J'admets qu'il y a plus qu'un précipice entre ces deux personnalités.
On vient de consacrer à Dalton Trumbo un film paraît-il réussi que je n'ai pas encore vu. Ce brillant scénariste fut blacklisté en raison de son appartenance au parti communiste et considéré comme un "pion de Moscou" par la Commission des activités anti-américaines (Le Canard enchaîné).
Marion Maréchal-Le Pen, elle, a suscité la polémique en formulant une appréciation jugée par certains iconoclaste, sur l'emploi fréquent du terme "République" (i-Télé, lepoint.fr).
La relation que j'opère ne me semble pas absurde et j'espère pouvoir en démontrer la validité.
Dalton Trumbo, face aux "inquisiteurs du Congrès", avait déclaré : "Il y a des questions auxquelles il ne peut être répondu oui ou non que par un imbécile ou un esclave". Cette réplique est profonde car elle est généralisable à notre modernité qui malheureusement fait s'accorder trop souvent pauvreté du langage et médiocrité de la pensée dans les domaines où la parole publique, sous toutes ses facettes, se déploie.
Avec pour conséquence de ce cumul pour le pire, la disparition de l'intelligent et subtil ET au profit du simpliste et réducteur OU. Le triomphe pervers du OUI ou du NON qui manifeste moins l'aptitude au choix et la volonté de trancher que la tendance à l'exclusion et l'incapacité d'appréhender la complexité d'une idée, l'ambiguïté d'un sentiment, le caractère équivoque d'une position politique ou la richesse à la fois sophistiquée et troublante de multiples situations humaines.
C'est entre le OUI et le NON que l'essentiel réside. Dans cette zone que l'esprit occupe et où l'incertitude, le doute, la nuance, l'adéquation du mot et du concept sont à leur comble.
Où on ne remplit pas mécaniquement un espace parce qu'on n'a rien à dire ou que ce qu'on a à exprimer est si étique que des slogans, des pétitions de principes, des réflexes font aisément l'affaire.
Marion Maréchal-Le Pen, en se revendiquant républicaine contre ceux rares qui rêvent de la restauration de la royauté en France, avait déjà affirmé "ne pas comprendre cette obsession pour la République" (Charles) en soulignant cette évidence pourtant aujourd'hui si provocatrice que la France n'était pas née en 1789 et qu'elle avait eu une histoire avant la révolution.
A ce sujet je ne peux m'empêcher de songer à la saillie de Raymond Radiguet qui se plaignait d'avoir mal à la tête depuis 1789.
Marion Maréchal-Le Pen a renchéri en confessant qu'elle appartenait "à une génération un peu saoulée par les valeurs de la République... qu'on nous sert en permanence et dont on ne sait pas ce qu'elle recouvre, ce qui évite d'aller sur le fond des idées...Je ne confonds pas la Ve République, qui est un régime politique, avec la France..."
Immédiatement la machine à dénigrement s'est mise en branle puisque même un frontiste membre du cabinet de Marine Le Pen a éprouvé le besoin de rappeler - comme un avertissement - que "le lien entre la Nation et la République constitue l'axe central autour duquel s'articule la puissance française".
S'affichant républicaine, Marion Maréchal-Le Pen ne semble pas en désaccord avec cette banalité superbe et rassurante mais il n'empêche qu'on comprend parfaitement ce qu'elle veut signifier quand elle dénonce l'usage abusif du terme "République", qui est du même registre que l'inachevé, l'incomplet OUI ou NON, qui sert à masquer les béances et les vides, à pallier les infirmités et à offrir un cadre solennel et superficiellement démocratique à des inconsistances ou à des poncifs.
Cette manière de colmater les brèches de l'intelligence avec la répétition lancinante de "République" - peut-être moi-même suis-je tombé dans ce travers -, en définitive dégrade l'Histoire et affadit le respect. Elle est foulée aux pieds à force d'être nommée pour rien et à tout coup.
N'étant nostalgique d'aucun autre régime, partageant totalement le trait de Winston Churchill sur sa définition de la démocratie, heureux d'être et de vivre dans cette République française, j'ose cependant confirmer une forme de saturation devant tant de "République" sans cesse invoquées qui n'ont rien à voir les unes avec les autres et qui, paradoxalement, malgré l'unité qu'on espère de ce magnifique et historique concept, divisent plus notre pays qu'elles ne le rassemblent - les grandes fusions républicaines étant toujours suivies par des lendemains qui déchantent.
Qu'y a-t-il de commun entre la République mentionnée par Nicolas Sarkozy et celle des lassants et agités verbeux de la Nuit debout ? Si le nom est le même, le pavillon identique, la substance est radicalement différente.
Rien que cette confusion permanente obligatoire devrait conduire à s'abriter avec parcimonie, avec moins d'élan grégaire, derrière ce mot de République, ce succédané de ce qu'on ne sait plus penser, définir, démontrer et proposer !
Pour la République ? Oui ou non ?
Dalton Trumbo aurait refusé de répondre et l'ivresse légère de Marion Maréchal-Le Pen serait dissipée si la République n'était pas mise à toutes les sauces et bue sans modération.
@aliocha | 05 mai 2016 à 22:16
"Tous les désirs, même à facettes, sont mimétiques, dans le sens où le désir n'est pas propre à soi, mais la copie du désir d'un autre"
Ce n'est pas parce que quelqu'un d'autre a le même désir qu'il est forcément mimétique. On a le droit de ne pas adhérer à la théorie de Girard pour tous les phénomènes de désir, non ?
C'est comme avec Freud... on retrouve cette tendance à ne pas se satisfaire d'une explication mais vouloir absolument tout englober dans une théorie.
C'est ce que protagoras regrettait lui aussi, je crois.
Et sur le "point fixe endogène", certes Jean-Pierre Dupuy (qui est très girardien mais n'est pas tellement économiste au demeurant) l'a formalisé, en le nommant aussi "bootstrapping" en référence au célèbre Baron Munchausen, mais comme je vous le signalais, bien d'autres en ont eu l'intuition bien avant lui, en particulier Alain qui lui a consacré le propos sur la ronde.
Cette entité élargit le concept de mimétisme, et selon Dupuy serait notre seule porte de sortie face à la catastrophe nucléaire, écologique ou nanoparticulaire.
Comme un recours rationnel au sacré quand les intérêts au niveau des individus conduisent mathématiquement à l'apocalypse comme une conséquence directe de la théorie des jeux.
En simplifiant, sacraliser globalement la nature de manière presque obscurantiste et irrationnelle serait la seule manière rationnelle de sauver les individus.
C'est un peu paradoxal mais très logique au fond.
Rédigé par : Alex paulista | 06 mai 2016 à 18:31
"Jean-Pierre Dupuy, économiste ayant intégré la thèse girardienne, est le concepteur du point fixe endogène".
