Il y a des jours comme cela.
On a publié un billet hier et aujourd'hui on a envie de se détendre parce que Julien Lepers vous amuse à force de se plaindre. On en écrit donc un autre sur ses gémissements de privilégié.
On croit que c'est terminé mais une idée, une citation vous trottent dans la tête. Elles pourraient attendre d'être exploitées, rien ne presse mais on ne sait pourquoi, l'impatience, la tentation de les offrir à son écriture, le bonheur de rompre le fil de posts réguliers, à peu près tous les deux jours, ne vous laissent plus une seconde d'hésitation. Il faut y aller, se lancer.
Parce que même sur un blog, en dépit de la qualité des commentaires qu'on anticipe, qu'on attend et qu'on espère, on écrit d'abord pour soi. Pour vérifier ce que vaudra ce qu'on a dans l'esprit et qui exige de sortir de vous.
En l'occurrence cela part d'un propos de Philippe Sollers qui souligne que "Qui n'a pas ri avec Proust et Céline ne comprendra jamais rien à la littérature" (Le Point).
Cette appréciation qui pourrait apparaître exagérée et presque provocatrice au sujet de ces deux génies de la littérature française prend au contraire un sens lumineux et d'une audace stimulante parce qu'il s'agit précisément d'écrivains qu'on a rarement associés au rire.
Parce que, pour beaucoup, ils sont trop immenses, trop graves, trop pessimistes, trop lucides, trop désespérés, trop intelligents, trop révolutionnaires dans leur genre pour être si peu que ce soit crédités d'humour et de l'aptitude à faire rire. Trop soucieux d'eux et trop sérieux pour se préoccuper de notre gaîté !
Et pourtant!
Alors que, pour ceux qui, comme moi, sont des fanatiques de La Recherche au point de l'avoir considérée comme une frontière décisive dans leur vie, pour les inconditionnels du Voyage qui ne parviennent pas à oublier l'éblouissement allègre et amer de sa découverte et de son style inventant un rythme, des phrases et des images totalement inédits, le rire est une évidence.
Marcel Proust, si on veut bien le dépouiller de son uniforme officiel de géant de nos lettres en se plongeant dans la multitude de ses pages, surprendra le plus rétif, le plus prévenu. Le rire, l'hilarité ne viennent pas par accident, ils surviennent souvent comme l'expression achevée et décapante de scènes mondaines où un univers élégant et raffiné révèle son égoïsme, son indifférence. Je songe notamment à cette personne conviée à une soirée et dont on finit, pour excuser l'absence, par déclarer "qu'elle est morte" et l'hôte de répliquer "qu'on exagère toujours" !
Quant à Céline, sa vision sarcastique de notre destin et les péripéties à la fois absurdes, picaresques et tragiques de Bardamu laissent en permanence entrevoir le rire comme la seule possibilité de se distraire un instant de l'enfer, d'oublier qui nous sommes et ce qui nous attend, inéluctable, au bout de la course.
Chez Marcel Proust, le rire surgit des ridicules et du hiatus entre la pompe d'un monde et sa réalité vraie.
Pour Céline, c'est un masque posé sur le visage de la mort à venir.
Philippe Sollers a au moins partiellement raison.
Qui n'aura pas ri avec ces deux "monstres" comprendra peut-être quelque chose à la littérature mais il lui manquera un élément essentiel, une certitude forte.
La littérature n'est pas ennuyeuse. La fraternité des grands écrivains avec nous est totale, absolue : l'universel qu'ils portent et qu'ils transmettent est souvent mouillé de larmes et d'émotion mais aussi empli de rires. Qu'ils soient éclats ou délicieuses ironies intimes.
Voilà, c'est fait. Je suis libre, libéré.
Au suivant !
