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04 avril 2014

Commentaires

Julien

Bonjour Philippe Bilger,

En lisant vos deux billets sur l'affaire du double meurtre de Montigny-les-Metz, je me suis fait la réflexion suivante que je ne demande qu'à partager avec vous. La présence concomitante d'un tueur en série sur une scène de crime est comme vous le soulignez à juste titre un événement invraisemblable qui défie les probabilités.

Or, dans cette affaire, cette concomitance avec le tueur en série Francis Heaulme s’est produite à deux reprises sous des aspects différents qui conduisent à deux situations juridiques bien distinctes :
– dans la configuration du procès en révision de Patrick Dils, ce dernier est dans la position inconfortable d’un coupable condamné à perpétuité qui clame son innocence ;
– lors du procès de Heaulme en 2004, le premier suspect oublié, Henri Leclaire, qui bénéficie de la présomption d’innocence est cette fois directement mis en cause par le tueur en série.

La première situation a logiquement conduit à la reconnaissance historique de l’erreur judiciaire dont Patrick Dils fut la victime. Rappelons que la justice n’a accepté de considérer la preuve de l’innocence de Dils que lorsqu’un coupable de substitution crédible à ses yeux put lui être présenté ; et que ladite preuve établie lors du procès en appel en 2002 est basée sur des considérations chronologiques et ne repose en aucun cas sur la présence de Heaulme sur la scène de crime.

Patrick Dils n’est pas innocent parce que Francis Heaulme est potentiellement le coupable, Patrick Dils est innocent parce qu’il est innocent, et il en a toujours été ainsi, Francis Heaulme ou pas.

Si la présence de Heaulme est invraisemblable sous l’hypothèse de culpabilité de Dils, doit-on logiquement considérer la culpabilité de Henri Leclaire comme étant équivalente sous un angle d’analyse purement probabiliste ? Toute tentative de réduire le double meurtre de Montigny-les-Metz à l’oeuvre d’un unique meurtrier qui ne serait pas Francis Heaulme conduit forcément à une invraisemblance, mais ce double meurtre ne serait-il pas plus vraisemblable avec un duo de meurtriers ?

La relation entre Leclaire et Heaulme n’est pas aussi indépendante que ne l’est la relation entre Dils et Heaulme. C’est Heaulme en personne qui incrimine Henri Leclaire et qui mentionne son nom dès 1989 comme un compagnon de voyage. Par trois fois Heaulme a été condamné pour avoir tué à l’aide d’un complice. Il est par ailleurs un cas intéressant, celui du meurtre de Laurent Bureau survenu le 8 mai 1986 où la justice n’ayant pas réussi à départager qui de Didier Gentil et Francis Heaulme a porté le coup fatal, ont été tous deux acquittés !

Fort de cette expérience avantageuse, Heaulme n’aurait-il pas intérêt à incriminer son complice dans l'affaire de Montigny-les-Metz ? La manoeuvre est habile car l’hypothèse de l’unique meurtrier est bien le seul bouclier dont bénéficiait encore Henri Leclaire en 2004, il ne peut donc pas incriminer Heaulme sans s’impliquer lui-même dans le double meurtre.

Depuis, la justice a écarté la culpabilité de Henri Leclaire, pour ne pas avoir à écarter aussi celle de Heaulme ?

stephane

Je dirais que Heaulme a peut-être assisté au crime mais n'a pas lui-même tué les enfants. Le commentaire de l'époque de Véronique Raffeneau est des plus lucides.
Mais revenons-en à l'actualité, Penelope a-t-elle oui ou non occupé un emploi fictif ?
Le Maire va-t-il trahir une fois de plus ?
Paris aura-t-il les JO 2024 ?

Pendant ce temps-là, des familles souffrent en silence et dans l'anonymat ; les journalistes polluent la société.
Je ramène ce billet à la mémoire des commentateurs et à la mémoire des deux victimes et de leurs familles.

Juan DeGranada

Il ne s'agit pas de faire des généralités sur les policiers. Remarquons simplement que, malgré un travail important, dans cette affaire, l'enquête s'est mal engagée et qu'une série d'anomalies a rendu le travail de la justice complexe à l'extrême.

pibeste

@Mary Preud'homme 00:56

Désolé Mary Preud'homme mais votre parti pris ne suppose aucun réponse de ma part si ce n'est celle-ci : "il faut réprimer le mal lorsqu'on le voit et s'attacher au bien si l'on veut progresser".

