Dieu sait que, depuis des années, j'avais relégué la flamboyance des défaites, les amertumes du romantisme blessé, l'alcool à flot jusqu'à plus soif, jusqu'à oubli de soi, la désinvolture peu charitable des élus, des seigneurs et l'exil au sein de sa propre vie. J'avais remisé au rancart cette bimbeloterie clinquante du mal d'être et de l'écriture sèche et impérieuse. Tous ces hussards plus de pacotille souvent que de vérité. La forme comme profondeur, comme pudeur.
Pourtant, il a suffi de la réapparition de Maurice Ronet auquel on vient de consacrer deux livres, dont l'un remarquable de José-Alain Fralon, pour faire renaître la magie, le trouble, le flou, la poésie, l'errance, la douceur triste, la voix retenue et pourtant si intensément présente avec ce timbre à la fois désarmé et unique, la nostalgie de ces moments qui fusionnaient si bien l'art et la vie, la perfection du film et l'âme et la sensibilité de son spectateur.
Maurice Ronet est mort il y a trente ans et il fait partie de ces êtres rares dont la disparition n'abolit rien, ni son visage ni son allure ni ses mots ni cette aura sulfureuse mais aussi si incroyablement civilisée, comme une personne de grâce dans un monde de brutes et d'incultes.
Le formidable récit de Drieu La Rochelle, "Le Feu follet", a permis, retranscrit à la perfection, transfiguré, compris dans ses recoins et ses sinuosités les plus sombres, les plus touchants, la survenue splendide de l'oeuvre de Louis Malle où l'accord exceptionnel du metteur en scène et de Maurice Ronet a offert aux spectateurs de quoi, paradoxalement, pleurer sur leur existence et trouver des raisons de vivre, tant la beauté, empruntant même les masques les plus déchirants, n'est jamais aussi désespérante qu'elle voudrait l'être.
Maurice Ronet, pour l'éternité, est cet homme fragile, déjà presque cassé, qui va chercher recours, secours auprès d'autrui mais ne s'affronte qu'à cette seule réalité qui est le besoin absolu qu'il éprouve d'être aimé, de ne pas être abandonné. Et le suicide sera la réponse à cette impossible quête.
Comment faire pour survivre, comment s'inventer, dans le désert humain où les rêves de proximité et de fraternité tombent misérablement en quenouille, des justifications pour demeurer et n'être pas trop indigne de l'esthétique de soi, comme un spectacle qu'on ne quitterait pas avant l'entracte ?
Maurice Ronet, c'est d'abord ce compagnon des salles obscures déambulant dans le Paris de l'angoisse et de la solitude tandis qu'au cours de mes multiples visions, je m'imaginais être ce feu follet se délitant par procuration et succombant par substitution.
Ce hussard empli de larmes, d'états d'âme et d'alcool, cet amoureux des livres, cet admirateur de Melville, cet ami incomparable, ce réalisateur admirable de Bartleby, ce séducteur si peu vulgaire, cet humain adoré et parfois détestable. Maurice Ronet comme une signature infiniment distinguée au bas du parchemin de notre chemin de joie, de notre chemin de croix.
La victoire du vaincu est éclatante, glorieuse. Les inoubliables sont ceux qui à aucune seconde ne craignent d'être effacés. Ceux qui respirent en faisant peut-être du bruit mais sans qu'il les empêche d'entendre le glas lancinant de la mort qu'ils portent en eux. Comme une habitude, telle une tentation ou une impatience.
Je ferme les yeux, j'ouvre le coeur. Le feu follet est de retour. Mais, très vite, dégoûté, il regagne le nid chaleureux et fidèle de nos mémoires, de nos souvenirs et de nos songes.
Rédigé par : Alex paulista | 18 décembre 2013 à 00:32
Pas impertinent, mais, so what, serais-je tenté de vous répondre.
Philippe a ses propres obsessions, elles ne sont pas malsaines, elles sont marquées.
Marquées par son histoire personnelle, qui n'a rien de plus glorieux que de honteux et réciproquement, qui est une histoire comme en avons tous, banale de sa singularité forcément universelle (facile, je sais), mais avec laquelle il semble s'être coltiné plutôt noblement à ce que je constate depuis quatre ans que le suis ici.
