Nous avons perdu par bêtise politique, a déclaré Bruno Le Roux.
Il suffisait d'entendre le discours précipité et autosatisfait du Premier ministre - "battu mais content", selon Libération - et la harangue de Jean-Christophe Cambadélis oscillant entre sectarisme et langue de bois, pour se persuader de la justesse de cette appréciation.
La droite victorieuse et Sarkozy conforté, pour Le Monde.
De 2004 à 2012, toutes les élections, avec Nicolas Sarkozy, ont été des défaites pour son camp. Depuis l'élection de François Hollande, les élections municipales, sénatoriales et départementales ont vu, à chaque fois, sombrer la gauche.
Il convient non pas de relativiser la victoire de l'UMP-UDI mais de rappeler que mécaniquement le pouvoir a en quelque sorte toujours tort, tant il est condamné à décevoir même avec les meilleures intentions du monde, parce que la réalité et le présent sont ses pires ennemis. C'est quasiment automatique.
Force est tout de même de considérer que le président de la République et le Premier ministre ont constitué cet inévitable déclin en fiasco exceptionnel. Leur responsabilité est entière et d'abord celle d'avoir permis à leurs opposants républicains, comme aime les nommer Manuel Valls, d'avoir pu compter sur la seule déconfiture et médiocrité du pouvoir pour l'emporter et s'épargner ainsi la charge de réfléchir et de proposer véritablement.
Il était plus qu'évident - et je ne le tire pas d'une lucidité de l'instant - que Nicolas Sarkozy, en prenant le risque de se faire élire président de l'UMP, bénéficierait d'un avantage peut-être décisif par rapport à ses rivaux de la primaire 2016. Ceux-ci ont eu beau s'évertuer à rappeler que la victoire des départementales est collective, le succès de tous et, Alain Juppé, invoquer que l'alliance de l'UMP avec l'UDI a validé sa volonté d'union élargie, il n'en reste pas moins que c'est le visible, l'ostensible, l'apparent rassembleur Sarkozy qui se trouve crédité de l'essentiel. Ses concurrents vont avoir du mal à remonter la pente.
Je continue à penser qu'il serait dramatique pour la droite et le centre d'être si peu inventifs qu'ils pourraient se répéter en remettant en lice Nicolas Sarkozy. Celui-ci en serait quitte avec la réaffirmation de promesses restées lettres mortes durant son quinquennat. Avec, il est vrai, la certitude d'une victoire en 2017 face à Marine Le Pen.
Pour François Hollande, qui a répondu si mal à tant d'attentes contrastées, coincé entre le Front de gauche et les Frondeurs d'un côté et de l'autre une extrême droite qui ne va cesser d'aiguillonner la droite, son habileté madrée et ses combinaisons tactiques et opportunistes seront sans doute impuissantes à redorer un blason qu'une expérience de trois ans a déjà profondément terni.
Le Front national n'a conquis aucun département mais son maillage local et territorial s'est fortement accru et au mois de décembre 2015, les élections régionales, avec leur scrutin, lui seront davantage favorables. Pour empêcher qu'il progresse encore - le peuple oublié, avec ses misères, son angoisse, le chômage et l'insécurité continue à être délaissé par la gauche, plus soucieuse de la pureté de ses dogmes que d'un empirisme efficace -, la représentation proportionnelle serait paradoxalement la meilleure solution.
A l'extérieur, le FN jouit d'un statut officiel et de l'aura d'une structure protestataire rassemblant dans le désordre sous un pavillon composite. A l'Assemblée nationale, la banalisation s'opérerait et on pourrait espérer que des débats et de la confrontation, surgirait un groupe plus mûr, plus responsable. Les simplismes et les provocations céderaient la place à l'argumentation et le FN devrait changer ou perdre tout crédit.
Face à "la bêtise politique" dénoncée par le président du groupe socialiste, je voudrais faire appel à l'intelligence. L'Isère est tombée dans l'escarcelle de la droite mais le canton de Tullins est resté fidèle à André Vallini. Celui-ci ne sera vraisemblablement jamais garde des Sceaux, tant Nicolas Sarkozy et François Hollande s'accordent absurdement sur ce constat que la compétence et l'équilibre d'un ministre ne sont pas prioritaires. Mais seulement son sexe et son caractère symbolique ou non.
Et c'est dommage pour ce poste prestigieux.
André Vallini a expliqué la défaite de la gauche par la nationalisation du scrutin et son manque d'unité. Sur le premier point, comment vouloir qu'un pouvoir qui erre ne fasse pas de chaque échéance locale ou régionale un jugement global pour ou contre lui ?
Il a évoqué la campagne extrêmement difficile, éprouvante, épuisante qu'il a dû mener et en a tiré cette conclusion qui devrait profiter à tous, gauche, droite et FN confondus. "Le peuple aime qu'on le prenne au sérieux. Quand on ne se défile pas, quand on prend la peine de s'adresser à l'intelligence des citoyens, cela finit par payer".
L'intelligence comme remède en politique ! C'est tellement vrai mais on en est si loin.
Une anecdote dérisoire rapportée par lepoint.fr. Mais si révélatrice.
Le président de la République s'est rendu avec Julie Gayet à la fête d'anniversaire de Julien Dray. Il a offert à celui-ci comme cadeau une bouteille sortie des caves de l'Elysée. Qu'on songe à Charles de Gaulle payant ses factures personnelles d'électricité et les goûters de ses petits-enfants ! François Hollande, lui, n'a même pas eu conscience, parce que c'est si peu, si normal, si évident, de détourner quelque chose qui ne lui appartient pas, une bouteille, un minuscule fragment de notre République commune.
Aussi sommaire qu'on puisse me juger, il y a dans ce don indu la preuve qu'à tous les niveaux, de la morale publique élémentaire à la déroute du 29 mars, la gauche ne sait plus qui elle est, ce qui l'oblige et ce qu'elle devrait.
Non seulement elle a perdu mais s'est perdue.
Les commentaires récents