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07 juin 2014

Commentaires

calamity jane

Crevel ou le respect de la terre-mère !
Et la purification par le feu.

hameau dans les nuages

S'il existe un suicide assisté devant lequel nous demeurons impuissants voire complices c'est bien celui de la France.

Nous n'avons même pas l'excuse de l'effet de surprise car les médias alternatifs permettent à chacun d'entre nous de connaître le savant dosage de poison qu'on nous instille. Nous n'avons même plus l'excuse aussi de devoir attendre la déclassification des archives. Nous avons la tragédie, le drame, la trame sous nos yeux.

Alors faire des tonnes (à dessein je n'utilise pas le mot wagon qui pourrait être sujet à interprétation) des cris de midinette d'un chanteur joueur de poker compulsif à l'encontre de la saillie d'un vieillard...

http://teleobs.nouvelobs.com/actualites/20140603.OBS9269/eric-zemmour-et-le-suicide-francais.html

Catherine JACOB@Tipaza

@Tipaza | 08 juin 2014 à 22:22
"Bon sang mais c’est bien sûr !
Le lien avec le suicide est évident, je m’en veux de ne pas y avoir pensé.

Pourtant il peut paraître clair que s'il va en sens inverse et lutte contre le mouvement de la charrette, il ne peut que s'étrangler lui-même.

" Avant de vous lire je croyais que le Koan éveilleur était une phrase brève de quelques mots, mais l’orientaliste que vous êtes démontre qu’il peut être long comme une laisse sans fin."

Le chien et la charrette : Épictète, Hiérapolis, Phrygie, date incertaine ap. J.-C., Nicopolis, Épire vers 125 ou 130. Son enseignement connu est réputé ne pas porter trace d'une étude de la physique, d'où l'intérêt de faire voir dans la soumission au Destin que choisit le chien, un principe dont l'application aura permis vingt siècles plus tard le percement d'un massif dont le col situé à 2 108 m d'altitude et long de 26 kilomètres a été à la naissance de la Suisse.
La dispute pour son contrôle ayant généré en effet un soulèvement des paysans qui habitaient cette région et tiraient quelques revenus du passage du col par les voyageurs et les marchandises, contre l'empire Habsbourg.

Ce tableau de Turner de la passe du Gothard m'évoque ce haïku :
雲雀より空にやすらふ峠哉
Il y est question de la route du TOO-no-MINE (467.1m) dans le district de Nara que l'on franchit pour aller de SAKURAÏ à YOSHINO et où se trouve le sanctuaire TANZAN :

Le philosophe Martin Heidegger s'était fait lire en japonais ce Haïku du moine poète Bashou, lequel en avait franchi la passe un 21 mars alors que tournoyaient les alouettes (HIBARI, alouette eurasienne), des oiseaux migrateurs qui, comme chez nous les hirondelles, annoncent le printemps lorsque le mâle reprend possession de son territoire estival.
L'alouette, avant même le coq dit gaulois, a même été l'emblème des légionnaires gaulois dans l'armée romaine.

Heidegger a donc écouté, lu par le germaniste japonais TEDZUKA Tomio qui a ensuite publié sa propre version de leur rencontre, les sons suivants :
HIBARI_YORI SORA_NI YASUROU TOUGE KANA
Le philosophe n'entendait pas le japonais, en revanche, les interactions entre les sons et les sentiments qui conduisent à une appréciation esthétique fondée sur la perception sensible ne lui étaient pas étrangères.
Ceci étant, ces sons-là ont aussi du sens et incidemment, leur écriture s'offre également à la perception sensible visuelle.
Dans l'écriture d'HIBARI (Alauda japonica qui descend vers le sud à la saison d'hiver et donc remonte vers le nord au printemps), il y a 'nuage'+'passereau' ce qui représente une indication relative au vol de l'alouette.
Et pourtant, plus haut encore nous dit le poète, tel le temps qui suspend son vol dirions-nous, suspend sa course tranquille à travers le ciel et quelque part aussi, nous invite à une halte méditative et paisible, la passe du TOO.

jcr

Celui qui dit, pour parachever la fin de son passage terrien, dans sa décision de disparition et de remise à zéro, ‘’prière de m’incinérer, dégoût’’ a été jusqu’au bout du terminal de son chemin, il veut qu’il ne reste rien car il est devenu tout simplement ce rien… qui dit tout.

Le paradoxal de cette entreprise c’est l’abolition du pathos qui au moment T n’existe plus car la mort, le retour au néant sont déjà là… devançant le geste irréductible et indolore que certains pensent et désignent courageux.

Dans ce tohu-bohu de flaconnage à moitié plein ou à moitié vide, il faut laisser aller la vie là où elle veut aller dans sa simple liberté, qu’elle choisit toute seule à ce moment-là.

La seule force de vie... la seule libido qui permette de survivre et de ne pas mourir bien vivant semble tenir en quelques mots… ‘’quand quelqu’un vous aime, il fait très beau…‘’

Camille

Novembre 2013, en moins d'une semaine, deux couples d'octogénaires se donnent la mort. Lorsqu'arrive la fin du voyage, quitter la vie avec sa compagne ou son compagnon, main dans la main pour franchir cet ultime passage, est un acte de liberté qui vient couronner une exceptionnelle relation d'amour fusionnel. Ne trouver aucun sens à laisser l'autre partir seul, ni à rester seul. Prévoir un départ à deux, en couple, est un choix réconfortant qui adoucit les misères de la vieillesse et calme la peur de la mort.

Belle Saintonge

Le suicide comme destin en accéléré...

Il y a un peu plus de trente ans j'habitais une petite ville du sud-ouest à une trentaine de kilomètres de Cognac. Très belle cité. 5000 habitants à peine. La douceur de vivre...

Mon médecin traitant, le Docteur F...y vivait aussi, fort bourgeoisement, notable estimé et respecté. C'était un très bel homme, brun, grand, toujours tiré à quatre épingles. Un peu rigide de caractère.

Un jour, il apprit son infortune. Sa femme, Michelle, était tombée amoureuse d'un Rodolphe de chef-lieu de canton, gros viticulteur et producteur d'eau-de-vie. Plutôt vulgaire et coureur. Pas du tout le style du docteur F...

L'affaire commençait à s'ébruiter, comment aurait-il pu en être autrement ? D'autant que les deux amants ne prenaient plus aucune précaution et s'affichaient dans une ville voisine, bras dessus bras dessous.

Le docteur F...ne laisse rien paraître de cet affront. Il demande à sa femme et à son rival de venir le voir à son cabinet (un samedi après-midi, jour sans consultations). C'était, leur avait-il fait savoir "pour mettre les choses au point" et envisager une fin à cette situation peu honorable. Pourquoi pas ?