Si vous trouvez Proust drôle, venez rire avec des proustiens qui se réunissent deux fois par mois au café de la Mairie, place Saint-Sulpice à Paris, pour "Dînez avec Proust", des dialogues entièrement extraits de "la Recherche", "joués" ou plutôt lus autour d'un boeuf en gelée ou de madeleines roses. On a déjà joué "Un dîner à La Raspelière", "Dîner chez les Guermantes", et le 10 et 23 mars, ce sera "A table à Combray". On s'amuse beaucoup !
https://www.youtube.com/watch?v=lFz-2N9Ajz0
Rédigé par : Laurence Grenier | 25 février 2016 à 14:01
J'ai trop aimé Céline pour m'aventurer dans Proust,
a priori stupide né d'un désir mimétique de rivalité.
Mais à lire René Girard, sa façon d'en décortiquer les trames proustiennes, je sens que je vais céder à l'envie.
Rédigé par : Phil | 24 février 2016 à 20:15
@Noblejoué
Je vous remercie pour vos conseils de lecture et j'en tiendrai compte ; mon projet actuellement : lire et relire Flaubert qui n'était pas peut-être un auteur si moral que cela !
Rédigé par : jlm | 22 février 2016 à 08:59
@ jlm
A mon avis Proust surpasse aussi Céline, tant en psychologie qu'en style... Pas déshonorant, je trouve aussi l'auteur de la Recherche bien au-delà de Balzac, Zola à tous égards. Proust surpasse en style l'auteur de Crime et châtiments, mais les deux sont égaux en psychologie... Pour moi Proust est suprême poète autant que suprême romancier.
Soyons indulgent pour l'homme Céline. A son époque, la plupart des gens n'avaient pas compris qu'il était injuste de croire les Juifs pires que les autres. Dans son roman qui me plaît le plus, Voyage au bout de la nuit, Céline décrit très bien une scène de bouc émissaire ; son héros, le seul civil, manque de peu d'être lynché dans un bateau où il n'y a que des militaires. Céline a perdu de sa pénétration à force de diaboliser les Juifs, se détournant de la vérité entrevue de ce que sont les rapports humains.
Contrairement à d'autres, je ne crois pas non plus que son style se soit amélioré : au niveau de Proust si différent dans Voyage au bout de la nuit, il tombe après. Je crois que c'est par rivalité avec Proust, critiquant et voulant se démarquer de ses phrases qu'il prétend trop longues, il démembre les siennes à l'excès. Voulant surpasser Proust, Céline s'enfonce sous son rival par sa rivalité. Au lieu de s'inspirer de Proust, qui révérait ses prédécesseurs et imita d'autres écrivains avant de trouver son style, progressant, lui a régressé... Triste. Décevant. Effrayant exemple d'involution et non d'évolution.
Si vous ne pouvez goûter au Voyage après cela, reste Proust, reste à découvrir tant d'auteurs sans chercher, si possible, contrairement à la femme de Barbe Bleue, ce qu'il cachent... ou pas, en tout cas ce qui, leur vie, est souvent sans saveur au regard de leur oeuvre voire qui pue carrément... On n'a pas changé le plomb en or mais on a changé la boue d'une vie en oeuvre immortelle dans nombre de cas.
Si vous voulez rire, il y a L'homme-dé, vraiment très bon roman... Le personnage (et l'auteur ? Je ne veux pas le savoir) ne sont pas à imiter mais le bouquin en vaut la peine.
Hum... S'il vous faut absolument des gens moraux, il y a Chesterton avec les enquêtes du père Brown, ensemble de nouvelles où un curé psychologue qui ne manque pas d'humour, mène de brillantes enquêtes, et Le nommé Jeudi dont je préfère ne rien dire pour ne pas le déflorer, et un livre original, des "nouvelles" ou chapitres où tout s'éclaire à la fin, sur des métiers improbables... Je me promets de lire les autres livres de cet auteur, un jour, mais je me suis fait beaucoup de telles promesses, sans m'interdire de lire d'autres livres découverts entre-temps.
Rédigé par : Noblejoué | 21 février 2016 à 20:22
@ Savonarole | 21 février 2016 à 18:09
En même temps Céline a écrit "La rhétorique c’est pour les foules, aux chefs il faut du répondant et le vrai répondant c’est la Banque. Qui ouvre les crédits, mène la danse"
A dire vrai c'est toujours d'actualité. Et pas pour rire ;)
Rédigé par : breizmabro | 21 février 2016 à 19:58
@ Xavier NEBOUT
"La littérature au sens moderne permet de vivre plusieurs vies.
