Il ne le sait pas mais parfois il y a un bout infinitésimal de son passé lointain qui surgit dans mon existence et qui la perturbe. Il n'y est pour rien, tout est de ma faute.
Un jour, durant un peu plus d'une heure, je l'ai rencontré à sa demande quand j'étais avocat général à la cour d'assises de Paris. Il préparait sans doute déjà un livre sur l'univers criminel, peut-être sur Romand. Notre entretien s'est bien passé mais je n'ai plus eu de nouvelles de lui. Je sentais, par une sorte d'intuition immédiate, que nos tempéraments n'étaient pas naturellement accordés. Lui trop complexe, décalé, moi trop sommaire et direct je présume.
Quand j'ai appris que sa compagne était Hélène Devynck, je me suis rappelé un soir où j'étais invité à LCI et où, après avoir présenté le journal, elle est passée devant moi, belle et royale, indifférente à mon salut.
C'est peu mais à chaque fois qu'il publie un livre, je suis à la fois attiré et réticent. Réservé parce que je sais que dans tous les cas, Emmanuel Carrère aura une critique enthousiaste, unanime. Comme j'ai mauvais esprit, je ne peux pas m'empêcher de chercher, pour expliquer cet unanimisme, des causes malsaines, de complaisance ou d'influence. Comme une promotion systématique trop belle pour être honnête.
Puis je lis.
Il a obtenu le prix Renaudot pour "La classe de neige" alors qu'à mon sens, ce n'est pas un grand roman mais la déferlante a été celle que j'ai décrite. Il n'y a rien à faire : il doit être tenu pour acquis qu'Emmanuel Carrère est l'un de nos meilleurs écrivains. Même mon ami Michel Déon le dit et son jugement a un prix infini pour moi. Alors !
Partant quelques jours en vacances, j'ai cédé et chargé sur mon Kindle "D'autres vies que la mienne". Quelques mois auparavant, j'avais vu le film tiré de ce récit et je n'avais pas été ébloui. Après avoir lu, j'ai regretté que le scénario ait été une adaptation si étriquée du livre.
Je me souvenais aussi avoir entendu le couple Carrère-Devynck un soir à la télévision évoquer avec beaucoup de dignité et de pudeur les victimes après le désastre du tsunami en Thaïlande où ils passaient des vacances avec deux enfants.
Mon entourage m'avait prévenu : il était impossible de ne pas pleurer. J'étais pourtant sûr que non parce que je me suis toujours acharné à demeurer un lecteur au coeur sec, refusant la démagogie des sentiments exploités comme une rente et l'émotion vendue à chaque ligne. Je craignais de trouver l'une et l'autre. Un peu comme si les Petits Mouchoirs avaient quitté l'écran pour se glisser dans des pages !
Dans la première partie du récit, il m'a semblé que sa manière de mélanger la catastrophe, les tragédies, les morts, les désespoirs avec son narcissisme amoureux et inquiet n'était pas toujours du meilleur effet. Au fond, il tombait, même avec un style simple et sans éclat, dans une surenchère où lui-même prenait trop de place alors qu'en revanche, s'attachant au rôle de sa compagne, il le décrivait, et elle par conséquent, avec finesse et beaucoup de générosité.
La suite m'a démontré qu'Emmanuel Carrère est moins romancier que chroniqueur. L'imagination, chez lui, est bien moins stimulante et riche que l'empathie. Cette faculté au plus haut dans ce récit manifeste que sa force, son talent sont de parler des autres, de les faire parler, de se faire leur porte-parole scrupuleux et sensible puis de restituer leur vérité dans ses phases multiples, dans son ambiguïté souvent. Une restitution doublement fidèle, dans sa lettre en quelque sorte mais surtout à l'inspiration profonde, à la tonalité sombre, allègre ou courageuse de ce qui lui a été confié. Il y a une intelligence, une loyauté et une compréhension exemplaires qui rendent encore plus passionnants les propos passant par le filtre de cet historien de l'humain immédiat, qui les décante, les universalise sans les dénaturer.
C'est cette capacité inouïe, indépassable de rendre compte des pensées, des histoires, des malheurs, des enthousiasmes, des blessures d'autrui comme si c'étaient les siens qui m'a semblé être le propre d'E.Carrère et ce n'est pas rien que d'écrire sur des êtres vrais pour les faire bénéficier de l'aura distanciée et ouverte de la fiction. La chronique s'enrichit au lieu de se perdre dans la matérialité et la plate transcription.