Sans crainte aucune les amants tombent dans un guet-apens.

A peine arrivés dans le cabinet médical, le docteur F... tue son rival de deux coups de fusil. Puis, il tue sa femme avec un bistouri et s'acharnera sur elle.

Puis, il se pend...

On ne peut avoir idée du retentissement de ce drame, dans les années 70 et dans cette délicieuse petite ville ! C'est d'abord la stupeur, l'incrédulité avant tout autre possibilité d'admettre ce qui vient de se passer et de comprendre ce drame.

Le suicide du docteur F... n'a jamais cessé de me hanter depuis.

Noblejoué

@ Franck Boizard

D'abord merci pour le texte de Chesterton, même si je préfère le père Brown, sans doute parce que je ne suis pas quelqu'un de religieux.

Comme vous le devinez, je ne suis pas d'accord.
D'abord, l'auteur en veut visiblement aux suicidés pour deux raisons, théologiques et... d'honneur des martyrs qu'il ne veut pas qu'on assimile à eux.

Premièrement, les suicidés ne sont pas responsables de cette assimilation.

Deuxièmement.
"Mais le suicidé insulte tout ce qui est sur la terre en ne le volant pas".

Voilà une phrase bien générale, et qui donc peut être invalidée par n'importe quel exemple car une loi est générale ou elle n'est pas.
La pierre tombe toujours quand on la lâche, n'est-ce pas.

Donc je recite :
"Mais le suicidé insulte tout ce qui est sur la terre en ne le volant pas."

Prenez l'esclave.
Maudit-il le soleil et la lune, les animaux et le reste ?
Il veut la liberté.
Le meilleur moyen de l'avoir ?
Le suicide.

L'esclave est coincé. On l'oublie toujours, à part lui d'autres personnes, lui plus qu'un autre.
L'esclave pourrait tuer son maître ? Inutile. Dans une société esclavagiste, il serait tué. S'enfuir ? Il y a le risque d'être repris, or il me semble que si on aime la liberté, on peut fort bien ne plus vouloir la perdre, jamais.

Vous me direz que l'esclave ne devient pas libre mais mort ?
Vous oubliez qu'au moment de mourir, il se libère. Certes, cela ne dure pas longtemps, mais lui ne sera repris par personne.

L'Eglise n'a pas interdit l'esclavage, on se demande au nom de quoi les chrétiens pouvaient bien s'estimer meilleurs moralement que les païens.
Elle a interdit le suicide. Donc empêché bien des gens, notamment esclaves, de trouver ma définition du suicide, l'issue de ceux qui n'en ont pas.
Plus gravement, par cet interdit disant qu'on appartient à Dieu, et sans doute tant qu'on y est, à la société, elle a enseigné qu'on ne s'appartient pas, qu'on n'est pas libre...
Elle a ainsi aboli la liberté des libres.

Est-ce que tuer la liberté de son prochain est une preuve qu'on l'aime ?
On en doutera.
Mais certainement pas qu'on le domine.

Tipaza

« J'ai regardé Culture-Infos sur la 5, le sujet en étant le percement des tunnels, et j'y ai découvert une application du principe du chien attaché à la charrette et qui ne peut que suivre le mouvement. »
Rédigé par : Catherine JACOB@Tipaza | 08 juin 2014 à 10:47

Bon sang mais c’est bien sûr !
Le lien avec le suicide est évident, je m’en veux de ne pas y avoir pensé.

Après la politique du chien crevé au fil de l’eau, voilà que je découvre grâce à vous la philosophie du chien attaché à la charrette.

Merci de m’instruire.

Avant de vous lire je croyais que le Koan éveilleur était une phrase brève de quelques mots, mais l’orientaliste que vous êtes démontre qu’il peut être long comme une laisse sans fin.

Garry Gaspary

@ Denis Monod-Broca

Le suicide sur la croix, c'est l'absurdité d'aller gratuitement (i.e. sans se battre) et d'une façon consentie vers la mort au nom de l'injustice des hommes. C'est finalement l'absurdité de tout suicide avec l'unique différence que le suicidé a au moins le courage de se donner lui-même la mort et n'attend pas lâchement qu'autrui le la lui procure.
Et je mets le juif Jésus et son pitoyable "Lama sabaqtani", qui est d'une bassesse odieuse face à un simple "Aide-toi et le Ciel t'aidera !" de tout autre personnage mythique ou religieux, sur le même plan que les Juifs (et non le peuple juif comme vous l'avez écrit de façon erronée) qui se sont laissés tuer comme des moutons par les Nazis.

Si leur "sacrifice" respectif avait en quoi que ce soit fait évoluer la condition humaine (et je précise même : la condition de l'homme occidental qui est directement concernée) sur cette planète, cela se saurait...

@ Franck Boizard

Vous pouvez justifier tout mal, tout péché. La seule chose injustifiable dans ce bas monde est le bien, entendu de façon chrétienne. Et il ne peut être justifié parce qu'il est justement absurde.

Ce n'est donc pas du mal dont l'homme peut et doit se débarrasser mais du bien tel que vous prétendez l'entendre. Fort heureusement, beaucoup ont déjà compris cela.

Xavier NEBOUT

L’Eglise condamne le suicide car on ne peut arraisonner Dieu.
En effet, à l’instant où la confiance en ce qui au fond de soi, doit permettre de réussir le passage de l’âme du monde d’en bas à celui du monde d’en haut, la hantise d’avoir bien ou mal agi en décidant de l’heure du rendez-vous a toute chance d’être fatale alors que la raison doit faire place à l’intelligence - l’intelligence de la foi.
On peut toutefois concevoir qu’après avoir par le déshonneur, perdu toute chance au salut de son âme, vivre ne pourrait que concourir à l’abaisser plus encore.
Par ailleurs, le suicide par altruisme qui se traduit aussi par « action suicidaire », prend alors le sens de sacrifice, et donne au contraire toute chance d’assurer son salut.
Malheureusement, dans le monde des athées bornés (on excusera le pléonasme) qui préfèrent mettre le pied sur toutes les recherches sur ce qui y est appelé « surnaturel » et les NDE, on élève la perte de l’âme au rang de culture avec la théorie suicidaire du genre et l’homosexualité.
Face à ce monde d’idiots par vocation, celui des « islamistes » prêts à sacrifier leur vie dans ce qu’ils pensent être un juste combat.