Mais à vivre plusieurs vies, vit-on la sienne ?"
Dans une oeuvre d'Hermann Hesse, je ne sais plus laquelle, le héros, enfant ou adolescent, je ne sais plus, décide de vivre dix vies en voyant la pauvreté de la vie des adultes autour de lui et y parvient en partie si je ne sais plus comment.
Pensez-vous que cette multiplicité ait appauvri ou enrichi sa vie ? Je dirais enrichi. Considérez que la lecture est une vie dans la vie des lecteurs, qui de même, l'enrichit. Cela quel que soit le niveau des lectures et d'ailleurs, pourquoi prendre la littérature avec de telles pincettes, la vie "réelle" n'est pas forcément des plus, comment faudrait-il dire, riche, raffinée, spirituelle ?
Mais j'entends bien votre objection sur la qualité des lectures.
"J’en doute d’autant plus, que les vies fictives prétendues enrichissantes captivent le subconscient par leurs invraisemblances psychologiques ou historiques, et la fascination d’une pauvreté spirituelle abyssale."
Pour la psychologie, les auteurs mis en évidence par René Girard, par exemple Proust qui de plus a un style merveilleux, soit dit en passant, sont bien plus forts que Freud.
Historique ? Dans Quo Vadis, l'auteur accuse Néron d'avoir incendié Rome... Pas sa faute : tous les historiens le pensaient alors (alors qu'il était innocent mais coupable de déplaire aux chrétiens et au Sénat). Souvent, de même, les romanciers ne font que suivre de leur mieux les historiens de leur époque ; comme on lit moins les historiens que les romanciers, on accuse forcément un peu vite ces derniers.
Pour la spiritualité... si vous me disiez ce que vous entendez par là, je pourrais peut-être essayer de vous répondre même si ce domaine me paraît moins sûr que la psychologie et l'Histoire, déjà au niveau de la définition.
Rédigé par : Noblejoué | 21 février 2016 à 18:44
Je lis ici qu'un cancre au fond de la classe près du poêle reproche à Céline son goût de l'argent...
Ce commentaire révèle soudain la nullité de ce plumitif du blog, une inculture crasse, une ignorance encyclopédique et une pseudo-modernité pisse-vinaigre.
Céline est mort fauché, ruiné, chez lui, dans un capharnaüm, entouré de clébards, chat et perroquet, les dernières photos en attestent.
Comme dirait Audiard, quand on n'a rien à dire, on ferme sa gueule...
Rédigé par : Savonarole | 21 février 2016 à 18:09
@ Tipaza
Ni sur le snobisme de Proust, ni sur l'antisémitisme de Céline. Est-ce que ce que les failles, parfois ridicules, parfois odieuses, sur lesquelles les auteurs construisent leur oeuvres, nous viennent à l'esprit quand nous nous émouvons ou rions de leurs personnages ou nous enchantons de leur style ?
Non. En tout cas, pas à moi, sans quoi, mon plaisir pollué, je ne pourrais plus lire. L'oeuvre est le fruit de l'auteur, lui seul est délectable et non le bois ou le terreau qui le porte.
Rédigé par : Noblejoué | 21 février 2016 à 18:09
Louis-Ferdinand ne me fait pas rire mais pleurer, pleurer notamment sur Desnos qui n'a pas pu atteindre le grand âge de cet homme dont les draps sont crasseux comme les crachats qu'il nous jette à la figure dès que l'on ouvre une page de sa nuit hantée par la turpitude qu'il a pourtant vénérée.
Associer Proust, si sage, si raisonnable, si retenu, et cet auteur qui adore l'injure bruyante et les bruits de bottes, me semble simplement impossible, sans doute parce que je choisis l'homme avant l'auteur.
Rédigé par : jlm | 21 février 2016 à 17:44
Ce n'est pourtant pas que je sois un inconditionnel de Sollers, mais cette phrase est pour moi d'une évidence éblouissante.
