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Rédigé le 29 avril 2017 | Lien permanent | Commentaires (12)
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Gaël Tchakaloff (GT) a écrit au sens propre un livre extra-ordinaire sur Alain Juppé, sa famille, ses proches et ses soutiens : "Lapins et merveilles". Une sorte de Luchini - et la comparaison est flatteuse - de l'analyse politique. Quelque chose qui ne ressemble à rien parce que tout y est, une fois qu'on remet l'éparpillement étincelant en ordre dans sa tête. Le lecteur a besoin de cohérence et l'ivresse de la profusion, dissipée, demeure toutefois comme une vérité riche et nourrissante.
Une oeuvre formidable et atypique. Qui a su juste s'arrêter avant les agacements.
Puis GT nous a proposé "Divine Comédie".
Eric Zemmour, à la télévision, lui a dit qu'il détestait son livre parce qu'il était le comble du "journalisme féminin" qu'il exècre et que lui n'avait pas besoin de "coucher"... GT a répondu qu'elle aurait été déçue si Zemmour avait apprécié son essai (Paris Première).
De bonne guerre mais je doute de sa sincérité. On se passe difficilement de l'approbation d'un homme intelligent.
J'ai lu "Divine Comédie" et je suis partagé. Mais la critique de Zemmour est, de toutes façons, offensante, outrancière et surtout injuste.
Si GT incarne "le journalisme féminin", il s'agit alors d'un journalisme pratiqué par une femme mais qui est si singulier, qui atteint un tel niveau, qui est tellement empli, jusqu'à la caricature, des forces et des faiblesses qu'une intelligence et une sensibilité exceptionnelles extériorisent qu'il dépasse l'appropriation par un sexe. Eric Zemmour aurait dû plutôt, fût-ce pour le vitupérer, pourfendre un journalisme à la "Tchakaloff".
Pour être franc, mon premier mouvement a été, en comparant ses deux livres, d'estimer que le premier était très supérieur au second. Celui-ci, dans une large part, non seulement, ce qui est normal, mettait en évidence la subjectivité de l'auteur, faisait fond sur elle mais était gangrené par un narcissisme jamais médiocre mais terriblement envahissant. L'intrusion répétitive de l'intime avec une complaisance à l'égard de soi qui enjoignait aux lecteurs de jouir de ce voyeurisme dont on lui faisait don.
Au point que GT, ses sentiments, ses réflexes, son culot et son incroyable personnalité, occultaient les personnages principaux sur lesquels elle croyait écrire, étouffaient la vision politique et les analyses qu'on attendait avec impatience parce qu'on connaissait son talent et qu'on était lassé de la voir, elle, ostensiblement au premier plan.
Puis, peu à peu, une sorte de charme opérait, on était conquis au fil des pages par ce mélange insidieux et subtil qui mêlait l'authenticité du document à la finesse de l'appréhension, l'ego curieux et attentif de GT aux complexités des êtres qu'elle écoutait, qu'elle laissait parler dans des situations de totale liberté et spontanéité qu'elle avait su et voulu créer. Et ce n'était, à chaque fois, pas une mince affaire !
Insensiblement on se persuadait que certes il y avait cet exhibitionnisme mais qu'il valait la peine de l'oublier tant, face à lui mais grâce à lui, des profondeurs politiques se faisaient jour, des analyses décapantes et d'une justesse totale surgissaient, les propos de certains candidats - ses "chouchous" : Macron, Mélenchon et Marine Le Pen - étaient si neufs, si personnels et si intelligemment impudiques.
Pour la présidente du FN, aucun chapitre mieux que "Enlacer" n'a décrit ce qu'elle était, percé les ressorts complexes, douloureux et honorables de sa nature, expliqué sa capacité à endurer et à subir et fourni des clés de l'adhésion et de l'enthousiasme qu'elle suscite dans la part populaire et déprimée de l'électorat. GT, la laissant s'exprimer, l'obligeant à aller profond en elle-même, montre bien l'hiatus inévitable et pour certains insupportable entre la sympathie forte qu'elle peut inspirer et l'hostilité vigoureuse et presque dégoûtée à l'égard de son programme.
Rien de plus absurde, alors, que de traiter ce talent avec condescendance comme s'il relevait seulement du "féminin" et que celui-ci était une tare. L'empathie psychologique, le don pour libérer la parole d'autrui jusque dans ses tréfonds, la passion d'écouter et d'analyser, la volonté de sortir des sentiers battus de l'essai classique sont des qualités exceptionnelles et qui favorisent l'élucidation du politique au travers des personnalités mises sous un scalpel presque tendre et toujours complice pour l'occasion.
Eric Zemmour ne supporte pas que la psychologie vienne s'immiscer dans l'appréhension, qu'il souhaiterait objective, froide et documentée, de la chose publique, des rapports de force et des grandes tendances. Au fond, le refus des personnes au bénéfice des concepts. Une crainte que le "féminin" pollue.
Il me semble qu'il a tort sur ce plan. Le recours à la psychologie n'est pas forcément le signe d'une ignorance et de l'indifférence à l'égard des "vrais problèmes" mais une richesse, une lumière sans lesquelles la politique se dessèche, est séparée de la vie authentique. Les personnalités et les idées vont naturellement de pair.
Le plus bel éloge qu'on puisse faire à une portraitiste est de lui dire qu'on la souhaiterait pour soi.
Gaël Tchakaloff, dans le match entre eux, a plus raison qu'Eric Zemmour.
Rédigé le 27 avril 2017 dans Actualité, Livres, Médias, politique, Société | Lien permanent | Commentaires (119)
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Un scoop : Emmanuel Macron a déjà fait une promesse qu'il ne tiendra pas, l'entretien vidéo dont je rêvais avec lui ne se fera jamais !
Mais je voterai cependant pour lui le 7 mai prochain...
Ce n'était pas si simple. Ce qui se déroule depuis le 23 avril au soir était certes prévisible mais j'avoue que j'ai du mal, quand mon choix politique et civique est fait, à laisser de côté tout ce qui relève de l'équité démocratique. A ne pas songer davantage à l'adversaire que je récuse et à l'injustice qui pourrait lui être faite qu'à la cause que je défends. Peut-être est-ce une pathologie qui me gangrène et qui, comme aux assises il y a quelques années, me rendait insupportables la partialité, l'outrance et les réflexes conditionnés.
Mais Emmanuel Macron n'est coupable de rien.
Je ne serai pas de ceux qui lui ont reproché le caractère prétendument frivole de son discours de victoire au premier tour. Au contraire, tout en persistant dans mon constat sur son aptitude relative à la parole tribunitienne, j'ai apprécié ce mélange d'émotion et d'intelligence qui lui est consubstantiel. J'ai jugé à la fois habile et naturel qu'il n'ait pas cité le nom de Marine Le Pen et celui du FN. Il serait absurde de blâmer d'emblée EM pour ce qu'il est et qui lui a tout de même permis de mener à bien une inconcevable épopée républicaine.
