On peut ne pas éprouver de compassion pour les criminels et délinquants qui ont mérité leur peine mais pour leurs victimes et, en même temps, s'émouvoir de la surpopulation pénale et de ce qu'elle entraîne.
On peut déplorer les poncifs pénitentiaires traînant à droite et à gauche du genre : la prison école du crime et, à la fois, s'indigner de l'impéritie gouvernementale dans ce domaine si préoccupant.
Je suis en effet sensible à ce constat qu'une démocratie se juge notamment à la manière dont elle traite les prisonniers et à son souci de la décence des lieux d'enfermement.
Les statistiques si précieuses de Pierre-Victor Tournier viennent régulièrement nous rappeler la réalité et souligner notre passivité. Au 1er juin, il y avait 80 874 détenus au sens commun et un surnombre de 14 057 dont 1024 sur un matelas posé à même le sol.
La surpopulation pénale n'est pas en elle-même un scandale si on veut bien considérer qu'elle n'est pas la conséquence d'une répression sans mesure mais seulement celle d'un parc pénitentiaire insuffisant. Il faut en effet construire de nouvelles prisons mais cette démarche ne pourra être mise en oeuvre qu'à moyen et long terme. Elle relèvera de l'action d'un Etat enfin conscient de ses devoirs.
Mais il y a des urgences et des immédiatetés sur lesquelles une énergie pourrait se poser et se déployer et qui exaspèrent d'autant plus le citoyen qu'il a la certitude qu'elles pourraient trouver une solution rapidement. Ainsi, pour ces personnes couchées sur un matelas.
Je ne méconnais pas, devant ces situations criantes, l'importance et l'efficacité des recours administratifs - notamment par Me Etienne Noël - mais, pour ma part je me ferais fort de régler cette indignité basique et insupportable si, par miracle, je devenais chargé de ce dysfonctionnement collectif. Pour y remédier.
Certes il y a la bureaucratie administrative, les rigidités pénitentiaires et la pesanteur de ces difficultés jugées à ce point fatales et insolubles qu'elles demeurent à l'abri de toute initiative.
Je suis persuadé que dans cet univers pénitentiaire, en dépit de ses cloisonnements et de ses régimes de détention différents et singularisés, il serait évidemment possible d'agencer, d'organiser, de bouleverser autrement l'existant pour permettre à ces personnes couchées sur un matelas de trouver une couche plus convenable.
Mais encore faudrait-il le vouloir et appréhender l'ensemble de cette problématique avec un rythme sachant faire sa part à l'essentiel et à l'accessoire, à l'opératoire réalisable de suite et à un programme au long cours.
Il me semble qu'à côté des politiques globales exigeant un investissement et des entreprises durables et persévérants, il conviendrait d'inventer des pompiers ponctuels, des proconsuls de l'instant et de la crise à résoudre sur-le-champ, des artisans expéditifs et efficients. Au fond, avec un peu d'ironie, des Montebourg à foison.
Je me souviens de certaines de mes expériences judiciaires avant la cour d'assises de Paris et rien ne m'a semblé plus passionnant que de plonger dans un réel incommode pour le surmonter, pour aider et soulager autrui quand pourtant l'heure paraît sombre et presque inéluctable dans son crépuscule.
Pour une tâche de cette ampleur mais dont l'issue heureuse, même sur un plan modeste - une affaire de matelas -, comblerait celui qui aurait su vite la mener à bien, on aurait évidemment les pleins pouvoirs pour briser les résistances, imposer les modifications et rendre nécessaire ce que l'humanité et la sécurité commanderaient.
Les maux qui sont laissés en l'état, alors qu'une action ciblée et résolue y mettrait fin, rendent fous ceux qui aspirent à pallier les défaillances et à remplacer les incapables.
Ce serait presque rien mais il n'y aurait plus à compter dans ces statistiques ces détenus couchés sur un matelas. Petite avancée qui manifesterait que même sans illusion sur la nature humaine, le volontarisme sans le verbe a de l'avenir !
Je parie que... si...
Petite précision qui semble nécessaire je n'a pas dit qu'en France tout le monde n'avait pas accès à l'école, mais avoir un droit et en user sont deux choses différentes.
Rédigé par : arrêterdemélangertoutesformesdedélinquance | 20 juin 2014 à 11:56
@arrêterdemélangertoutesformesdedélinquance
Il y a des personnes qui n'ont pas eu la chance d'avoir accès à l'école, il y a des petits délinquants qui sont aussi des toxicomanes...
En France, vous savez très bien que tout le monde peut avoir accès à l'école.