Ah ! certes, on rit un peu amèrement des calculs digestifs de la Tante Léonie, de la mesquinerie des gens de maison, des marionnettes humaines du Grand Hôtel, du snobisme de Madame Verdurin ou des vieillards tremblotants, "comme juchés sur des échasses" du dernier volume de la Recherche. Le rire est bien, même grinçant, même glauque parfois, la basse continue du récit de Proust.
Quant à Céline, qui peut ne pas éclater de rire à l'évocation des coloniaux assoiffés, des bruits de la nuit africaine, de la violence cocasse des bombardements sur Paris, des péripéties de la montgolfière ou des cabinets bouchés de Sigmaringen ?
Dans un genre un peu similaire, une mention particulière pour Jean Echenoz dont le dernier roman, Envoyée Spéciale, est une suite de cocasseries désopilantes et intelligentes.
Rédigé par : Frank THOMAS | 21 février 2016 à 17:17
Aucun commentaire re le rapport qu'entretenait Céline avec l'argent, une obsession qui a imprégné son travail et l'a rongé toute sa vie !
Rédigé par : eileen | 21 février 2016 à 16:34
@ Tipaza
"Bon voilà un bien sérieux commentaire sur un billet qui parle du rire.
Je n’en dirai pas plus !!"
Si, s'il vous plaît. Des livres théoriques, des romans... sur ce sujet ?
Rédigé par : Noblejoué | 21 février 2016 à 16:13
Je n'ai jamais pu finir "À l'ombre des jeunes filles en fleurs".
Alors que j'ai toujours lu Balzac, Zola ou Flaubert d'une traite, faisant nuit blanche et riant intérieurement à maintes reprises.
Céline, j'ai lu des morceaux, c'est brillant mais je ne me sens pas attiré.
Rédigé par : Alex paulista | 21 février 2016 à 14:48
Rédigé par : Savonarole | 21 février 2016 à 12:57
Une idée tout à fait saugrenue en effet.
A l'époque, je résidais à Meudon où la veuve de Céline (au sourire triste) vivait en recluse route des Gardes. Une discrétion et une volonté de se faire oublier que ceux qui connaissaient son histoire respectaient (quelles que soient leurs opinions). D'autant que l'on savait qu'elle s'était aussi fermement opposée à la réédition des œuvres les plus glauques de LFC.
Rédigé par : Mary Preud'homme | 21 février 2016 à 14:18
@ Tipaza | 21 février 2016 à 10:43
"Puis-je dire que je tiens au « ph » de phantasme ?"
Pourquoi pas si ça en fait partie... :-D
Rédigé par : breizmabro | 21 février 2016 à 13:29
@ Robert Marchenoir
J'ai adoré votre billet du 19.02 à 23h16 sur le sujet de "L'éloquence, mais pour dire quoi ?"
Sans être ni Proust ni Céline (pas Dion, l'autre, l'antisémite qui fait rire ;) je me suis beaucoup amusée.
endervezh vat deoc'h à vous aussi ;-))
Rédigé par : breizmabro | 21 février 2016 à 13:11
Philippe Sollers n'est jamais aussi plaisant que lorsqu'il évoque Céline.
Rabelaisien par nature il ne pouvait qu'admirer l'auteur du Voyage.
Pour son oeuvre personnelle, c'est une autre affaire, Sollers est laborieux. Et son maoïsme passé nous fait sourire lorsqu'il fustige aujourd'hui le stalinisme... Passer d'Al Capone à Landru pour finir par voter Hollande, le tout sans quitter sa table de la Closerie des Lilas, est une performance intellectuelle typiquement française.
Sur "Ferdine" tout a été dit, à noter toutefois une curiosité, dans les années 90 Jack Lang avait voulu classer sa maison à Meudon, un sombre député socialiste s'y est opposé et Jack Lang ne donna pas suite. Ce geste de Lang était tout à fait inattendu, imaginez Hervé Mariton, avec sa voix virile, exiger une telle initiative.
C'est à croire qu'il faut être de gauche pour aimer Céline.
Quant à Proust, il faut le lire avec un canotier vissé sur la tête, entre deux épisodes d'Amour, Gloire et Beauté qui passe en boucle sur France 2.