Un art, encore une fois, tout de simplicité, sans apprêt, clair, limpide, très pédagogique quand il aborde le combat de ces deux magistrats Etienne Rigal et Juliette Devynck, à Vienne, contre les graves abus des sociétés de crédit dont les contrats étaient rédigés et présentés de telle manière qu'ils trompaient à tout coup les modestes emprunteurs ignorants, fascinés puis dépassés, enfin impuissants.
Ce n'est pas que je fasse l'impasse sur la fin déchirante de Juliette, morte d'un cancer qu'elle a eu le courage inouï d'assumer pour mieux organiser sa mort et donc la vie future de ceux qui l'aimaient. J'aurais mauvaise grâce à m'abandonner à une sensiblerie dont Etienne Rigal n'a jamais usé à son égard et qu'elle aurait détestée. Pourtant, avec son mari Patrice, il était l'être le plus proche qui soit de cette femme, son amie, sa collègue, sa complice de travail et de combat.
Juliette, dans le livre, est décrite avec une personnalité irradiante sur tous les registres : mère de ses trois filles, épouse, magistrat chaleureux, respectueux et pénétré du rôle bienfaisant et nécessaire de la justice. Qui, la rencontrant, ne l'aurait pas appréciée, n'aurait pas éprouvé de la sympathie pour elle ?
Je ne suis pas sûr que je pourrais dire la même chose d'Etienne Rigal, sec, abrupt, sincère jusqu'à la provocation, pugnace, singulier, acharné, lui aussi, de justice et d'équité mais refusant à ce point d'être dupe de lui-même et des autres qu'il décourageait probablement toute familiarité, toute proximité qu'il n'aurait pas explicitement permises. Unijambiste à la suite d'une amputation imposée par un cancer, il a fui tout ce qui aurait risqué de faire de lui une victime. Selon Emmanuel Carrère, "c'est quelqu'un de très peu défendu". On peut l'entendre comme on voudra.
J'ai cru comprendre qu'il était au tribunal de police de Lyon selon un beau portrait, certes ancien, fait par Alain Salles (Le Monde). Est-il toujours en poste à cet endroit, je ne sais.
Ce qui est formidable dans le livre relève de la maîtrise avec laquelle E.Carrère parvient à expliquer des mécanismes juridiques et à nous ranger dans le camp de ces deux magistrats et de leur modèle Florès, qui mènent une lutte légitime et haletante contre le cynisme de certaines de ces sociétés de crédit. On n'a jamais mieux fait percevoir la provocation fulgurante du droit quand il s'enrichit d'équité, jamais mieux décrit le triomphe de la loi quand elle vient au secours des faibles, des misérables, des humiliés par fatalité. La relation du recours à la Cour de justice des communautés européennes de Luxembourg qui va donner raison aux deux magistrats, valider leur démarche et imposer des changements jurisprudentiels et législatifs est un véritable tour de force car le lecteur s'y implique avec une exaltation et une adhésion qui subliment ce processus en une aventure de cape, d'épée et de droit.
J'aime aussi que l'appartenance d'Etienne Rigal au Syndicat de la magistrature ne soit pas déterminante et que Juliette et lui, dans la vision qu'en donne en tout cas E.Carrère, soient plus mobilisés, enthousiasmés par une justice restauratrice des destinées humaines, parce qu'il s'agit de sa mission fondamentale, plutôt que par une approche idéologique qui n'a que trop tendance à dégrader l'universel de cette valeur. En ce sens, comme l'a orgueilleusement affirmé Etienne Rigal, ils ont été en effet "de grands juges". J'espère que cette approbation d'un réactionnaire ne le gênera pas trop.
Si je n'ai pas pleuré, je me suis pris à songer cependant que j'allais continuer à cohabiter avec mon malaise parce qu'après tout Emmanuel Carrère, même encensé partout, a besoin aussi de lecteurs séduits mais qui renâclent. En même temps.
Je pourrai me mettre à l'épreuve avec "Le Royaume" dont le sujet me passionne et qui fait plus de 600 pages (Nouvel Observateur).