Seulement voilà, certains s'y conduisent mal, sont indisciplinés, ne respectent pas leurs maîtres, n'écoutent pas, etc.
Ensuite, ils vont aller se plaindre des échecs dont ils sont les premiers responsables.
Et puis plus tard, il est évident que certains comportements « antisociaux » déjà développés à l'école ne feront que se développer et les pousser à la délinquance.
Rédigé par : Parigoth | 20 juin 2014 à 11:06
Ainsi, pour certains, on a besoin de la prison parce que l'individu dangereux est. Je leur demande sincèrement de réfléchir sur l'inversion de la question : n'a-t-on pas plutôt besoin de l'individu dangereux pour que la prison soit ?
N'est-ce pas cette dangerosité que l'on cherche continuellement à juger dans les tribunaux à grands coups d'expertises psychiques toutes aussi peu fiables les unes que les autres, plutôt que le crime en lui-même ? Cette dérive ne conduit-elle pas à chercher à s'intéresser à l'être de l'individu (son histoire, ses origines, etc.) plutôt qu'aux actes pour lesquels il est jugé ?
Quelle est VERITABLEMENT l'efficacité de la prison dans la lutte contre cette dangerosité alors que rien ne peut laisser prévoir un passage à l'acte, ni une récidive ?
Quel effroi ne ressent-on pas quand au nom de cette même dangerosité, on cherche à ficher des enfants comme potentiellement dangereux dès la maternelle ?
En vérité, la dangerosité est bien plus utile à la prison que la prison à lutter contre la dangerosité...
Rédigé par : Garry Gaspary | 20 juin 2014 à 11:04
@Tipaza : 19 juin 2014 à 20:34
« J’avoue avoir souri en lisant votre commentaire, touchant de naïveté… Croyez-vous vraiment que tous les assassins voleurs, violeurs soient illettrés, et que l’instruction les mettrait sur le « droit chemin » ? »
Non, je ne crois pas que TOUS les assassins voleurs, violeurs soient illettrés, et que l’instruction les mettrait sur le « droit chemin », pas plus que je ne crois que « l’obligation de soins » qui est inscrite dans la loi, soit efficace mais je suis contre cette lâcheté qui consiste à marteler : les petits délinquants n’ont rien à faire en prison car c’est l’école de la « voyoucratie ». Et d’ailleurs, qu’est-ce que c’est une « petite délinquance » du point de vue des victimes ?
Que la justice, en lieu et place de l’école des voyous, oblige alors les petits délinquants (ou grands, pourquoi pas) illettrés ou quasi, condamnés à de la prison ferme, à se rendre CHAQUE JOUR en classe pour apprendre, non pas comment être recrutés pour entrer dans une bande, mais à lire, écrire et compter (quoique compter, visiblement, beaucoup le sachent ;-))
Bien sûr c’est naïf, c’est même assez simpliste, mais pas moins que de dire « ne mettons pas les auteurs de petites délinquances en prison car la vie y est trop dure et que c’est l’école du crime ! »
Certains disent « oui mais pour bien apprendre il faut pouvoir bien dormir et en prison ce n’est pas possible ». Apprendre à lire, écrire et compter pour un ado ou un jeune adulte qui a « décroché » du système scolaire à 12/13 ans, ne demande pas un effort insurmontable, et n’est pas moins stressant que craindre d’être victime d’une fatale kalachnikov à la moindre "fausse note", car là pour le coup le repos devient définitif.
Il est regrettable, et je le regrette, de constater que l’obligation de soins ou de « pointer » dans une gendarmerie ou un commissariat, reste la seule panoplie pour lutter (sic) contre les petits et les grands bandits.
Alors "ne me secouez pas, je suis plein de larmes" (Henri Calet).
Rédigé par : breizmabro | 20 juin 2014 à 10:34
Bonjour Philippe Bilger,
« Ce serait presque rien mais il n'y aurait plus à compter dans ces statistiques ces détenus couchés sur un matelas. Petite avancée qui manifesterait que même sans illusion sur la nature humaine, le volontarisme sans le verbe a de l'avenir ! »
Plus que le matelas à même le sol, il me semble que le plus dur pour un détenu est de supporter la promiscuité dans un local exigu avec des individus qui, j’imagine, ne sont pas très sociables. Le plus faible doit se plier aux exigences des deux autres, subir les humiliations et se taire sous peine de représailles. Bref un enfer qui explique en partie le nombre de suicides dans les prisons ou encore la destruction de la personnalité de ceux qui ont connu ce calvaire.