Rédigé par : aliocha | 05 mai 2016 à 09:28
Je sais, c'est lui qui me l'a expliqué personnellement.
Rédigé par : Alex paulista | 06 mai 2016 à 17:03
Tous les désirs, même à facettes, sont mimétiques, dans le sens où le désir n'est pas propre à soi, mais la copie du désir d'un autre, quel que soit ce désir, et quel que soit cet autre, avec qui le conflit, l'émulation, la relation, sont "les étapes permettant de sortir de la réciprocité violente, les trois degrés d'une compétition qui finit par atteindre son but: une métamorphose du désir." (Benoît Chantre, page 137 du lien du post précédent, De la réciprocité à la relation)
https://books.google.fr/books?id=o1u0m9qhvLUC&pg=PA139&lpg=PA139&dq=%22point+fixe+endog%C3%A8ne%22+dupuy&source=bl&ots=E-gMFGP-5j&sig=zA5tck2RzOyZgoDHa_w2fzhtEuo&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiwnbPCqMLMAhWKvhQKHbykCFUQ6AEIMTAC#v=onepage&q=%22point%20fixe%20endog%C3%A8ne%22%20dupuy&f=false
Rédigé par : aliocha | 05 mai 2016 à 22:16
Jean-Pierre Dupuy, économiste ayant intégré la thèse girardienne, est le concepteur du point fixe endogène.
"Plus le marché sera porté aux limites de sa contention des rivalités mimétiques (au point où la foule, devenue panique, peut littéralement exploser), plus le retournement du "point fixe endogène" en "point fixe indivisible de la charité" apparaîtra comme le seul salut possible pour l'humanité." (Benoît Chantre, De la réciprocité à la relation)
Extrait de :
https://books.google.fr/books?id=o1u0m9qhvLUC&pg=PA139&lpg=PA139&dq=%22point+fixe+endog%C3%A8ne%22+dupuy&source=bl&ots=E-gMFGP-5j&sig=zA5tck2RzOyZgoDHa_w2fzhtEuo&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiwnbPCqMLMAhWKvhQKHbykCFUQ6AEIMTAC#v=onepage&q=%22point%20fixe%20endog%C3%A8ne%22%20dupuy&f=false
Rédigé par : aliocha | 05 mai 2016 à 09:28
@aliocha | 03 mai 2016 à 19:25
"C'est comme à la bourse, plus un titre est convoité, plus il est cher (...) On peut donc interpréter le désir oedipien comme une rivalité avec le parent du même sexe"
La bourse c'est un peu différent du simple triangle, car il y a l'intervention du "Marché", qui n'est incarné par personne et tout le monde à la fois, ce que les pédants appellent un "point fixe endogène" en philosophie sociale.
Cela peut être décrit plus simplement par l'image d'Alain qui explique comment, lorsque des filles dansent en ronde, chacune suit en réalité l'ensemble des autres, qui est toutes et aucune d'entre elles.
Je rejoins protagoras quand il déplore que Girard veuille que tous les désirs s'emboîtent dans sa théorie. C'est aussi vain que de vouloir tout expliquer par la névrose comme Freud.
Il y a plusieurs types de désirs, et chaque désir a de multiples facettes.
Probablement le désir mimétique en est un des aspects.
Rédigé par : Alex paulista | 04 mai 2016 à 22:03
@Denis Monod-Broca
Mes excuses de n'avoir pas été clair, le pardon s'adressait à vous car je répondais à votre place à protarogas, qui lui, parle de médium.
Rédigé par : aliocha | 04 mai 2016 à 16:28
@aliocha
Merci de ces rappels mais pardon, je n'ai pas parlé de médium...
Rédigé par : Denis Monod-Broca | 04 mai 2016 à 15:27
@protagoras
Ce que vous décrivez :
"Je retrouve ici un phénomène plusieurs fois constaté : d'authentiques penseurs, sensibles et pertinents, énoncent des vérités, des "sagesses", qu'ils croient devoir ramener à une ou des théories de base, à des "hypothèses du monde" fondatrices, qui sont non nécessaires."
et
"...est extrêmement énervant (une sorte de trahison des clercs)."
...est la philosophie puis la science. L'Occident a inventé et vit selon le mode théorique, j'invente une idée, et une idée bientôt démontrable par l'expérience et quantifiable par le nombre, la science.
La "sagesse" est laissée de côté ou sert de base à des hypothèses sur la nature de l'Homme et du monde.
On peut dire que René Girard a raison ou tort, d'autres aussi... mais ils ne trahissent rien, ils accomplissent le projet occidental.
Pour la paix de l'esprit, la paix sociale ou l'adaptation au monde, la sagesse est plus sûre.
Pour l'édification d'un savoir sûr et instrumental, vrai, faux, tiers exclu, savoir cumulatif, la science est plus adaptée.
Comme le montre François Jullien, les deux ont de l'intérêt et s'éclairent l'une l'autre, en résumé, vive la Chine (notre envers) et vive nous ! Bon, que je vous file au moins une référence :
http://www.seuil.com/livre-9782757833223.htm
Rédigé par : Noblejoué | 04 mai 2016 à 13:42
@Noblejoué | 03 mai 2016 à 20:47
Je connais ce coffret et... il m'a beaucoup plu.
Je retrouve ici un phénomène plusieurs fois constaté : d'authentiques penseurs, sensibles et pertinents, énoncent des vérités, des "sagesses", qu'ils croient devoir ramener à une ou des théories de base, à des "hypothèses du monde" fondatrices, qui sont non nécessaires.
Je citerai un autre exemple qui m'avait frappé ; Guy Debord, qui à mon avis énonce des propos très pertinents sur le "modernisme", à travers ses concepts liés à la "fabrication spectaculaire".
Pourtant, il éprouve le besoin de rattacher ce concept à la théorie du "matérialisme dialectique", sans aucun lien causal perceptible à mes yeux !
Losrque j'ai affaire à de purs pseudo-penseurs chalatanesques, la messe est dite.
Mais dans le cas d'auteurs qui ont réellement perçu quelque chose (et je pense que Girard, via son authentique sensibilité, en fait partie), ce besoin de construction pratiquement nominaliste à partir d'un postulat qui, dès lors, n'est plus susceptible de varier, est extrêmement énervant (une sorte de trahison des clercs).
Rédigé par : protagoras | 04 mai 2016 à 09:40
@ protagoras
Vous qui vous demandez comment la création est possible dans la théorie de Réné Girard pourriez lire son livre avec profit :
http://www.carnetsnord.fr/titre/la-conversion-de-l-art
Par ailleurs, vous devez bien vous rendre compte que la plupart des sociétés n'ont pas été si créatives que ça, ligotées par les interdits destinés à prévenir les violences.