Bonjour,
Je me permets un petit commentaire sur votre blog pour vous signaler que l'adaptation théâtrale de "D'autres vies que la mienne" d'après le récit d'Emmanuel Carrère se jouera à Paris à la Manufacture des Abbesses à partir du 17 mai puis tout l'été au Festival d'Avignon.
Chaleureusement.
David Nathanson / Cie Les Ailes de Clarence
Rédigé par : David Nathanson | 02 avril 2015 à 17:14
Pour le merveilleux sbriglia.
Ou comment ce blog construit de l'amitié.
Le remercier de tout ; il comprendra.
https://www.youtube.com/watch?v=M00AkI96zQk
Rédigé par : Adèle | 29 novembre 2014 à 05:42
Qui peut dire la désespérance quand on franchit les portes d'un tribunal d'instance pour demander, l'âme et le coeur en lambeaux, une mesure de protection pour un autre que soi dévasté par la vie ?
Qui peut dire le poids écrasant de cette requête, soi pour toujours empoisonné par le doute de mal ou de bien faire ?
Qui peut dire la tristesse de ce jour noir ?
Mais qui pourra un jour dire la valeur absolue et l'humanité gigantesque de cette greffière pourtant débordée, pourtant fatiguée, recevant tous les jours les ombres qui hantent ces petits tribunaux d'instance, sans moyens, négligés, méprisés, la justice du quotidien des misérables.
Qui pourra dire la grandeur de cette femme qui sauve tout ?
Monsieur Bilger, je me suis calée dans la prière de Pierre Goldman, le frère de Jean-Jacques, pour exprimer à travers votre blog ma reconnaissance vis-à-vis de cette femme, cette greffière, qui a été tout dans le désastre.
Qui peut dire ? Qui pourra dire ?
Rédigé par : Adèle | 06 novembre 2014 à 06:23
http://www.causeur.fr/le-christianisme-pour-les-nuls-29581.html#
Rédigé par : Franck Boizard | 04 octobre 2014 à 11:14
@Véronique Raffeneau | 05 septembre 2014 à 13:46
«J'espère ainsi, Catherine, avoir précisé le contexte de ma citation du père d’Albert Camus.»
Vous l'avez parfaitement précisé, ma chère Véronique et je vous en remercie. Je pense comme vous sur ce sujet. J'irai même plus loin encore.
J'ai jeté un oeil sur le dictionnaire en ligne notrefamille.com qui s'étend largement sur le sujet des dents.
J'ai retenu ces quelques définitions :
- «Donner des noisettes à ceux qui n'ont plus de dents»: donner à quelqu'un des choses dont il n'est plus en état de se servir.
- «Il y a longtemps qu'il n'a plus mal aux dents, il y a longtemps qu'il est guéri du mal de dents» : il est mort depuis longtemps.
Substantivement et au féminin:
- «une sans dent» : une femme qui n'a plus de dents.
- «Arracher une dent à quelqu'un» : la lui ôter de la mâchoire ; et fig. tirer de lui quelque argent ou autre chose qu'il est contraint de donner malgré lui.
wiktionnary indiquant une expression supplémentaire par rapport à toutes celles qui figurent dans le précédent, et qui est « nourrir la bouche sans dents » défini comme une expression vulgaire que j'ignorais jusqu'à présent, pour «Faire l’amour», connaissant en revanche celle-ci : vagina dentata: le
concept psychanalytique désignant l'angoisse de castrationinconsciente de l'homme par les organes génitaux de la femme et qui est également un mythe folklorique dans lequel le vagin de certaines femmes serait pourvu de dents et qui se retrouve dans presque toutes les cultures destiné à décourager les viols, ou mettre en évidence le risque des rapports sexuels avec des personnes inconnues, ou « étranges » (et donc potentiellement porteuses de maladie).
Bref, j'observe que substantivement, 'sans dent' s'emploie au féminin et pas au pluriel et qu'un emploi au figuré n'est pas mentionné. Ceci étant, employer cette expression pour désigner d'une façon générale les personnes édentées comme des pauvres fait bien évidemment réfléchir.
On peut avoir perdu ses dents dans diverses circonstances.