En ce sens le bracelet électronique pour les délits mineurs me paraît une bonne chose. Reste le cas des schizophrènes, pervers et autres psychopathes qui relèvent de la psychiatrie et qui n’ont rien à faire ni en prison ni en liberté car potentiellement dangereux pour leur entourage.
Rédigé par : Achille | 20 juin 2014 à 09:53
En prison, il n'y a pas que des violeurs et des assassins, il y a aussi des personnes qui devraient bénéficier de soins psychologiques, il y a des personnes qui n'ont pas eu la chance d'avoir accès à l'école, il y a des petits délinquants qui sont aussi des toxicomanes que la société, au lieu de soigner, préfère mépriser et enfermer. Alors oui aux autres alternatives pour ces détenus qui sont moins dangereux pour la société que nombre de délinquants à col blanc qui sont protégés parce qu'ils connaissent mieux les rouages et ont les moyens de se payer de bons conseillers.
Camille, vous répondez à mon interrogation : les détenus ne font pas que dormir sur ce matelas, ils passent la majeure partie de leur vie dans un espace réduit, et en effet les plus vulnérables sont en danger. C'est indigne.
Rédigé par : arrêterdemélangertoutesformesdedélinquance | 20 juin 2014 à 08:34
@Tipaza
"Le moins qu’on puisse dire c’est que Victor Hugo manque de subtilité et de finesse. "
Je parie que si l'idéologie romantique était vilipendée, on s'en sortirait. Le romantisme est un passage caractéristique du passage entre l'enfance et l'âge adulte. Certains ne s'en sortent pas et restent aveuglés par les images, les fantasmes, les mensonges du romantisme.
Les prêtres de Notre-Dame de Paris n'ont jamais fait déverser du plomb fondu sur le peuple massé sur le parvis et pourtant, cette image, issue de l'imagination morbide de Victor Hugo, a traversé les décennies pour arriver jusqu'à nous.
La gauche parle d'éducation des malfrats ; elle a bien raison, sans se rendre compte que le problème est justement créé par le style d'éducation mis en oeuvre depuis des décennies et qui pourrit le lien social au lieu de le raffermir autour de valeurs communes.
La délinquance augmente, les places en prison restent stables. Une des premières mesures de Mme Taubira fut de supprimer le projet de construction de nouvelles places. Pour supprimer 1024 matelas posés par terre dans 9 m2, le législateur impose un adoucissement des peines et la mise en liberté.
Je parie que si les Européens abandonnaient le romantisme et revenaient à une Justice plus dure envers les criminels récidivistes, alors les prisons se rempliraient moins vite qu'elles ne se videraient.
En Europe et en Russie, la peine de mort est abolie ; ce n'est pas le cas aux USA, en Chine, en Inde et dans les pays du Moyen-Orient.
Rédigé par : vamonos | 20 juin 2014 à 07:09
"...si, par miracle, je devenais chargé de ce dysfonctionnement collectif"
Quel appel du pied !
On n'est pas en contexte du Moi-mondial de foot pour rien !
Et que je te tacle la vilaine Adeline femme-juge battue pour ne pas dire "cassatée"... malgré son ex-époux !
Il nous souvient de ces vieux étudiants ambitieux lesquels allongés mentalement sur "leur" sujet-clé de leurs rêves aimaient à faire soupirer : "même pas un Que-sais-je sur la question !"
Un petit détour par ici nous fera toujours rire.
Rédigé par : Cirsedal | 20 juin 2014 à 02:33
"...On aurait évidemment les pleins pouvoirs pour briser les résistances, imposer les modifications et rendre nécessaire ce que l'humanité et la sécurité commanderaient.../
Les maux qui sont laissés en l'état, alors qu'une action ciblée et résolue y mettrait fin, rendent fous ceux qui aspirent à pallier les défaillances et à remplacer les incapables..." (Philippe Bilger)
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On peut toujours rêver !
Des hommes d'action lucides et déterminés qui secoueraient la léthargie d'une cohorte de mollassons carriéristes et qui remplaceraient les incapables. Tout est là, on peut toujours espérer des énergies nouvelles enfin à l'oeuvre, croire à des lendemains qui chantent ! Mais, hélas, avec l'attelage velléitaire actuel qui tire à hue et à dia, on n'en prend guère le chemin et le gouffre se rapproche dangereusement.
Et en attendant que fait-on à part palabrer ?
Rédigé par : Mary Preud'homme (Virer les incapables ? Chiche !) | 19 juin 2014 à 21:03
"Que Madame Taubira inscrive dans sa loi l'OBLIGATION d'étudier, au même titre que l'obligation de soins, et un grand pas sera fait"
Rédigé par : breizmabro | 19 juin 2014 à 10:47
J’avoue avoir souri en lisant votre commentaire, touchant de naïveté envers les malfrats et autres déviants de la vie dans la cité. Savez-vous que votre proposition est vieille comme le monde ou presque ?
