L'amour des enfants est-il incompatible avec l'autorité, l'affection avec l'éducation ?
Ces questions, qui devraient appeler une réponse négative, aujourd'hui ne sont plus provocatrices.
Une école maternelle, près de Melun, a été saccagée par un groupe de 22 tout jeunes enfants, âgés de 5 à 13 ans (TF1).
Une autre a subi une dévastation de moindre importance, de la part de gamins.
Un cimetière chrétien a été dégradé, profané par des mineurs se revendiquant du gothique.
Sans avoir besoin de faire une étude exhaustive de cette implication de plus en plus forte d'enfants dans ces destructions apparemment incompréhensibles, il est clair qu'elles se multiplient et interpellent une société qui n'a que trop tendance à chercher dans leur minorité la cause de ces transgressions.
On pourra évidemment invoquer les vacances, l'ennui, les bandes, cette propension à souiller et à mettre en pièces les affaires des "grands", des adultes. Mais, tout de même, le mystère de ces comportements erratiques, de plus en plus précoces, ne serait pas levé.
Il me semble que qualifier cette génération de "zombie" ou imputer à ces jeunes enfants une méconnaissance ou une indifférence à l'égard du sacré ne serait pas une explication opératoire dans la mesure où elle oublierait qu'eux-mêmes ne sont pas autonomes et que, s'ils sont livrés à eux-mêmes, c'est le plus souvent à cause de l'incurie et de l'irresponsabilité des parents (Le Figaro Vox).
Qui, au-delà de leur médiocre ou nul investissement éducatif, représentent la pointe extrême d'un délitement général qui célèbre l'enfant-roi, éprouve de la compassion pour le mineur délinquant, pourfend la fermeté dans la vie familiale et se persuade que le courage est de savoir dire oui à tout mais qu'il est rétrograde d'oser le non.
Ce n'est pas la peine de se pencher sur cette enfance qui nous surprend parce qu'ayant négligé nos devoirs, elle nous semble échapper à l'épure sur laquelle on continuait de fantasmer alors que la réalité avait changé du tout au tout.
Pourquoi ces tout jeunes enfants seraient-ils demeurés à l'abri de ce que nous, adultes, nous ne cessons de diffuser et de vanter par tous les moyens de communication possibles et imaginables ? Pourquoi, au prétexte qu'ils seraient âgés de 5 à 13 ans, auraient-ils été préservés, même si l'imprégnation a été diffuse, mécanique et quasiment inconsciente, de la bêtise, de la dérision, des rires gras, des actes vulgaires et délibérément offensants, du mépris pour les éducateurs, du culte d'un nihilisme puéril, copie ludique du nôtre prétendument digne d'intérêt ?
Les parents ont les enfants qu'ils méritent.
Même si je ne surestime pas les sanctions qui incrimineraient exclusivement l'insouciance et l'incurie des adultes ayant laissé leur progéniture, faute à la fois d'amour et de vigilance, s'ébattre librement et honteusement, je ne vois pas d'autre solution pratique pour tenter de remédier à une situation qui, se développant, va nous rendre de plus en plus perplexes et effarés face à des dérives dont nous nous laverons les mains et l'esprit.
Qu'on ne vienne pas justifier l'abandon des responsabilités par la misère, la désunion, une sorte de fatalisme. Rien, jamais, ne contraint des éducateurs à l'impuissance.
Les parents mis en cause ne manqueront pas de dérouler ce discours obligé. Ce n'est pas notre faute, ce sont les copains, c'est l'école, les professeurs sont trop sévères ou trop indulgents, la justice a été trop dure, on n'a pas assez d'argent, la société est coupable, l'Etat ne fait rien pour nous... Et ainsi de suite.
Je persiste.
Si, en France, ici ou là, de plus en plus gravement, il n'y a plus d'enfants, c'est qu'il n'y a plus de parents, d'adultes !
Quand un minot de 5 ans se retrouve dans une bande de vandales, ce n'est pas parce que les parents auraient trop regardé Le Petit Journal...
C'est parce qu'il n'a pas de parents.
Rédigé par : Alex paulista | 06 août 2015 à 16:32
Anecdote lue dans "Le sacrifice interdit" de Marie Balmary : à l'issue d'une conférence sur son œuvre, au cours de laquelle les conférenciers successifs n'avaient pas tari d'éloges à son endroit, Jacques Lacan, après les avoir remerciés, leur dit "le manque me manque".