Au lycée qui m'accueillait dans le début des années quatre-vingt, j'avais fait la connaissance d'un garçon qu'avais trouvé singulier, plus posé et réfléchi que la plupart. J'avais "intuité" chez lui une profondeur, remarqué qu'il était d'influence marxiste, là qu'évoluions dans une ville et un lycée aux idées dominantes largement conservatrices, que mes parents avaient été gaullistes puis giscardiens bon teint, mais que sa façon d'être autant que de penser me le rendait sympathique.
Et puis, vingt ans plus loin, je reconnus sa voix un midi sur France Culture, il était devenu un historien reconnu et devint prof dans une grande université.
Je fis l'effort de reprendre contact avec lui pour débattre de son travail sur la colonisation, dont la qualité était certes digne de ses exigences d'alors, mais dont le tropisme à l'unilatéralisme dans l'examen des torts m'agaçait par trop pour que je ne lui disse pas.
Nous échangeâmes moult mails, convenant comme vingt ans plus tôt que l'important était de "tout dire", que le prix de l'honnêteté était là, par delà les vérités cruelles que cette exigence convoque.
Sur le fond, la rigueur quant aux faits, le dépassement de l'envie de démontrer ce qu'il nous plairait de conclure, la portée pédagogique comme civilisationnelle de toute démarche scientifique, nous étions d'accord sur tout.
Et pourtant pas portés à conclure une même vision de l'homme malgré une formation universitaire similaire, et a priori une même élévation morale.
Nos obsessions, elles nées de l'enfance et de l'environnement familial, voilà ce qui conditionnait le tout, qui ultimement nous conditionnait surtout.
Pourtant, j'ai de l'estime pour lui et j'aime à penser qu'il en a pour moi.
Mais il sait mes obsessions et je sais les siennes, quelque part, être fidèle à une image, à une sensibilité dont on sait qu'elle fut en un sens celle du Bien qu'on nous y offrit.
AO
Rédigé par : oursivi | 18 décembre 2013 à 01:41
"En quoi, de quelle manière, sous quel angle, sous quelle loupe, sous quels yeux aveugles, cerveau embrumé ou âme délétère, le billet de PB, le "Feu follet" ou le parcours de Ronet vous poussent-ils à écrire de telles sornettes ?"
Rédigé par : sbriglia@Alex paulista | 12 décembre 2013 à 17:32
Ce n'est pas le traitement d'un sujet en particulier, c'est l'omniprésence de certains thèmes qui, à force, paraît maladive.
Comme je l'ai écrit le problème est statistique.
Un jour notre hôte fustige le communautarisme des juifs (Encore un effort, Claude Lanzmann !), puis il annonce avoir souffert d´un racisme lui aussi qui en vaut bien un autre (Sale Boche !), puis il fustige l'antiracisme parisien (La désunion nationale, La France de Sézanne, le Paris de Taubira) en le mettant en perspective avec l'insécurité, puis, après un intermède où il félicite Fillon d'aller chasser sur les terres du FN (Après Fillon, Juppé ?), il célèbre l'anniversaire de la mort de Ronet, mais uniquement sous l'angle de Drieu La Rochelle en soulignant la "victoire du vaincu".
Même chose pour les entretiens : Alain Finkielkraut, Robert Ménard et Eric Zemmour constituent plus de la moitié des interviewés.
Notez que j'ai une tendresse pour Finkie que j'apprécie et que je serais honoré de compter parmi mes amis. Il n'empêche...
Au-delà d'un certain taux dans les fréquentations ou dans les conversations, il faut se demander pourquoi on passe autant de temps sur/avec certains sujets.
Je pratique les sports collectifs et dans mes équipes il y a des gens de tous bords politiques, de toutes orientations sexuelles, des introvertis, des extravertis, des juifs, des noirs, des Arabes, des fauchés et des fils à papa. On prend la douche, on s'engueule parfois puis on va boire un verre tous ensemble en parlant de tout. C'est très sain, mais je ne passerais pas plus de la moitié de mon temps à parler crise identitaire avec le plus "identitaire" de la bande, même si je l'aime bien lui aussi et que ses blagues racistes me font parfois sourire.
C'est une question de dose.
Parfois, lorsqu'on nous abreuve de certains sujets, il est bon de se demander pourquoi.
Comme en mécanique quantique, la réalité se définit en fonction de la base de projection, et celle-ci me semble "délétère", comme vous dites.