Deux France, maintenant, se font face et s'opposent. Une France urbaine qui s'est rangée derrière En Marche !, une France rurale qui s'est abritée derrière le FN (Le Monde). Le paradoxe est que, privilégiant EM, je vais m'associer à la première alors que j'éprouve compassion, compréhension, estime et une sorte d'attachement viscéral pour la seconde.
Mais Emmanuel Macron n'est coupable de rien.
Il est allé fêter son succès du premier tour à La Rotonde dans des conditions qui n'avaient rien à voir avec celles du Fouquet's de Nicolas Sarkozy. Il avait invité, pour les remercier, tous ceux, à tous niveaux, qui avaient participé à sa campagne. L'inévitable Jacques Attali. Il y avait en plus ces "people" - Line Renaud, Stéphane Bern, Dani, François Berléand ou Pierre Arditi - dont la présence incommode plus le commun des citoyens qu'elle ne le flatte. Peut-être EM aurait-il pu et dû attendre le second tour pour célébrer une victoire quasi inéluctable, pour ne pas donner l'impression de faire bon marché de la démocratie jusqu'au 7 mai.
Mais Emmanuel Macron n'est coupable de rien puisqu'il a déclaré que son coeur seulement lui avait inspiré la convivialité de La Rotonde et que dès la matinée du 25, Richard Ferrand a rectifié le tir en soulignant qu'ils allaient demeurer "humbles". Ce n'est pas un favori qui manque de réactivité et d'agilité intellectuelle !
Atypique, j'aurais évidemment raffolé d'une démarche qui, parce qu'une France majoritaire et urbaine le soutenait, aurait immédiatement donné des gages et du respect à l'autre. C'était sans doute trop demander à un conquérant presque au faîte de son triomphe.
Pour ma part, puisque je vais voter pour EM le 7 mai prochain, j'ai le droit de juger obscène cette dégoulinade - de soutiens, de revirements et d'opportunismes, d'ambitieux qui se placent ou veulent revenir, toutes tendances confondues, gauche et droite mêlées, - qui se déverse sur le vainqueur assuré. Pour finir par la surprise énorme causée par un François Hollande qui se croit encore légitime pour donner des conseils aux Français et est si peu lucide qu'il ne perçoit pas le caractère contre-productif de sa bénédiction présidentielle !
Mais Emmanuel Macron n'est coupable de rien puisque, contrairement à Jacques Chirac, drôle de démocrate en l'occurrence, il a évidemment accepté d'être confronté le 3 mai à Marine Le Pen dans le débat entre les deux tours qui est devenu une tradition républicaine et médiatique.
Cette hypertrophie mécanique qui fait de la France politico-médiatique un immense espace où s'ébattent les moutons de Panurge serait seulement ridicule - avec ces plumitifs de l'humour qui croient nécessaire d'ajouter à leurs inepties une touche anti-FN pour se camper en résistants (France Inter) - si elle ne mettait pas en lumière des points très préoccupants.
D'abord celui de l'égalité. A quoi sert l'égalité du temps de parole si, par ailleurs, les inégalités du ton, du questionnement, des attitudes et des impartialités viennent créer un déséquilibre profond entre les deux candidats ? Cinq minutes données à EM et concédées à Marine Le Pen n'ont pas la même portée si les premières sont forcément bienveillantes et les secondes systématiquement vindicatives.
Ensuite celui du choix. Il est anormal que pour LR, la direction - qui a fait rien moins que briller durant les dernières semaines - décide à la place des militants de l'adhésion ou de l'abstention du second tour. Cette mainmise de l'appareil sur la spontanéité et la liberté de la base va sans doute entraîner mille défections sur le terrain contre la dictature parisienne.
Au lieu de critiquer le discours de Jean-Luc Mélenchon qui, le 23 avril, avec talent et courage, a signifié que la responsabilité devait être collective et que la France insoumise allait être consultée, on aurait mieux fait d'en prendre exemple, non seulement en vue du second tour mais pour contrer tous les arrangements qui, à LR, confisquent les options décisives et en privent les citoyens. On nous annonce que tous les hiérarques de droite - y compris Nicolas Sarkozy - n'aspirent qu'à François Baroin comme futur Premier ministre ou chef du parti. Mais les militants et leur avis ? La démocratie n'a pas à être mise entre parenthèses par la cuisine élitiste de factions momentanément accordées.
Enfin celui du respect.
Je laisse de côté la distinction choquante faite par un Benoît Hamon entre les adversaires politiques et le FN qui serait "un ennemi de la République". Affolant alors le nombre de factieux !
Le scandale, pour demeurer sérieux, tient surtout au fait que le FN est vilipendé comme s'il n'avait pas rassemblé sous son pavillon quelque huit millions d'électeurs qui, aussi séparés intellectuellement et socialement qu'ils soient de ceux ayant soutenu EM, méritent autant de considération et d'attention. L'exigence de rassemblement imposerait d'abord non pas qu'on les approuve mais qu'on ne les traite pas comme s'ils comptaient pour rien avant le second tour. Pour constituer deux France sous l'égide de leur champion respectif, c'est la France dans son essence et sa globalité qu'on met à mal en occultant cette multitude qui a précisément fait entendre une voix discordante pour signifier qu'elle existe.
Une comparaison. Hostile conceptuellement au projet de loi sur le mariage pour tous, je n'ai participé à aucune manifestation parce que j'aurais détesté me donner l'impression que je dénonçais ou vitupérais une France avec laquelle je pouvais être en désaccord mais à laquelle j'appartenais.
L'équité démocratique et les valeurs - dont on nous rebat les oreilles quand elles ne servent qu'à soi - prescrivent qu'on accepte de regarder sans haine ni mépris huit millions de nos compatriotes. Et qu'on soit engagé mais avec allure.
Emmanuel Macron pour lequel je voterai n'est coupable de rien.
Rédigé le 25 avril 2017 dans Actualité, Médias, politique, Société, Télévision | Lien permanent | Commentaires (269)
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Cette fois, ça y est. C’est fini (France 2, Sud Radio).
Emmanuel Macron sera notre prochain président de la République. Il vaincra évidemment Marine Le Pen au second tour et le débat entre eux, le 3 mai, sera attendu avec impatience mais il ne sera pas susceptible de modifier ce « plafond de verre » même suprême dont le FN va encore pâtir.
On a commencé d’ailleurs d’emblée – et cela ira jusqu’à la nausée démocratique – à multiplier les soutiens à Emmanuel Macron, même de la part de ceux qui au gouvernement et durant cinq ans, à cause de leur politique si peu populaire ont fait monter le Front national. La présence de Marine Le Pen au second tour va à nouveau troubler le débat politique puisque toutes tendances confondues, gauche et droite réunies, haro sur le FN ! Le paysage reprendra son relief authentique et structuré ensuite. Plus tard.