Très récemment, je me suis fait arracher une molaire que la dentiste a eu du mal à extraire et s'arc-boutant de toutes ses forces sur sa pince expliquait que ses confrères l'appelaient autrefois "Extractor" et qu'elle allait 'avoir' la récalcitrante, ce qui est arrivé mais avec cette conséquence que la grosse pince métallique a heurté avec force la prémolaire voisine au moment où la molaire est enfin sortie de son alvéole, laquelle prémolaire était cependant vivante, sans carie, et en a emporté un petit bout de la face externe, donc visible lorsque je souris, ce que "Extractor" a appelé « un petit dommage collatéral » à propos duquel elle a ensuite indiqué qu'il valait mieux laisser les choses en l'état.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, certains résistants torturés ont également eu les dents ou même carrément la mâchoire brisée et j'ai même entendu dire qu'il s'agissait de stigmatiser ainsi ceux qui soit n'avaient pas desserré les dents, donc pas parlé, et/ou encore avaient été aussi violés.
L'un de mes neveux, a eu lui une dent cassée par un coup de coude malencontreux d'un membre de son équipe de basket qui cherchait à attraper le ballon, etc. etc.
Mais bon, généralement, la perte 'normale' des dents est consécutive à l'un des facteurs suivants qui peuvent également se combiner : l'âge -petit (dents de lait) ou très grand (dents pourries) -, maladie, malnutrition.
- Dans le cas du scorbut, une maladie très répandue chez les marins du XVe au XVIIe siècle, et qui fut combattue grâce à l'introduction dans leur régime d'aliments très riches en vitamine C, tels la choucroute - Vive la culture de la choucroute donc ! -, les oranges ou le citron etc., qui se manifeste initialement par de la fatigue, puis par des œdèmes aux membres, puis des hémorragies des muqueuses du nez et des gencives, et des ecchymoses nombreuses sous la peau, les dents se déchaussent jusqu'à tomber. On considère cependant que c'est là une vieille maladie qui, tout comme la tuberculose, refait surface. Une petite étude faite auprès d'adolescents américains a démontré que certains d'entre eux, dont l'alimentation ne comportait ni fruits ni légumes, avaient contracté le scorbut, nous informe Passeport de santé. Enfin, des études japonaises ont démontré que l'absence de dents chez des souris auxquelles elles ont été arrachées aux fins de l'étude considérée, conduisait à une perte de l'orientation et de la mémorisation et qu'au contraire, la remise en ordre de la dentition de personnes atteintes d'Alzheimer permettait d'obtenir des rémissions et même une petite régression de la progression de la maladie.
Ayant pris la peine d'enregistrer et de traduire ces informations pour les communiquer lors d'un séminaire sur la mémoire, du fait qu'il s'agissait de neurosciences et que le séminaire en question (école doctorale de philosophie de Strasbourg) ne portait que sur l'aspect 'mémorial' de la mémoire, devoir de mémoire etc., je n'ai pas été autorisée à en faire état, et l'enseignante responsable n'a pas même daigné visionner elle-même la cassette qu'elle m'a rendue en la tenant comme avec des pincettes...! Enfin bon !
- Revenons à nos moutons, de l'existence de l'expression et toutes ses dents qui s'emploie après avoir donné l'âge d'une personne (généralement âgée donc) pour dire qu'elle est dans de bonnes conditions physiques, on peut déduire qu'une sans dent est une personne, homme ou femme, que la vie n'a en effet pas favorisée.
De ce point de vue, cette expression me touche particulièrement pour la raison suivante. Je résume rapidement :
Nous avons dans notre famille une personne qui ne s'est jamais mariée car, selon les habitudes de la région dont ma famille est originaire, elle a dû prendre en charge ses parents avant même d'avoir pu terminer des études d'infirmière et c'est donc comme aide-soignante qu'elle a travaillé dans l'hôpital public et selon son expression « porté tout le monde », ou « porté la misère sur son dos ». Une fois ses parents décédés, elle a pu s'acheter un petit appartement et, comme disait mon père qui l'avait accompagnée pour choisir tout cela, son premier lit à elle, beau meuble à tête capitonnée dont elle était très fière.