Rédigé par : Alex paulista | 18 décembre 2013 à 00:32
Rédigé par : Alex paulista | 10 décembre 2013 à 21:19
Ouais, c'est quand même bien sévère, car si on cherche, quelque part, partout, le jour, mais surtout la nuit, l'âme d'une ville, comme dirait Nebout, on peut facilement la trouver dans cette scène miraculeuse où Ronet et son frère d'errance la montre à si bien la chercher, eux aussi.
Cela se tient dans cette course dont ils s'enthousiasment, s'enchantent, enfin, derrière un bus à plate-forme si parfaitement parisien.
Sont certainement plusieurs âmes, plusieurs coeurs de Paris, pas au seul sens de lieu, mais aussi d'instants où ces lieux animent la ville, lui offrent de ces histoires fugaces qui donnent corps à ce qu'on y cherchera toujours.
Sont en ce Feu follet de ces très beaux instants.
AO
Rédigé par : oursivi | 17 décembre 2013 à 19:29
"Mais ici, Ronet, c'est simplement la rédemption du collabo.
On tourne autour des mêmes sujets : racisme, antiracisme, juifs, collabos, FN..."
Alex, j'ai lu et relu le billet de PB... Je viens de reposer l'admirable livre de Fralon... J'ai relu, cette nuit, "Le feu follet"...
En quoi, de quelle manière, sous quel angle, sous quelle loupe, sous quels yeux aveugles, cerveau embrumé ou âme délétère, le billet de PB, le "Feu follet" ou le parcours de Ronet vous poussent-ils à écrire de telles sornettes ?
Rédigé par : sbriglia@Alex paulista | 12 décembre 2013 à 17:32
J'ai revu le film, réécouté les gnossiennes, de nouveau accompagné l'histoire.
Après un instant de nostalgie, c'est l'ennui qui me saisit, puis une révolte contre ce laisser-aller de l'âme.
Soudain, je ne suis pas bien sûr que dans le Feu Follet la partition de Ronet soit très difficile à jouer.
Ni celle de Satie.
Rédigé par : Alex paulista | 10 décembre 2013 à 21:19
@ Carl+Larmonier.
Pour ajouter un second rôle à votre liste, Antoine Balpêtré, dans Ophuls, dans Cayatte et dans Le Cave se rebiffe. Rien que pour la réplique : "Albert Dutoit, mort en beauté" dans Nous sommes tous des Assassins !
Il pourrait encore y avoir de bons acteurs. On pourrait du moins l'imaginer. Mais pour les seconds rôles, c'est comme la marine à voile, c'est fini.
Rédigé par : Boris | 07 décembre 2013 à 17:58
Sur le site du Parisien on peut voir une vidéo où Alain Delon rend un hommage profond à Georges Lautner. Peut-être rend-il hommage à un certain âge d'or du cinéma français qui s'est désintégré en grande partie avec le temps. Celui de Maurice Ronet, Lino Ventura, de Blier, de Francis Blanche, Jacques Villeret, Louis de Funès, Bourvil et je laisse d'autres la continuer ; la liste est non exhaustive.
Les tontons flingueurs d'hier ont été remplacés par les flingues tout court dans certaines cités et banlieues d'aujourd'hui et ceux-ci prêtent beaucoup moins au rire et à la franche rigolade.
Rédigé par : Carl+Larmonier | 06 décembre 2013 à 18:50
Rédigé par Monsieur Savonarole le 05 décembre 2013 à 20:06
Merci pour ce lien concernant le magnifique "Poulidor" des acteurs de cinema de cette epoque revolue.
Elle aussi, visage et voix superbes, m'a tant fait rever, enfant :
http://www.youtube.com/watch?v=dEMUHE1O2mM
Dans cet extrait, on apercoit d'autres tetes connues... elle est la seule encore de ce monde !
Rédigé par : Valerie | 06 décembre 2013 à 17:40
Au vu de certaines publications, va falloir bientôt envoyer bessif, quelques casques bleus sur ce blog !
Encore que la trêve des confiseurs soit proche et que l'on trouvera d'excellents marrons... glacés chez les meilleurs confiseurs.
Rédigé par : Jabiru | 06 décembre 2013 à 13:30
@ Savonarole 07 :12
Où l’on voit que le deuxième degré est difficile à exprimer par écrit.