Catherine JACOB@Tipaza

@ Tipaza | 07 juin 2014 à 20:51
«Je n’ai rien compris, mais alors rien de rien !
Pour ce qui est de transcender sa destinée, je crois que vous faites fausse route.
Nous faisons tous librement ce qu’il était fatal que nous fassions.
Méditez Catherine, méditez.
»

Mais, je médite, je médite. Comme le disait Esculape pour ce qui le concernait : «La vie est courte, l'art est long» et si je trouvais à m'éditer davantage encore, sans doute ne serait-ce pas plus mal :-)

Pour ce qu'il y a à comprendre, je dirais que après avoir posté mon commentaire, j'ai regardé Culture-Infos sur la 5, le sujet en étant le percement des tunnels, et j'y ai découvert une application du principe du chien attaché à la charrette et qui ne peut que suivre le mouvement.
Si j'ai bien compris le but du jeu, le percement d'un tunnel vise à ce que le tunnel ne s'effondre pas sur lui-même au fur et à mesure, ce qui, selon la nature du terrain n'est pas toujours évident. L'exemple donné en premier a été le percement d'un tunnel de chemin de fer sous la Tamise par un ingénieur français, Marc Isambart Brunel qui au XIXe siècle s'était en effet inspiré d'un petit mollusque pour en assurer l'étanchéité. Ce petit mollusque en effet avait développé une stratégie de percement des piliers de bois des ponts dont le bois gonfle sous l'effet de l'eau ce qui avait pour conséquence qu'il s'étouffait avant d'arriver au bout de la tâche qu'il s'était fixée, et stratégie qui consistait à produire au fur et à mesure une sorte de mucus autour de son corps qui en durcissant rapidement formait comme une coque qui empêchait le bois gorgé d'eau de l'emprisonner.
Une adaptation de cette technique permit donc à Brunel d'arriver à ses fins malgré d'autres soucis dont les émanations de méthane produites par les suintements du fond boueux de fleuve qui faisaient tomber les ouvriers comme des mouches. Mais comme dirait sans doute notre ex-ministre de l'Education nationale, Luc Ferry, toute innovation emporte dans un premier temps destruction...!
Bref, lors du percement du tunnel ferroviaire de base du Saint-Gothard, les ingénieurs actuels se sont tout d'abord inspirés de la technique mise au point par Brunel pour passer sous le fleuve. Mais, dans leur cas, il s'agissait d'une montagne dont la roche à percer présente une certaine instabilité doublée d'une pression qui faisait plier les arcs métalliques d'un seul tenant destinés à permettre de consolider la voûte, au fur et à mesure de leur mise en place. D'où une application, sans le savoir :-), du principe stoïcien à la physique des matériaux qui est la suivante : «Ne pas lutter contre la montagne, mais accompagner son mouvement». Ce qui a abouti à la conception d'éléments courts mis en place de façon à pouvoir glisser et s'emboîter les uns dans les autres sous la pression de la masse montagneuse jusqu'à ce que celle-ci se stabilise sans déformer la voûte mais en participant au contraire par son mouvement de stabilisation à assurer sa solidité.
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S'agissant d'autre part de restaurer l'harmonie non pas de la montagne percée, mais du corps ou de psychisme que la destruction d'icelle a mené au bord du suicide. On peut dire, du moins il m'a semblé, que celui qui finit par franchir la ligne, et qui en somme se tue de peur de mourir pour échapper d'une certaine façon à la pression psychologique qu'exerce le contexte qui induit la crainte de la mort, il est aussi quelque part tel Gribouille, ce personnage populaire qui se jette dans l’eau par crainte de la pluie et si un tel comportement a donné lieu à la création d'un personnage aussi populaire - chez la comtesse de Ségur, il se cache dans un ruisseau pour mettre à l'abri de la pluie un habit neuf -, c'est sans doute que le Gaston Lagaffe qui est en chacun de nous sans doute, est telle une invitation et un avertissement à trouver la solution avant que, ceci dit pour faire du Saint-Gothard une métaphore, le tunnel ne s'effondre, en prenant le temps de la réflexion sur la nature de la pression exercée par le milieu et les moyens d'y faire face.
Par ex. en passant de la montagne au milieu aquatique, permettre à l'inverse à la poussée d'Archimède de s'exercer au lieu de lutter de façon désordonnée contre l'eau.

Denis Monod-Broca

@ Garry Gaspary

Qu'est-ce que c'est que cette histoire de "suicide sur la croix" ?

Il y a certainement une infinité de façons d'interpréter le récit biblique mais y voir un suicide de Jésus c'est lui faire dire ce qu'on veut lui faire dire et passer sous silence, occulter, nier ce qu'il dit vraiment.

Autant dire que le peuple juif s'est suicidé dans les chambres à gaz...

Guzet

Le destin de René Crevel est assez typique, comme, à l'époque, "Le feu follet" de Drieu, d'interrogations sur la condition humaine qui semblent avoir disparu de l'horizon de la culture contemporaine. Devant la superficialité et la futilité des préoccupations de notre époque et de ses "cultureux", on est tenté de penser à la sombre prophétie de Chateaubriand : "Au fond de l'horizon, au terme du voyage, j'aperçois le repos dans la stupidité d'une demi-barbarie, de vastes pâturages où des troupeaux humains, le front bas, brouteront une herbe épaisse sans jamais regarder le ciel".

Franck Boizard

Puisque certains se permettent de longs commentaires (verbeux et pédants, je dis juste ça pour "troller"), je peux citer un excellent auteur :

"Le suicide n'est pas seulement un péché, il est le péché. C'est le mal ultime, absolu, le refus de s'intéresser à l'existence ; le refus de prêter serment de fidélité à la vie. L'homme qui tue un homme tue un autre homme. L'homme qui se tue lui-même, tue tous les hommes, il efface de lui le monde. Son acte, en tant que symbole, est pire qu'un viol ou un attentat à la dynamite. Il détruit tout les édifices ; il insulte toutes les femmes. Le voleur se contente de diamants. Pas le suicidé : c'est là son crime. On ne peut le soudoyer, même en lui offrant les pierres étincelantes de la Cité céleste. Le voleur rend hommage aux choses qu'il dérobe, sinon à leur propriétaire. Mais le suicidé insulte tout ce qui est sur la terre en ne le volant pas. Il profane chaque fleur en refusant de vivre pour elle. Il n'est pas une minuscule créature dans le cosmos pour qui sa mort n'est pas un ricanement. Quand un homme se pend à un arbre, les feuilles devraient tomber de colère et les oiseaux s'envoler de fureur, car chacun d'eux a reçu un affront personnel. Certes il peut y avoir des excuses émotionnelles et tragiques à cet acte. Il y en a pour le viol, et presque toujours la dynamite. Mais si nous en venons à une claire notion, à une signification intelligente des choses, nous trouverons une vérité beaucoup plus rationnelle et philosophique dans la coutume d'enterrer à la croisée des chemins et dans la pratique d'enfoncer un épieu dans le cadavre que dans les distributeurs de M. Archer [partisan du suicide assisté]. Il y a donc un sens dans la coutume d'inhumer à part les suicidés. Leur crime est différent des autres : il rend impossibles même les crimes.