Ayant cependant pris l'habitude de prendre en charge la douleur d'autrui et les ennuis de tout le monde, elle a fini par donner au-delà du solde positif de son compte en banque et sa banque au lieu de prévenir d'abord sa famille (frère, neveux etc. qui aurait pu l'aider et mettre de l'ordre et demander à ce qu'une enquête de police soit diligentée pour déterminer de possibles abus de faiblesse - elle a notamment acheté une voiture à ses voisins), a demandé purement et simplement son placement sous curatelle, laquelle curatelle est devenue curatelle renforcée - ce qui signifie que son curateur perçoit directement ses revenus -, le tout à l'insu de sa famille que le service de la tutelle des majeurs n'a pas non plus pris la peine de contacter, bien qu'elle ait indiqué n'être pas complétement isolée et qui tout à coup a découvert et commencé à prendre la mesure de la situation, ce qui ne semble pas avoir plu à tout le monde.
Bref, elle s'est retrouvée placée dans une maison de retraite dont les frais d'hébergement reviennent au double du montant de sa petite pension de retraite et sans que la curatelle ait pris la peine de faire un dossier de demande d'aide au département, qui plus est dans une aile réservée aux personnes démentes - alors qu'elle ne l'est nullement -, à n'avoir personne avec qui parler, à être infantilisée au-delà de l'imaginable et en passe d'être rendue dépendante, ce qui à mon sens représente une forme de maltraitance, et alors qu'elle déclare s'être rendue compte au bout d'une semaine que cet établissement sur lequel elle n'avait pas été correctement renseignée, n'était absolument pas fait pour elle et bien que la loi lui donne le choix de sa résidence etc. elle s'y trouve maintenue.
Les efforts faits par sa famille pour aider financièrement à la prise en charge d'une hypoacousie bilatérale profonde par un appareillage acoustique adéquat de bonne qualité, ainsi qu'une malvoyance, ayant été abusivement court-circuités par la maison de retraite qui ainsi la séquestre pour ainsi dire en elle-même.
Le juge des tutelles qui est comme vous, ma chère Véronique, d'origine vendéenne et qui n'entend pas la langue maternelle de notre parente (francique luxembourgeois) qui avec l'âge resurgit et affecte quelque part sa façon de s'exprimer en français, étant allée la voir avant que la famille ait réussi à restaurer une bonne communicabilité visuelle et auditive, a bien noté sa volonté de quitter cet endroit, mais, et ce sans avoir recueilli l'avis des membres de la famille dont il est informé de l'existence, pense manifestement qu'elle a été influencée, en particulier par moi-même qui l'ai, en vertu de l'article C.C 457-1, informée que selon l'article C.C.459-2 c'était elle qui décidait de l'endroit où elle voulait vivre, ce à suffisamment haute voix pour que l'information soit parvenue aux oreilles d'autres résidents qui ont dû en faire leur profit au grand dam de la maison de retraite qui a été le seul son de cloche parvenu aux oreilles du magistrat. Mais bon, certains espèrent encore pouvoir l'aider avant qu'elle se soit transformée en eau de boudin.
J'en viens à la question des dents qui a motivé tout ce long préambule dont vous voudrez bien ne pas me tenir rigueur.
A l'occasion d'une de mes visites, je me suis rendue compte qu'elle portait la nourriture à sa bouche - en l'occurrence une gaufrette bas de gamme trop sucrée, fournie par la maison de retraite avec son café qui n'est pas du vrai café - d'une façon bizarre. M'en étant inquiétée, elle m'a montré des incisives branlantes en précisant que lorsque ces dents entraient en contact avec de la nourriture solide, cela la faisait sauter au plafond.
Ne faisant ni une, ni deux, j'ai sonné le branle-bas de combat de la curatelle et de la maison de retraite pour que RDV soit pris avec un praticien avant que ne s'installe une infection, qui dentaire, pouvait être fort fâcheuse pour une pathologie cardiaque. Un RDV a été pris en effet, début juillet pour... fin août !! J'ai donc saisi l'ARS pour qu'on s'occupe de trouver à brève échéance une solution à ce problème, laquelle ARS a demandé par écrit à la maison de retraite si le nécessaire avait été fait selon les protocoles en vigueur, laquelle maison de retraite a répondu que c'était le cas. Fin d'histoire, ou presque puisque dans la semaine qui a suivi, je me suis aperçue que les dents litigieuses avaient été sectionnées (≠ dûment extraites par l'opération d'un chirurgien-dentiste) au ras de la gencive, ce qui aura désormais pour effet de rendre leur extraction extrêmement difficile et ayant moi-même vécu, ainsi que relaté en début de texte, une extraction difficile, je crains le pire.