Mais ne vous forcez pas à lire Girard, même le livre que je vous propose, surtout pas ! Je ne sais pas pour vous, mais rien de ce que je fais à contrecoeur ne me profite jamais.
Rédigé par : Noblejoué | 03 mai 2016 à 20:47
Bon, pardon Denis mais...
Un médium, dites-vous, Girard appelle cela un médiateur du désir :
"Et je me souviens : ce qui a déclenché mon idée du désir mimétique (ce désir imité qui n'est jamais vraiment spontané) c'est lorsque j'ai compris que chez Cervantès et chez Dostoïevski, au fond, il y avait la même chose que chez Proust et Stendhal, et parfois sous des formes plus outrées, sous des formes qui avaient un caractère psycho-pathologique.
Par exemple, dans Don Quichotte il y a l'histoire intercalaire du Curieux Impertinent, cet homme qui a épousé une jeune femme à cause de son ami. C'est son ami qui lui a présenté sa femme, qui a joué un rôle d'intermédiaire et très vite, par la suite, il demande à son ami de faire la cour à sa femme pour démontrer, dit-il, la fidélité de sa femme. Bien entendu, au bout de quelque temps après avoir longtemps refusé, l'ami finit par accepter et réussit à séduire l'épouse et le mari se tue... C'est donc une histoire assez sinistre, une histoire triste et qu'on retrouve chez Dostoïevski dans des textes tels que l'Eternel mari... C'est le mari qui est fasciné par l'amant de sa femme et, une fois la femme morte, lorsqu'il veut en épouser une autre, il demande à l'amant de venir faire la connaissance de la nouvelle jeune fille qu'il désire épouser.
Il a besoin en quelque sorte d'une sanction de l'amant de sa femme pour être sûr de bien désirer la femme qu'il doit désirer, et qu'elle est la femme vraiment désirable.
C'est-à-dire qu'il est fasciné par le succès de son rival. Chez Cervantès c'est la même chose.
Alors pourquoi une histoire de ce genre se retrouverait-elle dans une oeuvre comme Don Quichotte ? Eh bien le lien, c'est que le désir de Don Quichotte n'est jamais vraiment spontané, Don Quichotte se précipite sur les moulins à vent parce qu'il pense qu'Amadis de Gaule à sa place aurait fait la même chose, donc il imite le désir d'un autre qui, dans ce cas-là, n'est pas un rival puisqu'il n'existe pas, mais un modèle de désir .
J'ai distingué à ce moment-là deux types de désirs mimétiques : le désir sans rival parce qu'il n'y a pas de contact entre le modèle et l'imitateur, et le désir qui suscite la rivalité parce qu'il est directement empreint de l'objet du rival, désir de l'objet du rival, désir de la même femme, désir du même territoire, désir de la même nourriture, désir des mêmes objets, n'est-ce pas ?
MLM : Donc, là où d'autres étudient la différence, vous, vous avez trouvé un schème commun, vous avez trouvé la similitude, le désir.
R.G. : Ce qui m'a frappé aussi tout de suite c'est le fait que chez Julien Sorel, dans Stendhal, Napoléon joue un rôle très semblable à celui d'Amadis de Gaule, le modèle de chevalerie pour Don Quichotte.
MLM : Vous retrouvez justement dans les différentes oeuvres littéraires que vous avez étudiées le schème du désir mimétique, de l'objet de désir qui est pris et qui est déchiré entre les deux rivaux. Ils s'opposent, pourtant ils sont les mêmes. Le désir mimétique transgresse les différences et les frontières trop strictes entre les individus, vous découvrez alors que la frontière entre le moi et l'autre n'est pas très nette.
R.G. : Elle n'est pas très nette dans la mesure où le désir mimétique, c'est un schème dynamique c'est ça qui est très important. Autrement dit, lorsqu'on désire l'objet de son modèle peut-être le modèle ne désirait-il pas lui-même cet objet de façon très intense mais lorsqu'il voit qu'il est imité, il a tendance à devenir l'imitateur de son imitateur, par conséquent les rôles d'imitateur et de modèle tendent à se redoubler et on a une forme symétrique, on a la création d'une espèce de machine infernale qui est une escalade du désir qui fait que plus l'un désire, plus l'autre l'empêchera de s'emparer de l'objet que lui-même désire en même temps et vice versa. Des deux côtés le désir grandira à cause du désir de l'autre. C'est-à-dire que la valeur de l'objet va augmenter sans cesse. Et des deux côtés on cherchera à interpréter ce conflit en termes de différences : je diffère de l'autre, je n'ai pas les mêmes idées, nous ne sommes pas d'accord, etc. Alors qu'au contraire nous sommes trop d'accord. Et le désir mimétique est toujours ressemblance, identité, perte de différences. Et c'est un principe de conflit qui a quelque chose d'irréductible précisément parce qu'il ne peut pas s’interpréter en termes intellectuels."
Extrait de :
http://home.nordnet.fr/~jpkornobis/Textes/frontiere1.htm
C'est comme à la bourse, plus un titre est convoité, plus il est cher, comme dans la cour de l'école, tant qu'un jouet n’intéresse pas un enfant, les autres le délaisse, et le modèle dont on imite le désir, devient un obstacle :
http://www.rene-girard.fr/57_p_44427/le-desir-triangulaire.html
http://www.rene-girard.fr/57_p_44428/le-desir-et-la-rivalite-mimetiques.html
On peut donc interpréter le désir oedipien comme une rivalité avec le parent du même sexe.
Rédigé par : aliocha | 03 mai 2016 à 19:25
@ protagoras
Eh bien pour moi René Girard fait partie de ces penseurs qui nourrissent, éveillent, libèrent, ouvrent les yeux, font comprendre...
Le traiter de gourou est une façon rapide et simple de le déconsidérer et de nier le bien-fondé de son hypothèse, mais c'est parfaitement farfelu.
Rédigé par : Denis Monod-Broca | 03 mai 2016 à 18:59
@Denis Monod-Broca | 03 mai 2016 à 13:03
"...car vous êtes un incurable romantique, sûr de sa pleine et entière autonomie de jugement..."
Point faux, mais également un incurable scientifique (mais pas que) et un incurable travailleur.
L'autonomie de jugement ne se gagne, d'après mon expérience, qu'au prix du travail... et du contact avec des maîtres qui savent au final libérer l'élève ou le compagnon du mimétisme...
Le désir mimétique, s'il existe tel quel, n'est qu'un moyen, un processus.
Les "maîtres " purement mimétiques (si l'on disait simplement "les modèles" ?) sont des gourous.
Les autres sont des "nourrisseurs" qui éveillent et libèrent, "classiques", dirais je.