Même Victor Hugo s’y est mis c’est dire. Lui aussi était persuadé que l’instruction pouvait avoir un rôle rédempteur. Lors de la Commune de Paris, un incendie ravagea la Bibliothèque Nationale, et Victor écrivit un poème intitulé « À qui la faute », et destiné à l’incendiaire, en voici la fin :
Le livre en ta pensée entre, il défait en elle
Les liens que l'erreur à la vérité mêle,
Car toute conscience est un noeud gordien.
Il est ton médecin, ton guide, ton gardien.
Ta haine, il la guérit ; ta démence, il te l'ôte.
Voilà ce que tu perds, hélas, et par ta faute !
Le livre est ta richesse à toi ! c'est le savoir,
Le droit, la vérité, la vertu, le devoir,
Le progrès, la raison dissipant tout délire.
Et tu détruis cela, toi !
J’ai toujours considéré ces vers comme l’expression de la méconnaissance la plus totale de l’âme humaine.
Le savoir, l’instruction ne changent pas l’homme en profondeur ils lui donnent un vernis, déguisement de l’être réel.
Sinon les progrès de l’enseignement obligatoire auraient rendu notre monde idyllique, un vrai retour au Paradis originel.
Croyez-vous vraiment que tous les assassins voleurs, violeurs soient illettrés, et que l’instruction les mettrait sur le « droit chemin » ?
Et je ne parle pas des assassins au nom d’une idéologie, qui eux non seulement ne sont pas illettrés mais ne sont pas incultes.
Quant à ceux au nom d’une religion, ils savent lire le « Livre » et ils en font un usage dont le moins qu’on puisse dire est qu’il est mortifère.
La solution, je ne l’ai pas, mais il me semble que l’extraction de la société, pour une durée plus ou moins longue, de ceux qui en refusent les lois et règlements est la moins mauvaise des solutions.
L’extraction signifiant pour moi la prison pour les Français, l’expulsion pour les étrangers. Pour ceux qui ont la nationalité par le droit du sol, mais qui ne sentent pas liés à la France, la perte de la nationalité et le retour à la case d’origine. Ceci résoudrait une grande partie de la surpopulation pénale.
Si l’État ne traite pas le problème convenablement, nous reviendrons au système de la vendetta.
Après l’affaire du Rom en France, c’est ce qui vient de se passer en Allemagne où un violeur a été tué par les membres de la famille de la jeune victime.
Œil pour œil, dent pour dent, la vieille loi du talion risque de revenir avec ses exagérations.
Pour un œil les deux yeux, pour une dent toute la figure !
PS : Pour être complet, je signale quand même que Victor termine son poème par un vers qui donne la parole à l’incendiaire :
« - Je ne sais pas lire »
Soulignant ainsi à l’encre rouge, si je puis dire, sa plaidoirie.
Le moins qu’on puisse dire c’est que Victor Hugo manque de subtilité et de finesse.
Un poète surfait, sauf dans « L’Art d’être grand-père », mais c’est un autre sujet.
Enfin ce que j’en dis.
Rédigé par : Tipaza | 19 juin 2014 à 20:34
Vous voulez donner un matelas au jeune qui s'est fait tabasser ? Vous avez raison, mais alors, prévoyez une planche à clous pour les politiques et journalistes qui n'osent même pas dire la vérité sur cette affaire et un cachot humide pour la PR qui s'embrouille tellement dans ses déclarations qu'elle en avoue les effets du communautarisme ou pire, lié à ces quartiers inventés par des élus assoiffés de prébende et des administrateurs incompétents.
La prison est à l'image de notre société politique, laide, malhonnête, incompétente, avide (v. les retraites de M.Vauzelle, mari de magistrate) et surtout méprisante.
La construction de prison ne ferait qu'inciter les juges à y envoyer encore plus de monde. C'est déjà ce qui s'est passé lors de l'épisode Chalandon.
Alors, approuver la solution Taubira ? A condition de suivre Breizmabro et son idée d'obligation d'instruction, mais autant penser à dorer à l'or fin une dague de plomb. Bonne nuit, M.Bilger vous êtes encore français. On vous aime bien quand même.
Rédigé par : genau | 19 juin 2014 à 16:38
Nous voilà au cœur de l’incohérence de la pensée « moderne ».