Cette campagne prétendument pauvre sur le fond aura été excitante, stimulante, anecdotique, choquante, injuste et partiale. La justice s’en sera mêlée à son corps défendant mais il y a des irruptions médiatiques qu’on n’a pas le droit de négliger. François Fillon n’a pas cessé de décliner après son triomphe de la primaire. D’abord à cause de certaines incertitudes programmatiques puis en raison des « affaires » qu’on a d’emblée collées à son statut de favori sans lui laisser une seconde de répit par la suite. Détournant le citoyen de la qualité de son projet pour ostensiblement ne l’occuper qu’avec la découverte d’une personnalité surprenante, voire décevante. Qui par ailleurs a très mal géré sa défense. François Fillon s’est exprimé avec beaucoup de classe pour reconnaître son échec et en assumer seul la responsabilité. Il votera en faveur d’Emmanuel Macron.
Je considère que les « puristes » dédaigneux de cette campagne ont eu tort. Il faut croire que le peuple n’a pas agréé l’avis de ses élites prétendues. Puisque la participation a été considérable et que l’abstention se situe à un niveau acceptable de 22%. Les primaires n’ont pas saturé, elles ont avivé, ravivé la passion civique.
Il y aura toujours des indifférents chroniques qui se moquent comme d’une guigne de la chose publique mais surtout une masse structurellement déçue qu’aucune espérance n’a mobilisée pour favoriser son retour vers une politique classique, même à tonalité extrémiste. Cette constance que plus rien n’affecte est une plaie pour la démocratie.
L’effervescence médiatique elle-même n’est pas parvenue, malgré la qualité et la pluralité des débats qu’elle a permis, à impliquer dans le vote encore plus de citoyens.
Alors que pour les médias ces jours ont été d’abord des jours de gloire où leur utilité républicaine était manifeste mais aussi – l’un des paradoxes de cette période – des moments où discutés, contestés, voire vilipendés à cause de leur partialité et de leur questionnement, ils ont subi et enduré le pire. Jamais leur nécessité n’est apparue comme plus éclatante mais, en même temps, leur rôle et leurs méthodes n’ont jamais été plus sévèrement jugés.
Ce n’est pas parce que Jean-Luc Mélenchon n’a pas poursuivi sa montée stoppée juste avant François Fillon – étant devenu, avec la faillite de la cause du courageux Benoît Hamon, le seul candidat plausible des gauches socialiste et communiste – qu’il n’a pas profondément marqué cette campagne pour le meilleur et pour le pire. Ce dernier est relatif à son programme qui n’a jamais su se dépêtrer d’une impression qu’un Matamore exhibant ses muscles et ses admirations pour des dictateurs « ensoleillés » ne serait pas le président capable de redresser la France et de réformer l’Europe. J’ose à peine imaginer ce que le premier tour aurait été si Benoît Hamon avait eu une absence d’amour-propre telle qu’elle aurait pu le conduire à se rallier à l’ascension longtemps impressionnante de Jean-Luc Mélenchon.
Le meilleur est venu de la constatation, enfin, que la qualité du verbe est capitale, la capacité de persuasion fondamentale, l’empathie discursive et l’intelligence démonstrative obligatoires, la culture une richesse qui irrigue la dialectique et nourrit les propos. Là où Juppé a échoué – il n’a jamais voulu de coach alors que pour la primaire il en aurait eu tant besoin ! -, où Fillon n’a pas réussi, où Hamon n’a pas brillé, Mélenchon a excellé. Ce n’est pas rien d’avoir fait entrer dans les têtes populaires, politiques et médiatiques cette évidence que parole et adhésion sont indissociables et que c’est peine perdue de prétendre enthousiasmer sans le charisme d’un verbe exemplaire et admiré. J’espère une contagion pour le futur.
Les instituts de sondages n’ont pas à rougir. Ils n’ont pas démérité pour ce qu’ils avaient à exiger d’eux-mêmes, pour ce qu’on avait le droit d’attendre d’eux. Depuis des semaines, peu ou prou ils nous annonçaient le duo de tête et ne nous cachaient pas l’essor de Mélenchon et, malgré une légère reprise, le tassement de Fillon. Il est significatif que malgré l’offre pluraliste présentée sur la table de la démocratie, il y ait tout de même, malgré le « mouchoir de poche » qu’on pressentait, une distinction aussi sensible entre les deux premiers et les deux suivants – si proches l’un de l’autre - pour ne pas évoquer Hamon lâché.
A bien apprécier le résultat, il me semble qu’il a effectué un partage net et original entre les politiques classiques et éprouvés – quelles que soient les différences entre leur programme, le caractère « insoumis » de l’un et conservateur de l’autre – et deux incarnations de l’inconnu. En effet, Mélenchon et Fillon – et j’y ajoute Benoît Hamon - relevaient d’un monde ancien, orthodoxe, repérable. Le citoyen se sentait en pays de familiarité et de connaissance. Mais les partis classiques, installés de gauche comme de droite sont en miettes.
Avec Emmanuel Macron et Marine Le Pen, dans un registre sans commune mesure, l’électeur avait privilégié une sélection inédite. Un saut dans l’inconnu. Pour Macron, sa jeunesse, l’étrangeté fulgurante de son destin, son parcours professionnel rapide et contrasté, sa nouveauté dans l’univers politique, sa personnalité si naturellement centriste et, pour beaucoup, convaincante dans sa volonté de dépasser les clivages traditionnels constituent autant d’éléments qui paradoxalement ont plus rassuré l’électeur qu’ils ne l’ont inquiété. On l’a crédité, en ces temps violents et troublés, d’une aptitude au régalien, d’une présomption d’autorité qu’il n’avait pas encore démontrées. On lui a fait confiance précisément parce qu’il ne les avait pas usées et donc qu’il n’avait pas eu le temps de décevoir.
Marine Le Pen, même défaite le 7 mai, aura gagné son pari. La dédiabolisation qu’elle a menée aura atteint ses effets. La distinction entre l’extrémisme du père et le pragmatisme rigoureux de sa fille a été clairement marquée et seuls encore quelques obtus, parce qu’on ne se détache pas des vieilles lunes et des conformismes, ressassent que Jean-Marie et Marine participent du même monde intellectuel, historique et politique.
Macron a été choisi parce que le visage de l’inconnu, avec lui, était désirable, honorable, ne troublait pas l’âme ni l’esprit. Marine Le Pen a été choisie puis sera vaincue parce qu’on avait envie d’essayer sur l’arc démocratique – ou de s’en donner l’illusion – une flèche qui n’avait pas encore servi, qu’on devinait guère opératoire mais que l’inconnu, avec elle, faisait peur, donnait mauvaise conscience, aurait trop ressemblé à un chaos que son programme et ses ennemis auraient engendré.
Un inconnu tentant, un inconnu éprouvant, inquiétant, provocant. L’arbitrage était facile pour un peuple qui aspire aux audaces mais tempérées, au changement mais douillet et confortable, qui proteste mais ne désire pas être pris au mot, aux maux.
Un président de la République ayant jeté l’éponge, des primaires qui à droite et à gauche ont donné des résultats que leurs suites ont dégradés, des bouleversements et des controverses de tous les instants, une classe politique pas si médiocre que cela, Emmanuel Macron élu le 7 mai prochain.