Véronique Raffeneau

"...où un criminel répétitif qui passait par là a été peut-être seulement le témoin de la présence ensanglantée d'un tiers, me semble quasiment unique dans la chronique criminelle."

Après une lecture rapide du parcours criminel de Francis Heaulme, pas moins de quatre crimes sur les huit crimes pour lesquels il a été condamné ont été commis avec un complice disons de circonstance.

Sans être une spécialiste, très loin de là, des affaires criminelles, il me semble quand même que les complicités de circonstance constituent très souvent le nœud des tragédies criminelles.

Ce qui me frappe - toujours sur le mode impressionniste - est le fait qu'à partir du moment où Patrick Dils est présenté au juge d'instruction, disparaissent du dossier d'un coup d'un seul toutes les autres pistes explorées par les enquêteurs policiers, notamment celle de ce Henri Leclaire.

Comme si l'instruction n'était au fond qu'une validation des seules convictions policières.

Mary Preud'homme @ pibeste

M. Pibeste qui s'en prend stupidement aux enquêteurs de la police judiciaire dont il méconnaît manifestement à la fois la formation et le rôle semble en outre ignorer que c'est le procureur qui dirige l'enquête criminelle.
Je rappelle enfin à ce monsieur que l'on ne s'engage pas dans la police mais que l'on est tenu de passer un concours (externe ou interne) pour l'intégrer et de suivre ensuite une formation en école de police (bac+1 pour les gardiens, licence pour les officiers et master 2 minimum pour les commissaires). J'ajoute que le recrutement au mérite n'est possible que pour une infime minorité d'officiers de police leur permettant d'accéder après deux ans de formation à l'ENSP (comme ceux admis au concours) au corps de direction de la police.

adamastor

@Catherine JACOB

Fuchsia ?

Michelle D-LEROY

Un débat courtois et très plaisant hier soir, sur le plateau de "Ce soir (ou jamais !)" avec vos interventions pleines de bon sens, M. Bilger, ainsi que celles de la sympathique Claire Gallois.

Chacun des intervenants (la jeune comique un peu moins) avait des arguments valables, un vrai plaisir, on ne s'est pas ennuyé une minute.

J'ajouterais que oui pour la morale en politique mais pour cela il faudrait déjà commencer à l'école en apprenant le respect de l'autre, de ses affaires personnelles et de sa famille, ce serait un bon début. Mais cela semblait trop morale chrétienne et ringarde d'après l'ancien ministre, espérons que le nouveau s'y attèlera. Des règles plus porteuses que l'ABCD de l'égalité, le flashback sur l'intervention de Régine Deforges était à ce titre excellent et collait à ce que je pense.

L'éducation commence au plus jeune âge et même avec des enfants rebelles, il en reste toujours quelque chose, c'est mon avis. D'autant que les règles de bienséance de bases n'ont ni religion, ni origines, c'est juste le début du bien vivre ensemble.

La morale en politique commencerait par arrêter la condescendance méprisante envers tout ce qui n'est pas du milieu politico-médiatique et de donner au peuple cette sensation de "petite cuisine" entre amis.

Ensuite et toujours à mon avis, à la crise morale et économique s'ajoute bien une crise identitaire. Les Français s'interrogent et ne se sentent plus protégés dans la mondialisation où leurs emplois sont exportés et où les immigrés viennent occuper leurs emplois... qu'ils soient ouvriers, employés et même cadres ou médecins. Car ce n'est pas simplement la classe populaire qui est touchée par la crise. La classe moyenne est bel et bien concernée et c'est celle-ci qui réagit le plus, nos politologues devraient y réfléchir, car cela est réel, je côtoie trop cette couche de la société pour ne pas le savoir.
Il faut aussi arrêter avec un soi-disant racisme ordinaire et comprendre qu'il s'agit de quelque chose de plus profond, entre perte de repères et dilution de ses traditions, entre sentiment d'être tiré vers le bas et de manque de reconnaissance... Je ne dis pas cela pour vous mais pour ceux qui restent sur leur analyse basique et dépassée, aujourd'hui.