Il signifiait par là, au-delà de la satisfaction de celui qui a fait école et qui goûte les fruits de ses efforts, un sentiment d'insatisfaction devant l'unanimité, de malaise devant un accord trop unanime, de risque devant une absence d'opposition...
N'est-ce pas le manque qui manque dans l'éducation qu'on donne à nos enfants ?
Ils sont bien souvent traités par leurs parents comme Lacan par ses disciples, mais ils n'ont pas sa lucidité...
En les traitant trop comme des rois, en ne sachant par leur dire "non", nous leur volons leur enfance, nous leur rendons un très mauvais service.
Rédigé par : Denis Monod-Broca | 06 août 2015 à 15:15
J'ai un ami policier qui me racontait que régulièrement il récupérait des gamins d'environ dix ans qui zonaient dans la rue à minuit lors de ses maraudes.
Le plus fou là-dedans est qu'il n'était pas si rare de voir que les parents ne se dérangeaient même pas pour les récupérer.
Je ne dis pas que ceci explique cela bien sûr, je voulais plutôt en arriver à la suite qui elle explique des tas de choses.
L'anecdote se situait à l'époque où on faisait la une de certains maires qui prenaient des arrêtés pour que la police municipale puisse récupérer ces enfants.
Et j'ai encore l'écho dans mes oreilles de quelques pseudo-intellectuels qui n'avaient pas honte de comparer une mesure de protection de l'enfance avec le temps où la Gestapo œuvrait joyeusement dans nos campagnes.
C'est peut-être là qu'est le problème. Une société où tout le monde est soi-disant une victime de quelque chose et donc autorisé à se déresponsabiliser.
C'est vrai, on a les enfants que l'on mérite.
Rédigé par : Fredo | 06 août 2015 à 14:34
Un billet superbe sur l'éducation parentale auquel je n'ai rien à ajouter tant les derniers faits divers interpellent.
"Les parents ont les enfants qu'ils méritent". A quelques exceptions près, c'est exact... et parfois ce sont ces parents-copains qu'on a envie de rééduquer.
Notre société est bien malade.
Rédigé par : Michelle D-LEROY | 06 août 2015 à 13:14
"A qui veut régénérer une société en décadence, on prescrit avec raison, de la ramener à ses origines." Léon XIII, Rerum Novarum
Rédigé par : Roland | 06 août 2015 à 12:34
vamonos a écrit :
"Combien d'enfants ont téléphoné à la police après avoir été grondés par leurs parents au motif que le harcèlement parental est inadmissible ?"
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D'où tenez-vous cette fable sans aucun fondement statistique ? Certainement pas de responsables de la police nationale ou de la gendarmerie.
Ce que l'on remarque en revanche côté brigade des mineurs et justice, c'est une corrélation entre des maltraitances multiformes (physiques, psychologiques etc.) infligées à enfants et une délinquance juvénile de plus en plus précoce et violente.
Rédigé par : Mary Preud'homme | 06 août 2015 à 11:50
Cette délinquance juvénile ne peut s'analyser à l'emporte-pièce, de façon réactionnelle, au coup par coup. La société fabrique de la violence, est elle-même violente : pas d'emploi, pas d'avenir pour de nombreux jeunes de surcroît obligés d'abandonner leurs études, y compris des jeunes issus de classes non complètement défavorisées, désespérance, exhibition de biens mal acquis, violence sur les consoles de jeux, à la TV, au cinéma etc. Les parents ont certes une responsabilité, certains sont sincèrement dépassés parce que le quartier (banlieue ou bourgeoisie) a happé leurs enfants dans son système de valeurs égoïste et cynique ; d'autres parents sont complices voire instrumentalisent leurs enfants car ils n'adhèrent pas aux valeurs de la société au sein de laquelle ils vivent plus ou moins bien. Les parents qui en contrepartie tentent d'élever les leurs dans des valeurs positives, de respect notamment, craignent d'offrir de futures victimes aux cyniques puissants qui affichent leur arrogance sans que personne ne soit capable de les contrer. La société s'est désengagée par manque de moyens ou par des moyens mal utilisés. Ces jeunes violents, destructeurs nous envoient un message, saurons-nous l'entendre ? Mais il faut souhaiter que ceux qui politiquement essayent d'instrumentaliser ce phénomène pour faire avancer leurs idées/leur clan soient un jour mis en face de leurs responsabilités. Car quand ils accèdent au pouvoir ils ne sont guère meilleurs dans la prise en charge de ces tensions, de ces fractures, et le phénomène n'a fait que s'amplifier entre-temps. La société n'a que les parents qu'elle mérite.