Mais que dire de la théorie du désir mimétique dès qu'il est question du désir de l'autre sexe ? Mimétisme avec le parent rival "oedipien" ?
Et puis la source du désir, elle-même, n'est pas à proprement parler "mimétique", le caractère "mimétique" n'étant, au fond, qu'un médium et non une cause efficiente ?
Rédigé par : protagoras | 03 mai 2016 à 16:26
@aliocha
Votre commentaire et le mien se ressemblent même si le vôtre est plus élaboré.
Et j'adore ces vers de la si injustement décriée Célimène, en particulier les derniers :
"L’honneur de contredire a pour lui tant de charmes,
Qu’il prend contre lui-même assez souvent les armes ;
Et ses vrais sentiments sont combattus par lui,
Aussitôt qu’il les voit dans la bouche d’autrui."
Rédigé par : Denis Monod-Broca | 03 mai 2016 à 14:23
@ protagoras
Le "non" des enfants a bien sûr, au moins parfois, une composante mimétique, éventuellement très forte même. En doutez-vous ?
Et votre "non" à la théorie du désir mimétique, n'est-il pas pour une large part lui-même mimétique ?
Mais vous allez protester, car vous êtes un incurable romantique, sûr de sa pleine et entière autonomie de jugement...
Rédigé par : Denis Monod-Broca | 03 mai 2016 à 13:03
Action et réaction : il y a le oui, il y a le non. L'autonomisation est alors imitation d'un modèle extérieur, souvent en réaction au modèle dominant. Il n'y a qu'à voir la sensibilité des enfants à la pub, dont les parents voient des mois d'effort réduits à néant par trente secondes de clips, publicitaires ou non. Ce que les neurones miroir prouvent, c'est que l'imitation est préalable à toute élaboration culturelle, et porte en elle les germes des conflits futurs, confirmant les intuitions du modèle de Girard, qui l'avait élaboré au préalable par la critique littéraire, puis l'anthropologie religieuse. Est-il si scandaleux de reconnaître que nous sommes la somme, ou le produit, ou la moyenne, d'influences recomposées, cette recomposition aboutissant à ce que nous nommons personnalité ? Et n'est-ce pas pur "désir romantique", pour reprendre un terme de la thèse mimétique, de croire à l'autonomie parfaite ? Molière, dans son Misanthrope, l’avait bien compris, démontant dans la bouche de Célimène l’esprit de contradiction, comble de la créativité, et de l’innovation :
Célimène
Et ne faut-il pas bien que Monsieur contredise ?
À la commune voix veut-on qu’il se réduise,
Et qu’il ne fasse pas éclater en tous lieux
L’esprit contrariant qu’il a reçu des cieux ?
Le sentiment d’autrui n’est jamais pour lui plaire :
Il prend toujours en main l’opinion contraire,
Et penserait paraître un homme du commun,
Si l’on voyait qu’il fût de l’avis de quelqu’un.
L’honneur de contredire a pour lui tant de charmes,
Qu’il prend contre lui-même assez souvent les armes ;
Et ses vrais sentiments sont combattus par lui,
Aussitôt qu’il les voit dans la bouche d’autrui.
Rédigé par : aliocha | 03 mai 2016 à 11:26
@Achille | 03 mai 2016 à 10:20
Vous semblez friand de sagesse antique ; alors pour "rebondir" sur le désir mimétique, je vous recommande cette satire de Juvénal, intitulée "l'exemple".
http://www.mediterranees.net/litterature/juvenal/satire14.html
Pour ce qui est d'Epicure, et plus généralement des "atomistes" grecs et romains (Lucrèce), ce n'est pas vraiment la philosophie de lycée qui m'y a amené, mais les sciences (qui m'ont conduit à abandonner toute conception finaliste des choses de la nature).
Rédigé par : protagoras | 03 mai 2016 à 11:12
J’aime bien les commentaires d’aliocha et de protagoras. Ils ramènent tout à la Grèce antique.
Un petit coup de Sénèque par ci (une citation de Sénèque en conclusion d’une dissertation et vous êtes sûr d’avoir une bonne note), un petit coup de Marc Aurèle par là (ça impressionne toujours le béotien) sans oublier, bien sûr Epicure (sans doute mon philosophe préféré). Ça me rappelle mes cours de philo de quand j’étais en première. C'était le bon temps.
Dommage que les lycéens qui mettent le bazar depuis quelques jours dans les rues ne les aient pas davantage lus.
Rédigé par : Achille | 03 mai 2016 à 10:20
@Denis Monod-Broca | 02 mai 2016 à 19:24
"Pourquoi refuser le savoir - savoir ancestral, mis en théorie par RG - sur le mécanisme de nos désirs ?"
...parce qu'il est faux, tout simplement parce qu'il prend une toute petite partie, un élément possible d'un mécanisme, comme weltanschauung du Tout.
Si la construction n'était que principalement mimétique, aucune créativité, aucune improvisation, aucun jeu ne seraient possibles chez les enfants (c'est tellement facile à observer chez eux...) ; observons nos primitifs, c'est-à-dire nos enfants : "je veux faire comme les grands, je veux faire comme papa, ou maman etc." appelons cela si vous voulez du "désir mimétique". Et puis survient rapidement le "non" (très constructeur et indispensable), le "jeu" créatif, l'improvisation surprenante, voire fascinante, l'autonomisation...
Sinon, réduit à l'apprentissage "vicariant" (dont le concept de "désir mimétique" serait le moteur ??), l'individu ne devient qu'une pure "reproduction" de modèles environnants, à la limite hyperadaptatif socialement et c'est tout.
Au pire, c'est une fourmi quasi psychotique, au "mieux" un hystérique idiot sensible à toute publicité, et éventuellement un psychopathe hypernormal en apparence ; on peut également y trouver des "personnalités comme si..." (voir Helene Deutsch sur ce concept).
Rédigé par : protagoras | 03 mai 2016 à 09:32
@duvent
Rédigé par : Ellen | 29 avril 2016 à 13:13
.../... Une bonne nouvelle pour la France
" A ne pas crier victoire et se réjouir trop vite.
Si on observe, avec lucidité, le très faible taux de croissance du PIB sur un total de ces quatre dernières années il n'y a vraiment pas de quoi pavoiser.../...
Je suis positive, mais pas naïve. Vous verrez, ça ne va pas durer. "
- En toute logique cette dame escompte avoir raison, elle est même sûre d'avoir fait une bonne prévision, pardon, une prédiction...
C'est l'économiste émérite de ce blog, le péremptoire en prime !
- Et pour bien justifier son jugement, elle espère, elle souhaite, elle sait, même... que cela ne marchera pas, que "cela ne durera pas". Pauvres de nous !
Il y en a dans tous les blogs, des gens sensés comme ça. Hélas...