Bien évidemment, depuis que j'ai posé des questions gênantes sur la façon dont cela avait pu arriver (je ne sais pas moi, caramel, bonbons, mais bon qui aurait eu l'idée d'en donner à une diabétique aux dents branlantes ?), je suis devenue persona non grata.
Voilà donc l'histoire d'une sans dent, qui après une vie de dur labeur au service de l'humanité souffrante n'a pas de quoi prétendre à une prise en charge correcte de son état de santé.
Sans doute Hollande et son ex-compagne auraient-ils dû s'abstenir ou s'empêcher, l'un de plaisanter, ne serait-ce qu'en privé et l'autre de rapporter le fait, s'ils avaient eu conscience de l'effet produit sur les personnes qui ont dans leur proximité de telles 'sans dents', que des protocoles imbéciles, si tant est qu'ils ne soient pas l'objet de contresens, les empêchent d'aider personnellement comme il le faudrait.
Rédigé par : Catherine JACOB@Véronique Raffeneau | 07 septembre 2014 à 13:40
Chère Catherine,
"Un homme (une femme), ça s'empêche"
"En réalité, il n'aime pas les pauvres. Lui l'homme de gauche dit en privé : “Les sans-dents”, très fier de son trait d'humour."
Un président de la République qui désigne les pauvres "les sans-dents", même en privé, même pour faire rire les mondains aux dépens des plus vulnérables, selon l'enseignement de du père d'Albert Camus, ne mesure pas, ne maîtrise pas les conséquences de la violence de son "bon mot" assassin.
Car ce qu'il est, là ou il est, l'engage tout entier à la retenue et à la délicatesse envers ceux qui seront mordus, meurtris, humiliés et blessés comme jamais par son mot.
François Hollande devait, devrait savoir que tout ce qu'il dit, même l'inconséquence, surtout l’inconséquence, sera répété, repris, commenté à n'en plus finir par son entourage, d'autant plus quand son monde intime et amical est exclusivement celui, vulgaire, ricaneur des dîners en ville et des médias, dont il raffole et dont il se sert, son alpha et oméga.
Valérie Trierweiler n'aurait jamais dû rendre public et utiliser ce mot-trait d’humour qui dit tant le cynisme et la vulgarité du milieu professionnel qu'elle connaît comme sa poche depuis longtemps : la politique et le journalisme politique.
L'un et l'autre, le président et son ex-compagne, devaient, auraient dû s'en empêcher.
J'espère ainsi, Catherine, avoir précisé le contexte de ma citation du père d’Albert Camus.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 05 septembre 2014 à 13:46
@Véronique Raffeneau | 05 septembre 2014 à 05:20
"Un homme, ça s'empêche"
Bonjour Véronique,
Vous pouvez préciser le contexte SVP.
Rédigé par : Catherine JACOB@Véronique Raffeneau | 05 septembre 2014 à 11:15
@isidora | 04 septembre 2014 à 15:25
enfin quelqu'un parlait de nous et de façon tellement pertinente, enthousiaste et aussi respectueuse.
A Metz, la Justice s'offre quotidiennement à l'édification du citoyen dans le grand escalier d'honneur de l'Hôtel de Ville où elle apparaît telle la Vénus de Botticelli sur une coquille Saint-Jacques, et où elle fait face à... la Prudence.
On la retrouve encore sur le portail de la Cathédrale Saint-Étienne qui fait face à celui de l'Hôtel de Ville. Le cliché ci-dessous n'est pas très bon car il est extrait d'une vue d'ensemble de l'escalier.
Alors, le citoyen en est-il rendu plus vertueux pour autant ?
Rédigé par : Catherine JACOB@isidora | 05 septembre 2014 à 08:19
Cher sbriglia,
En réaction à votre post adressé à Franck Boizard dans un autre billet.
Ce qui m'a intéressée d'exprimer suite au billet consacré à "D'autres vies que la mienne" est l'impression - l'Image - qui reste à l'esprit et dans le coeur des années après la lecture d'un livre.
Je me suis souvenue de cet épisode de si grande humanité où le père d'Etienne Rigal trouve la force de protéger et de consoler son fils, jeune adulte, dont l'amputation imminente en fera un sans-jambe à vie.