Il y aura les élections législatives. Derrière l’apparence tactique de la concorde jusqu’au 8 mai, le parti des Républicains et le parti socialiste seront revisités, agités jusqu’à leur possible disparition. Les frontières de la politique ne seront plus les mêmes et les camps perdront de leur identité rigide. Pour la vie démocratique aussi, il y aura de l’inconnu à foison.
L’enseignement fondamental du 23 avril : la France n’est pas un pays qu’on domestique.
Rédigé le 24 avril 2017 dans Actualité, Médias, politique, Société | Lien permanent | Commentaires (127)
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La parfaite réussite médiatique de la soirée du 20 avril, due à l'initiative et à la constance de Michel Field, a permis d'entendre, sur les plans politique, économique et personnel, les dernières réponses des candidats, questionnés un quart d'heure chacun, puis leurs onze "cartes blanches" (France 2)
Qu'on n'y voie nul cynisme mais l'irruption du crime au milieu du débat lui a donné un tour intense, sombre et angoissant. L'assassinat du fonctionnaire de police et les tentatives sur ses collègues, la mort de l'assassin Karim Cheurfi aux Champs-Elysées ont projeté une terrifiante réalité sur des propos qui, par contraste, apparaissaient convenus ou scandaleusement décalés, notamment pour ce qui concerne Philippe Poutou et Nathalie Arthaud.
L'émotion, la compassion, l'indignation. Mais après, quelles leçons ?
L'hommage rendu aux forces de l'ordre a été sincère mais pourquoi sont-elles la plupart du temps médiatiquement et politiquement présumées coupables sauf quand l'un ou plusieurs de ses membres ont été tués ou blessés ? Cette révérence seulement funèbre est insupportable.
Le crime a été revendiqué par Daech et certains indices, notamment lors de la perquisition, peuvent rendre cette revendication plausible malgré des étrangetés dans sa rédaction. Mais, au fond, peu importe.
Karim Cheurfi, qui n'était pas fiché S, a passé quatorze ans de sa vie en prison avec une appétence pour la violence et une obsession anti-flics qui avait déjà trouvé de graves traductions avant la soirée des Champs-Elysées.
En 2001, il tente de tuer deux policiers. En 2007, il frappe un surveillant pénitentiaire. En 2008, il s'en prend à un codétenu. En 2013, il commet, en récidive, principalement des vols avec effraction.
Malgré la répétition de ces agissements qui auraient dû inquiéter d'autant plus qu'ils étaient peu ou prou inspirés par une même hostilité pathologique à l'égard de l'autorité publique, Cheurfi, écroué en 2001, avait été libéré sous le régime de la semi-liberté à partir du 7 juillet 2012. Obtenant sa libération conditionnelle en 2013, elle sera révoquée parce qu'il sera condamné au cours de cette même année. Sortant de prison le 14 octobre 2015, il est suivi par un juge de l'application des peines de Meaux. Il avait effectué un voyage en Algérie sans en avertir la justice alors qu'il en avait l'obligation (Le Figaro).
Mais son sursis avec mise à l'épreuve, pourtant, ne sera pas révoqué le 7 avril quand il se présentera devant le JAP.
Le 23 février 2017, il est arrêté parce qu'il est soupçonné d'avoir voulu tuer des policiers mais il est remis en liberté le lendemain.
J'ai insisté sur le parcours pénal et pénitentiaire de Cheurfi parce qu'il n'est pas nécessaire de faire référence à une visée terroriste pour en être étonné, voire scandalisé. Il met en évidence une exécution des peines défaillante à l'égard d'une personnalité impliquée sans équivoque dans les transgressions et les renouvelant. Sa libération le 24 février faute de preuves est révélatrice d'un système traditionnel et d'un état de droit classique inadaptés à de telles malfaisances. On est obligé, avec Cheurfi, de cibler une responsabilité qui découle de pratiques judiciaires et pénitentiaires coupables de mansuétude, de naïveté.
Daech ou non, le centre des dérives meurtrières de ces dernières années - depuis Merah - est une voyoucratie banale, une délinquance ordinaire amplifiées souvent en prison mais pas toujours. C'est d'abord à ce niveau qu'il convient de faire porter les efforts en ne favorisant pas un laxisme qui pourra éclater monstrueusement plus tard en terrorisme.
Je comprends l'indignation policière car les forces de l'ordre en ont assez d'être célébrées par-devant pour être d'une certaine manière frappées par-derrière.
Est-il normal que face à une telle situation, à une tragédie comme celle du 20 avril, le jour suivant le Premier ministre ne soit préoccupé que de dénoncer la "surenchère" de François Fillon et de Marine Le Pen ? Est-il acceptable qu'au lieu de s'interroger soi-même sur ses faiblesses et ses lacunes, sur la validité d'une politique apparemment mise à mal, on ne songe qu'à pointer l'adversaire ?
Impossible de dire quel sera l'impact de ces crimes sur le vote du premier tour de l'élection présidentielle. Ce qui est sûr en tout cas est qu'ils ne permettent plus de tricher. On ne peut plus opposer le seul humanisme à des actes qui mettent au défi notre démocratie. On l'aidera à se battre et à vaincre ou on la laisse mourir.
Aux Champs-Elysées venus percuter de plein fouet la République à la télévision, se jouait beaucoup de notre avenir.
Rédigé le 22 avril 2017 dans Actualité, Justice, Médias, politique, Société, Télévision | Lien permanent | Commentaires (86)
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Ce n'est pas sportivement correct mais je préfère, pour le football, l'équipe de Monaco à celle du PSG.
Il y a de l'argent pour l'une et pour l'autre mais il me semble que pour Monaco il coule avec moins de profusion et de vulgarité que pour Paris. Je n'ai jamais été pleinement conquis par le Qatar planant sur le onze de la capitale !
Depuis le départ d'Ibrahimovic, le PSG est devenu moins arrogant, moins antipathique mais je continue à me sentir plus proche des joueurs de Monaco. C'est une affaire de subjectivité mais la mienne est comme cela. Je comprends qu'il y ait des dilections contraires. A chacun ses goûts !
Il est tout à fait possible que Monaco parvienne à tenir jusqu'à la fin et devienne champion de France mais il n'empêche que je n'ai jamais eu avec cette équipe, comme avec Paris, la sensation qu'elle écrase, qu'elle domine tout et qu'elle constitue une sorte de rouleau compresseur fait de joueurs infiniment talentueux mais surtout d'une mécanique implacable lassante à force de supériorité. A la longue, même les matchs les plus achevés deviennent ennuyeux sauf quand une vaillante équipe comme celle de Metz nous donne l'espoir d'un miracle. Anéanti par Matuidi à la dernière minute. J'en ai mal dormi.
Même quand Monaco éblouit par son jeu, son attaque mobile, virevoltante et séduisante, avec son milieu exceptionnel et sa défense parfois faillible, on se dit que tout demeure possible, que l'autre équipe a toujours une chance, même petite, et cela excite, stimule, fait craindre et enthousiasme. C'est un spectacle divers, chatoyant et contrasté dans lequel Monaco domine souvent mais qui laisse place au doute et qui, avec une issue finale tout de même victorieuse, emplit le supporter d'une joie d'autant plus intense qu'elle a été menacée et inquiète.