Aucun problème Savo, nous nous connaissons depuis longtemps, sur un autre blog, et vous auriez pu comprendre que mon intervention sur votre commentaire avait pour but, tout à la fois, de faire référence au glorieux passé africain de la France, et surtout à son présent, en mentionnant « anecdotiquement » le 9-3.
Les mauvaises langues dont je ne suis pas, disent que Hollande ferait mieux d’y envoyer les paras, et les bons esprits, dont je ne sais si j’en suis, le pensent.
Rédigé par : Tipaza | 06 décembre 2013 à 12:01
http://jevousecrisdoran.blogs.nouvelobs.com/archive/2013/12/06/philippe-bilger-un-litterateur-courtois-515283.html
Rédigé par : Luce Caggini | 06 décembre 2013 à 11:48
Petit hors sujet qui s’impose vu l’actualité.
Après nous avoir pris la tête toute la journée avec la prostate de Hollande, les médias sont bien partis pour en faire de même avec la mort de Mandela.
Il serait bon de noter que si le personnage est respectable il n’en est pas de même, loin s’en faut, de son ex-épouse et de ses enfants qui s’étaient empressés de faire commerce de la mort annoncée du « vieux lion ».
Mais le facétieux vieillard, puisant dans ses ressources, a pris un malin plaisir à reporter de quelques mois le commerce de sa dépouille. Les T-shirt et autres colifichets à son effigie ont donc dû être remis au placard en attendant l’issue fatale.
Bon maintenant il semble qu’il soit vraiment mort et donc les affaires vont pouvoir reprendre.
Quand le lion est mort, les chacals se disputent l'empire disait Audiard.
J'espère que sbriglia me pardonnera cette platitude indigne de son intelligence.
Rédigé par : Achille | 06 décembre 2013 à 07:35
@ Tipaza | 05 décembre 2013 à 23:17
Allons, ne voyez que malice de gamin dans mon commentaire, j'aime bien tirer les sonnettes à la sortie de l'école.
Avec un papa d'extrême droite, François Hollande est aujourd'hui le George W. Bush de l'AOF, et Segolène avec un papa Algérie française va certainement verser des cubiteneres de larmes sur Mandela.
C'est une façon de vouloir faire oublier d'où l'on vient.
Rédigé par : Savonarole | 06 décembre 2013 à 07:12
Ebben ! en voilà des nouvelles !
Pas de panique Achille, "sbriglia" signifiant débride et au figuré "semonce", il paraîtrait normal qu'un jour il nous
dévoile son talent..:-)
Un vent d'adjectivite a atteint le blog de Justice au singulier comme par exemple "l'inculture totale" atteignant la cible
Savonarole.
La paix et le bonheur ne semblent pas à l'ordre du jour puisqu'il s'agit avant toute chose de montrer biceps et savantes connexions neuronales. De quoi je me mêle ?
De ce que je constate.
Rédigé par : calamity jane | 06 décembre 2013 à 05:50
"C'est curieux, on n'entend plus les tenants de l'Algérie française de ce blog. Alors, les réservistes, ça vous dit un petit tour à Bangui ?"
Rédigé par : Savonarole | 05 décembre 2013 à 21:38
On voit par là l’inculture totale de Savonarole en géographie africaine, lui qui confond l’Oubangui-Chari avec l’Algérie.
Ou alors il nous charrie…
Et pourtant il n’y a pas longtemps un intervenant lui a dit qu’on ne pouvait pas rire de tout.
J’ajoute surtout pas de la géographie. Et ce n’est pas parce que Hollande a confondu le Japon et la Chine, que Savonarole doit se croire obligé de confondre l’A.F.N et l’A.E.F., lui aussi.
Être courtisan est un métier tout en nuances, d’autant plus que nous sommes passés sous le règne de la France-Afrique !! (*)
(*) Toute coïncidence avec le 9-3 serait fortuite et involontaire.
Rédigé par : Tipaza | 05 décembre 2013 à 23:17
C'est un billet sur l'excellent acteur Maurice Ronet ou sur le collabo Drieu La Rochelle ?
Maurice Ronet ne s'est pas suicidé. À lire votre billet on pourrait le comprendre.
Ronet c'est Malle, Malle c'est Au revoir les enfants.