L'actualité "littéraire", enfin politico-littéraire, me renvoie à nouveau à ce micro-épisode du livre de Carrère, qui est un sommet d'humanité impuissante et désemparée.
Au plus haut de l'Etat, dans le privé, sur le mode de l'humour, les sans-dents sont moqués et humiliés en petit comité, dans l'entre-soi mondain.
L'humanité immense du père d'Etienne Rigal à quelques heures de l'amputation de son fils - Etienne, qui deviendra ce juge exilé dans les rez-de-chaussée de la justice de la République - est, selon moi, celle qui s’obstine, autant que faire se peut, à décharger de la souffrance à la souffrance.
Quand d'autres, qui ne peuvent pas résister à un bon mot, ne mesurent pas à quel point une inconséquence moqueuse, même privée, parce qu'une femme blessée et trompée se vengera, quand ces autres ne mesurent pas combien un trait d'humour, là où il est prononcé, imbibé de ce cynisme si accordé aux airs du temps de la mondanité, ajoutera de la souffrance à la souffrance, de l'humiliation à l'humiliation dans le coeur de ceux qui dans leur quotidien, doivent affronter et assumer l'amputation, la disgrâce et la laideur.
Voilà, sbriglia, ce que m'inspire l'actualité politico-littéraire quand je la croise avec ce billet de Philippe déserté.
Pour finir, en commentaire des péripéties élyséennes à caractère privé devenues publiques, je pense à cette phrase si juste du père d'Albert Camus :
"Un homme, ça s'empêche"
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 05 septembre 2014 à 05:20
Je travaillais à l'époque de la publication de ce livre dans un tribunal d'instance et l'ouvrage a fait le tour des bureaux à grande vitesse... enfin quelqu'un parlait de nous et de façon tellement pertinente, enthousiaste et aussi respectueuse.
Bizarrement je n'avais jamais rien lu d'Emmanuel Carrère et depuis cet oubli est réparé et sans qu'il faille à chaque parution que je me fasse violence.
J'aime cet auteur et sa "Maman" n'y est pour rien.
Rédigé par : isidora | 04 septembre 2014 à 15:25
Relisant votre billet, je suis tout de même étonnée que vous ayez attendu si longtemps pour lire ce récit d'E. Carrère.
Car enfin, les récits où deux grands juges et la justice civile - celle des tribunaux d'instance, du surendettement et des perdants - deviennent de grands personnages romanesques ne courent pas les pages de la littérature, très loin de là.
Un tel récit avec pour héroïne la justice du quotidien, et pour héros des juges de cette envergure est plus que rare.
Le livre d' E. Carrère a tellement réussi cela.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 31 août 2014 à 16:29
Avant tout, j'apprécie la famille Carrère d'Encausse, sans oublier Marina, la sœur d'Emmanuel, des gens discrets malgré leur notoriété.
Des livres d'Emmanuel Carrère, j'ai bien sûr aimé "D'autres vies que la mienne", un livre (pour moi) en deux parties. Le tsunami vécu en direct et l'horreur décrite puis l'histoire poignante d'une jeune femme qui aime son métier, sa famille, confrontée à la maladie et se sachant condamnée. Elle veut vivre normalement jusqu'au bout en s'accrochant à son métier, mais aussi au dilemme d'avoir à juger les "pots de terre contre des pots de fer". Un livre fort et humain.
Mais j'ai aimé aussi son livre sur l'affaire Romand : "L'adversaire", fascinant par la description de ce personnage enferré des années dans le mensonge et qui n'en sort qu'en tuant sa famille, pour ne jamais avouer sa tromperie. Un cas pour la psychiatrie. Une belle analyse d'une vie particulière aussi.
J'avais acheté "Limonov", un autre genre, je ne l'ai pas encore lu, du coup, en parlant d'Emmanuel Carrère aujourd'hui, j'ai très envie de le lire.
Rédigé par : Michelle D-LEROY | 28 août 2014 à 10:51
@eileen | 27 août 2014 à 16:28
cette ville située à quelque 50 km de Düsseldorf la capitale de l'état de Rhénanie-du-Nord-Westphalie n'indique rien de semblable dans ses "Archive" !
