En même temps, le président n'a jamais été plus à la peine - pour preuve récente, ce sondage de l'IFOP ne le qualifiant pas pour le second tour de l'élection présidentielle quel que soit le candidat de LR face à lui au premier - et l'artiste plus en forme.
Il me semble que les médias, dans leur analyse, focalisent trop sur le premier alors que le second est en piste depuis plusieurs mois.
Qu'il soit le candidat socialiste en 2017, qu'il ait été résolu à l'être dès que, paradoxalement, les premières déceptions ont affecté son camp, est une évidence. Mais, là où il y a de l'art, tout de manipulation et de persuasion, c'est dans la manière inimitable dont il a introduit sans cesse, au sein de l'exercice du pouvoir, une posture équivoque visant à faire oublier qu'il l'avait conquis en 2012 et qu'il aspirait à en reprendre possession en 2017.
Derrière cette confusion distillée de main de maître, il y a ce qu'il était facile de relever dès les premiers mois du quinquennat : une incroyable propension au commentaire talentueux sur une action qu'il nous annonçait sans qu'elle vînt véritablement.
Nous sommes revenus dans ce registre où avec une finesse largement favorisée par l'écoute médiatique bienveillante il commente maintenant ce qu'il aurait accompli en proposant l'essentiel d'un bilan et en n'hésitant pas à s'inscrire dans la lignée écrasante pour lui d'un Georges Pompidou et de sa politique industrielle (Le Monde).
Sans tomber dans la caricature, force est de considérer que l'action proprement dite a été de peu de poids jusqu'à maintenant et que cela semble être une tendance profonde de ce quinquennat, y compris au niveau des ministres, que d'avoir confondu le volontarisme du verbe avec l'efficacité de la pratique. François Hollande, avec cette impressionnante et subtile politique du commentaire, tente de désarmer les critiques de son camp ou de l'autre en les formulant comme il lui plaît et en s'efforçant de faire accroire qu'il nous présente le commentaire toujours brillant d'une politique effective.
Alors que de plus en plus on cherche le texte auquel le commentaire prétendrait s'appliquer.
François Hollande est un artiste qui, aujourd'hui avec maestria sans qu'on puisse garantir le succès présidentiel, demain, de son entreprise, comme il y a du théâtre dans le théâtre, a exploité les virtualités, les promesses, les engagements, les reniements, les échecs pour qu'ils ne viennent pas accabler la responsabilité du président mais ajouter à la lucidité du candidat. Ce dernier n'a jamais quitté le sillage du président et cherche à faire bénéficier celui-ci des hypocrites hésitations de son alter ego en train de piaffer.
Comme il a su magnifiquement "balader" plus les médias que les citoyens avec sa chronique sur le chômage et sa prétendue incertitude sur sa décision de se représenter ou non !
Le comble est qu'il a été pris continuellement au sérieux comme s'il n'effectuait pas des variations éblouissantes sur un thème présidentiel rebattu : celui du devoir et d'une ambition prête à tirer les leçons de résultats insuffisants. Alors qu'on sait bien que pour toute conquête du pouvoir, une première ou une seconde fois, il est essentiel d'occulter ce qui est évidemment au premier plan : l'envie, coûte que coûte, de s'estimer le meilleur et de s'arranger avec le réel pour qu'il s'ajuste à des appétences qu'un quinquennat médiocre n'aura pas stérilisées mais amplifiées (Le Figaro).
Lors du dîner que le président de la République a eu avec la presse le 27 juillet, il a été au comble de sa virtuosité en affichant "comme condition de sa candidature", " une baisse, tout au long de l'année 2016, crédible, longue et répétée du chômage". Je vois, dans cette feinte, un double avantage.
D'abord celui de n'être jamais mis brutalement face à ce constat que le chômage baisse partout sauf en France et que probablement les statistiques de notre pays sur ce plan sont fallacieuses. François Hollande n'est ainsi jamais acculé à se défendre sur la nature même de son action et de sa validité, mais sur les modalités trop lentes de celle-ci dont le principe demeure épargné.
Ensuite, et surtout, paraissant reconnaître - même s'il voit en rêve des embellies ! - ce qu'il lui est impossible de contester : le chômage est une plaie sociale qu'il guérit mal, il se prémunit contre les attaques de ses adversaires de gauche et d'extrême gauche. Comment tirer encore davantage sur un président déjà si conscient de ses limites et apparemment prêt à laisser sa place !
Ce qui globalement aide à cette comédie est l'atmosphère dans laquelle les rivalités et les oppositions s'expriment. Alors que François Hollande est pris par une agitation et un mouvement qui n'ont rien à envier à ceux de son prédécesseur qu'il blâmait pourtant à juste titre pour cela - le président est même venu il y a quelques jours couronner de sa présence une importante saisie de drogue -, l'implication de plus en plus maladroite et parfois peu honorable de Nicolas Sarkozy comme chef de l'opposition, en particulier dans ses prestations à l'étranger, renforce François Hollande au lieu de l'affaiblir. On ne peut pas lui arracher brutalement son masque puisque, de l'autre côté, on ne brille pas sur le plan d'une argumentation contradictoire, vigoureuse mais démocratique.
Apparemment le président - l'artiste en piste et le chef de l'Etat à la peine - doit suivre avec inquiétude le succès confirmé d'Alain Juppé dans les sondages, avec l'apport substantiel de voix de gauche.
S'il ne s'agissait pas du destin de la France, on pourrait presque éprouver une curiosité plus esthétique que civique pour la suite.
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