L'équipe de Monaco n'est pas une tueuse et le championnat de France lui permet certes de démontrer toute la variété de ses dons avec son entraîneur exceptionnel, Leonardo Jardim, mais ce n'est pas son terrain de jeu préféré.
Le PSG n'a aucun mal à l'emporter en France même dans les grands rendez-vous. Il a démontré sa supériorité lors de la finale de la coupe de la Ligue parce que probablement Monaco ne s'est pas senti sublimé malgré la portée de l'enjeu.
Mais en revanche dans les joutes européennes - on a encore dans la tête le désastre du match retour à Barcelone - Paris se délite, se laisse intimider, déçoit et s'effondre. Chaque année, la Coupe d'Europe est espérée et à chaque fois elle se dérobe même quand l'aller donnait toutes les garanties. Comme si la dureté nationale, la rigueur française du PSG ne tenaient pas le choc face à des duretés, à des rigueurs encore plus exemplaires, espagnoles ou italiennes. Grand en France mais pas d'Europe. On peut se consoler en se disant que cela viendra un jour mais en attendant Monaco n'a jamais eu besoin d'attendre : à l'extérieur, une équipe à l'éclat impressionnant, qui n'a jamais eu peur de rien et a tenu.
J'adore donc Monaco qui en Europe tient plus qu'il ne promet et s'est qualifié pour les demi-finales après avoir éliminé brillamment l'équipe de Dortmund dont tout le monde a partagé la peine et salué le courage. Mais on est heureux que Monaco ait continué son parcours. Cette équipe est remarquable qui n'a jamais cette retenue, cette baisse, cette déperdition que subissent même les clubs les plus prestigieux quand ils jouent à l'étranger. Alors le 19 avril Monaco nous a régalés ! Ce que le PSG n'a pas su accomplir, Monaco l'a fait. Attendons la suite !
Est-il même nécessaire de devoir expliquer, justifier ma passion sportive ? Je n'ai même pas envie d'opposer Falcao, Germain, Lemar ou le prodige Mbappé aux vedettes du PSG. Ce serait absurde.
J'ai juste envie de dire que j'aime voir jouer Monaco et que cela fait du bien de pouvoir sortir enfin de l'étouffante emprise du PSG sur le football et de son abusive importance politique et médiatique.
Vive Monaco !
Rédigé le 20 avril 2017 dans Actualité, Société, Sports | Lien permanent | Commentaires (54)
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Ce billet sera probablement mal compris tant notre démocratie nous enferme aujourd'hui dans un camp et nous empêche d'exiger l'équité pour les autres. Tel ou tel commentateur de ce blog s'étonnera sans doute de mon souci renouvelé d'attirer l'attention sur une perversion républicaine d'autant plus significative que la République est le mot préféré de tous ceux qui ne s'en prennent pas au FN sur le seul plan qui vaille : le plan politique.
Puisqu'il convient à nouveau de jouer cartes sur table et de m'expliquer, d'abord je suis révulsé par l'injustice. Aristote a souligné que l'égalité se devait de traiter également les choses égales par ailleurs. Qu'on l'approuve ou non, le FN bénéficie au moins d'une égalité formelle avec les autres partis : pas plus qu'eux, il n'est interdit par les pouvoirs publics.
A partir de ce constat qu'on semble en permanence vouloir battre en brèche dans la rue ou dans certains médias, je suis en effet scandalisé par la complaisance et la secrète satisfaction avec lesquelles on accueille des atteintes graves à l'équité démocratique.
Que des pétitions d'intellectuels, d'artistes se multiplient comme des petits pains pour dénoncer le FN, pourquoi pas ? Elles ne servent à rien mais font au moins plaisir à ceux qui les signent en leur donnant l'impression de participer à l'Histoire.
Que vingt-cinq prix Nobel d'économie pourfendent le programme anti-européen du FN, c'est assurément une donnée à prendre en compte. Je doute que cela fasse bouger les lignes mais après tout il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, pour accabler.
En revanche, que des désordres et des violences soient systématiquement organisés et pratiqués pour empêcher que les réunions du FN se déroulent dans le calme, que des Femen se croient investies d'une obligation d'offrir leur poitrine pour venir au secours d'une cause républicaine qui n'a pas besoin d'elles, est un authentique déni de démocratie et relève parfois de qualifications pénales. A Nantes comme au Zénith où à son arrivée Gilbert Collard est visé par des projectiles et insulté. Sans omettre le début d'incendie du quartier général du FN perpétré quelques jours avant.
J'ai scrupule à énoncer ce qui devrait être une banalité pour tous les citoyens, quel que soit leur choix de dimanche prochain, surtout si comme moi ils ne votent pas pour le FN. On ne peut pas en effet avoir de manière obsessionnelle la République à la bouche pour s'en désintéresser dans ses manifestations concrètes.
Le président de la République, aussi discrédité qu'il soit, a raison de mettre en garde contre le "simplisme" de Mélenchon et l'extrémisme autarcique du FN mais d'abord il aurait pour charge éthique de rappeler l'exigence d'un terreau républicain équitable pour tous les candidats dès lors qu'ils respectent les règles de notre état de droit pour la campagne qu'ils mènent.
Comment ne pas être plus que surpris par un compte rendu de la Réunion du Zénith où les "incidents" à l'extérieur démontreraient que le FN "n'est pas un parti comme les autres" (L'Obs)? Autrement dit, ceux qui troublent et transgressent la normalité républicaine au détriment du FN seraient les spécialistes les plus avertis pour la lui dénier ? C'est absurde et ce cercle est vicieux qui fait des violents et des perturbateurs les héros d'une démocratie qu'au contraire ils piétinent.
Qu'une Nathalie Arthaud, pour Lutte Ouvrière, sans qu'on puisse lui imputer une tiédeur idéologique et une modération pour le fond et la forme, soit contrainte de condamner "les violences" en soulignant que la seule lutte contre le FN doit être politique m'apparaît tout de même comme le signe d'un pays malade sur le plan de ses valeurs (France 2).
Que l'extrémisme trotskiste intervienne dans le débat pour rappeler des règles élémentaires à ceux qui les ignorent ou font l'impasse sur elles puisqu'il s'agit du FN, est une incongruité dont on pourrait se féliciter si les partis traditionnels avaient la même honnêteté. Sinon, le paradoxe est amer.
Je ne me sentirais pas poussé par une irrésistible envie de justice si je n'avais pas l'intuition profonde, partagée par beaucoup, que les violences citoyennes et les partialités médiatiques font monter le FN qui peut - à juste titre en l'occurrence - se camper en victime en réclamant le bénéfice d'une démocratie dont fragmentairement, ici ou là, on le dépossède.
