Avant mon parti pris sur Europe 1, j'ai appris, par le blog de Jean-Marc Morandini, que Fabrice Luchini ne participerait plus à l'émission C à vous, à la suite d'un montage qui ne l'aurait montré que dans ses moments outranciers.
Dans la foulée, j'ai vu le film Gemma Bovery qui est à la hauteur de la réputation que les critiques lui ont faite et des couronnes que Fabrice Luchini, ces derniers jours, enthousiasmé par le sujet et sa partenaire anglaise, lui a tressées.
De fait, il s'agit d'un film subtil et profond.
Tirée d'un roman, son histoire ne se contente pas des variations banales qu'en général on développe sur les rapports de la littérature et de la vie - thème usuel au demeurant passionnant.
C'est d'abord un exercice dans lequel le grand roman de Gustave Flaubert "Madame Bovary" tient en quelque sorte le premier rôle puisqu'il scande quasiment jusqu'à l'issue finale le rythme du destin.
Ensuite, dans cette jolie petite ville toute de tranquillité et d'ennui, nous sont dévoilés les combats intérieurs, les émois et les élans intimes. Sous la placidité apparente, l'effervescence. Le feu n'est pas qu'à l'extérieur.
Tout cela, enfin, serait déjà suffisant pour constituer cette oeuvre comme estimable voire remarquable, si entre la littérature et l'existence, entre l'immensité romanesque, la beauté des mots, la force des songes d'un côté et de l'autre une quotidienneté avec ses habitudes, ses métiers et ses douceurs un peu rances, on n'avait pas glissé un boulanger cultivé et voyeur, tendu mais retenu, au bord de succomber mais se gardant bien d'accomplir l'irréversible pour demeurer penché, comme un veilleur, sur une destinée de jeune femme anglaise qui lui était devenue chère.
Fabrice Luchini joue ce boulanger et à la perfection il incarne le désir, la mélancolie, l'étonnement, l'aigreur voilée avec politesse, l'espérance et le dépit. La culpabilité puis la stupéfaction quand le destin paraît lui offrir à nouveau un hasard miraculeux : la vie comme un roman russe, celui d'Anna Karénine.
Ce boulanger singulier qui pétrit sa pâte comme le corps d'une femme s'acharne à la fois à faire ressembler le réel à la littérature mais à l'en détourner autant qu'il peut.
L'esthétisme et le culte de l'art flaubertien l'inciteraient à rêver de la fin tragique du roman dans le cours ordinaire des jours mais il y a l'angoisse et la mauvaise conscience de l'être en retrait, en observation, en suspens délicat et fragile qui le pousseraient, au contraire, à refuser la fatalité d'une conclusion épouvantablement copiée sur la fiction. Cette oscillation entre la tentation impérieuse du songe et l'obsession de sauvegarder cette grâce humaine si concrète, si proche de lui donne un charme infini aux péripéties intimes du personnage joué par Luchini.
Je ne révélerai bien sûr pas la chute du film que, pour ma part, je trouve presque trop bien agencée, comme une conclusion de roman policier où tiroir après tiroir le spectateur est manipulé et, enfin, éclairé.
Comme elle est scandaleuse, tous comptes faits, cette vie qui s'autorise à prendre des libertés avec la littérature ! Comme est touchant ce messager écartelé entre l'une et l'autre !
Et qui alerte la première sur les dangers de la seconde et la seconde sur le caractère prosaïque de la première !
Dans le métro, après le film, j'ai oscillé entre deux points de vue. D'une part, le scénario fut rédigé pour l'acteur Fabrice Luchini, pour sa sensibilité, son côté cabotin et ses envolées romantiques ; d'autre part l'acteur s'est approprié le scénario pour envahir l'intrigue, revisiter le mythe de Gustave Flaubert et rejouer l'histoire tragique dans la Normandie profonde.
Dans un cas comme dans l'autre, Fabrice Luchini a réussi un grand coup d'acteur, un bon film.
Le film eut été grandiose si Mme Catherine Frot eût tenu le rôle de la boulangère. Certes, le producteur aurait eu des difficultés à boucler son budget ; mais le film aurait atteint un autre niveau d'excellence.
Pour les connaisseurs, le vrai roman de Gustave Flaubert n'a pas été traité, il manque quelques personnages et non des moindres : le pharmacien, l'usurier et surtout Berthe...