On ne sait plus dire que l’âme prime sur le corps autrement qu’en termes médicaux ou exotiques, et puis on s’indigne de ce qu’il est difficile d’appeler autrement que l’avilissement de l’âme dans l’infamie de nos prisons.
Le cerveau politiquement correct est bloqué à l’idée de la peine corporelle ou seulement du pilori, mais on détruit un homme au plus profond de lui-même sans même qu’il soit condamné.
Des mois, voire des années en préventive à plusieurs dans une cellule minuscule avec odeurs, fumées, défécations, propos de brutes épaisses et viols, n’est-ce pas là pire que mourir ?
Notre belle république est l’auteur de milliers de crimes contre l’humanité au quotidien, et le français moyen à l’ignorance affligeante s’indigne du nazisme à longueur d’années.
Que vaut-il mieux ? Les camps de concentration où l’on mourait de faim et de maladie mais avec une possibilité de garder sa dignité, ou nos cellules surchargées où cela est quasiment impossible ?
Et si on posait au moins la question ?
Par ailleurs, nous avons les Gaspary et autres intellos qui nous disent que la prison est dépassée.
Lorsqu'un voyou a commis un cambriolage, ont doit le convoquer pour le sermonner et lui dire que la prochaine fois, il sera privé de sucettes.
Ce sont sans doute les mêmes qui trouvaient les méthodes de Staline légitimes comme prix à payer pour le bonheur futur de l'humanité...
Rédigé par : Xavier NEBOUT | 19 juin 2014 à 15:25
Le concept de privation de liberté n'est évidemment plus à la hauteur des enjeux de nos sociétés dont nombre de délinquants (voire criminels) sont encore mais en plus grand nombre "hors des murs", faute non pas de place mais d’abord d’autorité réelle. En y adjoignant le grand manque de rigueur dans l'application de la loi donc des peines, le cocktail ne peut devenir qu’explosif. Certes, il y a longtemps que la société réfléchit à de nouveaux concepts alternatifs à celui de l'enfermement, lequel a atteint ses limites mais elle se retrouve chaque fois devant un « mur », en raison d’une immense faiblesse qui ressemble fort à de la démission quand ce n’est pas de la haute trahison cachée.
Le mal est sans doute encore plus profond quand on sait aujourd’hui parfaitement qu’au-delà des communautarismes n’admettant que la loi du groupe, les religions intégristes sont à l’œuvre en dedans et en dehors des murs.
L’imagination aidant, une bonne part de la solution à moyen terme passera de gré ou de force par des prisons « ouvertes » (sauf pour les fous dangereux) pour le corps comme pour la psychisme. Ainsi, plus que des matons, une grande majorité des prisonniers de la société et d’eux-mêmes devront être aidés à réacquérir la capacité de dire « non » à leurs démons, à réapprendre les limites permises par le groupe principal (la société), pour enfin se penser libre dans leurs têtes d’abord.
Je demeure persuadé que pour le siècle en cours, c’est le « religieux » qui réalisera ce que le «politique » ne construira jamais sur le long terme.
L’Histoire l’a déjà prouvé, par les grands cycles qui vont continuer à s’imposer.
Rédigé par : fugace | 19 juin 2014 à 13:37
Pour pouvoir étudier, et, le faire bien, il faut son comptant d'heures de repos - ici sommeil - pour recharger les batteries et calmer ses nerfs ! donc un matelas décent au-dessus du sol...
Mais on peut aussi estimer que "va sur ta couche, tapis, couverture" réservé pour des obéissants-domestiques pourrait convenir pour des êtres humains...!
Après "Dormez dans la rue mes frères", voici
"Un matelas en taule ? Mais pourquoi faire !"
Nauséabond.
Rédigé par : calamity jane | 19 juin 2014 à 13:28
Je n'ai pas de réponse quant à une alternative possible, plus humaine et à moindre coût, de la prison.
Mais en revanche, ce dont je suis persuadé, c'est que ceux qui sont envoyés en prison ont un problème de surmoi. Or, le surmoi, on commence à se le forger dès le plus jeune âge, au contact de ses parents et de l'autorité qu'ils exercent sur soi. Je crois que le seul moyen d'empêcher la récidive est de renforcer le surmoi du prisonnier. Il faudrait en effet amener le prisonnier à s'auto-interdire de mal agir. Mais il y a tout un travail à faire pour qu'il comprenne pourquoi il a sa pulsion malsaine et d'où elle lui vient. Le seul moyen de travailler efficacement sur soi et de restaurer durablement un surmoi défaillant est de suivre une cure psychanalytique. Mais encore faut-il être jeune, courageux, à l'écoute et volontaire pour qu'une cure analytique soit efficace.
