pen je m'étais laissée aller à un rapprochement lapidaire entre vos réflexions bienveillantes à l'égard de cette dernière et votre supposée adhésion aux thèses du parti dont elle est la dernière héritière. Vous m'aviez fait l'honneur de me répondre en ces termes :
"(...) J'ai été obligé, pour avoir la paix, contrairement à mes principes de liberté, de dire il y a quelques années, que je ne voterai jamais pour le FN mais que j'étais un citoyen et un intellectuel modeste désireux de formuler tout ce qui me semblait intéressant sur ce parti et ses responsables en gros ou en détail. Je prends la peine dans ce billet de rappeler les fondements qui me déterminent et qui consistent à ne pas me plier aux diktats d'une bienséance pas plus morale que la mienne mais en tout cas plus frileuse et moins courageuse. Combien de fois faudra-t-il répéter l'injonction de lire totalement mes posts avant de me condamner de manière expéditive ? Si j'ai cette appréciation favorable et facile à justifier sur MMLP, ce n'est pas un scandale. Vous pouvez être en désaccord avec moi. Et alors ! Ce que je vous interdis, (...) c'est de tirer d'un point de vue subjectif et fragmentaire dont je n'ai absolument pas honte des conclusions globales éloignées de ma vision et qui ne font plaisir qu'à ceux qui ne savent adhérer ou détester qu'en bloc ! Tout cela est ridicule, injuste et infantile. La multitude de ces petits commissaires politiques m'effraie.(...)"

Oui, je vous ai condamné de manière par trop expéditive, Monsieur Bilger et - oui - je reconnais que j'ai eu tort.
Permettez-moi tout de même de revenir sur la réflexion centrale ébauchée dans mon modeste commentaire et qui porte sur le "nouveau visage" du Front National et la validité contestable de cette expression.
Je ne peux en effet m'empêcher de songer que les abjectes saillies antisémites du père (encore elles, toujours elles, forcément, nécessairement), son racisme "viril" assumé avec l'arrogance que l'on sait, son impardonnable relativisme quant aux atrocités commises durant la Seconde Guerre mondiale, je ne peux m'empêcher de songer que cette longue suite de dérapages parfaitement contrôlés constitue autant par leur contenu que par leur caractère récurrent un venin originel - une faute - qu'il conviendrait de condamner clairement, définitivement, sans omettre de citer le nom du coupable. Ce devoir de condamnation reviendrait, devrait revenir, à celles qui ont davantage reçu un état d'esprit qu'un parti en héritage. C'est à ce prix - fort - que les paroles de Madame et Mademoiselle Le Pen, pourront se réclamer d'une généalogie morale au-dessus de tout soupçon quel que soit le sort qui leur sera réservé dans le futur : entérinées, mises en doute ou combattues. Malheureusement la jeune Marion a exprimé voici peu le souci de restaurer l'honneur de son grand-père... Quant à Marine Le Pen, c'est du bout des lèvres et avec dans le ton un "si vous y tenez" que pressée par l'insistance pathétique de Serge Moati elle avoua en son temps regretter l'errance langagière du père à propos de l'existence des chambres à gaz.
Je n'ai ni votre envergure ni votre souplesse intellectuelle, Monsieur Bilger, et pour l'heure je ne parviens pas à voir dans l'incontestable intelligence de Marine Le Pen pas plus que dans la séduisante jeunesse de sa nièce des circonstances atténuantes à leur refus de condamner ce qui est condamnable. D'où mon malaise.
Mais ce malaise ne doit pas vous être étranger car les raisons qui vous font dire "je ne voterai jamais pour le Front National" croisent sans doute les miennes à l'intérieur même de mon propre malaise.

Et pour revenir une dernière fois sur la nature effectivement infantile de mon erreur de jugement, je vous demanderai - cher Monsieur Bilger - de mettre cela, outre sur une impulsivité qui se doit d'être combattue, sur le compte d'une frayeur après tout bien légitime : quelque chose comme la peur de vous "perdre".

Lucile

Je triche : je fais semblant de n'avoir pas lu le billet dans son intégralité, et je n'en conserve que le titre. Je l'applique à la politique, puisque c'est quand même de cela qu'il s'agit.

Le style à droite ? Hum. La pensée à gauche ? Hum, hum.