Rédigé par : vamonos | 18 septembre 2014 à 22:41
Je tenais à partager un coup de cœur en parallèle du film avec Luchini. C'est un drame avec Benoît Poelvoorde qui s'intitule 3 coeurs et on en ressort le cœur serré d'émotion. Benoît Poelvoorde joue un personnage tourmenté qui a des problèmes de cœur autant d'un point de vue sentimental que du point de vue de la santé (infarctus dû au stress). On retrouve également comme actrices pour partager l'affiche Charlotte Gainsbourg, Chiara Mastroianni et Catherine Deneuve : magistrales.
Rédigé par : Carl+Larmonier | 17 septembre 2014 à 19:53
Bonjour Monsieur Bilger
Les ados ne veulent plus être fonctionnaires mais connus, en faisant de préférence rien, au mieux n'importe quoi MDR
Pour la douzième fois la médaille Fields 2014 (équivalent du Prix Nobel décerné tous les quatre ans) a encore récompensé l'école française de mathématique grâce aux travaux du franco-brésilien Artur Avila, 36 ans, le plus jeune directeur de recherche au CNRS/Université Paris Diderot.
La Médaille Fields = prix de $10 000.
Pour la première fois dans son histoire la Médaille Fields a été attribuée à une femme iranienne Maryam Mirzakhani.
Tout n'est donc pas perdu, pour ceux/celles qui veulent travailler et ne pas se duper, duper les autres, par des copiés-collés : cependant, les propos tenus ce matin par Najat Vallaud-Belkacem ne sont guère réconfortants re. les 1100 élèves qui seraient sans classe : ce à quoi elle a répondu "pour le cas où vous ne le sauriez pas, il en est ainsi tous les ans" MDR Belle réponse à ceux/celles qui ont cru que "le changement c'est maintenant"...
Autrement dit, puisque c'est ainsi chaque année, pourquoi changer, on ne change pas une équipe qui perd en Hollandie.
Rédigé par : eileen | 17 septembre 2014 à 13:54
Si j'étais littéraire j'écrirais un papelard sur les Voyous de la République :
La condamnation d’Anne-Sophie Leclère par le tribunal de Cayenne nous interpelle. A cause d’une simple copie de caricature publiée sur son blog et dirigée contre Taubira, une association fondée par Taubira et travaillant pour le compte de Taubira dépose une plainte à Cayenne où la fautive ne peut se rendre. Elle est jugée par contumace par les amis de Taubira et condamnée à une peine totalement inédite de par sa sévérité. L’excès dans un jugement pour racisme est évidemment raciste lui-même et Mme Taubira et ses amis nous ont apporté une preuve supplémentaire de leur haine des blancs.
Et pendant ce temps-là la police et la justice ne se préoccupent pas le moins du monde des appels au meurtre publiés pratiquement tous les jours sur internet par des particuliers ou des associations pro-palestiniennes, soutenues par des mouvements gauchistes.
Et souvenez-vous que M. Valls a fait arrêter et juger des manifestants pacifiques et des veilleurs immobiles et inoffensifs qui avaient osé contester la loi sur le mariage gay de Taubira. Certains ont été condamnés à des peines de prison par des tribunaux infectés par le Syndicat de la magistrature, dont les membres ne jugent pas en droit mais en fonction de leurs opinions politiques. Même les policiers qui ont appliqué les ordres d’interpellation à l’époque ont exprimé leur indignation face à la sévérité des peines contre ces « délinquants notoires ».
Autre exemple plus récent : qu’a-t-on fait des casseurs qui ont blessé dix-sept gendarmes et policiers lors des récentes manifestations pro-palestiniennes ? Rien : ils ont été libérés immédiatement sous prétexte d’un manque de preuve pour les identifier alors que tous ces événements ont été largement filmés par des policiers en civil ou des journalistes. Cazeneuve, le petit nouveau, ne savait pas encore que la police et la gendarmerie pouvaient être caillassées à volonté en toute impunité. Bienvenue au pays de Taubira !
Oui, nous pouvons le dire, Mme Taubira, Valls et in fine Moi Président censé être le garant des institutions, sont des voyous qui ont détourné la justice et se sont acoquinés avec un Syndicat de la magistrature gauchiste et revanchard qui n’applique pas la loi mais condamne en fonction des opinions politiques.