Marine Le Pen ne fait pas une bonne campagne. Ecartelée qu'elle est entre des tendances contradictoires qui lui interdisent un propos homogène en la contraignant à des pulsions alternatives (Le Figaro). Je rejoins l'avis d'Eric Zemmour sur ce plan, lui qui a amplifié la nostalgie de ceux qui l'ont vu dominer un débat d'animateurs sur ONPC...
Mais dans le résultat du FN dimanche prochain, quel qu'il soit et pour expliquer son niveau, il ne faudra pas oublier la part imputable à ces misérables apprentis sorciers qui auront fait prospérer dans les urnes ce qu'ils avaient combattu de manière illégitime et choquante avant.
Rédigé le 18 avril 2017 dans Actualité, Justice, Médias, Société | Lien permanent | Commentaires (203)
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Catholique, pécheur, pratiquant intermittent, je songeais au pape François lors d'une belle messe du dimanche de Pâques.
Ce n'était pas rien de savoir qu'à la tête de l'Eglise nous avions une personnalité comme la sienne. Incroyablement stimulante, provocatrice, active. Pourtant fortement contestée aussi bien par une frange de fidèles déstabilisés que par une hiérarchie catholique parfois rétive et les partisans de l'Ordre ancien au Vatican. La bureaucratie sévit partout, et le confort des situations acquises, et la peur du changement même le plus salutaire.
Le pape n'est pas discuté malgré ses actes. Mais à cause de ses actes. Pour tout homme de pouvoir, qu'il soit profane ou religieux, l'alternative est au fond toujours très simple. Aspirer au consensus revient inévitablement à privilégier une forme d'immobilisme. On peut le faire de manière plus ou moins habile mais à la fin cela revient à ce constat que sont seulement aimés ceux qui n'ont jamais voulu avoir une véritable emprise sur le réel, qui n'ont rien tenté pour transformer et faire évoluer, qui ont évité de prendre des risques pour ne pas cliver.
Un parfait exemple de cette tendance a été illustré, si je puis dire, par Jacques Chirac dont le second mandat a été un miracle d'abstention et donc a suscité une adhésion pour sa personne d'autant plus intense que se plaçant au-dessus ou en dessous de l'action, il ne désobligeait jamais personne.
Avec ce critère de l'antagonisme on peut, contrairement à ce que sans doute j'ai trop souvent fait, apprécier positivement la personnalité et la politique de Nicolas Sarkozy dont le moins qu'on puisse dire est que l'une et l'autre n'ont pas recherché la grisaille ni l'indifférence mais trouvé presque des preuves de leur qualité et de leur identité dans l'hostilité qu'elles inspiraient.
Je pourrais, pour François Mitterrand, à partir de la même aune, distinguer les phases entreprenantes, par exemple de 1981 à 1983, et les séquences plus tranquilles où la volonté de rassemblement au moins invoquée pesait plus que la passion des fractures.
Ce principe de la dissension comme preuve de la force et de l'existence d'une politique, et non pas de son échec, appliqué à notre histoire démocratique, permet mille variations surprenantes. Ainsi le septennat de Valéry Giscard d'Estaing, président qu'on réhabilite maintenant, qui avait pour ambition de favoriser le rassemblement d'au moins deux Français sur trois, n'a pas été un long fleuve tranquille, pas seulement à cause de Jacques Chirac mais des incidences significatives de mesures libérales, trop progressistes au goût de certains.
Comment ne pas cibler le président Hollande qui connaît le plus faible taux de popularité à la fin d'un mandat et à qui pourtant on ne peut pas reprocher d'avoir trop agi. Il y a là un paradoxe qui fait se rejoindre le discrédit avec le peu d'efficience. Ce qui démontre, s'il en était besoin, que pour être aimé, il ne suffit pas de ne rien accomplir ou trop peu. Il faut le faire d'une certaine manière qui ne se paye pas de mots. Cela requiert une sorte de talent pour savoir résister avec panache à la tentation de l'activisme.
Il convient, en comparant Jacques Chirac avec François Hollande, de se comporter comme le premier qui a théorisé avec allure son immobilisme et n'a jamais prétendu bousculer la France et de retenir que le second a déçu principalement à cause du gouffre entre son activité proclamée et sa consistance médiocre. Faire croire faussement qu'on a agi : le pire.
Toutes les inactions ne sont pas médiocres. Elles ne sont insupportables que si elles se dégradent en impuissances ou se haussent du col sans justification. En revanche, j'éprouve presque une tendresse républicaine pour les passivités nobles qui s'appuient davantage sur la fraternité des nostalgies que sur le risque de l'inconnu et les inventions qu'il impose.
Prenons mon sujet par un autre bout.
Faut-il ne rien faire pour être aimé ? Si on est capable de répondre oui sans aucun doute, cela signifierait que notre monde n'est pas très clair. Incongru.
En même temps, qu'on pense aux vivants et aux morts qui ont été les plus détestés dans notre Histoire, et on constatera aisément qu'aussi dissemblables qu'ils aient été ou soient, leur point commun a été de faire bouger, de métamorphoser, de ne rien laisser dans l'état où ils l'avaient trouvé.
Sortant de la messe de Pâques, je me sentais d'une étrange espèce puisque j'admirais profondément le pape François grâce à ce que précisément d'aucuns lui reprochaient. Cette personnalité unique de quatre-vingts ans, je l'aime parce qu'elle dérange.
Et que, sans elle, un catholicisme masochiste et frileux sévirait encore.
Rédigé le 17 avril 2017 dans Actualité, Gastronomie, Médias, Religion, Société | Lien permanent | Commentaires (66)
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Je sais, cette alternative est terriblement simpliste, sans doute le signe d'une immaturité politique qui ne sait pas s'attacher qu'aux seuls programmes comme les citoyens sérieux.
En même temps, pour moi qui rejette sur le bord de mon chemin démocratique Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, adversaires implacables mais étrangement semblables, on a le droit, sur un blog, d'exprimer ses états d'âme, ses doutes et, aussi, sa manière plus intuitive qu'élaborée de forger ses choix.
Je n'oublie pas la primaire de la droite et du centre que François Fillon n'avait pas gagnée seulement à cause de son propos sur l'intégrité mais grâce à la pertinence et à la cohérence de son programme qui visait, tous comptes faits, à ne plus faire vivre la France au-dessus de ses moyens.
Emmanuel Macron, avec son équipe, s'est efforcé, sur tous les sujets, d'édifier un système en définitive facile à identifier : une sorte de centrisme et d'équilibre, ne rejetant rien absolument mais compensant ici ce qu'il enlève là, prenant ici ce qu'il va annuler ailleurs. Ce n'est pas une démarche médiocre mais, pour refuser la rectitude trop roide de mesures sans concession, elle donne l'impression parfois d'une synthèse instable entre ce qui est nécessaire et ce qui est proposé.
Une conséquence négative de l'immense et contradictoire fourre-tout que paraît constituer aujourd'hui le vivier militant et humain au soutien de la cause d'Emmanuel Macron pourrait être d'infléchir dans un mauvais sens les avancées structurelles ou fortes que sa campagne a promues. Je suis par exemple inquiet que la présence de la gauche judiciaire altère ce qu'il y a de rigueur dans telle ou telle de ses propositions. C'est la rançon probable d'un salmigondis qui, perçu comme une richesse, risque de devenir un frein.