À ce propos, j'ai apprécié à leur juste valeur les tours de passe-passe d'un analyste politique de gauche hier sur la 5 vers 18 heures 30. Ce n'était pas de la dialectique, c'était un enchaînement de sophismes, sans compter quelques proclamations de mépris à l'égard du Français moyen. C'est sans doute parce qu'il n'en a pas une bonne opinion qu'il le noie sous d'interminables arguments spécieux. Cette opinion n'engage que moi.

Pardon Philippe Bilger. Je ne raterais pour rien au monde aucun de vos billets, et je déguste avec le même plaisir les commentaires que vous suscitez.

Boris

Encore une question qui ne date pas d’hier, monsieur Bilger... Résumons.

A l'été 1789, un an à peine après l’entrée de la France en politique, les opinions divergent sur l’étendue du pouvoir royal, l'Assemblée se divise en deux. Depuis lors, le côté droit vit dans l'émigration, extérieure d’abord, intérieure ensuite, parfois physique et toujours morale. De temps à autre, une exception, à Colombey ou ailleurs...

Cette situation navrante, qui fut déjà celle du cardinal de Retz, va de pair avec la solitude, les coteries, la rumination, l’acidité des humeurs. On a son poêle pour les soirées d’hiver, on s’abstient avec soin de voter, on maudit la Gueuse et on élève ses chats : on en fait même parfois une profession, comme Léautaud. On a l’esprit méchant, tel Rivarol, mais on oublie d’avoir le cœur bon. C’est donc tout naturellement qu’on condense son mépris en mémoires, que d’autres oeuvres suivent ou précèdent. Si on n’a pas hérité son talent, on l’acquiert : et le style finit par survenir, car le style, c’est l’homme.

Une fois par siècle, c’est la Revanche, la Divine Surprise : 1815, 1940. Alors on se défoule, on commet des pamphlets, on sert de nègre, on devient ministre ou ambassadeur. Heureusement pour les lettres françaises, cela ne dure jamais très longtemps.

Non, voyez-vous, ceux qui écrivent encore le mieux, ce sont les écoeurés de naissance : Saint-Simon, Chateaubriand, Flaubert, Céline ou Léautaud. Il n’y en a plus. Faut-il le regretter ?

Frank THOMAS

Prudemment, Philippe, vous réfutez par avance les objections et les exceptions aux fondamentaux que vous essayez d'établir. C'est habile, mais je me sens néanmoins autorisé à vous dire que ce que vous écrivez dans ce billet relève de l'arbitraire et que votre sélection omet à dessein tous les écrivains - et l'on pourrait élargir le sujet à tous les artistes - qui n'entrent pas dans vos catégories.

D'abord, il est à noter que l'engagement à gauche ou à droite ne joue que pour la période qui va de la fin de l'Ancien Régime à nos jours.
Bien malin, en effet, est qui peut dire si Ronsard, Rabelais, La Rochefoucauld, Madame de La Fayette, Fontenelle, Marivaux, etc. sont "de gauche" ou "de droite".
Mais à ne considérer que les écrivains, romanciers ou poètes des temps modernes, pouvez-vous sans rire assigner une couleur politique à Mallarmé, Flaubert, Huysmans, Lautréamont, Apollinaire ou Proust ?

Vous êtes trompé par ce que vous savez de l'engagement de l'homme. Mais cet engagement n'induit pas celui de l'oeuvre.
Céline - hormis ses délires antisémites qui d'ailleurs ne caractérisent absolument pas la droite - est anticolonialiste et pacifiste. Sont-ce des valeurs de droite ?
Quid de Camus - puisque vous en parliez récemment - de Gracq, Sollers, Decoin, Dubillard, Blondin, Vargas, Queffelec, etc. ?

Les catégories politiques plaquées sur une oeuvre - et pire encore - sur un style, ont à peu près autant de pertinence que celles de la morale sur la plomberie.

caroff

Après avoir lu cet été "L'histoire de la guerre d'Espagne" par M.Bardèche et R.Brasillach (Plon), j'ai revu totalement mes préjugés sur les écrivains de droite. En voilà deux qui pourfendent les idées reçues sur cette triste période en s'attachant à parler des faits et non à invoquer le bien ou le mal comme le font trop souvent les écrivains de gauche.

Carl+Larmonier

Et Emile Zola ? J'ai passé des milliers d'heures à lire les Rougon-Macquart avec délices. Je pense qu'il peut représenter à lui tout seul l'écrivain et le penseur de gauche. Mais tout cela est relatif. Dans quel parti serait Emile Zola s'il était vivant et présent de nos jours ?