Et encore faudrait-il que la société fasse preuve d'une grande miséricorde pour parvenir à accepter de prendre en charge tout ou partie des frais d'une cure pour soigner quelqu'un qui a été reconnu coupable d'avoir agi contre elle.
Ce serait un progrès considérable qu'au lieu de réprimer durement et avec sécheresse, on puisse offrir à un délinquant l'autorité parentale qu'il n'a pas pu avoir, ou qu'il a reçue de travers, lorsqu'il était petit. La société tout entière en sortirait grandie.
Rédigé par : RF | 19 juin 2014 à 12:17
Philippe Bilger a cent fois raison lorsqu’il écrit « qu'une démocratie se juge notamment à la manière dont elle traite les prisonniers et à son souci de la décence des lieux d'enfermement. »
Qu’un millier de détenus doive dormir sur des matelas sans sommier n’est pas anecdotique. Ça traduit l’indifférence coupable des autorités politiques qui prétendent (faussement) vouloir lutter contre la récidive.
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), de nombreuses associations, des personnalités telles que Pierre-Victor Tournier ou Jean-Marie Delarue, ne cessent d’alerter (en vain) l’opinion publique et les dirigeants politiques sur l’état lamentable des conditions d’incarcération dans les prisons françaises. Sans angélisme, sans complaisance et sans laxisme.
Ils se heurtent évidemment à des idées reçues tenaces, selon lesquelles les détenus feraient la grasse matinée, auraient accès à des salles de musculation, avant de regarder la télévision par câble ou par satellite, tout en navigant sur Internet, en attendant la prochaine visite conjugale. J’en passe et des meilleures.
Ils se heurtent aussi, comme toujours, à la question de la volonté politique qui conditionne celle des moyens financiers et humains alloués au ministère de la Justice, en particulier les services pénitentiaires.
Le 12 juin 2014, dans l’indifférence générale, 3 000 surveillants pénitentiaires ont manifesté pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail et les coupes budgétaires.
La réforme pénale proposée (et maintes fois remaniée) par Christiane Taubira est insatisfaisante. Non pas parce qu’elle serait laxiste, mais parce qu’elle introduit la confusion entre l’ancienne probation (sursis avec mise à l’épreuve) qui existe en France depuis 1958 et la nouvelle contrainte pénale telle que définie par Pierre-Victor Tournier (« une peine principale pour certains délits en lieu et place de la courte peine privative de liberté actuellement prévue »).
Plus grave encore, aucun budget n’a été sérieusement prévu pour la mise en application de cette réforme pénale, pour la création de nouvelles places de prison (que Pierre-Victor Tournier et d’autres recommandent pourtant) ou pour recruter des surveillants pénitentiaires et des agents de probation en nombre suffisant.
On en revient toujours et encore à la question (essentielle) des moyens et à l’absence de volonté politique cohérente.
Rédigé par : moncreiffe | 19 juin 2014 à 12:12
Probablement que les services de Madame Taubira ont estimé d’emblée qu’on ne peut pas déplacer les murs des prisons pour en agrandir la surface et y placer de nouveaux matelas !
Je ne pense même pas qu’on va réfléchir aux matelas à installer mais aux détenus à libérer et aux inculpés à ne pas emprisonner. C’est l’angélisme de gauche de Madame Taubira qui donne la tonalité du jour.
Comme vous le soulignez, on aimerait cependant qu’une task force se penche immédiatement sur la question que vous évoquez, émette des avis et propose des solutions. Il ne s’agirait pas de botter en touche en rédigeant un énième rapport dans les six mois, mais d’entrer directement dans le sujet.
Rédigé par : jack | 19 juin 2014 à 12:08
Il ne faut jamais oublier que dans les prisons surpeuplées, soit l'intégralité des maisons d'arrêt de France, la population carcérale souffre de la situation ce qui génère des tensions et des violences.
Les premières victimes de cela sont les personnes détenues les plus faibles qui se retrouveront très vite rackettées par les plus forts mais aussi, et surtout, le personnel pénitentiaire. N'oublions jamais que ces gens-là sont en prison mais qu'ils n'ont rien à se reprocher !
Par son inertie, l'Etat est responsable de l'incroyable dégradation des conditions de travail de ses propres agents.