Vers la même époque, je lus une sottise solennelle et désinvolte écrite par un libre penseur ; il prétendait qu'un suicidé n'est autre qu'un martyr. Cet évident mensonge m'a permis de clarifier le problème. Un suicidé est manifestement l'opposé d'un martyr. Le martyr est un homme qui tient tellement à une chose en dehors de lui-même qu'il en oublie sa propre vie. Un suicidé est un homme qui se soucie tellement peu de ce qui est en dehors de lui qu'il veut voir la fin de tout. L'un veut que quelque chose commence ; l'autre veut que tout finisse. En d'autres termes, le martyr est noble, justement parce qu'il confesse ce dernier lien avec la vie. Renoncerait-il au monde, haïrait-il toute l'humanité, il place son coeur en dehors de lui-même. Il meurt afin que vive quelque chose. Le suicidé est ignoble parce qu'il n'a pas cette attache avec ce qui est ; il n'est qu'un destructeur ; spirituellement, il détruit l'univers. Puis je me rappelai l'épieu, la croisée des chemins et ce fait singulier que le Christianisme a montré une sévérité féroce à l'égard du suicide. Car le Christianisme a vivement encouragé le martyre."

Chesterton, Orthodoxie.

semtob

Cher Philippe,

Les individus qui nous entourent sont effectivement si fragiles.
Nous nous sommes demandées si nous devions morceler le texte qui suit. C'est René Crevel qui s'interroge lui-même sur la nature du suicide et ce texte est si sensible et si profond que nous n'avons pas pu ôter les échelles de la souffrance de sa vingt-cinquième année.
René Crevel, « Mais si la mort n’était qu’un mot »
Le Disque Vert, 4e série, n° 1, janvier 1925.

MAIS SI LA MORT N’ÉTAIT QU’UN MOT

"Orgueil ou paresse — les deux peut-être — l’intelligence à l’état de veille prétend domestiquer les énigmes. Ainsi, du temps et de l’espace, nos jours ont fait des animaux dociles. Quant aux notions de vie ou de mort qui ne se laissent guère apprivoiser, pour fuir leur angoisse essentielle (angoisse qui, d’ailleurs, me semble seule capable de donner l’indiscutable sensation d’être) chaque minute essaie quelque nouveau suicide. À qui parie de la mort ou du geste qui la peut donner, le paradoxe est facile, mais comment ne point noter que déjà fut un suicide la vie de tel ou tel. Barrès destructeur ne se détruit que le jour où, arbitrairement, il construit. Au contraire, le Romain de la décadence, s’ouvrant les veines, me semble si naturel que j’ose à peine parler de suicide ; car le sénateur romain s’ouvrant les veines ne renonçait pas à lui-même mais, au contraire, avait un dernier geste logique pour s’affirmer. J’entends que les hommes intelligents, trop intelligents (c’est l’esprit critique, assassin des possibilités, qui nous tue), usent et ont raison d’user contre eux-mêmes, de la corde, du poison, du revolver, etc., tout comme les nerveux prennent du Dial Cyba le soir, avant de se coucher, pour mieux dormir. Or le sommeil, dont nous disons qu’il est l’image de la mort, réserve aux esprits inquiets les douloureuses surprises des rêves. Je ne puis croire que les intelligences supérieures aux préoccupations terrestres et qui s’en voulurent à jamais délivrer aient brisé, par le geste appelé suicide, la parabole d’une ascension. Au contraire, ceux dont on constate qu’ils s’étourdissent ou se tuent de travail me paraissent des faibles, car le travail, l’activité humaine sont des stupéfiants qui n’ont même point, pour séduire, telle ou telle petite note pittoresque (bien discutable quant à sa qualité, d’ailleurs) mais qu’il est impossible de n’accorder point à d’autres stupéfiants. La plupart des hommes qui marchent et respirent ne méritent guère, dans notre civilisation occidentale, l’éloge d’hommes vivants puisqu’ils ne marchent et respirent que pour éviter la compagnie de ces problèmes qui, au reste, finiront toujours par venir les reprendre au jour de leur agonie, il me faut donc déjà conclure : le mouvement est simulacre ; il est une forme du suicide, le suicide des lâches, puisque, laissant des possibilités pour l’avenir, il calme à la fois la peur de l’au-delà et l’ennui de vivre. Mais les calculs sont toujours faux. Le mensonge de l’activité spontanément se dénonce.
Oiseaux du mystère, oiseaux qui chantez au plus silencieux de moi-même, pour vous avoir entendus après le départ des autres hommes, je sais que, seule, la solitude permet quelque espoir de vérité. Certaine sensation d’âme trop bien enracinée pour que j’en puisse triompher, me force à confondre vie et vérité. Si la mort existe (la mort que les esprits forts ont, de tout temps assimilée au néant), elle m’apparaît illogique. Certaine forme d’activité me semblant dénuée de raison valable, nul ne s’étonnera donc de me la voir, je le répète, considérer comme une forme de la mort. L’agitation emprisonne le corps, l’intelligence. Qu’on parle de filet ou de murs, le corps et l’intelligence sont emprisonnés, voilà le fait. Volière tyrannique, sous leurs ailes, dans la captivité de plomb devenues, meurent nos oiseaux de mystère. Mais vienne la nuit. Le grillage des simulacres ne résiste plus. Vogue comme un ciel et comme un ciel indéniable, une certitude secrète spontanément domine les constructions de nos jours. La moindre secousse est tremblement de terre. Tours écroulées, les oiseaux rient dans nos rêves et, par vengeance, épanouissent l’éventail de leurs plus belles et plus terribles plumes. Par les rues des villes, mon corps qui se croyait éveillé fut somnambule, dans sa maison endormie (la paix ! mes yeux, ma poitrine, mes bras, mes jambes, mon sexe), oui, dans sa maison endormie, mon esprit retrouve sa sérénité. La vie, la mort ? Mon esprit ne permet à mon corps de continuer à vivre que par certain masochisme bien illogique.
Au réveil, je me souviens mal. Tout de même, je ne puis oublier que tel rêve avait le goût de la vie, tel autre le goût de la mort, aussi précisément que tel plat avait le goût du sucre, tel autre, le goût du sel. C’est pourquoi, je me demande à quoi bon protéger de la mort mes jours ?
La recherche des causes finales, comme une vierge consacrée à Dieu, est stérile, écrivait Bacon. Or, il faut beaucoup de frivolité pour préférer à cette vierge stérile ses sœurs fécondes. La recherche des causes qui ne sont pas finales vaut juste un divertissement. Faute de mieux, à l’égal des autres divertissements (voyages, dancings, essais sexuels), elle ne peut qu’aider à tuer le temps. Tuer le temps ? Mais si je commence à vouloir tuer le temps, l’ennui devenant plus fort à mesure que j’en désire triompher, je me trouve contraint à de perpétuelles surenchères. Pour qui se refuse au terrible secours des problèmes essentiels, bien vite il n’y a d’autre possibilité que le geste ultime, le suicide.
Ainsi, qui veut prendre des chemins frivoles et se soustraire à toute angoisse, n’en est pas moins obligé d’envisager l’idée de mort. Une telle nécessité, forçant à la douleur les plus médiocres, prête toujours une beauté tragique aux fêtes des hommes.
Mais, dira-t-on, certains se couchent sans avoir agi, sans avoir bu, sans avoir dansé, qui ne feront même pas l’amour avant de s’endormir. Supposons un de ceux-là en paix avec lui-même. Il pense que sa journée fut bonne, car rien ne s’y trouva désiré ou accompli qui pût choquer des soucis moraux intimes non plus que des conventions. Notre homme en paix se laisse glisser dans ses draps, se réjouit du sommeil à venir, se souhaite une bonne nuit, glousse d’aise, s’écoute glousser d’aise et s’endort.
Belle catastrophe ! Voilà qu’un premier rêve le prend, le prolonge dans la nuit, l’empêche de croire à l’oubli, au sommeil, à la mort. Il se dit que, s’il a tué le temps, dévoré l’espace, c’est qu’il voulait se tuer avec le temps, se dévorer avec l’espace. Une volonté d’anéantissement était à la naissance de tous ses actes. Il désirait prendre une notion des choses pour perdre celle qu’il allait prendre de lui-même. Il pensait que chaque réussite devait être une victoire contre soi bien plus qu’une victoire contre les autres. Il a mesuré le temps, l’espace, pour que ne viennent plus le hanter les notions de Dieu, d’absolu, de vie, de mort. Mais, hors du temps et de l’espace, il reste lui et il sait que sa vie, sa mort ne sauraient être confondues avec la vie, la mort des kilos de viande qui le désignent aux sens des autres. Le sommeil de son corps n’est pas son sommeil. Lui-même, il ne peut se mesurer. Alors, à quoi bon les bornes kilométriques, les montres ? Il a fait comme s’il savait où allait le chemin, combien valait l’heure. Il a marché, il a compté. En fait, il a continué d’ignorer la route, le nombre.
Économie, lâcheté, impuissance. Vaines sont les consolations offertes à sa curiosité, à l’inquiétude de son âme, consolations qu’il baptisait pompeusement : vérités relatives.
La vie est-elle constituée de l’ensemble des phénomènes bien connus ? Notre homme aime-t-il la vie ? Si oui, ayant mis dans cette vie toutes ses complaisances, son amour de la vie, s’il use de quelque logique, va le contraindre à se donner la mort, car, en vérité, si tant de moines vécurent vieux, aimant et désirant la mort, les jouisseurs des villes intelligentes se tuent jeunes, aimant et désirant la vie. N’est-ce pas Pétrone ? En effet, l’amour qui se veut justifier ou se trouve dans l’obligation de se vouloir justifier, critiquera ce dont justement il est né.
C’est de cette critique que sort l’activité dont l’ensemble est égal à la somme de ce que nous appelons suicides provisoires.
Mais, puis-je imaginer qu’à la suite de ces suicides provisoires, un geste définitif me permettra d’achever à jamais une vie que j’aime lorsque je la crois précaire et que j’exècre dès qu’elle me semble la simple projection terrestre d’un moment de marche éternelle ? L’intelligence pousse au suicide. Mais j’ai parlé de certaine sensation d’âme. Cette certaine sensation d’âme, qui n’est ni la peur ni la joie, me force à poursuivre ce que j’ai entrepris.
Au reste, la hantise du suicide n’est-elle pas le meilleur remède contre le suicide ?"