Rédigé par : Deviro | 02 mai 2016 à 22:02
@ protagoras
"C'est le message de la sagesse antique qui est le résultat d'une discipline et d'une lucidité exigeantes"
"Une discipline et une lucidité exigeantes" bien sûr, et aidées par le savoir... Pourquoi refuser le savoir - savoir ancestral, mis en théorie par RG - sur le mécanisme de nos désirs ?
Rédigé par : Denis Monod-Broca | 02 mai 2016 à 19:24
@Denis Monod-Broca | 02 mai 2016 à 14:23
"...mais en refusant de voir ses désirs tels qu'ils sont, il se condamne à rester leur esclave"
Mille fois d'accord ; c'est le message de la sagesse antique, celle de Marc Aurèle ou d'Epicure, qui, contrairement à trop de phantasmes répandus à l'envi, est le résultat d'une discipline et d'une lucidité exigeantes.
Rédigé par : protagoras | 02 mai 2016 à 16:48
@ protagoras
"Si l'humain ne se réduit qu'à cela..."
L'homme ne se réduit pas à ses désirs, il a aussi ses goûts, ses appétences, ses traits de caractère, ses dons, ses connaissances, etc. mais en refusant de voir ses désirs tels qu'ils sont, il se condamne à rester leur esclave.
Rédigé par : Denis Monod-Broca | 02 mai 2016 à 14:23
@Denis Monod-Broca | 01 mai 2016 à 21:28
Le problème n'est pas une discussion sur le sexe des anges, car après tout, il existe de passionnants débats scolastiques sur ce genre de thème conciliaire ou sorbonard ou scientifique.
Un des plus beaux textes de ce genre est :
"Dialogue sur les deux grands systèmes du monde" de Galilée, texte scientifique et dialectique de très haute volée.
Le problème est celui de la véracité de certaines propositions sur le réel ; les thèses de Girard sur "le désir mimétique" ne démontrent rien, font fi tout autant de la neurologie que de la psychophysiologie ou que de la clinique et de la psychologie de l'enfant.
Au mieux, elles décrivent comment un individu bien conditionné (au sens quasi pavlovien du terme) va, à travers des objets ou formes qu'on lui aura soigneusement emballés, se jeter sur une identité factice de nature marchande et publicitaire... Il n'y a pas besoin de neurones miroirs pour cela (et comment font les aveugles de naissance ? ils n'ont pas de "désir mimétique" eux ?).
Si l'humain ne se réduit qu'à cela...
Rédigé par : protagoras | 02 mai 2016 à 09:38
Traiter Girard de gourou est la preuve irréfutable qu'on n'a rien compris à sa thèse, elle qui démonte justement le pouvoir sectaire, ou qu'on y a mal réfléchi, s'en faisant une idée trop rapide et préconçue. Symptôme académique des cénacles universitaires voyant le confort des cascades de références sur lesquels leur pouvoir est assis remis fondamentalement en question. A secte, secte et demi... C'est sans doute pour cela que les girardiens les plus éminents sont installés aux USA :
"C’est de ce côté-ci de l’Amérique, qui regarde au loin une Asie imaginaire, que l’on est sans doute le mieux situé pour porter un regard objectif sur l’Europe, dont non seulement un océan, mais tout un continent nous protège de la présence mimétique." (Eric Gans)
Rédigé par : aliocha | 02 mai 2016 à 08:33
@ protagoras
Si on vous comprend bien, votre analyse à vous, "analyse individualisée individualiste", est juste, puisque c'est la vôtre, et les analyses des autres sont au mieux simplement fausses, au pire sous l'influence d'un "gourou charlatanesque et verbeux" ou de quelque autre farfelu ayant eu le front de réfléchir aux sujets dont il s'agit et d'avoir fait part publiquement de leurs réflexions...
La discussion devient difficile.
Rédigé par : Denis Monod-Broca | 01 mai 2016 à 21:28
Selon M. Cazeneuve à propos de l'incendie d'Ajaccio : "Aucun acte antireligieux ne doit être toléré".
Extrêmement drôle pour un zélateur de la "république", de "la citoyenneté" etc.
A-t-il oublié que la République Française est issue d'une révolution marquée par de très violents actes précisément et volontairement "antireligieux" ?
Inclut-il les paroles et écrits dans les "actes antireligieux" ?
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@Denis Monod-Broca | 29 avril 2016 à 18:38
Les chrétiens, ou pré chrétiens si vous préférez, sont des esseniens.
Pour ce qui est de la véracité "historique" ou archéologique des textes "sacrés", voici un autre exemple qui est tout aussi connu : le mythe de l'esclavage d'un peuple hébreu en Egypte.
Or, contrairement à la plupart des peuples aux alentours, il n'y avait pas d'esclaves en Egypte pharaonique ; il n'existe aucune trace archéologique d'aucune sorte concernant un statut légal de l'esclavage (esclave considéré comme un bien meuble, que l'on peut acheter, vendre, et dont on peut disposer à sa guise... y compris le tuer, comme à Rome par exemple).
Les seuls esclaves égyptiens étaient soit des prisonniers de droit commun condamnés au travail forcé, soit des prisonniers de guerre condamnés au travail forcé et ce pour un temps limité...
@Noblejoué | 29 avril 2016 à 19:59
Je vais être direct : Girard, qui semble être très en vogue chez certains, n'est qu'un gourou charlatanesque et verbeux, mais il n'est pas le seul ; un Lévi-Strauss n'en est pas loin (oh, hérésie de ma part !), un McLuhan, ou un Karl Popper, ou un Prigogine, ou encore un Lacan sont en plein dedans.
Le terme "anthropologie" est le terme à la mode pour esquiver toute analyse individualisée individualiste au profit d'une "métaforce collective déterminante" et en réalité finaliste : bref, une énième justification de forces collectives-collectivistes du grand Tout... la main invisible du marché ou le déterminisme de la lutte des classes, ou le "vivre ensemble" ou "le lien social" ou encore les "forces morphogénétiques" ou la "corrélation quantique reliant tout à tout" ou le néodarwinisme (version pseudo-sciences de ces guignolades) sont du même acabit.
De même, évidemment, les slogans tournant autour de la responsabilité collective.
Girard, comme tant d'autres, s'est constitué une "Weltanschauung" porteuse de gloire et d'influence et de pépètes...
Quel bonheur d'avoir pu accrocher un bout de pseudo-justification scientifique à travers la réduction aux "neurones miroirs"... ce qui fait bien rire qui a travaillé sur ce sujet...
Plus généralement, tout ce petit monde oscille entre un pôle "optimisateur d'ingénierie sociale" ou un pôle "rédempteur recherche du salut personnel"... manière d'éviter l'amère potion socratique de l'aspect tragique de la vie...