Au sujet du métier de "maton", je ne peux que conseiller la lecture du livre d'Arthur Frayer "Dans la peau d'un maton" : http://rue89.nouvelobs.com/2011/03/01/un-journaliste-dans-la-peau-dun-maton-les-bonnes-feuilles-192942
Rédigé par : Mussipont | 19 juin 2014 à 11:42
Je me suis abstenu d'intervenir sur le billet précédent qui a permis à certains de surfer sur l'expression "ne sont pas comme nous", alors même qu'un esprit honnête constatait que vous ne déniiez pas aux délinquants leur appartenance à l'humanité, mais qu'effectivement vous ne faisiez que constater que par la commission de méfaits ils sont nécessairement différents des citoyens respectueux de la loi, honnêtes y compris dans la pauvreté, n'exprimant pas leurs réactions par des gestes violents, etc. Raison même de leur incarcération.
Dans ce billet vous complétez et développez votre propos précédent par une approche pragmatique. Or le premier intervenant à réagir vous considère "à côté du sujet"... alors que vous vous situez dans une attitude adaptée au réel. Tandis que le contradicteur n'étale qu'une approche strictement idéologique sans relation quelconque avec la réalité des faits et des situations.
Il n'en reste pas moins qu'il est étrange que le système pénitentiaire qui a su créer un centre ouvert comme celui de Casabianda n'ait jamais été capable de concevoir des systèmes semi-ouverts de même nature sur le Continent, ce qui répondrait effectivement à ce passage de votre billet : "la surpopulation pénale n'est pas en elle-même un scandale si on veut bien considérer qu'elle n'est pas la conséquence d'une répression sans mesure mais seulement celle d'un parc pénitentiaire insuffisant. Il faut en effet construire de nouvelles prisons mais cette démarche ne pourra être mise en oeuvre qu'à moyen et long terme. Elle relèvera de l'action d'un Etat enfin conscient de ses devoirs".
Sans doute serait-il nécessaire qu'enfin on diversifie les types d'établissements pénitentiaires pour traiter de la manière la plus efficace possible l'application de toute la palette des sanctions pénales privatives de liberté. Et non pas par les dispositions du projet de Madame Taubira qui les transforme en probations généralisées...
Rédigé par : Robert | 19 juin 2014 à 11:31
Au 1er juin, il y avait 80 874 détenus au sens commun et un surnombre de 14 057 dont 1024 sur un matelas posé à même le sol.
N'y a-t-il pas des choses plus graves auxquelles il conviendrait de remédier en priorité ?
Certes, dormir sur un matelas posé à même le sol n'est pas très confortable, mais ce n'est pas une atteinte à la dignité humaine, par exemple.
Ne faudrait-il pas plutôt éviter à certains détenus « fragiles » ou bien emprisonnés pour des motifs relativement mineurs d'être placés sous le contrôle de « caïds » qui font régner leur loi, parfois pour entraîner des conversions forcées sous peine de représailles ?
@Garry Gaspary
Il doit donc retrouver son utilité première pour laisser place à une nouvelle forme de peine plus adaptée à nos sociétés modernes. Moderne, moderne... Moderne est l'équivalent de « contemporain ». Or le crime par lui-même est quasiment éternel, il est lié à la condition humaine, il suffit de se reporter à l'image parlante du crime de Caïn. La prison, en dépit de quelques variantes mineures, n'a guère changé dans son principe et sa fonction depuis des millénaires. Et vous oubliez surtout une de ses fonctions essentielles qui est de protéger les victimes potentielles de certains criminels irréductibles, véritables fauves qui a une époque auraient été condamnés à mort, en les empêchant de pouvoir recommencer.
Rédigé par : Parigoth | 19 juin 2014 à 11:13
@Garry Gaspary : 19 juin 2014,09:02
Je suis globalement assez d'accord avec vous mais je pense également que TOUT jugement doit être exécuté sous peine de confusion - sans jeu de mots ;)
Peut-être que les lieux d'incarcération ne sont pas adaptés à certaines peines. Peut-être qu'un monsieur comme Agnelet, 76 ans (exemple), condamné pour un crime non prouvé (sans corps, sans lieu et sans aveu) il y a 37 ans, n'a pas sa place en prison et qu'un bracelet électronique dont il serait doté coûterait moins cher à la société et ferait gagner une place ?
Un chauffard alcoolisé ou drogué, voire les deux, qui tue, n'est-il pas, lui aussi un criminel qui devrait avoir la même sanction qu'un autre crime de sang, l'alcool ni la drogue ne devant être une circonstance atténuante, et le fait de lui retirer son permis, à vie ou pas, est-il une sanction sérieuse ?
Madame Taubira souhaite que les "atteintes aux biens" ne soient pas punissables d'incarcération. Soit, mais les "milices" de quartier font se reformer et les punitions physiques seront plus dramatiques que l'incarcération, je suppose.