Comme le poisson, la France socialiste pourrit par la tête et ça va sentir de plus en plus mauvais pendant encore trois ans.
Rédigé par : sylvain | 16 septembre 2014 à 18:59
Vous en parlez très bien, M. Bilger. J'ai vu le film moi aussi, qui est fort bien fait, par une femme talentueuse, Anne Fontaine.
Un peu long à démarrer peut-être, jusqu'à l'adultère accompli de la belle Gemma, qui n'a jamais entendu parler de Flaubert ni de Mme Bovary !
Notre personnage boulanger, qui veut faire l'éducation de sa voisine, lui parle donc de ce roman. Il l'a lu à 16 ans, dit-il, et il a été "foudroyé". Mon Dieu, mon Dieu ! Je l'ai lu à cet âge et je n'avais pas compris grand-chose au "bovarysme".
Plus tard...oui, beaucoup plus tard !
Mais enfin, bravo l'artiste ! Et - pour une fois - il ne vole pas la vedette aux autres acteurs.
Doublement bravo !
Rédigé par : Jean-Jacques Bernardini | 16 septembre 2014 à 15:03
Fabrice Luchini, je le préfère dans le film "Les nuits de la pleine lune" où il joue un personnage qui batifole, et qui parle, qui parle... et qui entraîne dans ses filets le personnage joué par Pascale Ogier, jusqu'à ce que celle-ci essaie de remonter à la surface pour retrouver la vraie vie, mais hélas trop tard.
Rédigé par : anne-marie marson | 16 septembre 2014 à 11:54
Un autre auteur dont les réalisateurs et producteurs pourraient s'inspirer à triple foison, c'est l'œuvre d'Honoré de Balzac. Le tour de force que fit cet écrivain avec moult rasades de café pour tenir debout, travaillant jusqu'au bout de la nuit, fut de toujours se renouveler avec des galeries toujours changeantes de caractères. Donc, il serait sûrement possible de retrouver une Emma Bovary ou une Anna Karénine dans cette gigantesque œuvre.
Je verrais bien Fabrice Luchini narrer des échantillons de la comédie humaine.
Dans la politique d'aujourd'hui on pourrait parler de déveine ou tristesse humaine.
Rédigé par : Carl+Larmonier | 16 septembre 2014 à 11:51
Fabrice Luchini, nous connaissons tous sa verve, sa flamboyance, son amour des belles lettres et les mots qui claquent ça c'est le côté face, le côté lumineux, le côté pile est plus sombre, il est soupe au lait et n'hésite pas à quitter le Théâtre Saint-Antoine sans venir saluer son public, qui attendait pour l'applaudir encore, créant un réel malaise au sein de toute l'équipe, les acteurs et l'équipe technique.
Quitter un plateau télé est une habitude de malotrus venus pour être applaudis et pas conspués, c'est bien connu les acteurs sont des cabots qui n'acceptent que les applaudissements MDR
Cette nouvelle défection de Fabrice Luchini est provisoire, il reviendra, peut-être pas sur le plateau de C à vous, dont les jours sont comptés du fait d'un audimat qui se réduirait de jour en jour !
Rédigé par : eileen | 16 septembre 2014 à 07:31
Cher Philippe,
Il y a beaucoup de petits théâtres qui se battent.
Beaucoup d'acteurs qui sont plus attractifs que votre ami qui encombre les médias de ses gesticulations et de ses provocations qui deviennent fatigantes.
Notre dernière sortie au théâtre fut "La leçon" de Ionesco. Vous connaissez ce théâtre intime, intemporel et unique. Il faut les faire vivre ces théâtres. Balmer dans "Le neveu de Rameau", c'est plus.
Et alors, que devient la boule en chaire ?
Avez-vous des nouvelles de la femme du boulanger ?
Nous n'avons pas vu cette version du film car rien n'est plus beau que les mains d'une femme dans la farine.
http://www.youtube.com/watch?v=1NH_qxxxG84
Nougaro, dans "Rien n'est plus beau".