Le sommeil prolongé n'est pas à explorer seul à moins d'avoir les forces des chamanes et leur sagesse.
françoise et karell Semtob

Noblejoué

@ Marc Ghinsberg

J'aime votre idée de suicide conséquence d'une désillusion insupportable.
Curatif : je suis malade, pauvre, deshonoré ou autre.
Préventif, je veux l'éviter.

Les religions, croire, penser ce qu'on ne sait pas, en toute logique, contre le suicide conséquence de la désillusion, autant que parce qu'on appartient à la divinité comme le mouton au boucher qui n'a pas à en finir avant qu'il veuille nous frapper.

"L'épouvantable solitude, l'impérieux pouvoir de ceux qui, s'enfermant dans le royaume d'une inéluctable mélancolie, se détruisent, se jugent"
Bien vu. Mais si les gens s'appartiennent à eux-mêmes, ne sont pas esclaves, ils ont le droit de se tuer.
Le devoir s'ils ne remplissent pas leurs critères ? Toute recherche de perfection passe par la possibilité de destruction comme on doit, par exemple, ici, avoir le droit d'effacer son texte plutôt que de le poster si on le trouve défectueux.

Et pour la liberté d'expression, et pour réussir sa sortie, je regrette qu'il ne soit plus permis de livres expliquant comment ne pas rater son suicide.
Imaginez : pour ne pas déchoir, vous voulez partir, en toute élégance, et vous empirez votre cas.

Avec un peu de chance : handicapé, harcelé par entourage et médecin et sombrant plus tard dans la pauvreté.
Oui on peut voir sa déchéance arriver de loin mais on n'a pas l'énergie de la prévenir tous les jours.

"Sauvez le suicidaire".
Il remerciera, obligé par la pression sociale.
Mais réfléchissez, le vaincu, en général, ne devient pas vainqueur.
En l'obligeant à vivre, vous ne faites, en bourreau, que prolonger voire aggraver son supplice.

Evidemment, la victime, le vaincu, le hors-jeu, ne va rien vous reprocher ; elle n'existe même plus avant même de mourir.

vamonos

"En tout cas le suicide est, sur le quai de sa destinée, une manière impitoyable de se dire adieu."

Cette manière impitoyable de se détester, de manquer de confiance en soi quant à l'avenir, est un reflet implacable du dégoût de l'alter ego, de son prochain, de la société en général.