Sans sous-estimer le courage aussi bien intellectuel que physique d'Emmanuel Macron ni surestimer les enseignements et la sagesse d'une trop longue carrière politique, j'imagine davantage François Fillon dans les rapports de force internationaux et les crises susceptibles d'être créées par l'interventionnisme d'un Donald Trump qu'Emmanuel Macron. Parce qu'en l'occurrence l'expérience a du sens et la fraîcheur n'est pas forcément un atout.
Emmanuel Macron, par ailleurs, avec une spontanéité qui est sa face de lumière ou parfois d'ombre, sur la colonisation et la culture française a formulé quelques appréciations suffisamment provocatrices pour qu'il ait été contraint de les expliciter longuement et presque de les regretter.
Pour l'islam et sa perversion : l'islamisme et son paroxysme : le terrorisme, le candidat d'En Marche ! donne l'impression, avec sa volonté de calme et de tranquillité, son refus de l'outrance et de la surenchère, son souci de l'apaisement, son désir respectable de ne jamais jeter de l'huile sur le feu social, qu'il serait prêt par accommodement à des faiblesses tactiques, à des compromis douteux. Qui feraient le lit des communautarismes plus qu'ils ne les interdiraient.
Alors que François Fillon sur ce point capital, comme pour l'immigration et notre quotidienneté menacée, est plus rassurant, plus convaincant.
Si son projet globalement emporte davantage l'adhésion, nous allons devoir tout de même oublier une personnalité qui a déçu le peuple de droite, quelles que soient les suites judiciaires des affaires et les péripéties vestimentaires entre autres. Notre problème qui manifestement n'a pas été le sien relève moins de la loi que de la décence. Il y a une forme d'inconscience ou de désinvolture - même si le donateur Bourgi par exemple a inquiété, mais trop tard - qui n'est pas loin d'une indifférence, voire pire, à l'égard du peuple et de son ordinaire. Quelque chose s'est cassé qui va conduire, sans enthousiasme, désabusé par l'homme, à espérer dans le président qu'il pourra être.
Le projet, on s'y tiendra, on votera pour lui, malgré François Fillon. Parce que le premier est bon et que le second nous a d'une certaine manière trahis. On ne pouvait pas deviner que cette splendide invocation de l'intégrité était de l'affichage pour gagner.
Emmanuel Macron, à mon sens, est dans une configuration inverse. Il est un président de la République qu'on désirerait voir et avoir à la tête du pays. Son intelligence, sa culture, son empathie non fabriquée mais confirmée tout au long de son histoire, sa nature respectueuse, son aptitude républicaine, à quelques exceptions près qui sont pardonnables, à dialoguer et à accepter que le contradicteur ne soit pas un ennemi mortel et la démocratie une foire d'empoigne et de détestation, sa tenue, son honnêteté, sa jeunesse, tout garantirait une présidence, grâce à la personne qu'il est, aussi éloignée de celle frénétique de Nicolas Sarkozy que de celle faussement normale et tristement décevante de François Hollande. Contrairement à François Fillon, il vient au secours de son projet alors que celui-ci vient difficilement au secours de l'ancien Premier ministre.
François Hollande a implicitement avoué sa préférence pour Emmanuel Macron contre Hamon et Mélenchon. C'est un cadeau amer. Le président aurait mieux fait de ne pas se mêler de la campagne et de continuer à présider. C'est ce que lui avait conseillé avec culot Emmanuel Macron.
Malgré tout, François Fillon. Elu, sa réussite dans les premiers mois du quinquennat ferait oublier les lamentables épisodes en amont et la confiance des Français lui serait à nouveau acquise. Pas de meilleur remède que le succès !
Les sarkozystes regroupés tactiquement autour de lui ont déjà fait une croix sur lui et intégré sa probable défaite. Ils ne sont préoccupés, sous l'égide du Parrain, que par les élections législatives. A toutes fins, ils se sont assuré de deux postes : François Baroin comme Premier ministre et Laurent Wauquiez comme chef du parti. Les sarkozystes sortis par la porte de la primaire sont rentrés par la fenêtre de ses suites déprimantes. Je ne veux pas, même modestement, d'une manière ou d'une autre, prêter la main à cette restauration.
Malgré tout donc, François Fillon au premier tour.
Depuis 2007, la personnalité des présidents ne pouvait qu'être appréhendée globalement. Il y avait leurs actes, leur politique, leur programme, les espérances, mais tout ensemble, leurs failles, leur tempérament, les déceptions, leurs faiblesses. L'action et le caractère.
Jamais, comme avec François Fillon et Emmanuel Macron, on n'avait eu aussi ostensiblement à dissocier le projet et la personne. A aimer autant la subjectivité sympathique et chaleureuse de l'un et la valeur objective du programme de l'autre. Décidément cette campagne est unique.
Rédigé le 15 avril 2017 dans Actualité, Justice, Médias, politique, Société | Lien permanent | Commentaires (147)
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Le président de la République a décidé de s'engager: quel excellent commentateur il fait, quel observateur brillant il sait être !
Alors qu'il n'avait pas prévu d'intervenir avant le premier tour de l'élection présidentielle, il a pris le parti, en privé, de souligner que "cette campagne sent mauvais" (Le Monde) mais surtout, dans un entretien (Le Point), visant Jean-Luc Mélenchon, de déplorer "un péril face aux simplifications, face aux falsifications, qui fait que l'on regarde le spectacle du tribun plutôt que le contenu de son texte".
Il cible avec justesse un danger et dénonce un risque auquel modestement j'ai pu moi-même succomber. Nous sommes tellement sevrés de talents dans notre République que nous nous précipitons avec un enthousiasme trop longtemps frustré vers une parole publique de qualité, en effet tribunitienne et cultivée, vers un verbe qui tranche par rapport à la grisaille fade habituelle.
Mais c'est en effet s'adonner au "spectacle du tribun" sans examiner le fond de son discours.
Et répondre au désir de "renouvellement" également mis en évidence par le président de la République et invoqué avec ironie par Emmanuel Macron : "Mélenchon était sénateur quand j'étais au collège" (Le Figaro).
Comment ai-je ainsi, un peu facilement, reproché trop souvent au candidat d'En Marche ! de n'être pas un "tribun" comme si c'était l'essentiel au lieu d'accepter qu'ainsi la substance avait sans doute plus de place dans son propos pour exister ?
Pour Jean-Luc Mélenchon, je ne plaide pas totalement coupable puisque dans un billet du 5 avril 2017 - "La folie Mélenchon" - je m'étais étonné de la fureur avec laquelle on tombait en pâmoison devant cette personnalité au passé politique ancien mais qui, s'étant déclarée "insoumise", cherchait pourtant à se présenter comme toute neuve avec un changement de look et de comportement ayant tout concédé à la loi médiatique.