Rédigé par : Savonarole | 21 février 2016 à 12:57
Votre citation de Sollers est très vraie, elle est péremptoire mais vraie. J'avais commencé de lire la Recherche fort jeune, tombé des mains, trop grave. Une décennie plus tard, je me force, pas mourir idiot. Quel étonnement ! Proust ne me fait pas seulement sourire, il me fait pouffer. A travers cet humour, j'ai compris le mode d'emploi de la phrase proustienne que je n'aurais jamais saisi sans cela, c'était la clé. Cette révélation m'avait décidé, du coup, à tenir un journal de circonstance, le temps de lire Proust.
Rédigé par : Jean-Dominique Reffait | 21 février 2016 à 12:04
La littérature au sens moderne permet de vivre plusieurs vies.
Mais à vivre plusieurs vies, vit-on la sienne ?
J’en doute d’autant plus, que les vies fictives prétendues enrichissantes captivent le subconscient par leurs invraisemblances psychologiques ou historiques, et la fascination d’une pauvreté spirituelle abyssale.
Il en est par contre autrement avec la poésie - la grande - mais l’aurons-nous remarqué, les Victor Hugo se font rares. L’élévation de l’âme contrarie « l’intellectuel ».
Mieux vaut pour eux l’hypnose littéraire vers le néant d’être.
Ceci dit, si on veut vraiment rire, on peut lire du Guy Montagné.
Rédigé par : Xavier NEBOUT | 21 février 2016 à 11:50
@ Tipaza | 21 février 2016 à 10:43
"Le rire implique une spontanéité que seul le visuel du théâtre peut vraiment rendre"
Je ne le crois pas car je connais des personnes (jeunes et moins jeunes) qui ne sont pas tous de doux imbéciles, qui rient en lisant certains livres ou certaines BD, ils/elles ont cette force de concentration qui les font pénétrer dans la scène décrite (avec les BD ce doit être plus facile) que je ne m'explique pas (ceci dit parfois certains commentaires ici, me font rire... sous cape ;-)
Personnellement je suis ce qu'on appelle "un mauvais public" même avec Molière, et pourtant je suis d'un naturel plutôt joyeux.
C'est grave docteur ? comme nous dit Bugs Bunny (ça pour le coup c'est pas du Proust ni du Céline) :-D
Rédigé par : breizmabro | 21 février 2016 à 11:47
@breizmabro | 21 février 2016 à 00:08
«Allons bon, n'aurais-je pas (une fois de plus) tout compris ? Ai-je loupé une page ? Vite, expliquez-moi où on rigole dans ce livre »
Vous pensez bien que je n’ai pas lu « le Nom de la Rose », (comme tout le monde j’ai vu le film) mais j’ai ouï dire que ce livre traitait d’un livre qui était à l’index parce qu’il traitait du rire. Le livre en question étant le dernier tome d’Aristote, qui traitait de la Comédie, et dont la lecture était interdite.
Si j’ai bien compris, parce que l’histoire est aussi hermétiquement chiffrée que les iPhone d’Apple.
Ceci dit un livre qui traite du rire n’est pas nécessairement amusant. Il existe des livres sur le rire qui peuvent être sérieux au point d’être parfaitement ennuyeux.
Je vous invite à visiter « Le Rire » de Bergson, vraiment pas rigolo du tout !
Tout à fait entre nous, il est rare qu’un livre soit vraiment rigolo, pour reprendre votre expression.
Le rire implique une spontanéité que seul le visuel du théâtre peut vraiment rendre.
La lecture des pièces de Molière ne m’a jamais fait rire, alors que l’Avare dans l’interprétation de Louis de Funès, par exemple, est hilarante.
Quant à Proust si le titre de son livre « À l’ombre des jeunes filles en fleurs » m’a fait sourire, et parfois phantasmer *, il ne m’a jamais fait rire.
Mais vous l’aviez compris, le rire n’était pas le sujet de mon commentaire, du moins pas directement.
(*) Puis-je dire que je tiens au « ph » de phantasme ?