"Tu ne tueras point". Le commandement devrait être suffisant pour stabiliser une âme à la dérive. Mais, à force d'être minés, les repères sont détruits, le garde-fou s'est effondré. Les modèles religieux et cultuels sont devenus des habitudes culturelles, autant de cibles sur lesquelles les tenants de la liberté et de la révolution permanente continuent de viser sans relâche.
"Tu ne tueras point" et surtout pas toi-même ! S'il reste une once de religion chrétienne dans un esprit égaré dans le doute, ce commandement permet d'éviter une tragédie, une de plus. Le suicide est l'erreur la plus énorme qu'un être humain puisse commettre.
L'espérance est l'antidote absolue contre le désespoir.

Tipaza

"En fin de compte, ce détour par le signe graphique pourrait peut-être permettre de rapprocher le suicide d'une forme de «restauration», par ex. de l'image de soi, mais qui transcenderait la destinée du sujet vu qu'elle implique nécessairement sa destruction."
Rédigé par : Catherine JACOB | 07 juin 2014 à 15:47

Je n’ ai rien compris, mais alors rien de rien !

Pour ce qui est de transcender sa destinée, je crois que vous faites fausse route.

Nous faisons tous librement ce qu’il était fatal que nous fassions.

Méditez Catherine, méditez.

Jean-Dominique Reffait

Je ne connais pas René Crevel, pas même de nom. Lacune. Mais quel titre audacieux pour un billet si grave !
Je ne me souviens plus dans quel roman j'ai lu très jeune cette phrase d'un dandy qui venait de se suicider en laissant ce simple mot : "Excusez-moi mais je m'ennuie"
Paludes de Gide ? je ne sais plus, cette phrase m'est restée comme une évidence. Ne cherchez pas dans ce geste une désespérance, une quête mystique inassouvie, un amour impossible non, rien que de très banal, je m'ennuie.

Nous voudrions voir aujourd'hui le suicide comme la marque d'une pathologie, la norme étant de vivre à tout prix. Notre société a sacralisé la vie, la vie des autres mais aussi la nôtre. Comme si nous n'en étions pas propriétaire. Je me souviens du suicide de l'ancien ministre Roger Quilliot et de sa femme Claire. Ils voulaient mourir ensemble. On l'a sauvée elle, de force. J'avais été choqué de cette décision de ne pas la laisser partir avec son compagnon. Elle avait elle-même protesté, en toute lucidité, contre cette atteinte à sa volonté. Elle s'est noyée quelques années plus tard. De même que je suis choqué lorsque, dans une catastrophe où toute une famille décède, on parvient à sauver le père ou la mère qualifié de miraculé, alors qu'il aurait mieux valu laisser partir cette personne plutôt que de le contraindre à survivre dans son nouveau désert.

Notre conception collective du prix de la vie se heurte à la conscience humaine intime. Parce que nous avons édicté en société que la vie était le bien le plus précieux, il ne nous paraît pas admissible que l'on puisse s'en séparer individuellement sans raison extraordinaire. Pourtant l'histoire humaine est aussi une histoire du suicide : à Athènes ou à Rome, on mettait fin à ses jours sans désespoir, par nécessité politique, pour éloigner le déshonneur d'une défaite ou d'une simple disgrâce. La vie n'était précieuse que pour autant qu'elle fut consciente de son utilité, de sa dignité. On s'en séparait avec une facilité qui interroge nos mentalités actuelles.

La conscience n'est pas un cadeau innocent fait à l'homme. Elle a un prix. Il se peut que, parfois, le suicide en soit le plus avantageux. Juste un calcul coût/bénéfice.

Cactus

Le quai des brumes ?

Robert

"Tant de questions qui n'éclairent pas mais contraignent à une fraternité des vivants et du mort. Solidarité de l'ombre et de la lumière.
En tout cas le suicide est, sur le quai de sa destinée, une manière impitoyable de se dire adieu".

Certes une belle réflexion sur le suicide. Mais je trouve dans votre conclusion une petite contradiction : si cette manière de se dire adieu est "impitoyable", alors cette "absence de pitié" s'oppose à la "fraternité des vivants et du mort", et donc à la "solidarité de l'ombre et de la lumière"...

Question du suicide qui avait été posée à l'occasion d'un examen de fin d'études et que votre billet n'aborde que sous l'angle unique du "dégoût" de la vie, justification donnée à son geste par René Crevel.
Mais il y a d'autres causes et justifications du suicide : décrépitude liée à une vieillesse se déroulant mal, couple se suicidant avant cette même décrépitude, abrègement des souffrances terminales d'une maladie, mal de vivre des adolescents.
Et puis il y a les formes ignominieuses (comme certains collabos pour échapper à leur jugement ou exécution) et celles glorieuses par le sacrifice consenti pour ne pas révéler un secret et trahir les siens sous la torture (cas de nombreux résistants).

Cependant, face au corps d'un suicidé, l'idée de le condamner ne saurait venir à l'esprit du fait même de cette "fraternité des vivants et du mort" que vous évoquez : seuls des regrets peuvent s’imposer à l'esprit.
Il n'y aurait guère que les créationnistes, outrés par le fait qu'un individu s'arroge le droit de détruire la vie donnée par le Créateur, qui pourraient s'accorder celui de le condamner.

Savonarole

Et que penser du fameux "droit de s'en aller" de Baudelaire, qu'il voulait voir inscrit dans la Constitution, songeait-il au suicide ? (voir Fusées) ?

Ne plus me déranger je fais la sieste sous mes palmiers (24° degrés à l'ombre ici en Catalogne)...

Catherine JACOB

Complément à Catherine JACOB | 07 juin 2014 à 12:09
Cette correspondance entre l'idée de «lieu réparateur / cathartique », les événements significatifs du martyre de Saint Sébastien à propos duquel il n'est pas indifférent de le savoir de culture gauloise (cf. bris rituels; décapitation symbolique des amphores de vins), et cette séquence des avatars du «soigner / restaurer / guérir»:

FIN. Forme archaïque de 殹 (yì) : La phonétique permet de rapprocher l'irlandais brùid "Il brise" et le gallois, dryll "fragment" du gaulois pour druide.

En fin de compte, ce détour par le signe graphique pourrait peut-être permettre de rapprocher le suicide d'une forme de «restauration», par ex. de l'image de soi, mais qui transcenderait la destinée du sujet vu qu'elle implique nécessairement sa destruction.

Mary Preud'homme

Combien de meurtres déguisés en suicide ?
Combien de permis d'inhumer délivrés avec une cause approximative qui s'avère être fausse après une autopsie ?
Une pensée pour tous ceux à qui l'on a volé leur mort, bien souvent après avoir empoisonné leur vie.