vamonos

Vu de ma fenêtre, Francis Heaulme conserve sa capacité à détruire. Le cirque médiatique fournit à ce monstre les moyens de nuire encore plus à la société dont l'attitude teintée de mansuétude à son égard a depuis longtemps sombré dans la faiblesse. L'impuissance résulte de la complexité, la Vérité est devenue un petit arbre cachée dans l'immensité de la forêt. Francis Heaulme est coupable, dans cette affaire sordide comme dans les autres, sans compter les assassinats dont il est l'auteur et dont il n'a pas eu à répondre devant la Justice. Dils et Leclaire ont été bernés, jamais leur existence n'aurait dû être connue du grand public. Les media ont leur part de responsabilité dans ce qu'il convient d'appeler aujourd'hui un fiasco judiciaire, mais une aubaine pour les vendeurs de gazettes à sensations fortes. Tous les scénarios de film sont imaginables, tous les romans policiers à rebondissements sont possibles ; mais là, nous sommes dans la vraie vie, les victimes ne sont pas virtuelles, elles ne se relèvent pas à la fin et les innocents croupissent en prison.

pibeste

Bravo !
J'aime croire qu'un ancien avocat général de cour d'assises puisse émettre l'idée que les aveux d'un accusé-condamné aient pu être extorqués.

Car je vous assure que c'est la réalité dans ce pays. On fabrique des coupables dans les commissariats surtout s'il peut s'y trouver un quelconque intérêt... comme par exemple discréditer un individu qui un an plus tôt aurait porté plainte contre des brutalités de policiers ivres en maraude, traquant un SDF devenu le centre de toutes les attentions.

C'est tellement simple pour eux de briser des destins et cela ne porte à aucune conséquence puisqu'on ne va jamais aller jusqu'à remettre en cause la probité de ces flics médiocres dont je disais à l'époque qu'ils utilisaient des méthodes de voyous mais qu'ils n'en n'avaient pas les "c..." et que c'était pour cela qu'ils s'étaient engagés dans la police.

Catherine JACOB

Hors sujet, mais très belle cravate hier soir sur France 2. Comment appelle-t-on cette couleur entre rose Hollywood et rose vif tirant sur le rubis ?

semtob

Cher Philippe,

Le seul mot que nous retenons dans votre récit est celui de serial.
En dehors de la coïncidence des lieux, il ne faudrait pas dénier la similitude des faits.
Deux questions : cette similitude de faits se retrouve-t-elle en d'autres lieux ?
Est-ce que la parole de deux pêcheurs vaut moins que la parole de la femme d'un avocat ?
françoise et karell Semtob

Merville

Sur cette affaire, Agatha Christie aurait ficelé un roman dans lequel on apprendrait in fine que le crime a été commis par trois personnes ayant des liens entre elles et un mobile distinct.

Pour le reste force est de constater que Heaulme est le seul à avoir toujours nié.

Ribus

"Le caractère surréaliste de cette scène de crimes où l'impossible côtoie le possible et le vraisemblable, où un criminel répétitif qui passait par là a été peut-être seulement le témoin de la présence ensanglantée d'un tiers, me semble quasiment unique dans la chronique criminelle."

Ce qui est surréaliste aussi est qu'au bout de 28 années, les familles des victimes n'aient pas droit à un procès.

En l'occurrence on a deux victimes sûres et trois meurtriers putatifs. Certes, certaines affaires sont difficiles à résoudre et les enquêteurs et magistrats font ce qu'ils peuvent et souvent avec conviction et dévouement.

Mais vu du banc des familles de victimes on ne peut pas s'empêcher de penser qu'il y a quelque chose qui cloche là-dedans. "Ces gens-là "ont la photo d'un petit garçon sur une commode et pas de nom d'assassin et "ces gens-là " représentent les 90% de la population qui n'a jamais été auditionnée par un gendarme.

Le caractère exceptionnel de cette affaire ne m'impressionne pas ; il me consterne. Dans les trois suspects il y a un ou deux salopards qui ont massacré deux gosses. Ils sont plus nombreux qu'on pense à se dire que ces assassins mériteraient bien la mort qu'ils ont donnée.