Achille

@ Tipaza
« Comparer Céline et Victor Hugo !
En pleine trêve des confiseurs…
Il y a des petits matins rafraîchissants !! »

Au cas où cela vous aurait échappé, le thème du jour est justement de comparer les écrivains de droite et de gauche sur le style, mais aussi sur les idées.
Qui peut-on mieux opposer dans ce cadre sinon Hugo à Céline ?

Mais surtout, faites attention de ne pas prendre un refroidissement quand même ! :-)

sylvain

A droite : le style, la classe, l'allure, le charisme, la beauté, la politesse, le respect et la fierté des valeurs : morale famille, civisme, la culture de la liberté : expressions diverses, économiques, sociales...
A gauche : la pensée unique, la dégaine-dégueu, l'insignifiance, le moche, l'inculture, l'irrespect des vraies valeurs famille éducation, l'amoralité, l'incivisme, la censure, la liberté d'expression muselée, l'arrogance et le cynisme déplorables et pathétiques des ligues intellos donneuses de leçons, d'excuses permanentes et de repentances.

Céline, l'homme libre, a une autre allure que Victor Hugo, le bobo intello démago de l'époque !

Parigoth

Cependant, j'aurais beaucoup d'exemples qui démontreraient que, si le style est capital à droite, c'est que la pensée non seulement n'y pèse pas mais qu'elle y est quasiment refusée, tant la gravité, l'esprit de sérieux, le raisonnement, l'argumentation, le fil construit, cohérent d'une histoire, sans foucades ni paradoxes, sont aux antipodes du culte de la forme, de la légèreté et de la finesse des paragraphes.

Peut-être est-ce un peu caricatural.
Ne faudrait-il pas plutôt y voir, par analogie avec l'élégance qui ne doit pas se remarquer, une manière de rester profond sous un vernis de superficialité afin de surtout éviter de tomber dans une pédanterie aussi assommante que prétentieuse, qui est souvent une caractéristique des écrivains marqués à gauche ?

Le style « de droite », n'est tout simplement qu'une transposition de l'esprit français, qu'il se manifeste dans l'écriture, dans la vie quotidienne, dans les salons et parfois sur les champs de bataille...

Tipaza

"A commencer par Victor Hugo qui, en son temps, était l’idole de la gauche. Or la plume de cet écrivain, aucun écrivain de droite n’a réussi à l’égaler, même pas le très controversé Céline."
Rédigé par : Achille | 27 décembre 2013 à 10:27

Comparer Céline et Victor Hugo !
En pleine trêve des confiseurs…

Il y a des petits matins rafraîchissants !!

Parigoth

Souvent, le style avant même d'embellir les livres se retrouve déjà sur et dans les êtres.

« Le style, c'est l'homme » (Buffon)

Achille

Bonjour Philippe Bilger,

« La littérature de droite est d'autant plus obsédée par le style que celui-ci est souvent le masque sec ou somptueux - jamais volubile - de complexités, de tréfonds et de sentiments qui demeurent dissimulés aux lecteurs. Ces derniers n'ont qu'à s'arranger avec les rapidités, les fulgurances, les ruptures et les ellipses que ces écrivains de droite jettent avec élégance et générosité. »

En somme, si j'ai bien compris, ce que vous voulez nous dire c’est que les écrivains de droite seraient plus attirés par l’élégance de la rhétorique que par le contenu des idées auxquelles ils n’attachent pas vraiment d’importance.

Par contre les écrivains de gauche, eux, sont plus enclins à se focaliser sur la rigueur de la dialectique qui, elle, place l’idée avant le côté esthétique de la phrase.

Les premiers chercheraient à séduire, les autres à convaincre.

Mais peut-on vraiment généraliser ?
Je pense qu’en cherchant bien on pourrait trouver de nombreuses exceptions. A commencer par Victor Hugo qui, en son temps, était l’idole de la gauche. Or la plume de cet écrivain, aucun écrivain de droite n’a réussi à l’égaler, même pas le très controversé Céline.

Marco Carbocci

Je m'interroge. Il y a assurément des pistes profondes, à creuser, à parcourir, dans le postulat de cet article. Mais la question du style demeure, dépassant spontanément, je crois, les clivages idéologiques. En somme, ce que vous présentez comme le style d'une écriture de droite est peut-être surtout une vision conservatrice - l'épithète n'émettant évidemment ici aucun jugement de valeur intrinsèque - d'un style et d'une tradition d'écriture "à la française". Je ne suis pas convaincu en effet que la littérature comparée vous permette d'étayer les distinctions que vous mettez en exergue. Question ouverte en tous les cas.

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