Pourquoi François Bayrou, alors que je songeais à un autre sujet, s’est-il imposé à moi pour ce billet ?
Ce n’est pas à cause de l’université du MoDem qu’il a clôturée par un discours important, comme à chacune de ses interventions (Le Monde, Le Figaro).
Ce n’est pas non plus parce qu’il est l’heureux maire de Pau où il montre que les décisions et l'action ne lui font pas peur.
Ce n’est pas non plus pour le défendre parce qu’il sait très bien le faire lui-même.
Ni parce qu’on abuse à son sujet, comme à l’encontre des politiques de tous bords, de la dérision facile et de la vulgarité du verbe comme si n’importe quel citoyen, en démocratie, avait un droit acquis à l’insulte, au mépris et à l’invective. La République ou l'égalité des offenses.
Je ne peux pas m’empêcher, par exemple, de rappeler une prétendue drôlerie de Laurent Ruquier à ONPC, feignant, pour faire rire par le bas, alors qu’on évoquait Xavier Bertrand, de ne même pas connaître ce dernier. Et, évidemment, ce public robotisé d’applaudir comme il siffle, à la commande ! Je force le trait mais chaque samedi ce sont de minuscules et dérisoires Nuremberg médiatiques où l’infantilisation domine et que les injonctions mobilisent !
François Bayrou n’a jamais été épargné et il le sera de moins en moins jusqu’à la prochaine élection présidentielle. On moquera sa solitude, son passé ministériel et ses ambitions en les prenant pour de la vanité alors que la certitude d’avoir un destin, la passion angoissée de la France, le courage face aux épreuves et aux défaites et un comportement éthiquement irréprochable devraient plus susciter le respect que le sarcasme.
On a l’air d’oublier que François Bayrou, sortant le centrisme de la tiédeur, a été le premier et le seul à dénoncer d’emblée, dès le début du quinquennat de Nicolas Sarkozy, les maux de la dette et du déficit et les scandales surgis d’un état de droit dévoyé, surtout l’arbitrage Borloo-Lagarde-Tapie et, pour résumer la suite par un seul nom, Pierre Estoup.
Le mérite n’a pas été mince d’incarner, et personne ne lui dénie d’avoir eu ce rôle et de continuer à l’assumer, un centre loin des compromis d’avant où, par une mollesse consensuelle, très chrétienne et trop démocrate, on cherchait à attraper, à convaincre un petit bout de chaque citoyen faute de savoir entraîner la société tout entière grâce à un projet novateur.
Je persiste dans une inquiétude me faisant craindre que même François Bayrou ne puisse pas faire du MoDem autre chose qu’un arbitre des élégances démocratiques, un gardien sourcilleux mais inactif de la forme et des modalités de la République. Et non pas un apport capital pour la substance et le fond. Un parti rappelant les règles mais sur la touche.
Peut-être me trompé-je mais il me semble qu’il y a une fatalité, pour le juste milieu, à se retrouver coincé entre l’étau électoral et politique d’un côté et, de l’autre, souvent une clairvoyance intrinsèque.
François Bayrou qui fait preuve d’une constance tranquille résistant aux avanies de toutes origines – les pires ne sont pas celles de ses adversaires naturels – est convaincu qu’il y a une autonomie intellectuelle et politique possible du centre, avec une identité forte et structurée, sans qu’il soit contraint, tel un parasite, d’aller picorer à droite ou à gauche. Aujourd'hui on peut en douter.
Il n’a pourtant jamais varié sur ce plan et son parcours depuis 2007 n’a pas à lui faire honte ni à susciter l’indignation ou, pire, le mépris. Les obtus qui s’enferment à perpétuité dans un camp n’ont pas de leçons à lui donner et il y a des évolutions que l’intelligence inspire quand la bêtise les interdit.
Il a eu raison de voter en faveur de François Hollande parce qu’il ne voulait plus du président Sarkozy pour la France.
Il a raison de dénoncer les trahisons de François Hollande à l’égard de la gauche pure et dure – c’est son problème à elle - mais surtout à l’encontre de la multitude qui l’a fait élire alors qu’elle n’était pas socialiste et qu’il a délibérément manqué l’opportunité, et eu l'honnêteté, de gouverner aussi pour elle.
Il aura raison de s’engager aux côtés d’Alain Juppé si celui-ci gagne la primaire LR et de se présenter à nouveau, dans le cas contraire, en affrontant les doutes et les ironies, à l’élection présidentielle.
Le paradoxe est que très présent depuis des années il n’est pas usé. Il croit en lui. Est-il inconcevable que la France lui donne raison ? François Bayrou et le MoDem, aux antipodes du FN mais qui bénéficie aussi aujourd'hui de son apparent amateurisme, ne pourraient-ils pas donner à la République l'envie d'éprouver ce qu'ils valent au sommet ?
A dire vrai, je me sens une familiarité avec la cohérence des choix de cet homme. Son obstination pour convaincre de celle-ci me renvoie, sur un mode mineur et modeste, à la mienne.
François, un homme amical mais sans démagogie, proche mais avec distance, assuré mais capable d’écouter, à la fois combatif et tolérant, cultivé mais accordé au peuple.
Il n'aurait pas été Sarkozy et ne serait pas devenu Hollande.
Bayrou, une idée neuve pour la France ?
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