Ronet c'est Ascenseur pour l'échafaud, avec Jeanne Moreau et Miles Davis en improvisation avec un bout de peau presque détaché de sa lèvre qui vibre dans un enregistrement unique et éternel.
Mais ici, Ronet, c'est simplement la rédemption du collabo.
On tourne autour des mêmes sujets: racisme, antiracisme, juifs, collabos, FN...
Votre billet est bien écrit et Le Feu Follet a très bien été adapté (merci Savonarole pour le très bel extrait), mais les références vont toujours puiser du même côté.
Le problème est statistique.
Rédigé par : Alex paulista | 05 décembre 2013 à 22:16
Le Feu Mollet : sondage IFOP, Hollande 99% d'opinions positives à Bangui.
C'est curieux, on n'entend plus les tenants de l'Algérie française de ce blog. Alors, les réservistes, ça vous dit un petit tour à Bangui ?
Rédigé par : Savonarole | 05 décembre 2013 à 21:38
Même si le nom de l'acteur ne m'est pas inconnu, j'avais oublié le visage de Maurice Ronet. Trente ans dites-vous qu'il est décédé ! Comme le temps passe ! Il me semble l'avoir vu jouer avec Romy Schneider. Dans quel film ? Je ne m'en souviens pas. Quant au "Feu follet", ce film ne me dit rien. Mais pas son auteur le très controversé Drieu la Rochelle !
Quel gâchis que fut cette période de Vichy !
"...Tout comme Henry de Montherlant, tout comme Yukio Mishima et tant d’autres, Pierre Drieu La Rochelle s’est finalement donné la mort. Mais on aurait tort d’expliquer son suicide par sa seule défaite politique, même s’il a lui-même incité à le faire en disant en substance : « J’ai joué, j’ai perdu, je réclame la mort ». En fait, Drieu a été tenté par le suicide dès son enfance. Il avait écrit : « Quand j’étais adolescent, je me promettais de rester fidèle à la jeunesse : un jour, j’ai tâché de tenir parole ». En se tuant, comme s’est tué le héros de son roman Le feu follet, Drieu reste fidèle à cette tentation de son enfance. Auparavant, il avait écrit dans son journal : « La beauté de mourir console d’avoir mal vécu. Dieu, qu’a été ma vie ? Quelques femmes, la charge de Charleroi, quelques mots, la considération de quelques paysages, statues, tableaux, et c’est tout ».
Ernst Jünger a écrit que « le suicide fait partie du capital de l’humanité », et c’est une maxime que Montherlant avait notée dans ses carnets lorsqu’il décida lui-même de se suicider, en septembre 1972. Jünger a vu aussi nombre de ses proches se donner la mort, notamment lors de l’attentat manqué de juillet 1944 contre Hitler (Hans von Kluge, Henrich von Stülpnagel) et à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Mais le suicide reste pour lui une possibilité abstraite, négative en son essence, tandis que chez Drieu, pour qui la mort est le « secret de la vie », le suicide a une valeur mystique.
Le 7 septembre 1944, alors qu’il se trouve à Kirchhorst, Jünger apprend que Drieu vient de se donner la mort à Paris. « Il semble, écrit-il, qu’en vertu de quelque loi, ceux qui avaient des motifs nobles de cultiver l’amitié entre les peuples tombent sans rémission, tandis que les bas profiteurs s’en tirent ». Dans ses entretiens avec Julien Hervier, il dira encore qu’il fut « très affligé » que Drieu « se soit suicidé dans un moment de désespoir ». « Sa mort, ajoutera-t-il, m’a fait vraiment de la peine. C’était un homme qui avait beaucoup souffert. Il y a ainsi des gens qui éprouvent de l’amitié pour une certaine nation, comme il est arrivé à beaucoup de Français qui en éprouvaient pour nous, et à qui cela n’a pas porté chance »..."
http://www.alaindebenoist.com/pdf/junger_-_drieu_la_rochelle.pdf
Feu Follet
https://www.youtube.com/watch?v=e6eoswBNhwc
Rédigé par : Marie | 05 décembre 2013 à 21:30
Le héros déclare, dans "Le Feu Follet" de Drieu la Rochelle :
"je n'ai pas très envie de rentrer dans la vie."
Maurice Ronet a fait la grâce d'y promener furtivement sa beauté, son élégance mélancolique et ses manières de seigneur.
