Les humoristes ou prétendus tels.
On ne peut plus leur échapper. Dans l'audiovisuel en tout cas.
On ne peut plus y échapper tant une certaine forme de dérision et de sarcasme est devenue la règle comme si on s'imaginait devoir compenser la gravité de la politique par le ridicule ou la bêtise d'histrions pourtant portés aux nues.
En même temps ils se prennent terriblement au sérieux et qui s'aviserait de mettre en doute leur esprit serait immédiatement disqualifié. Ils ont droit à l'intolérance au détriment des autres mais la tolérance à leur égard est obligatoire.
On peut tout au plus, comme François Fillon l'a fait récemment, à la fin de "L'Emission politique" (Huffington Post), regretter le télescopage de la démocratie médiatique avec des séquences inutiles et rigolardes.
Ces humoristes se poussent du col. A partir de quand ont-ils cru qu'on les attendait pour avoir de leur part des lumières politiques alors que ç'aurait déjà été beaucoup qu'ils nous fassent rire ? Prétendant jouer sur les deux tableaux, celui de la pensée et celui du divertissement, généralement ils échouent dans l'un et l'autre. Pas assez intelligents pour le premier, pas assez caustiques pour le second.
Ces humoristes manquent totalement d'imagination. Ils ressassent, ils se répètent, ils se copient, ils ne sortent pas du champ étroit d'obsessions à la fois faciles et confortables.
L'un, chez l'excellent Thierry Ardisson qui devrait être plus regardant sur le choix de ses bouffons, compare Robert Ménard à Hitler, ce qui est affligeant de sottise et d'indécence. D'abord, c'est banaliser odieusement la référence à Hitler. Ensuite, c'est tomber dans une paresse qui, paradoxalement, protège le maire de Béziers car face à l'inanité, les rieurs changent de camp. On aurait pu pourtant, si on avait de l'inventivité et du talent, lui reprocher des attitudes, des comportements ou des propos qui ne l'auraient pas conduit à quitter le plateau - ce que je regrette - mais à contredire les attaques (Canal Plus).
Un autre, alors que Patrick Buisson était l'invité de France Inter, est bouleversant d'originalité en se moquant de lui, si on peut appeler moquerie une enfilade de poncifs invoquant Pétain, Minute, etc. La monotonie de références éculées qui à force démontrent plus l'infirmité de qui les prononce qu'elles n'offensent celui qui les a trop entendues et est immunisé.
En n'oubliant pas, ce serait dommage, l'humoriste belge devenue, on ne sait pourquoi, une coqueluche médiatique et au bord de rire, comme Laurent Ruquier, de ses saillies avant ceux qui les entendent. Dans une artificielle hilarité collective - chacun paie sa dîme à l'autre - qui console l'animatrice de la manière dont François Fillon l'a renvoyée récemment dans ses cordes et à sa place. Elle a cru se venger par un tweet mais il est clair que nous sommes beaucoup à préférer un faux austère qui a de la classe à une fausse spirituelle qui n'en a pas.
Cette pauvreté dans les assauts est très ennuyeuse car elle rend encore plus insupportable le fait que les cibles ne bougent guère et qu'elles sont en général choisies dans le camp de la droite sauf quand des personnalités de gauche sont elles-mêmes déjà victimes d'un discrédit et qu'il suffit de s'ajouter à la liste. Je songe notamment à Jean-Marc Ayrault jamais ménagé par ceux dont le positionnement politique pouvait lui laisser espérer plus de retenue.
Ces humoristes se vautrent dans des banalités critiques, puisent sans se lasser dans un fonds à la disposition de tous et ne parviennent pas à rafraîchir des aigreurs trop entendues. Comme s'ils n'étaient pas capables de tirer d'eux-mêmes des spontanéités et des originalités qui combleraient l'écoute des auditeurs.
Je ne sais pas si la sensibilité majoritaire de ce clan sans inspiration est de gauche. On a tendance à le présumer quand on constate au quotidien avec quelle sollicitude l'univers "progressiste" est épargné et ses personnalités emblématiques préservées. Même respectueusement traitées. Je n'ai jamais entendu le moindre billet sinon drôle du moins critique ou acide, par exemple sur Bernard-Henri Lévy, Christiane Taubira, Najat Vallaud-Belkacem, Jean-Luc Mélenchon ou Laurent Ruquier. Le corporatisme et le clientélisme font des ravages.
Il y a des frontières à ne pas franchir et une bienséance à cultiver. Il y a une obligation morale à tout se permettre, parfois jusqu'au vulgaire, avec la droite et l'extrême droite. Mais une obligation elle-même prétendue morale à manifester que l'humoriste est citoyen et ne mélange pas ses têtes de turc habituelles avec les politiques ou artistes qui bénéficient, parce qu'ils pensent bien, d'une immunité.
A bien observer ces rituels médiatiques, les puissants sont à l'abri - qu'ils aient été d'emblée reconnus pour tels ou que la révérence médiatique leur ait donné ce statut. Les faibles, ceux qu'il est de bon ton de pourfendre parce qu'ils se défendront mal ou que personne ne viendra à leur secours, sont ridiculisés ou caricaturés.
Cette partialité idéologique et intellectuelle - il est évidemment plus reposant de n'avoir aucun effort à accomplir pour choisir ses victimes et les moqueries à proférer - serait déjà insupportable en elle-même mais elle devient exaspérante à partir du moment où elle n'est jamais rachetée par une véritable drôlerie.
Il y a évidemment la subjectivité des perceptions mais pour nos humoristes omniprésents, un pied dans la futilité et une main dans le partisan, je persiste.
Ils ne sont pas drôles.
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