Rédigé par : Tipaza | 21 février 2016 à 10:43
Rire et chanter et danser, le style de ces deux-là sont des coupes d'or pour l'éloquence de la joie humaine, sel indispensable de nos vies :
"Victor Hugo dit : « Il faut que l’herbe pousse et que les enfants meurent. » Moi je dis que la loi cruelle de l’art est que les êtres meurent et que nous-mêmes mourions en épuisant toutes les souffrances pour que pousse l’herbe non de l’oubli mais de la vie éternelle, l’herbe drue des œuvres fécondes, sur laquelle les générations viendront faire gaiement, sans souci de ceux qui dorment en dessous, leur « déjeuner sur l’herbe »(Le Temps retrouvé)
La vie est éternelle.
Quant à Céline, voici deux extraits cités par Henri Guillemin...
"...Vous leur servez comme de fronton, à faire rebondir leur connerie - et bla et bla et reblabla - une heure de cette complaisance, vous en avez pour quinze jours à vous remettre..."
"...Le vrai rideau de fer, c'est entre les riches et les miteux, les questions d'idée sont vétilles entre fortunes égales, l'opulent nazi et l'administrateur de Suez y parcourent les mêmes golfs, ils ouvrent la chasse ensemble, ils soupent à Saint-Moritz. Mais nous, là, hâves, pe ailleurs, trimards, mégottiers, revendicateurs, allez, à la niche !"
Oh, la douce et terrible musique !
Dailymotion n'a pas encore censuré ce document d'où j'ai tiré les citations précédentes :
http://www.dailymotion.com/video/xqpvok_louis-ferdinand-celine-defendu-par-guillemin_webcam
Rédigé par : aliocha | 21 février 2016 à 10:16
A la différence de ces deux "monstres" qui se prenaient très au sérieux, Umberto Eco est un plaisantin qui leur impose sa carrure.
Sinon, la littérature étrangère est pleine de chefs-d'oeuvre mais bien sûr lus dans le texte.
Rédigé par : calamity jane | 21 février 2016 à 08:34
Bonjour,
Désormais quand j’aurai un petit coup de cafard, je sais ce qu’il convient de faire. Rien de tel que quelques lignes de Proust ou de Céline pour s’ébaudir.
J’avoue que sur le coup je n’y avais pas pensé, mais avec « A la recherche du temps perdu » je sens que je vais m’esclaffer à chaque chapitre.
Albertine, ma douce, mon aimée, attends-moi, j’arrive !
Rédigé par : Achille | 21 février 2016 à 07:24
Cher Philippe,
Entre rire de la mort et rire des morts il y a tout de même une différence de taille.
Il y a un vertige, pas celle de la liste, un livre qui nous accompagne en ce moment. Et si l'on peut comprendre ce qu'il y a d'affreux dans une liste, il faut reprendre avec Umberto Eco la liste rabelaisienne des couillons pour comprendre.
"Il y a liste et liste" disait Umberto Eco. Les disparus d'une liste vivent souvent plus en symbiose avec les présents que les omniprésents.
La mort des mots nous regarde, vous regarde.
Nous ne pensons pas que la recherche de détachement actuel, cet enlisement dans un temps flottant, cette manipulation de coupure de racines, celles des mots, des humains soient salvateurs comme peut l'être le rire.
Il faut rigoler, il faut rigoler avant que la démocratie nous tombe sur la tête. Il faut aussi réagir, dégager des espaces de pensée.
Sérieusement, Umberto Eco était très moderne dans ses préoccupations des risques du numérique. Il se voulait un gardien de la mémoire, un gardien universel, intemporel. Nous perdons un écrivain mythique et précieux pour la compréhension de cette révolution qui nous laisse avancer seuls dans les méandres de l'oubli total possible de la grandeur des civilisations.
Le savoir est le seul bouclier contre l'obscurantisme et la terreur tandis que le rire n'est qu'une aide passagère pour se reconstruire et créer.
françoise et karell Semtob
Rédigé par : semtob | 21 février 2016 à 01:22
À une incorrigible bavarde qui lui demande de l'accompagner à l'Opéra, je crois, mais je n'en suis pas certain, que c'est le narrateur qui répond : "Avec plaisir Duchesse, je ne vous ai jamais entendue dans Tosca !"...