Michelle D-LEROY

Pas facile de rendre la justice avec autant d'incertitudes et peut-être une enquête qui a mal débuté.

Lorsque des affaires criminelles concernent des enfants, c'est toujours plus médiatisé parce que l'opinion est plus touchée, chacun voudrait savoir, mais, bien sûr, le pire c'est pour les parents et les familles qui aimeraient tant connaître la vérité et savoir qui a pu commettre un crime aussi odieux.

Pour ma part je trouve que Heaulme, sans connaître très bien l'affaire, était l'assassin opportunément désigné.

Récemment, j'ai lu "Disparues" de Karl Zéro et dans certaines affaires non élucidées, les enquêteurs évoquaient des serial killers qui auraient pu se trouver là. La voie de la facilité ? ou la vérité ?

Que dire dans les célèbres crimes (Dominici, Villemin ou plus récemment celui de Chevaline) ?

On ne saura jamais la vérité.

Jabiru

N'ayant qu'une connaissance très partielle de ces affaires, je n'ai pas d'éléments me permettant d'avoir un avis ou une intime conviction sur celles-ci. Ce que je constate, comme tout le monde, c'est que la Justice n'a pas été capable d'identifier les vrais coupables, de les punir et de permettre aux familles de faire le deuil de leurs chers disparus. Alors pourquoi un tel gâchis pour les familles et pour celui qui a dû moisir à tort dans les geôles de la République ? Dans tous les corps de métier il y a des bons et des moins bons et il est permis de penser que l'instruction de ces affaires n'a pas été menée dans les règles de l'art. Et quand c'est mal parti, c'est bien souvent irrattrapable d'autant plus qu'avec les années les témoignages sont de moins en moins fiables et certaines preuves sont détruites.
Ces fiascos sont le résultat d'une chaîne défaillante, dont des maillons faibles n'ont pas été repris en main par des plus expérimentés et on ne voit pas bien aujourd'hui comment les juges en charge vont répondre aux attentes des familles.
La suspicion restera. Drôle de traitement pour le souvenir de ces pauvres enfants assassinés.

Xavier NEBOUT

Regretter, s'indigner, être navré etc. est plus facile que de dénoncer le refus de recourir aux moyens de savoir :
vision des auras, hypnose, penthotal, scopolamine et autres "sérums de vérité".

Mais qu'importe aux rationalistes bornés et à tous les lâches qui se taisent, que des innocents croupissent en prison, outre le coût des enquêtes qui n'en finissent pas ?

genau

@ Lucile

Merci, je suis un vieil homme, et comme tel, j'ai la faiblesse d'aimer les choses simples, comme votre mot. Mais je n'ai jamais été un grand magistrat, seulement un essayeur. Par bonheur, je suis organiste et je regarde mes limites, les voûtes, avec espoir.

oursivi

Je ne sais pas ce qu'est la "vie criminelle" ?

On peut lui prêter bien des sens.

Quand les faits matériels sont lointains et confus en leur relevé, le seul aspect qui peut sauver une enquête et son renvoi aux assises est la compréhension des mécanismes psychologiques qui se sont exprimés en la résolution sanglante. Car toujours, pour le coupable, les événements ont été menés pour le soulager, d'une pulsion, d'un affront, d'un présent insupportable.

Quand les faits mettent en relation ces enfants - dont l'enquête semble n'avoir rien mis en lumière quant à une haine passée ou un affront rationnel qu'ils auraient imposé à leur agresseur dans un temps qui serait davantage que celui de l'agression - et qui a décidé, probablement dans l'instant, de les supprimer, n'est dès lors quasi aucune causalité visible qui permette de remonter le temps, de l'enquête aux instants fatidiques, ou des jours, semaines ou mois passés avant ces instants à ces instants-là et qui en expliqueraient la tenue.

Il n'y a donc rien qu'on puisse éclairer sur les faits eux-mêmes, ceux-là étant coupés de toute causalité qui fut visible car partagée par davantage que les victimes et leur assassin.

On peut quand même continuer à raisonner, mais sur un autre terrain.

Si, comme c'est le plus probable, ce meurtre fut celui de l'instant, le grief a été pulsionnel et cette pulsion-là, hors thérapie (sont peu de chances que ce meurtre ait été thérapique pour qui l'a perpétré), a dès lors toutes raisons d'avoir aussi saisi avant ou après ces faits qui les mena ainsi à leur terme.