Rédigé par : protagoras | 01 mai 2016 à 17:58
@ Florence | 30 avril 2016 à 14:52 @Franck Boizard | 30 avril 2016 à 10:41
Un pays c’est une nation avec son Histoire, ses traditions, sa culture, mais c’est aussi un régime politique qui répond aux aspirations de son peuple.
La Ve République présente certes des imperfections, surtout depuis quelques années, ce qui est normal vu que le monde a changé depuis 1958. Aujourd’hui elle ne répond plus à certaines contraintes du nouvel ordre économique mondial. Les leviers qui fonctionnaient voici une trentaine d’années ne marchent plus d’où l’intérêt de réformes en profondeur. Peut-être même à une remise à plat de la Constitution qui intégrerait les nouvelles données.
MMLP en privilégiant la nation fait fausse route car ses solutions conduisent à isoler la France et donc à la couper de toute dynamique économique avec ses ex-partenaires.
Jamais les Français n'accepteront un régime qui s'apparente à une dictature.
Rédigé par : Achille | 30 avril 2016 à 20:18
@ protagoras | 28 avril 2016 à 11:23
Il faut aussi sans aucun doute ajouter une bonne dose de religieux. Quitte à jeter à la poubelle la (les ?) religion usagée pour la remplacer par la nouvelle qui donne déjà de meilleurs résultats.
Rédigé par : fugace | 30 avril 2016 à 14:58
@ Achille
"J’en veux pour preuve la dernière petite phrase de Marion Maréchal Le Pen qui en dit long sur sa vision de la France : "La France n'est pas que la République (...) C'est un régime politique (...) Je ne comprends pas cette obsession pour la République. Pour moi, la République ne prime pas sur la France".
Quelque part ça fait peur..."
Puis-je vous demander ce qui vous fait peur là-dedans. Je vous le demande sans arrière-pensée car moi-même, je ressens la même chose. La France ne se réduit pas à la République. Et je ne vois pas en quoi cela fait peur. Merci de m'éclairer.
Rédigé par : Florence | 30 avril 2016 à 14:52
@vamonos
"Mais je vais arrêter là, car je doute que les lecteurs de ce blog soient intéressés par de trop longs messages"
Si, c'est très intéressant. Je voyais hier l'interview d'un jeune issu du "mouvement des jeunesses communistes" et je me demandais si un autre jeune aurait pu parler avec l'insigne du "mouvement des jeunes nationaux-socialistes"...
Pour mémoire:
dictature = les gouvernés ne doivent pas critiquer le gouvernement (l'indifférence est tolérée)
totalitarisme: les gouvernés doivent approuver le gouvernement : l'indifférence est coupable au même titre que l'opposition ; dans l'URSS des années 30 le terme de fascisme passif a pu être appliqué à ceux qui se prétendaient apolitiques.
Remarquons que le totalitarisme donne à la parole une importance disproportionnée, comportement magique et pré-logique, puisque le fait ou sa commission est confondu avec la velléité, le verbe créant l'action...
D'une certaine façon, nous en sommes arrivés là en France...
Rédigé par : caroff | 30 avril 2016 à 13:22
De mimétisme en mimétisme, aliocha sacrifie ses commentaires...
Rédigé par : Herman Kerhost | 30 avril 2016 à 13:19
@ Achille | 29 avril 2016 à 21:20
Ça fait beaucoup de bien : il n'y a pas un mot qui ne soit juste dans la phrase qui vous fait peur. Mais c'est normal : le gauchisme se définit par la peur de la vérité et l'amour des mots ronflants et creux.
Rédigé par : Franck Boizard | 30 avril 2016 à 10:41
C'est quand même bien les socialistes qui ont mis en avant MMLP lors des dernières législatives.
Le seul candidat qui a essayé de siphonner les voix du FN c'est Sarkozy.
S'il avait réglé les problèmes dénoncés sur la dalle d'Argenteuil, il serait repassé. Hélas il s'est modéré et s'est reconverti trop tard.
Alors que les socialistes ont besoin que le FN fasse des voix, Sarkozy avait besoin des voix du FN.
Les socialistes punis de leur manipulations ?
Avec un Mitterrand qui fleurissait la tombe de Pétain et recevait Bousquet à l'Elysée, il faudrait peut-être qu'ils arrêtent le "foutage de gueule".
Comment on pourrait les appeler ? Des infiltrés ? La gauche Rivarol ?
Rédigé par : stephane | 30 avril 2016 à 10:16
Je suis assez dubitatif sur la mise en perspective des deux personnalités qui ont vécu à des époques relativement éloignées et dont les métiers sont complètement différents. D'une part Marion Le Pen est député et d'autre part Dalton Trumbo était un scénariste de films. Certes, ils ont en commun de cristalliser la vindicte de certains de leurs contemporains et tous deux savent jouer de la victimisation pour obtenir des élans de sympathie de la part de leur public.
Pendant la guerre froide, de nombreux intellectuels français prenaient fait et cause pour le stalinisme et fustigeaient l'impérialisme américain. Il faut quand même se rendre compte que le parti communiste américain était une organisation reconnue, admise et légale sur la rive ouest de l'océan Atlantique alors qu'à la même époque, sur le continent européen, les Russes soupçonnés d'avoir parlé avec des étrangers en dehors du cadre diplomatique étaient arrêtés, torturés jusqu'à ce qu'ils avouent et condamnés au motif qu'ils étaient coupables puisqu'ils avaient avoué. On n'est plus dans le deux poids deux mesures, on est dans un choc idéologique entre deux conceptions de la liberté diamétralement opposées.
Pour des faits avérés d'outrage à la cour de justice, M. Trumbo avait été condamné à quelques mois de prison, alors que dans le même temps des Russes ont été condamnés à dix ans de détention dans les camps de travail en Sibérie sur simple dénonciation, sans preuve, sans mobile. Lorsque le système politique de l'URSS s'est effondré, les archives ont été rendues progressivement publiques ; mais les journaux de gauche n'ont pas publié d'article pour s'excuser des énormités qu'ils avaient publiées alors que Staline était au pouvoir. Les nombreuses preuves d'espionnage par les Russes furent occultées par les médias européens. Pourtant l'Orchestre rouge, les époux Rosenberg, George Blake et bien d'autres transmirent des secrets d'Etat aux services d'espionnage soviétique, qu'il s'agisse du SMERSH, du GRU ou du KGB.
En 2016, on continue à travestir la vérité, à publier des balivernes, à entretenir la théorie du complot. Ainsi, Mme Rosenberg n'aurait rien su des agissements de celui dont elle partageait la vie. Comment des journalistes socialistes peuvent-ils encore oser écrire qu'Alexandre Soljénitsyne ait pu être un agent de la CIA alors que son seul crime fut une lettre dans laquelle il se posait des questions au sujet de la capacité de Joseph Staline à conduire les stratégies de l'Armée Patriotique.