Rédigé par : Camille | 05 décembre 2013 à 21:00
Pour les amateurs : sur Youtube vous pouvez visionner la fameuse scène du Feu Follet à la terrasse du Flore à Paname. Scène muette, qui dure longtemps, mais magnifique, tout Ronet en quatre minutes. A voir absolument.
http://www.youtube.com/watch?v=IwSQxlwMzr8
Rédigé par : Savonarole | 05 décembre 2013 à 20:06
@ sbriglia
« Achille, le bouillant, "the first writer", le Lucky Luke des commentateurs qui, enfilant les perles et les platitudes, pose la question niaiseuse : pourquoi lui ? »
Puisque vous faites dans la bande dessinée pour élèves de CM2, ce qui semble être votre référence culturelle, je vous répondrai que mieux vaut être comparé à Lucky Luke qu'à Rantanplan, vous ne croyez pas ?
Maintenant pour me faire la leçon sur la platitude de mes commentaires, encore faudrait-il que vous vous distinguiez par la profondeur de votre pensée, l’éclat de votre culture ou encore la fulgurance de vos réparties qui manifestement ne transparaissent pas dans vos réponses.
Moi aussi j’ai fait comme vous, ma scolarité chez les frères maristes. Mais manifestement nous n’avons pas reçu le même enseignement.
Ils m’ont appris le respect de la pensée des autres, même si elle n’est pas formulée par des circonlocutions alambiquées qui ne veulent pas dire grand-chose comme c’est souvent le cas sur ce blog.
Ils m’ont appris aussi que l’arrogance était un péché mortel.
Mais il semble que vous ayez sauté plusieurs cours de catéchisme.
Pour conclure je dirai que si mes commentaires ne vous plaisent pas, vous n’êtes pas obligé de les lire. Ou alors essayez d’y répondre en faisant preuve d’un humour un peu plus subtil. Je pense que vous devez en être capable et dans ce cas je saurai l’apprécier à sa juste valeur ainsi que les autres intervenants de ce blog.
Rédigé par : Achille | 05 décembre 2013 à 19:58
Merci M. Bilger.
Pour ce portrait fin de Maurice Ronet. Pour cette célébration dans le recueillement.
Je ne trouve pas "d'emphase" dans votre style, tout simplement parce que la phrase exprime une pensée ciselée.
Poursuivez s'il vous plaît ce retour aux "belles lettres".
Rédigé par : Arobase du Ban | 05 décembre 2013 à 19:30
C'est pas très gai tout ça !
http://www.youtube.com/watch?v=dpK7soar7q0
Rédigé par : Marie | 05 décembre 2013 à 17:56
Maurice Ronet n'était pas franchement de gauche. Avec Dominique de Roux ils étaient partis au Mozambique en 1974 alors que l'indépendance de ce pays se profilait. Ils admiraient le Général portugais Spinola, sorte de seigneur de guerres coloniales. On rêvait à la création d'un nouveau Brésil.
Hélas, l'indépendance a provoqué ruines, famines et désolations provoquées par des indépendantistes qui étaient tous planqués en Rhodésie et dont la plupart n'étaient même pas mozambicains...
Nos deux Tintin sont revenus bredouilles, mais ils avaient vu juste.
Faut dire qu'on ne passe pas de "Chez Castel" au Mato Grosso mozambicain.
Rédigé par : Savonarole | 05 décembre 2013 à 13:07
C'est drôle, j'ai revu la Piscine il n'y a pas longtemps et je trouve que cet acteur était perpétuellement écorché vif. Dans les autres acteurs écorchés vifs, je le mets, je le classe à côté de Patrick Dewaere.
Par contre je ne dirais pas comme j'ai pu le lire dans les commentaires qu'il éclipsait Alain Delon ; je dirais qu'ils étaient au moins complémentaires.
Rédigé par : Carl+Larmonier | 05 décembre 2013 à 12:21
"Il y a tellement d’acteurs emportés dans la force de l’âge et la plénitude de leur talent qui nous ont marqués par leur interprétation dans des films cultes, alors pourquoi lui plutôt qu’un autre ?"
Achille, le bouillant, "the first writer", le Lucky Luke des commentateurs qui, enfilant les perles et les platitudes, pose la question niaiseuse : pourquoi lui ?