Souvenir vague, mais encore prégnant, de l'époque où la Marine me permit, pendant mon service militaire, d'ingurgiter "La Recherche" en totalité.
Douze mois...
Rédigé par : sbriglia | 21 février 2016 à 00:38
@ Tipaza | 20 février 2016 à 22:38
"le livre « le Nom de la Rose » traite du rire"
Allons bon, n'aurais-je pas (une fois de plus) tout compris ? Ai-je loupé une page ? Vite, expliquez-moi où on rigole dans ce livre :-(
Rédigé par : breizmabro | 21 février 2016 à 00:08
J'ai soudain comme un coup de tournis, passer de Lepers à Proust et Céline... :-D
Bon weekend (autorisé !)... de commentaires. J'ai hâte d'être à lundi pour les lire.
Rédigé par : breizmabro | 20 février 2016 à 23:29
Trois billets en deux jours !
C'est la fin des 35h pour certains commentateurs !...
Rédigé par : Savonarole | 20 février 2016 à 23:00
Curieux ce billet sur le rire, porté par des auteurs que l’on pourrait penser comme les plus sérieux, au moment où Umberto Eco est mort, lui dont le livre « le Nom de la Rose » traite du rire.
Coïncidence, hasard ?
Un hasard bien curieux, qui a tout l’air d’une coïncidence signifiante auquel Jung donne le nom de Synchronicité.
La synchronicité différant du synchronisme par le caractère signifiant de la coïncidence temporelle entre deux phénomènes.
Pour Jung il s’agit de phénomènes qui sont reliés de façon acausale et qu’il difficile et même impossible d’expliquer rationnellement avec les connaissances scientifiques actuelles.
Le problème n’est pas seulement de nature psychologique mais également scientifique.
Jung fit appel à Wolfang Pauli, prix Nobel de physique, pour essayer de comprendre ce problème de lien acausal reliant des phénomènes entre eux, qui n’apparaît pas seulement en psychologie mais aussi en physique quantique.
Malgré de longues discussions, ils ne purent donner d’explications scientifiques.
Jung finit par conclure que la synchronicité, c’est-à-dire la relation d’ordre acausal entre phénomènes, traduisait l’unité de l’univers.
Bon voilà un bien sérieux commentaire sur un billet qui parle du rire.
Je n’en dirai pas plus !!
Rédigé par : Tipaza | 20 février 2016 à 22:38
"La fraternité des grands écrivains avec nous est totale, absolue : l'universel qu'ils portent et qu'ils transmettent est souvent mouillé de larmes et d'émotion mais aussi empli de rires."
Oui.
Proust écrivait La Recherche, mais quand on le lit, on pourrait dire qu'on trouve tout, le rire aussi, chez lui, porté par la perfection... Pourquoi ne pas le relire et laisser tomber le reste ?
Pourtant, Auto da fé d'Elias Canetti était inattendu (sauf qu'on devine la fin par le titre puis d'autres indices, soyons honnête), risquons plutôt original (mais pas autant que L'Homme-dé), d'une certaine profondeur et drôle.
La curiosité renouvelle la vie, le retour à l'ancien l'enracine au plus profond de ses rêves passés, lire du nouveau relie au monde, et relire, à soi-même.
Rédigé par : Noblejoué | 20 février 2016 à 21:30
Pfff... Là on bascule dans l'exceptionnel, j'attends avec gourmandise les commentaires.
Fabrice Luchini, aura-t-il lu ce billet ? Lui qui respire Céline à pleins poumons.
Je suis impatient.
Rédigé par : Giuseppe | 20 février 2016 à 21:24
« Nous savons que nous allons vers la mort et, face à cette occurrence inéluctable, nous n’avons qu’un instrument, le rire. »
Umberto Eco
La littérature est en deuil, Umberto Eco vient de mourir et je n’ai pas le coeur à rire aujourd'hui, fût-ce avec Proust ou avec Céline.
Rédigé par : Marc GHINSBERG | 20 février 2016 à 21:21