Puisque vous lisez manifestement l'allemand, on trouve ceci : Das Gut ist heute in direkter Nachfolge im Besitz der Familie von Pelken ici : http://www.naturpark-rheinland.de/poi-details/poi-details/6331/gutshof-palmersheim/
Adresse : Palmersheimer Straße - 53881 Euskirchen-Palmersheim
ou encore ici : http://www.hv-palmersheim.de/index.php?section=calendar&cmd=event&id=10 Ort :
Palmersheim
Gutshof von Pelken
Palmersheim (http://de.wikipedia.org/wiki/Palmersheim) est situé dans l'arrondissement d'Euskirchen : http://fr.wikipedia.org/wiki/Arrondissement_d%27Euskirchen (Rhénanie-du-Nord-Westphalie)
Alors quel rapport entre die Familie von Pelken et Hélène Carrère dite Carrère d'Encausse, Secrétaire perpétuel de l'Académie française depuis 1999 ?
Réponse : sa mère est Nathalie von Pelken.
Maintenant, quel degré de parenté entre von Pelken Günther Landw. Gut Haus Palmersheim in Palmersheim et Nathalie von Pelken ?
Vous trouverez ici le n° de téléphone de Günther von Pelken : http://adresse.dastelefonbuch.de/Euskirchen/3-Landhandel-G%C3%BCnther-von-Pelken-Euskirchen-Palmersheimer-Str.html avec une possibilité d'appel gratuit mais peut-être pas depuis la France. Vous n'avez qu'à le lui demander si la chose vous intéresse vraiment. Maintenant, après avoir été publié chez PB, il risque de se mettre sur liste rouge, qui sait.
Rédigé par : Catherine JACOB@eileen | 28 août 2014 à 09:32
C'était au printemps 2009. J'étais plus que réticente à lire "D'autres vies que la mienne".
Pourtant, j'ai lu ce récit d'une traite qui parlait du désastre, de la maladie, de la mort, de la pauvreté qui mord et qui humilie tous les jours.
Curieusement, j'ai refermé le livre dans une profonde sérénité.
A l'automne deux morts cruelles m'ont dévastée.
Et quelque chose du livre d'E. Carrère m'a portée pour faire face à cet automne meurtrier.
Aujourd'hui, quand je pense à ce récit, une image s'impose.
Celle de ce jour où le père d'Etienne alors adolescent - Etienne est ce juge qui protègera les humiliés - entoure, accompagne, soutient, protège comme jamais son fils qui va être amputé.
La force et la douceur inouïes de ce père pour trouver les mots introuvables, les mots pour consoler son garçon d'un irrémédiable.
Rédigé par : Véronique Raffeneau | 28 août 2014 à 07:09
"Les héritiers de Palmersheim" bien curieuse/inattendue info. que celle-là, cette ville située à quelque 50 km de Düsseldorf la capitale de l'état de Rhénanie-du-Nord-Westphalie n'indique rien de semblable dans ses "Archive" !
Rédigé par : eileen | 27 août 2014 à 16:28
Chaque fois qu'il publie un livre, je suis à la fois attiré et réticent. Réservé parce que je sais que dans tous les cas, Emmanuel Carrère aura une critique enthousiaste, unanime. Comme j'ai mauvais esprit, je ne peux pas m'empêcher de chercher, pour expliquer cet unanimisme, des causes malsaines, de complaisance ou d'influence. Comme une promotion systématique trop belle pour être honnête.
Ainsi le petit-fils de la pianiste Paule Carrère-Dencausse, fils de l'académicienne d'origine géorgienne par son père, et semble-t-il une parente des héritiers du domaine de Palmersheim dans la partie écologiquement protégée de la Rhénanie, à savoir Hélène Carrère dite Carrère d'Encausse sans tique..., vous trouble.
Intéressant.
Sa mère en tout cas semble avoir réussi le tour de force de faire naître un sourire vaporeux sur le visage de :
Putin à l'aube du nouveau millénaire.
Puis je lis.
Donc vous pouvez, vous, en parler...!
Rédigé par : Catherine JACOB | 27 août 2014 à 11:14
"Le Royaume" a déjà eu son moment de gloire sur Canal, M. Traquenard a été dithyrambique, c'était selon lui le chef-d'œuvre de la rentrée littéraire 2014, il a conclu 'un très grand livre'...
Emmanuel Carrère bénéficie peut-être de la position de sa très célèbre maman !
Rédigé par : eileen | 27 août 2014 à 00:50