Paris est devenu fou.
Je ne méconnais pas le processus de l'élection même si je regrette que la brillante NKM n'ait pas su relever le défi relatif que représentait la victoire sur la socialiste Anne Hidalgo dont on nous laisse entendre, ici ou là, que nous pourrions en 2022 la voir concourir pour la joute présidentielle.
Je ne néglige pas le fait qu'un maire ne peut pas tout faire et que sauf à être de mauvaise foi il est impossible de lui imputer globalement les nuisances, les dysfonctionnements, les blocages, les aberrations et les misères qu'au quotidien on constate ou qu'on découvrira.
Cela étant dit et ces précautions prises, il convient d'admettre que pas un jour ne se passe, dans notre belle capitale, sans qu'une forme de gestion totalitaire ou décalée ne nous conduise, d'étonnement en étonnement, vers une sorte de stupéfaction désolée ou indignée.
On a alors le droit de s'interroger sur ce qui, en amont des votes parfois obtenus dans la souffrance et de haute lutte, inspire, conçoit, projette et fasse réaliser. Sur ce petit monde dévastateur qui, autour du maire et avec elle, a une vision de Paris si singulière qu'il rêve d'un pluralisme inutile et ne se préoccupe pas d'un singulier douloureux, honteux.
Il y a eu Corée-sur-Seine dimanche dernier puis la piétonnisation des berges qui est acquise et subie. Mais le calice n'est pas encore bu jusqu'à la lie !
En effet un esprit original qui n'est autre que Bruno Julliard, le premier adjoint d'Anne Hidalgo, nous annonce qu'il y aura bientôt un camp pour les nudistes à Paris (Le Figaro).
Malgré le fait que cette manière très minoritaire et ostensible d'offrir son corps au su et au vu de tous a ses lieux, ses territoires, ses habitudes et ses fraternités en France et qu'elle ne me semble pas sacrifiée, je comprends bien l'intérêt capital de prolonger le mouvement et de donner aux rares qui n'ont pas envie de s'habiller un espace sans lequel ils auraient risqué d'être traumatisés !
Cette municipalité a un très grand coeur et j'admire ce souci qu'elle a d'installer et d'instiller une représentation minutieuse de tous les modes de vie en considérant que Paris aurait été gravement orphelin si n'avait pas été concédée à nos frères nudistes, à nos compatriotes à poil une zone qui leur serait entièrement dévolue.
Pour sortir de la dérision, notre modernité, chez certains, a-t-elle atteint une telle perversion paroxystique qu'elle soit prête à enfourcher n'importe quel combat, à soutenir n'importe quelle cause - même si personne ne l'a revendiquée - et à confondre la nécessaire égalité en dignité des comportements non transgressifs avec le prurit de leur donner à chacun une traduction concrète ?
Un pluralisme inutile, de luxe. Et indécent.
En effet, remarquant chaque jour, et de plus en plus dans le métro, une pauvreté à la fois pathétique et lassante, usant de moyens divers pour attirer l'attention et susciter la générosité, quand le bruit infernal le permet, je l'avoue : "J'en ai assez". Je ne suis pas le seul à éprouver ce sentiment. On en a honte parce que ces singularités en détresse sont de véritables destinées en misère et en souffrance. Mais on n'est pas responsable de tout.
Sans se défausser, comment ne pas songer alors, dans la hiérarchie des inventions municipales, à la prédominance de celle qui estime de la plus extrême urgence de gratifier le nudisme à Paris quand aucune autre ne se soucie de combattre cette pauvreté qui s'accroît et dont l'incarnation est de plus en plus visible dans les rues, dans les campements sauvages et dans les transports ? Faut-il accepter à toute force cette scandaleuse contiguïté entre un fantasme délirant et superfétatoire et une réalité qui signe, chaque jour, l'impéritie d'une politique plus attachée à un pluralisme snob qu'à diminuer l'intolérable ?
Il n'est pas abusif de mettre en évidence cette proximité et ce contraste entre le chic propre et le pauvre sale. Et d'en être saisi !
C'est Marie-Antoinette à Versailles avec sa brioche et les misérables à Paris !
Ubu Reine et sa Cour.
Quand l'une et l'autre, aussi autoritairement que pour le reste, nous solliciteront véritablement contre la pauvreté, j'en serai. Et une multitude avec moi.
Parce que ce sera de l'action, et pas de la frivolité.
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