Mais je vais arrêter là, car je doute que les lecteurs de ce blog soient intéressés par de trop longs message. Tant pis pour le FN, je le critiquerai une autre fois.
Rédigé par : vamonos | 29 avril 2016 à 21:32
@ bruno | 29 avril 2016 à 11:13
« Très jolie photo de Marion, pleine de fraîcheur et d'innocence, ça nous change de Marylise Lebranchu !! »
Ce que vous dites me rappelle une chanson de Brassens : ♪Une jolie fleur dans une peau d'vache,
Une jolie vach' déguisée en fleur ♫
Derrière son joli minois se cache une femme déterminée aux idées bien arrêtées qui n’ont rien à envier à celles de son grand-père.
J’en veux pour preuve sa dernière petite phrase qui en dit long sur sa vision de la France :
"La France n'est pas que la République (...) C'est un régime politique (...) Je ne comprends pas cette obsession pour la République. Pour moi, la République ne prime pas sur la France.
Quelque part ça fait peur...
Rédigé par : Achille | 29 avril 2016 à 21:20
@protagoras
"Mais hier comme aujourd'hui la vérité anthropologique dérange, je le sais bien. Et c'est pour cela que vous vous efforcez, comme bien d'autres, de gommer ce passé qui s'acharne à nous la rappeler," dit Denis Monod-Broca.
Il a, en général, raison sur le fait qu'on ne veuille pas voir le mécanisme du bouc émissaire mais je vous laisse une chance... Laquelle ? Je pense que vous vous intéressez plus à la mentalité romaine et juive de l'époque impériale qu'à la vérité anthropologique du mécanisme du désir mimétique et du lynchage.
Mais on peut parfaitement faire les deux. D'une part s'intéresser aux problèmes que vous soulevez, d'autre part à ceux de la foule violente... En fait, peu importe que Jésus ait fini sur une croix ou non, voire son existence (ceci dit, les deux sont brièvement évoquées par Flavius Josèphe et Tacite, non ?).
Ce qui compte, c'est l'unanimité violente, aussi décrite pour la dénoncer dans l'Ancien Testament ou au contraire, sans savoir ce qu'on dit dans les mythes. Si vous ne l'avez pas encore lu avec tout ce qu'on en dit ici, vous devriez lire René Girard, convaincant, et ce qui ne gâche rien, de style parfait. Votre cerveau vous remerciera deux fois : sur le fond et sur la forme.
Ne vous laissez pas rebuter par le style prêchi-prêcha de certains, vivez curieux !
Rédigé par : Noblejoué | 29 avril 2016 à 19:59
@Ellen 16:14
Cela fait plaisir de vous lire et vous avez bien résumé ce que je n'aurais pas osé formuler.
Pour vous récompenser de votre lucidité voici ce que je propose : je fais tous les mercredis un repas avec des amis où chacun ramène un inconnu qui a certaines spécificités.
Je ne veux pas vous griller la politesse et donc, si jamais vous avez le même loisir avec vos amis, je vous laisse choisir en premier votre invité. Je prendrai celui qui reste.
Rédigé par : stephane | 29 avril 2016 à 19:39
Le nôtre se réfère à vous, à moi, à eux, à tous les hommes qui préfèrent accuser l'autre plutôt que soi-même, dans notre tendance, surtout quand nous sommes en groupe, de dire la culpabilité de la victime émissaire qui rassemble le groupe, bonne et vieille blague des mythes, alors que le christianisme nous dit l'innocence de la victime, donc notre culpabilité, quand nous avons compris ce qu'est un mythe, qui nous fournit un coupable qui nous réconcilie. Quant à la source de la violence, je vous laisse vous démener avec ceci, n'ayant pas le temps, ni sans doute la compétence, pour la décrire entre deux portes :
http://www.rene-girard.fr/57_p_44435/theorie-mimetique.html
Rédigé par : aliocha | 29 avril 2016 à 18:59
@Florence | 29 avril 2016 à 17:57
"MMLP a raison de dire que nous sommes saoulés par ce mantra"
Un érudit romain, Marcus Varro, a classé les "théologies" en trois catégories :
- la théologie "naturelle", ou Philosophia Naturalis, qui correspondrait grosso modo à ce que nous appelons "sciences", apanage des philosophes et des savants
- la théologie poétique et imaginaire : celle des mythes, des poèmes, des fictions etc.
- la théologie "politique", destinée à assurer un certain lien permettant l'exercice du pouvoir
Remarque : Tertullien a vivement critiqué cette classification "païenne" au nom du : "mais alors, où est la Vérité" ?
Ce que vous dénommez "mantra" correspond en réalité à la "fusion" de ces trois théologies, où la plus basse hiérarchiquement (la théologie politique) prétend désormais englober et se poser comme principe premier des deux autres.
Le mantra républicain en est un parmi d'autres, d'où réapparition du principe d'autorité dans les sciences (ex : réchauffisme), de la censure "soft" généralisée, et plus généralement d'une réécriture constante du réel au nom d'une "théologie politique", souvent de nature mythique/ mystique.
Rédigé par : protagoras | 29 avril 2016 à 18:56
@protagoras
À vous lire, il y aurait eu des chrétiens avant le Christ, c'est tout de même un peu fort. Encore que, effectivement, s'il n'a pas existé, avant et après pour vous c'est pareil...
Et puis vous écrivez : "L'image de Ponce Pilate comme stéréotype de l'injustice est, pardonnez-moi, totalement à côté de la plaque." Je vous pardonne mais vous ne lisez pas ce que vous lisez. Je n'ai pas écrit que Ponce Pilate était le stéréotype de quoi que ce soit. Absolument pas. L'injustice est celle de la foule. La foule unanime et insensée de Jérusalem il y a 2000 ans est effectivement, on peut dire ça comme ça, un stéréotype de toutes les foules unanimes et insensées de l'histoire et du monde. Mais à une différence près, considérable. Sans doute a-t-elle été la première de l'histoire à se rendre compte de ce qu'elle avait fait...
"Nous" sommes la foule, et "nous" sommes coupables, mais c'est difficile à admettre.
Rédigé par : Denis Monod-Broca | 29 avril 2016 à 18:38
@ Ellen
Et comme vous êtes prévisible, c'est un plaisir !!
Je n'en espérais pas moins d'une diva telle que vous, si supérieure et si délicate, grand merci pour votre analyse remplie de mesure et de pondération. Je pense pouvoir en tirer le meilleur dès que j'aurai du temps à perdre !