En des termes plus simples, qui a agi de la sorte a très fortes probabilités de ne pas avoir cédé qu'une fois à cette pulsion folle de l'instant, celle qu'il ne sait encadrer de rien, si ce n'est de la mener à bien et de s'en soulager quelques temps.

Dils ne semble pas avoir trempé dans ces folies-là, il a très probablement été justement acquitté.

Heaulme est le coupable parfait, mais l'être si bien ne fait pas forcément de lui un innocent...

Leclaire peut l'avoir été si une enquête minutieuse de ses années d'avant et d'après laissaient découvrir des faits similaires, pas nécessairement aussi graves mais témoins d'une même violence incoercible dont des circonstances, tel un contrôle social bien utile au détournement de ces actes éventuels, l'auraient lui aussi sauvé.

Vu le contexte de ce double meurtre, je crains qu'il n'y ait plus que ce terrain-là pour accueillir le jugement un peu rationnel que l'on doit aux deux familles.

AO

Breizmabro

Curieusement, à Rennes, se déroule le procès de M. Agnelet accusé d'avoir tué Agnès Leroux il y a... 37 ans !

Agnelet (78 ans) a été condamné deux fois, mais la Cour européenne a considéré que les procès de M. Agnelet ne se sont pas déroulés impartialement.

Finalement il n'y a aucun doute pour la justice en dépit du fait que le corps d'Agnès Leroux n'a pas été retrouvé, que malgré de nombreuses perquisitions, aucune arme n'a été retrouvée chez Agnelet, et qu'il a toujours nié les faits pendant 37 ans.

Aujourd'hui à la cour d'appel de Rennes on juge des présomptions, des rumeurs, des enregistrements téléphoniques, des déplacements présumés d'un accusé qui, 37 ans après les faits, ne se souvient pas de toutes les dates ni de toutes les heures, et qu'un témoin issu du banditisme (de la Côte) vient dire le 3 avril 2014 : "Agnelet n'y est pour rien c'est un règlement de comptes entre les mafieux des casinos de Nice".

Sur ces "faits" M. Agnelet risque trente ans d'incarcération !

Dans l'affaire Cyril Beining et Alexandre Beckrich, il y a des corps, des armes, des noms.

C'est curieux que dans l'affaire Agnelet on déroule un troisième procès, sur quatre semaines, sans corps de la victime et sans arme du présumé coupable, alors que dans l'affaire des enfants Cyril Beining et Alexandre Beckrich il y a bien les corps des enfants mais curieusement, les armes (pièces à convictions) ayant été détruites on ne peut les invoquer.

Deux poids, deux mesures ?

Dites-moi : est-ce vrai M. Bilger que, comme disait J. Galsworthy "la justice est une machine qui, ayant reçu une poussée de quelqu'un, continue à rouler d'elle-même" ?

PITE

La justice est forcément en cause mais que dire des investigations bâclées par des enquêteurs incompétents ou ayant leur conviction, qui ne professent qu'à charge. P. Dils dans sa fragilité n'a pas pu résister à la hargne de l'enquêteur. Que penser aussi des familles des victimes qui dans leur chagrin, une fois le prétendu coupable jugé, s'obstinent à croire à leur vérité.

NOURATIN

Tout cela apparaît en effet assez surréaliste.
Mais ce qui semble encore plus incroyable c'est que presque trente ans après les faits, la Justice de la République continue de tourner en rond comme un rat en cage.
Encore une affaire qui contribue à démontrer l'inefficacité criminelle de notre appareil judiciaire. Et manifestement cela ne conduit personne à y réfléchir un peu... comme pour tous les autres dysfonctionnements de l'Etat, d'ailleurs.

pibeste

Bonjour M. Bilger

"Qui aurait pu imaginer un tel affrontement, une telle coïncidence, sans qu'ils soient qualifiés d'invraisemblables..."

La jurisprudence à gauche et la loi à droite doivent se conjoindre comme une bonne occlusion dentaire. La statique du corps tout entier en dépend.
C'est l'image du Ciel et de la Terre qui se compénètrent et apportent avantage et bonheur pour tout un chacun et fondement de la sagesse pour l'univers tout entier.