Si vous aviez lu puis vu "Le Feu follet" vous comprendriez, Achille, à quel point, pour notre génération, Maurice Ronet a été un acteur incandescent auprès duquel Delon paraissait fade, même en plein soleil...
Qui n'a jamais été ému au passage de la valise sous le lit ne peut comprendre l'aristocratie de cet homme, qui n'a jamais été subjugué par sa voix ne peut comprendre combien ce feu follet fut une météorite bienfaisante dans nos âmes d'adolescents.
Et puis, l'emphase, Achille, c'est aussi et parfois l'énergie, la force expressive, bref, tout le contraire de la platitude à laquelle vous semblez aspirer.
Merci, Philippe, pour ce très émouvant billet qui nous renvoie à nos années de doutes, de passions, d'exaltation, de lumière et d'obscurité...
Rédigé par : sbriglia | 05 décembre 2013 à 11:22
Plus intéressant à mon sens que le sujet qu’il développe, le talent de l’écrivain qui met en évidence une profonde division des Français dès l’école primaire et le collège : celle des premiers en rédaction, et celle des premiers en géométrie, les deux se cumulant très rarement.
On se souviendra de la jubilation pour le matheux de se payer un 19 en une demi-heure de travail alors que le scribouillard ramait une demi-journée pour avoir un 16.
D’ailleurs, plus tard, on trouvera le plus souvent les littéraires à gauche et les géomètres à droite, si bien que pour se venger et assouvir ses rancunes de collégien, la gauche n’aura de cesse de réduire la place des maths dans l’enseignement, et nous en voyons le résultat dans le classement de notre pays sur ce point.
Ceci dit, et qui ne l’est jamais comme tout ce qu’il y a d’intéressant à dire, ce qui m’agace, chez Philippe Bilger, c’est qu’il est bien fichu de rédiger son devoir de français le temps de l'écrire.
Rédigé par : Xavier NEBOUT | 05 décembre 2013 à 10:42
Bonjour Philippe Bilger,
« Pourtant, il a suffi de la réapparition de Maurice Ronet auquel on vient de consacrer deux livres, dont l'un remarquable de José-Alain Fralon, pour faire renaître la magie, le trouble, le flou, la poésie, l'errance, la douceur triste, la voix retenue et pourtant si intensément présente avec ce timbre à la fois désarmé et unique, la nostalgie de ces moments qui fusionnaient si bien l'art et la vie, la perfection du film et l'âme et la sensibilité de son spectateur.<
Ainsi donc deux livres ont été consacrés à Maurice Ronet ?
Je n’irai probablement pas acheter l’un d’entre eux. J’appréciais certes cet acteur, mais pas au point de le porter au pinacle avec votre emphase à nulle autre pareille.
Il y a tellement d’acteurs emportés dans la force de l’âge et la plénitude de leur talent qui nous ont marqués par leur interprétation dans des films cultes, alors pourquoi lui plutôt qu’un autre ?
Mais je suis persuadé que les auteurs qui se sont penchés sur sa biographie l’ont fait avec sincérité, sans la recherche de la révélation, du petit détail croustillant susceptible de booster les ventes, comme c’est le cas pour nombre d’ouvrages consacrés à des hommes politiques qui ont marqué et marquent encore aujourd’hui notre histoire de France.
Un livre sur Nicolas Sarkozy même s’il en est déjà paru des centaines, écrits avec un talent plutôt approximatif par tous ceux qui se targuent de bien le connaître, se vendra toujours mieux qu'un livre sur Maurice Ronet, même si son auteur a une belle plume et l’ a écrit avec son cœur.
On peut le regretter, mais le succès des best-sellers repose surtout sur un voyeurisme malsain. Et Maurice Ronet est trop pur pour intéresser un grand nombre de lecteurs. Ce qui ne m’empêche pas, bien sûr, de souhaiter un grand succès à ces deux livres.
Rédigé par : Achille | 05 décembre 2013 à 08:58
La victoire du vaincu ?
Elle est peut-être indispensable.
« Il faut
Du vide
Pour attirer le plein
Pour que s'explore
Le songe
Pour que s'infiltre
Le souffle
Pour que germe
Le fruit
Il nous faut
Tous ces creux
Et de l'inassouvi.»
Andrée Chedid - Territoires du souffle
Rédigé par : Tipaza | 05 décembre 2013 à 08:43