Nous espérons pour vous cher Philippe, que le Sieur Luchini n'a pas suivi vos cours à l'Institut de la parole pour s'adresser aux médias. Pour avoir une expression plus posée et sincère, il devrait venir vous voir pas pour une interview mais pour penser avant de s'exprimer au lieu de balancer ses écholalies mémorisées qui doivent tout de même encombrer la clarté de ses propos.
françoise et karell Semtob
Rédigé par : semtob | 16 septembre 2014 à 00:32
Le Fabrice Luchini que je préfère est l'acteur dans les films, où de rôles en rôles il gagne en grâce, en nuances, en subtilité. Dans Alceste à bicyclette, face à Lambert Wilson, son texte lui fait dire : "c'est dans les petites choses que l'on voit les grands acteurs." Grâce à l'intelligence de son jeu, les petites choses prennent du relief, de la présence, ou de l'émotion.
Le talent de Fabrice Luchini devient de plus en plus grand, la maturité sied bien à l'acteur, il a embelli, et c'est dommage qu'il se croie encore obligé de se donner en spectacle sur les plateaux télé pour assurer la promotion de ses films. Maintenant, il n'en a plus besoin, ses films parlent pour lui, en bien, en sa faveur.
Rédigé par : Camille | 15 septembre 2014 à 21:15
A trop en faire, il va finir par lasser et c'est bien dommage car quel talent et quelle truculence !
Rédigé par : Jabiru | 15 septembre 2014 à 18:20
«…J'ai appris, par le blog de Jean-Marc Morandini, que Fabrice Luchini ne participerait plus à l'émission C à vous…»
Pas de panique : en 2013 il avait pris la même décision :
http://www.ozap.com/actu/fabrice-luchini-tacle-c-a-vous-je-n-irai-plus-jamais-dans-cette-emission/455191
De jeûne ou d’eau claire, rom erre...
Rédigé par : sbriglia | 15 septembre 2014 à 14:06
Bonjour Philippe Bilger,
"Avant mon parti pris sur Europe 1, j'ai appris, par le blog de Jean-Marc Morandini, que Fabrice Luchini ne participerait plus à l'émission C à vous, à la suite d'un montage qui ne l'aurait montré que dans ses moments outranciers."
Le problème c'est que "ses moments outranciers" constituent la quasi totalité de ses interventions quand il est invité sur un plateau télé.
C'est à lui qu'il appartient de corriger son comportement fait d'emphase et de gesticulations lorsqu'il se trouve devant les caméras.
Il est comédien, il sait donc qu'il n'y a rien de pire dans l'expression que la volubilité.
Rédigé par : Achille | 15 septembre 2014 à 12:58
"Ce boulanger singulier qui pétrit sa pâte comme le corps d'une femme s'acharne à la fois à faire ressembler le réel à la littérature mais à l'en détourner autant qu'il peut."
La métaphore est-elle filée jusqu'au point de faire gonfler la pâte ? Comme vous ne nous dites rien de la chute, il ne reste plus qu'à aller voir le film.
S'il est vrai qu'il est parfois un peu trop sucré, Fabrice Luchini a cependant raison de ne plus paraître dans les émissions qui ne le respectent pas.
Rédigé par : Catherine JACOB | 15 septembre 2014 à 11:50
Très intéressant billet ! Du style et du fond, du fond et de la forme, un sujet et un acteur, un acteur et une présence…
Je n'ai pas vu ce film dont vous parlez si bien ! Le titre est parfaitement repoussant.
J’aime Luchini depuis Rohmer…
Mais je n’aime pas, ô sacrilège, Flaubert ! Quel est ce mystère qui m’échappe ? Le même sans doute qui se trouve dans les premier vers de Salammbô.
Enfin, tout est tellement prévisible dans ce roman, c’est pire que tout ! Certes, pas pire que les œuvres burlesques de Picasso ou le trivial compte rendu de M. Proust, dont les personnages odieux plaisent tant.
Je sais qu’il est interdit d’exprimer de telles opinions, mais tant pis, je n’aime pas Proust, un imposteur comme Picasso l’autre imposteur…
Par contre, je dois dire que je suis toujours captivé par cet acteur étrangement différent qu’est Luchini !
Qu’est-ce qui est captivant chez lui ? Il me semble qu’étant cabot au dernier degré il existe chez lui une chose remarquable, qui hésite entre la naïveté et la surprise, entre la foi et le jeu, entre l’amour et l’indifférence, entre l’assurance et la peur d’être congédié… Il sait si bien qui ces gens instables sont, des insatisfaits, médiocres, méchants, voyeurs, qui viennent le voir, et ceux-là même savent qu’il sait !
Rédigé par : duvent | 15 septembre 2014 à 11:43