Lorsque cette réflexion fait défaut ou qu'il y a déséquilibre entre lois et jurisprudence, il n'y a plus qu'arbitraire et confusion.
C'est l'image d'un château dont les murs s'enfoncent dans les douves.

Qui ?... Les victimes tout simplement...
Le petit Grégory, la petite Maddy et tout ceux dont on ne parlera jamais !

jack

Les meurtres ont eu lieu il y a 28 ans.
La réponse actuelle aux familles des victimes ? Un renvoi...

Cedric

Tout accuse Heaulme et en premier lieu c'est sa "signature" : pantalon à mi-jambe... Ensuite Heaulme raconte toujours ses crimes comme s'il y avait juste assisté, comme c'est encore ici le cas. Leclaire a avoué ? Dils aussi, innocent ! De plus les aveux de Leclaire ne sont apparemment même pas circonstanciés ! On sait que la sœur de Heaulme l'avait prévenu à l'époque que s'il était responsable de ce crime elle cesserait de lui rendre visite, avec ses enfants, ce qui pour Heaulme semblait être insupportable, d'où son refus d'avouer ce crime. Mon humble avis : Heaulme est coupable de ce crime ! Et pour répondre à votre dernière question : Agatha Christie, Georges Simenon...

lambertine

@Argone

C'est fait depuis longtemps.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Juste_Cause_(film,_1995)

Patrice REVIRON

Je suis très heureux de vous lire ici.

Voilà, il me semble, un billet qui pourrait réparer l'intransigeance de celui-là: http://www.philippebilger.com/blog/2013/01/la-justice-criminelle-est-acquittée.html, où vous écriviez : « au sens strict les accusés acquittés l'ont été plus au nom du doute - les preuves n'étaient pas suffisantes pour les décréter coupables et les condamner - qu'au titre d'une innocence qui, à ma connaissance, n'a jamais été consacrée par l'apparition ultérieure du véritable coupable ».

Vous semblez avoir trouvé l'exemple qui vous manquait.

Je continuerai pour ma part à me battre afin que la vérité éclate dans l'affaire de Natalia Popova, pour laquelle Gennady Popov a été logiquement acquitté, ne serait-ce que pour vous fournir un deuxième exemple.

Catherine JACOB

«En 2002, Heaulme le met en cause en déclarant l'avoir vu descendre d'un talus, son tee-shirt taché de rouge, et il va confirmer cette accusation devant la cour d'assises de Metz en 2014. »

D'après Le Républicain Lorrain, il est dit qu'il s'agissait plutôt d'une stratégie d'avocat et que le témoin est plutôt un cheminot. On n'a pas conservé l'exemplaire précédent, mais il y était fait état d'un conducteur de micheline, il me semble, qui aurait vu l'homme à une heure en correspondance avec celle de la mort des enfants (celle déterminée par le légiste, j'imagine). D'ailleurs il est fait de nouveau allusion à son témoignage et il dit qu'il pense avoir reconnu Henri Leclaire à 90%.
Ci-dessous l'un des encarts de la page 9 du journal du 1er avril, entièrement consacrée à cette affaire:

Les comptes rendus des journaux de l'époque de l'appel, il me semble, de Dils, m'avaient laissé la vague impression d'une victime émissaire.

«c'est le témoignage, très tardif, de l'épouse d'un avocat qui va le remettre en 2014 sous les feux de l'actualité et sous une forte pression judiciaire. »

La page 1 du Répu indique qu'il s'agit d'une messine âgée de 52 ans (ce qui lui fait 24 ans à l'époque). A la question : « Pourquoi avoir contacté la justice maintenant, à deux jours du procès de Francis Heaulme ? » elle répond d'après le Répu: « J'ai toujours eu envie de raconter ce moment mais mon mari pensait que ça n'apporterait rien [...] Mais lorsque j'ai lu la semaine dernière le journal et le témoignage du cheminot, je me suis dit qu'il fallait faire quelque chose. [...] Je laisse la justice en décider. »

A quoi sert donc le ministère des droits de la femme ? A rien visiblement puisque les maris gouvernent toujours la conscience de leurs épouses et qu'on a dû ajouter plusieurs autres ministères à celui-là dans le nouveau gouvernement dit de combat resserré autour des mêmes + une, pour trouver à occuper effectivement le soldat N.V.B. !!