Rédigé par : duvent | 29 avril 2016 à 18:17
Les valeurs de la République ! MMLP a raison de dire que nous sommes saoulés par ce mantra. Je n'ai jamais compris ce qu'étaient ces fichues valeurs de la République et dès que j'entends ces mots, mon esprit, par réflexe, se ferme comme pour le "vivre ensemble" et autres fariboles.
Rédigé par : Florence | 29 avril 2016 à 17:57
@ Denis Monod-Broca | 29 avril 2016 à 13:05
Il n'y a pas d'anachronisme : les chrétiens sont des esseniens, et dans toute l'aire "palestinienne" de l'époque, la société juive était perpétuellement agitée de conflits théologiques, et parfois musclés, entre ses différents composantes (esséniens, pharisiens, saducéens, zélotes).
Par exemple, je vous rappelle l'épisode de macchabées, bien antérieur à JC, qui traduit un conflit très sérieux entre une partie des élites juives en train de s'helléniser et les "traditionalistes".
Les Romains, qui n'avaient strictement que faire de querelles théologiques, et considéraient avec étonnement le caractère fanatiquement superstitieux du petit peuple juif et de l'apparition du énième guérisseur miraculeux, ont toujours appliqué la doctrine du "débrouillez-vous avec vos différentes interprétations de votre Dieu unique".
L'épisode "Ponce Pilate contre JC" qui ne figure dans aucune archive administrative romaine (mais après tout pourquoi pas...) ne traduit rien d'autre que l'attitude de tout administrateur romain face à des conflits qu'il ne pouvait même pas concevoir... Et si une exécution, d'ailleurs décidée par des rabbins, pouvait distraire cette foule moyen-orientale incompréhensible et turbulente, c'était autant de pris.
Au yeux d'un Romain, l'injustice aurait été de laisser exécuter un citoyen romain (qui, d'ailleurs, aurait été décapité et non crucifié).
Il n'y a aucune injustice dans l'attitude d'un Romain comme Ponce Pilate.
L'image de Ponce Pilate comme stéréotype de l'injustice est, pardonnez-moi, totalement à côté de la plaque.
@aliocha | 29 avril 2016 à 15:43
"Il dit la vérité sur notre culpabilité"
Le "notre" se réfère, je suppose, au "nous" unipersonnel de majesté... et ne saurait donc engager que la culpabilité propre de son auteur...
Et puis, quelle culpabilité ? quelle est sa source ? de quelle réaction à quelle faute est-elle le fruit ?
Rédigé par : protagoras | 29 avril 2016 à 16:54
Pour nos politiciens de tout bord et à notre exécutif :
- Quand on ne sait pas où l'on va il faut y aller !! et le plus vite possible !
- En essayant continuellement on finit par réussir donc : plus ça rate, plus on a de chances que ça marche !
Ces formules conviennent parfaitement à certains commentaires/analyses prétendument économiques entendu ou lu ça et là !
Rédigé par : eileen | 29 avril 2016 à 16:32
@duvent 09:44 s'est trouvé un pote Deviro 13:44 pour faire plus de courant d'air.
Comme vous êtes tristes de ne rien avoir à dire de sensé.
Rédigé par : Ellen | 29 avril 2016 à 16:14
@Denis Monod-Broca | 29 avril 2016 à 13:05
Bravo.
On préfère effectivement croire en Freud, en la culpabilité d'Oedipe, ou de Dieu, ou des Allemands, ou des musulmans. C'est en cela que Girard affirme que le christianisme est impossible à vivre, car il dit la vérité sur notre culpabilité, nous ôtant la possibilité de la faire porter aux autres, et à ça, preuve historique ou pas ne change rien.
Rédigé par : aliocha | 29 avril 2016 à 15:43
@ Ellen
La croissance serait au rendez-vous, mais où se voit-elle ? Tant que le pouvoir d'achat stagnera, la croissance sera factice et fluctuante à niveaux bas. Si certaines de nos entreprises font des bénéfices avec les pays étrangers, par exemple en ayant installé des usines en Asie ou dans l'Europe de l'Est, à qui profite les résultats ? seulement à quelques actionnaires qui peut-être, en profitent pour mettre leurs avoirs à l'abri dans les paradis fiscaux. Combien de français modestes ou moyens bénéficient de cette soi-disant embellie ?
Car, mieux que les statistiques, il faut regarder ce qui nous entoure.
Par exemple, on nous bassine avec les pauvres réfugiés qui sont accueillis à bras ouverts (logements, santé, allocations...), notamment en leur octroyant des logements réhabilités. Un reportage en trois émissions de Laurent Delahousse nous emmène à la rencontre de Français de la vraie vie, le dimanche soir. Sans m'étendre sur l'émission par elle-même, nous y croisons deux SDF bien français dont l'un a été expulsé de son logement parce qu'il ne pouvait plus payer son loyer, veuf, au chômage et apparemment sans famille, il dort dans la rue sans pouvoir, la plupart du temps, obtenir un lit dans les foyers du samu social. Ces deux SDF au regard acéré sur la société, désabusés et lucides, sont l'exemple type de ceux qui n'intéressent personne.
Il n'y a pas meilleur exemple de voir qu'un Français qui a dévissé se retrouve directement à la rue, sans qu'il soit prévu des foyers d'attente, pendant que nous accueillons à grand renfort de dépenses, des étrangers. C'est la France d'aujourd'hui ouverte à la préférence étrangère et qui oublie son propre peuple. Une solidarité à sens unique.
Et que l'on ne me parle pas de France bashing, ce n'est pas la France que le peuple français déteste, c'est ce que nos élites en font, à son détriment, avec la complicité médiatique qui nous répercute des statistiques bien ficelées pour la poudre aux yeux, pendant que tant de gens modestes sont dans le dénuement et l'angoisse de l'avenir, pendant que des Français de très bon niveau quittent le pays pour d'autres cieux plus cléments, pendant que les français moyens triment, paient et sentent le déclassement venir.
Rédigé par : Michelle D-LEROY | 29 avril 2016 à 15:23
@Ellen
Il ne s'agit pas de dire que tout va bien, mais que ça va mieux. Bien sûr tout cela est encore fragile et peut se dégrader. Mais comme moi, dans l'intérêt du pays, vous espérez sans doute que les choses iront encore mieux dans les prochains mois.
http://www.europe1.fr/economie/la-france-en-a-t-elle-vraiment-fini-avec-la-crise-2732581#xtor=CS1-16
Rédigé par : Marc GHINSBERG | 29 avril 2016 à 15:15
@duvent | 29 avril 2016 à 09:44
"Pourtant, vous réussissez l'exploit de secouer certains, qui pouvant parler de rien avec fougue le font souvent et sottement..."
Bien pensé, et bien dit.
La réalité est parfois assez triste...
Rédigé par : Deviro | 29 avril 2016 à 13:44