Rédigé par : JLM | 06 août 2015 à 11:50
Le pourquoi, c'est la démission de plus en plus de parents qui considèrent que c'est à la société au sens large de prendre en charge leur progéniture. Ils fabriquent des gosses, touchent les allocs qui financent leur plaisirs et vogue la galère ! J'ai connu une époque où au moindre dérapage on se faisait botter les fesses et où l'éducation n'était pas un gros mot. Un seul remède, un stage musclé de remise aux normes pour les enfants délinquants par des éducateurs spécialisés et la suppression des allocs aux parents défaillants. J'allais proposer la réouverture des maisons de correction mais je vais m'attirer des remarques désagréables alors j'hésite... encore que pourquoi pas !
Rédigé par : Jabiru | 06 août 2015 à 11:48
L'enfant est aussi un petit animal qu'il convient d'éduquer, ceci n'a rien de péjoratif ni d'inhumain. D'ailleurs, l'humanité est la seule espèce qui conjugue le cannibalisme et la grâce divine, n'est-ce pas, cher Descartes ?
Il y a beaucoup d'enfants et adolescents magnifiques, dévoués, fiers de leurs convictions, aptes à défendre leur liberté et conquérir leur place quelle que soit la société, même soviétique française.
Et puis, il y a le reste, la masse indistincte, le fruit de soixante ans de politique moche et lâche qui a eu raison, en son temps, même du Général. Il y a l'uniformisation, voulue par les serviteurs de Staline, encore présents, sans rouge au front, dont émergent de temps en temps des voyous qui guignent sur les lèvres de leurs grands pervers adultes des raisons de se manifester au nom de rien du tout, juste pour la joie sale de salir ce que les salops leur ont léguée. Les parents de ceux-ci sont déjà sortis de ce moule et c'est ainsi que selon le célèbre apologue de Platon s'installe la dictature.
Rédigé par : genau | 06 août 2015 à 11:30
Nous avons eu entre les mains un dessin de fillette qui montrait un cahier avec des zéros à un homme assis dans un canapé devant la télé, avec une bulle (écrite de la main de la fillette) "pousse-toi de devant la télé" ! Dessin fait sur un cahier de récitations...
Personne n'a réagi ni chez les assistantes sociales ni à l'école parce que soi-disant la mère était dérangée (aux dires du père). Mais c'est la mère qui avait précieusement gardé le cahier et la suite lui a donné raison.
Nous avons assisté ces jours au spectacle d'un enfant-clown dont les adultes se rengorgeaient des exploits.
Gifles et douches froides ne sont pas des méthodes d'éducation et font partie d'un comportement de maltraitance. Certains les pensent indispen-
sables pour asseoir leur autorité.
Un enfant n'appartient à personne. Il est un adulte en devenir.
Sinon, concernant les devoirs de vacances (sur cahiers y consacrés) j'ai pu relever que concernant le sujet du verbe, la question se pose ainsi : "c'est qui ?" en lieu et place de : qui est-ce qui fait l'action. Mais bon, on ne va pas chipoter sur les nouvelles facilités de compréhension.
Fernand Raynaud, qui par ailleurs parlait un français impeccable, avec son perroquet-plombier doit avoir quelques remous.
Rédigé par : calamity jane | 06 août 2015 à 10:55
Peut-on rappeler ? :
"Et Pilate, voyant qu'il ne gagnait rien, mais que plutôt il s'élevait un tumulte, prit de l'eau et se lava les mains devant la foule, disant : Je suis innocent du sang de ce juste ; vous, vous y aviserez."
Rédigé par : Roland | 06 août 2015 à 10:15
Et si les enfants étaient en train de prendre le pouvoir ? Non, vraiment vous n'y croyez pas ?
Combien d'enfants ont téléphoné à la police après avoir été grondés par leurs parents au motif que le harcèlement parental est inadmissible ? Combien de "jeunes" de 25 ans vivent encore chez leurs parents, vident le réfrigérateur et retournent bien au chaud dans leur chambre pendant que maman est au travail au motif que la crise économique ne leur permet pas d'accéder à l'indépendance financière ? Combien d'enfants ont fait condamner l'homme de la famille pour des sévices imaginaires au motif qu'un enfant ne saurait mentir ?
Rédigé par : vamonos | 06 août 2015 à 09:54
Merci pour cet article.
Oui, comme vous le dites : "Les parents ont les enfants qu'ils méritent."
Rédigé par : bcdn | 06 août 2015 à 09:12