«Je ne sais ce que cette procédure conclura. Leclaire a affirmé n'avoir pas tué les jeunes victimes et son avocat a souligné "que son client n'avait rien à craindre de l’œuvre de justice". »

Il est également indiqué qu'en décembre 1986, il avait avoué le contraire, ce que vous notez par ailleurs également.

«La réalité - et c'est un poncif - non seulement dépasse parfois la fiction mais, plus encore, la ridiculise tant elle atteint des sommets que l'imaginaire n'oserait pas approcher. »

Se peut-il que le vrai ne soit pas vraisemblable? (Cf. Galilée et Giordano Bruno dont les cas nous incitent à penser que nous (pré)jugeons souvent de la vérité en fonction de nos schémas de pensée les plus répandus selon l'époque et la culture etc. concernées, ce qui n'est pas sans interroger la vérité des mythes. Par ex. celui-ci , qui parle de cette insoutenable vérité qu'est celle de la jouissance illimitée, le paradoxe de la satisfaction entre désir et jouissance, et qu'on retrouvera avec d'autres personnages comme par ex. via l'épisode Héra / Tirésias.)
Votre remarque évoque donc ce sujet de dissertation de philosophie dont Maphilo.net, le site des corrigés de dissert de philo donne un début de problématisation.

«Le vrai est il toujours vraisemblable?

Introduction : Le vraisemblable désigne un jugement ou un fait qui a l'apparence du vrai.

Mais affirmer que le vraisemblable a l'apparence du vrai ne revient pas à soutenir que le vraisemblable n'est que l'apparence du vrai.

En effet, le vraisemblable est moins l'illusion du vrai que le signe par lequel on reconnaît le vrai, à ce titre, il n'est pas non plus une forme affaiblie de la vérité, mais bien ce par quoi l'on reconnaît le vrai.

Mais si tel est le cas, pourquoi distinguer le vraisemblable du vrai ? Le vrai est-il toujours vraisemblable ? Et sous quelles conditions l'est-il ou ne l'est-il pas une fois contextualisé correctement ?

Lucile

genau,

Votre commentaire me va droit au coeur. Si tous les magistrats pouvaient avoir votre hauteur de vue, votre sens du doute, votre sincérité et votre commisération pour l'espèce humaine ! J'en profite aussi pour remercier encore et encore PB qui nous offre cet espace pour réfléchir à plusieurs.

loupgarou

Seznec, Mis et Thiennot, Ranucci... Il faudra bien qu'un jour l'appareil judiciaire débarrasse de ses placards les cadavres qui y puent.
Si les juges ne s'y mettent pas d'eux-mêmes ce sera le peuple français lui-même qui le fera et ce sera sans concession.

genau

Personne ne pourrait établir les critères qui qualifient cette affaire.
L'incompétence est un paravent commode car, pour qui a enquêté, le recensement de tous les faits, de toutes les hypothèses laisse toujours une ouverture pour l'à peu près, pour cette voie étroite du doute raisonnable, sur un argument, un propos ou un moyen.
Pour avoir instruit, brièvement, et géré la liberté, plus longuement, il m'est apparu que, selon la portée de l'affaire, les juges avaient tendance, soit à développer, soit à bâcler leur argumentation. C'est humain et intellectuellement défendable, mais solder des pages d'argumentation par un impératif recours à l'ordre public et balayer la consistance du dossier me semblait un peu trop prétorien.
Je n'ai jamais été convaincu de la valeur des décisions concernant l'affaire d'Outreau, dans un sens comme dans l'autre et, par écho, je reste très sensible au fait que M.Vallini ou M.Houillon n'ont jamais été choisis comme garde des Sceaux.
Il y a chez ces hommes une authenticité convaincante qui aurait pu apporter un souffle nouveau, mais les politiques ne sont pas intéressés par la qualité.
La triste affaire, comme un billard à trois bandes, qui occupe le billet de M.Bilger, ne sera donc sans doute jamais résolue.
Quand un Etat veut tuer, il va jusqu'au bout de la férocité mais on le sait un jour, parce qu'il laisse des traces, ce n'est pas enfants de 89-93 qui me contrediront. Les soldats fusillés mourants, sur un brancard, en 1917, Laval, sauvé du poison pour être mieux fusillé, la sotte Mata Hari fusillée pour un coup de blues, les harkis, abandonnés à leurs assassins par un général, mais là, il n'y a que deux innocents et trois pauvres bougres, désaxés, étrangement réunis par la faiblesse congénitale qui fait de l'homme le seul meurtrier conscient de l'espèce animale.
Les affaires sensibles ruissellent de manquements graves à la rigueur théorique des règles légales, les églises n'en finissent pas de reconnaître leur triste humanité. Mais l'arrogance est toujours là.