Carli

L'être de l'homme, c'est son âme, immortelle, revêtue d'un corps pendant son séjour terrestre. Immortelle ? Oui, au moment de la mort, les êtres se réveillent dans le séjour de Dieu, sans temps ni distance. Certains, qui éprouvent alors une honte insupportable à la vue de leur âme, voudraient se tuer, mais c'est impossible, il n'y a pas de suicide pour les âmes, toutes immortelles. Elles finiront définitivement dans le paradis (après éventuellement une purification) ou dans l'enfer, rempli d'âmes qui n'y croyaient pas.
Le suicide sur terre ? Il faudrait n'avoir pas de coeur pour ne pas éprouver de la pitié pour ceux que souffrance et désespoir poussent à se tuer. Ceci dit, c'est un péché, les chrétiens doivent le savoir ou s'en souvenir.
A propos, Monsieur Bilger, quelles sont vos convictions en matière de transcendance ?

Jabiru

Dire adieu à son corps et à son âme dans le but de fuir la vie pour de multiples raisons, ne doit pas être simple. Il faut beaucoup de détermination et de courage pour tourner la page. La grande souffrance physique ou morale est sans doute l'étincelle qui motive la volonté de passage à l'acte. La sédation, sous certaines contraintes, devrait pouvoir être autorisée pour partir en douceur. François Mitterrand a géré sa fin de vie en décidant un jour de ne plus s'alimenter et de se soustraire à son traitement. Il croyait aux forces de l'au-delà, l'ont-elles aidé ?

Savonarole

On peut philosopher à l'infini avec ce thème.
Toutefois pour la grande majorité de ceux qui passent à l'acte c'est Louis-Ferdinand Céline qui est le plus pertinent : "le suicide c'est la fin des emmerdements".

moncreiffe

René Crevel a laissé ce mot : "Prière de m'incinérer. Dégoût". Mais dégoût de quoi, de qui ? De soi, des autres, d'être né pour mourir, de la solitude …

Il s’agit peut-être, tout simplement, du dégoût qu’inspirent la décomposition et la corruption des chairs. Se faire incinérer paraît plus propre et plus pur. Je me garderai bien d’émettre d’autres hypothèses. Car chaque suicide obéit à des motifs trop personnels et trop complexes pour être réduit à des considérations générales.

Savonarole

Rudyard Kipling tout à l'étude documentaire de son livre "L'homme qui voulut être roi", était tombé sur un fait divers étonnant : un jeune officier anglais en garnison au fin fond de l'Inde s'était suicidé, impeccablement habillé de sa tunique rouge et de son salacot blanc ; il avait laissé ce mot : "trop de boutons à boutonner, trop de boutons à déboutonner"...
Ce curieux trait d'humour au moment fatal donne sans doute raison à Georges Perros pour qui "le suicide n'est pas l'envie de mourir mais de disparaître".

genau

Jean Baechler, au terme de son ouvrage décisif, conclut que le suicide est une maladie, simplement, aux syndromes nombreux, à l'étiologie difficile, mais une maladie qui supprime chez l'individu les barrières qui maintiennent dans l'état de vie.
Quant à la geste, de Socrate à Montherlant, elle s'articule avec le crime par transfert ordonné sur la personne du suicidé et avec l'effective incapacité à résoudre une posture vivable.
On disserterait à l'infini, moins bien que P.Bilger, et on en viendrait à rapprocher le suicide du sacrifice. Le soldat las, incorporé au bataillon des infirmes, presque aveugle, qui se charge d'une mission suicidaire, et qui sait qu'il n'y survivra pas, et qui l'écrit à sa famille, avec des mots d'amour. Ainsi est-il mort, le doux héros, le philosophe, le tendre père et il me manque.

Lucile

Vous nous invitez PB à des réflexions un peu graves. Je prends le problème que vous posez à l'envers : pourquoi la plupart d'entre nous, même dans des situations extrêmes, restons tellement accrochés à la vie, alors que nous sommes mortels ? Ma réponse : l'instinct de survie est plus fort que nous ; sans lui il n'y aurait pas de vivants. Je pense qu'un tel instinct n'est opérant que parce qu'il est en opposition dynamique avec des forces suicidaires ou destructrices, à l'oeuvre chez les individus et dans les sociétés.

Je suis toujours touchée quand je vois de très vieilles personnes déjà effleurées par l'ange de la mort, comme disent les Russes, continuer à se nourrir et à s'abreuver, parce qu'elles sont nées pour perpétuer leur vie jusqu'à leur dernier jour. Nous nous plions ainsi humblement à notre condition de vivants et de mortels (l'un impliquant l'autre). Mais pas toujours. Nous sommes les gardiens de la vie, individuellement et collectivement. Dans certaines conditions, nous ne pouvons plus remplir ce rôle. Ce sont ces conditions me semble-t-il qui méritent réflexion.

Garry Gaspary

Soyons donc avec Sartre pour affirmer que le seul remède à l'absurdité du suicide sur la croix est le meurtre révolutionnaire, et contre Camus qui, encore à demi aveuglé par sa culture chrétienne, condamnait aussi bien suicide que meurtre.

Si l'idée de justice est, elle doit être vivante, je préfère donc vivre, me battre, voire tuer et mourir avec l'espoir de participer à la construction d'un monde plus juste, que de résoudre égoïstement, dans le suicide, le problème insupportable de l'injustice par l'anéantissement de ma propre conscience.

Catherine JACOB

Hum. René Crevel, né à Paris à l'époque où les Perséides ou « Larmes de saint Laurent » sont au maximum de leur intensité, et mort le 18 juin 1935 à Paris, les Perséides ou « Larmes de saint Laurent », l'une des plus anciennes pluies de météores recensées par écrit et qu'on rattache à Saint Laurent qui, le préfet de Rome de l'époque (IIIème siècle)l'ayant mis à rôtir sur un grill lui aurait dit à mi-cuisson: «Voici, misérable, que tu as rôti un côté ; retourne l’autre et mange. ». Ce qui fait penser à l'expression japonaise : まな板の鯉(まな板の上の鯉・俎上の鯉) : «Telle la carpe sur sa planche à découper» dont l'impuissance à l'égard de son sort est totale qui ne saurait rien entreprendre d'autre de sa propre volonté que d'attendre d'être mangée. Une image du stoïcisme à la japonaise qui nous évoque également cette conception qui veut que l’esprit, avec ses représentations, ses désirs, ses pensées, etc., est une sorte de «citadelle intérieure», le domaine dans lequel nous pouvons exercer notre liberté et qui aboutit à cette conclusion: «Changer ses désirs plutôt que l’ordre du monde.» si l'on ne veut pas être déçu et donc malheureux par ce qui arrive.