La prison n'est pas, bien sûr, l'endroit idéal pour se "racheter" un conduite, mais si la première des peines était l'OBLIGATION d'apprendre à lire, écrire et compter, et suivre des cours d'éducation civique, ne serait-ce pas, déjà, un premier pas vers la réinsertion car "le savoir rend libre".
Du reste certains prisonniers le savent qui ont passé leur bac, voire plus...
Que Madame Taubira inscrive dans sa loi l'OBLIGATION d'étudier, au même titre que l'obligation de soins, et un grand pas sera fait ; l'insupportable sera peut-être mieux supporté...
Rédigé par : breizmabro | 19 juin 2014 à 10:47
En effet, le problème n'est pas le matelas...
Je comprends M. Bilger qui dans son billet indique le problème et nous conduit à une solution possible rapide et efficace ! C'est vrai aussi que c'est un début et un bon début.
Pourtant, ce n'est pas le problème !
Si je tente par compassion pour mon prochain de m'imaginer privé de liberté, je demanderais à ce que la peine de mort soit possible pour moi. Je suis pour que cette peine soit prononcée par humanité, parce que la souffrance de la privation de liberté et de dignité, la promiscuité que je hais par-dessus tout me feraient préférer la mort et de très loin... Mais, lorsque j'exprime ce sentiment s'élève une vive réprobation contre l'humain que je suis. Alors, je m'interroge ?? Suis-je le seul à vouloir mourir plutôt que moisir ? Il ne restait dans la boîte de Pandore que l'espoir... Il m'étonne que dans ce monde qui refuse la faiblesse du corps, sa temporalité, qui refuse tout signe de dégradation, et bien sûr la mort, il soit considéré comme inhumain de sortir de ce monde les yeux ouverts ! Une sensiblerie étrange, une lâcheté encore plus étrange, une hypocrisie lamentable, conduit à des choix de société pervers, mais toujours dans une apparence de douceur, de compassion, et de respect de l'autre. Et ici, je ne parle pas de surhomme, que nenni ! Je parle de l'homme qui ne tient à la vie que dans la mesure où il n'est pas un animal que sa force vitale conduit à suivre son instinct, qui est de vivre envers et contre tout. Ainsi, n'étant pas une bactérie je suppose que l'être humain ne peut se satisfaire de n'être que vivant, ce n'est pas assez !
Rédigé par : duvent | 19 juin 2014 à 10:25
Coucher sur un matelas à même le sol signifie être le troisième détenu dans une cellule avec deux lits superposés, ou le cinquième dans une cellule pour quatre.
Toutes les prisons récentes sont construites sur le modèle de la cellule individuelle, las, avec la surpopulation, deux personnes y cohabitent 22 heures sur 24 dans 9 mètres carrés. Pendant des années. Dans la promiscuité, le bruit, les odeurs, les tensions qui s'instaurent inévitablement.
Il est légitime que les détenus coupables paient pour leurs exactions, comme il est légitime de les retirer de la circulation pour protéger la société. Les pires criminels, d'ailleurs, ne devraient jamais en sortir.
Mais l'enfermement tel qu'il est conçu aujourd'hui en France ne résout absolument rien et promet un taux de récidive élevé. Des réformes sont nécessaires, leur coût est si pharamineux qu'elles risquent fort de rester lettre morte.
Ne pourrait-on cependant au XXIe siècle, suite aux grandes avancées civilisatrices du XXe, sortir de ce système de punition moyenâgeux, qui transforme l'homme en bête, en réfléchissant à établir de vraies sanctions, et de vraies réinsertions ?
Rédigé par : Camille | 19 juin 2014 à 09:44
Je pense que vous êtes complètement à côté du sujet...
Le problème n'est pas la surpopulation carcérale ou le manque de moyen du système pénitentiaire, le problème est le régime pénitentiaire en lui-même.
L'emprisonnement n'est originellement que le moyen transitoire de conserver un individu à disposition dans l'attente d'un événement le concernant (son procès, le paiement de sa rançon, l'application de la peine à laquelle il a été condamné, le retour au calme d'une situation insurrectionnelle à laquelle il a participé, etc.)
Il n'est absolument pas adapté pour devenir une forme de pénitence, et n'est d'ailleurs absolument pas ressenti comme telle par ceux qui le subissent. Il n'apporte rien en termes de repentir, de réinsertion, etc., bref, de tout ce qui peut être socialement utile concernant la gestion de la culpabilité.
Il doit donc retrouver son utilité première pour laisser place à une nouvelle forme de peine plus adaptée à nos sociétés modernes.
Rédigé par : Garry Gaspary | 19 juin 2014 à 09:02