argone

Un auteur de fiction pourrait s'emparer de l'histoire et dépasser la réalité, en élaborant un scenario de folie menant in fine à... Dils !

Pierre-Antoine

Dans cette affaire on peut s'interroger sur les compétences des enquêteurs et des magistrats !
Quand j'étais aumônier protestant de détention, un codétenu (trafiquant de drogue) de PD m'a dit l'avoir pris en protection (on n'est pas tendre en prison avec les tueurs d'enfants) au CD de Toul (54) et celui-ci lui aurait avoué avoir tué les enfants car ils se moquaient de son visage, je lui ai vivement conseillé de porter ceci à la connaissance de la justice, il l'a fait et a été entendu lors du procès en appel.
FH, que j'ai suivi dans le cadre du ministère, m'a dit n'avoir jamais tué d'enfant et m'a raconté avoir été condamné dans le Midi pour un crime d'enfant alors que la nuit du crime il avait dit aux enquêteurs avoir été dans un hôpital psychiatrique, et que personne n'était allé vérifier auprès de l'établissement (il doit bien exister des archives).
J'apprécie cette providence qui se sert du milieu de la défense pour mettre un grain de sable dans le broyeur.

Mais j'ai confiance dans le système judiciaire de mon pays, quand ses serviteurs ne sont ni "carriéristes", ni inféodés, et qu'ils n'ont que l'honnête conviction de leur compétence professionnelle !

Je refuse de m'étendre sur la meute des "chiens" comme l'appelait FM, elle a montré à de trop nombreuses reprises ses intentions et objectifs mercantiles.

Quant aux familles des victimes, qui s'en soucie réellement ?

Cordialement

Achille

Bonjour Philippe Bilger,
« Le caractère surréaliste de cette scène de crimes où l'impossible côtoie le possible et le vraisemblable, où un criminel répétitif qui passait par là a été peut-être seulement le témoin de la présence ensanglantée d'un tiers, me semble quasiment unique dans la chronique criminelle. »

Dans cette affaire, si je ne m’abuse, Francis Haulme n’a jamais avoué avoir tué les enfants, par contre Patrick Dils et Henri Leclaire ont bien avoué les meurtres.

Comment peut-on avouer un crime que l’on n’a pas commis ? On n’ose imaginer les méthodes des enquêteurs envers un adolescent un peu paumé comme l’était Patrick Dils à l’époque pour l’inciter à reconnaître les meurtres.

Pourquoi Henri Leclaire a-t-il bénéficié d’un non-lieu alors qu’il avait avoué les crimes, puis s’est rétracté, laissant ainsi Dils faire seize années de prison à sa place ?

Pourquoi a-t-il fallu attendre seize longues années avant de reconnaître l’innocence de Patrick Dils ?

Comment une femme a-t-elle pu garder pour elle les révélations que lui avait communiquées Henri Leclaire, ceci sur les conseils de son époux avocat ? Cette attitude est inqualifiable.

On ne peut qu’être consterné devant l’incompétence des enquêteurs dans ce que l’on peut bien appeler un fiasco judiciaire.

Dans le privé une telle incurie aurait eu pour conséquence le renvoi immédiat pour faute grave des responsables de l’enquête. Mais là, je suppose qu’ils continuent a exercer leur métier sans avoir subi le moindre blâme, à moins qu’ils ne coulent une retraite paisible sans aucune mauvaise conscience.

Effectivement Philippe Bilger, cela ressemble à un mauvais roman policier de quai de gare. La réalité peut s’avérer plus sordide que la fiction.

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