En quoi est-ce encore une liberté que d’adhérer à ce qui arrive sans rien vouloir y changer ? peut-on objecter, à quoi le stoïcien répond par une anecdote qui est à rapprocher de l'attitude de la carpe (en japonais Koï (鯉) homonyme de (Koï 恋 ) qui est un idéal, par l'exemple du chien attaché à une charrette : s’il va dans le même sens que la charrette, il ira plus vite que s’il ne le fait pas ! à l'image du bouddhiste, le stoïcien voudra au bout du compte la mort des désirs et des passions considérés comme la véritable maladie, comme vous l'avez bien vu par ceci: «chez certains rompus par l'existence et handicapés de la volonté, il y a l'épuisement de l'artisan de son destin qui n'en peut plus, la fatigue de l'humain qui estime avoir fait son temps, le refus du malade qui s'oppose à la ruine qui adviendra, la sagesse déplorable de l'être de plaisir fier d'être capable de mourir après avoir goûté de tout. ».

René Crevel, décédé un 18 juin, anniversaire de la bataille de Waterloo qui eût lieu durant la période des cent jours.
«Comme une onde qui bout dans une urne trop pleine,
Dans ton cirque de bois, de coteaux, de vallons,
La pâle mort mêlait les sombres bataillons.
D'un côté c'est l'Europe et de l'autre la France.
Choc sanglant ! des héros Dieu trompait l'espérance
» - Victor HUGO, l'Expiation.

Déjà, il n'a que 14 ans quand son père se suicide. Ayant appris le 16 juin, qu'il souffrait d'une tuberculose rénale alors qu'il se croyait guéri (= en somme espérance trompée), la nuit suivante, cet ami d'André Breton se suicide au gaz dans son appartement, après avoir griffonné sur un papier « Prière de m'incinérer. Dégoût ».

Je pense à l'auteur japonais au célèbre suicide par éventration pratiqué un 25 novembre (Fête des catherinettes en Occident, laquelle est non significative cependant en Orient) et à propos duquel Marguerite Yourcenar a écrit : « la mort de Mishima est l'une de ses œuvres et même la plus préparée de ses œuvres », in Mishima ou la Vision du vide publié en 1981;
Mishima se disait envoûté par les Saint Sébastien de Guido Reni (16ème - 17ème qui en a par ailleurs peint sept), qui représente un éphèbe à demi nu percé de flèches.
Il s'est par ailleurs fait photographier dans cette posture par le photographe des bars glauques et des prostitués (au masculin), Eikō Hosoe, qui avec l'adaptation d'un roman de Mishima qui abordait la thématique de l'érotisme et l'homosexualité, conçoit des spectacles où les nus sensuels seraient un lieu réparateur dans une société détruite. Considéré comme un des grands noms de la photographie japonaise contemporaine, on dit à son propos que «la présence magnifiée du corps nu fut pour lui non seulement une recherche visuelle, mais aussi une réflexion sur l'identité et sur le moi ». Maintenant, s'agissant du Saint Sébastien, la « sagittation » qui tout comme dans la mythologie gréco-romaine, Apollon, le dieu-archer, en fait le protecteur contre la peste, ne représente que le premier de ses supplices, car après avoir été soigné dans un premier temps par Ste Irène, dans un second temps, c'est sous une bastonnade qu'il a finalement succombé.

Dans Confessions d'un masque, qui fait état de ses difficultés à être un homme, dans ses relations sociales et ses rapports à la sexualité (et à l'homosexualité en particulier), Mishima évoque également l'un des Saint Sébastien du peintre de l'école de Bologne.

Ceci étant, le mode rituel de suicide par éventration dans un sanctuaire et réputé libérer l'équivalent du pneuma grec, le qì (気), le ventre étant chez les Asiatiques le siège de la volonté, du courage et des émotions, mode choisi par Mishima, avait dans les faits officiellement interdit en 1868.
Cf. cependant au besoin, l'influence du suicide sur la culture japonaise.. La dernière personnalité japonaise à avoir choisi le seppuku (= Hara kiri), est en 2001 le premier champion olympique de la catégorie reine du judo en 1964, celle des poids lourds (à l'époque réservée aux plus de 80 kilogrammes), Isao Inokuma, également médaille d'or toutes catégories aux jeux de Rio, le bâtiment lui ayant manifestement moins bien réussi que le sport. Burnout?

Denis Monod-Broca

Se suicider, n'est-ce pas, à chaque fois, adopter la logique de Socrate et rejouer son geste ?

"Tous, ensemble, vous m'avez condamné, ma vie vous est fardeau, je ne m'oppose pas à votre sentence, je la mets à exécution, ainsi l'unanimité sera accomplie ".

Tipaza

Un bien beau billet sur un sujet impossible : le suicide.

Les motivations du suicide sont si complexes, entre celles qui paraissent évidentes et celles cachées au fond de l’âme, sans parler de l’emprise du Mal, qui n’est pas l’absence de Bien, mais qui a une fonction autonome.

On ne saurait parler du mystère du suicide qu’après l’avoir réussi, ce qui est un peu tardif.

Voici quelques vers qui me paraissent en situation avec le sujet.
Ils sont d’Emily Dickinson, grande parmi les grandes.

I took one Draught of Life
I’ll tell you what I paid
Precisely an existence
The market price, they said.

They weighed me, Dust and Dust
They balanced Film with Film,
Then handed me my Bein’s worth
A single Dram of Neaven.

Et voici la traduction française :

J’ai pris une Gorgée de Vie
Je vais vous dire ce que j’ai payé
Très exactement une existence
Le prix du marché, ont-ils dit.

Ils m’ont pesée, grain par grain de Poussière
Ont pris la mesure de chaque Particule,
Puis m’ont remis la valeur de mon Être
Une Goutte de Paradis, une seule.

Franck Boizard

«ma fascination envers ces désespérés»

Je comprends mieux votre fascination pour François Hollande.

Mais vous avez un petit problème lexicologique : François Hollande est désespérant, pas désespéré.

C'était facile. Bon, OK, je sors.

Marc Ghinsberg

Sujet grave s'il en est. Comment ne pas penser à Camus qui commence le Mythe de Sisyphe par cette phrase : "Il n'y a qu'un problème philosophique sérieux : c'est le suicide".
Beaucoup de gens, dit-il, meurent parce qu'ils estiment que la vie ne vaut pas la peine d'être vécue. D'autres se font tuer pour les idées ou les illusions qui leur donnent une raison de vivre ; et d'ajouter : ce qu'on appelle raison de vivre est en même temps une excellente raison de mourir.
Phrase glaçante. Mais qui éclaire sans doute une partie du mystère. Le suicide comme conséquence d'une désillusion insupportable ?

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