Il est clair que le "tribun" Mélenchon a, fort heureusement pour lui, occulté l'irresponsable et le dépensier prêts à lâcher la bonde pour une VIe République qui devrait nous séduire. Mais tout de même une hausse de 270 milliards d'euros de dépenses publiques et un coup de massue fiscal de 120 milliards d'euros. Et, pour faire bonne mesure, Chavez et Castro ses inspirateurs naturalisés français en quelque sorte !
Seul Le Figaro a mis les comptes dans le plat et évalué la catastrophe, la gabegie et la spoliation que représenterait le programme de Jean-Luc Mélenchon. Le Monde est trop occupé à nous faire régulièrement des doubles pages contre le FN et son environnement alors que pas un de ses lecteurs ne votera pour ce parti mais pourrait être tenté en revanche par l'adhésion à Mélenchon jamais décrédibilisé frontalement ! Mais il ne faut pas désespérer la gauche ou ce qu'il en reste.
En même temps, si des spécialistes, des techniciens des finances publiques et des évaluations budgétaires et sociales n'éclairaient pas le commun des citoyens sur les dérives ou le scandale de tel ou tel projet, même sans la magie du verbe nous pourrions nous laisser prendre à des fulgurances et à la densité conceptuelle et politique d'un univers philosophique, par exemple celui de Chantal Mouffe qui aurait influencé la vision de Mélenchon (Figaro Vox).
Ce dernier, quand il énonce que "la haine du populisme n'est rien d'autre qu'un avatar de la peur du peuple", émet une idée forte qui ne peut qu'entraîner une approbation sympathique.
Mais, derrière le tribun, la vigueur stimulante d'une parole qu'il gouverne avec talent, il y a les chiffres qui démontrent, de manière effroyablement anticipée, que son gouvernement "tiers mondiste", de muscles prétendus et d'impuissance certaine, nous entraînerait droit dans le gouffre.
Si on décrypte le très fin commentaire de François Hollande, le président a voulu nous mettre en garde contre Mélenchon.
Ira-t-il jusqu'à manifester explicitement son soutien au fils prodigue et toujours aimé Emmanuel Macron qui n'est pas son continuateur mais peut-être une blessure qu'il chérit ? Il y a une manière d'être quitté et contesté qui est probablement une ultime preuve d'affection politique ?
Rédigé le 13 avril 2017 dans Actualité, Médias, politique, Société | Lien permanent | Commentaires (79)
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Marine Le Pen, la droite extrême, François Fillon, la droite classique, Emmanuel Macron, le centrisme inédit, Jean-Luc Mélenchon, la gauche communiste.
Il paraît qu'il n'y a plus un favori mais seulement des outsiders et le 23 avril, soir du premier tour de l'élection présidentielle, les départagera mais sans doute dans un mouchoir démocratique. Il faut admettre que l'incertitude est à son comble, une fois que les élans partisans veulent bien abandonner leur optimisme obligatoire (Le Monde).
Le peuple français n'aura plus à se plaindre.
D'abord parce que la configuration et le pluralisme qui lui seront présentés épousent toutes les facettes et variations de l'esprit public, superficiellement et dans ses profondeurs.
Il aura l'extrémisme vindicatif, la haine sociale et la France réduite aux "travailleurs". Nathalie Arthaud et Philippe Poutou assemblés dans un même discours d'arrogance prolétarienne même si leurs organisations sont elles-mêmes fâchées. Je continue à regretter Olivier Besancenot qui n'aurait pas davantage convaincu au nom du NPA mais aurait su jouer sans complexe dans la cour des "grands", sans l'aide d'aucune pitrerie ni grossièreté.
Il disposera du Front national de plus en plus attaqué. Pour le Vel d'Hiv, sa présidente n'a fait que reprendre la position de Charles de Gaulle et de François Mitterrand qui n'étaient pas plus bêtes que Jacques Chirac et avaient dissocié la France d'un régime qui n'était pas elle, même soutenu et servi par des Français. Une Marine Le Pen naturellement fatiguée et de plus en plus énervée. Il arrive même qu'elle fasse des procès injustes aux journalistes (LCI, Le Grand Jury). Un jusqu'au boutisme fondé sur un volontarisme de table rase aussi inconcevable qu'il serait destructeur.
Il s'enivrera avec la France, dite insoumise, de Jean-Luc Mélenchon alors que son brillant candidat et orateur apparemment l'est de moins en moins, ayant dû choisir entre la tempête révolutionnaire mais l'échec cuisant d'hier et l'audace partageuse et utopique d'aujourd'hui avec des sondages en hausse qui la valideraient. Et le miraculeux soutien d'une délirante extrême gauche le faisant presque apparaître pour un modéré ! Quant à son programme, il a été démoli, pour l'Europe, par Julien Dray et, pour son irénisme à Marseille, par Emmanuel Macron. Le paradoxe est que ce dernier, auquel on a prétendu donner des leçons de fermeté internationale, a justement dénoncé le désarmement unilatéral de Mélenchon. Donc celui-ci prétend montrer ses muscles en Europe et sa faiblesse au monde (Le Figaro) !
Il se rassurera avec la France promise par François Fillon qui a enfin compris qu'il n'avait plus le droit de demander à être aimé mais seulement à être soutenu. On passe de l'affection à l'adhésion raisonnable. Avec lui l'inconnu aura un visage presque familier. Mais Mediapart nous reparle de Penelope Fillon : on veut en faire le couple maudit !
Il se troublera avec Emmanuel Macron qui n'a jamais été une bulle et qu'il ne faut plus tourner en dérision parce qu'il approuve parfois ses concurrents. Il fait preuve d'une maturité républicaine, d'une humanité polie et les autres devraient en prendre exemple. Il aurait menti sur Alstom lors du débat : il s'en expliquera. Nous ne sommes plus à une controverse près. Ses variations sur le recours aux ordonnances et la déchéance de nationalité par exemple signent-elles forcément l'irrésolution d'un homme ? Faut-il hésiter à son sujet entre le désir de satisfaire tout le monde ou la répugnance à laisser de côté quoi que ce soit qui permette d'élucider le réel et d'élaborer une politique ? Complaisance ou plénitude ?
Il s'attristera avec Benoît Hamon lâché de toutes parts et on hésite entre la joie d'avoir échappé au naufrage qu'aurait causé le programme et la pitié face à ces honteuses désertions qui laissent le vainqueur de la primaire encore plus seul qu'avant de l'avoir gagnée.
Il s'indignera avec Nicolas Dupont-Aignan qui avec une constance admirable brasse les mêmes thèmes, formule les mêmes propositions et souhaiterait vraiment que Yerres serve d'exemple pour demain. Je ne me moquerai jamais des vaincus probables acharnés sincèrement à proclamer leur certitude de victoire. Une force d'âme et de conviction qui suscite le respect.
Et, sur Cheminade, il s'interrogera : pourquoi est-il là ?
Et, avec Asselineau, il comptera : pourquoi tant de chiffres qui ne prouvent rien ?
Le peuple n'aura plus à se plaindre parce que les médias n'auront pas "fabriqué" le vainqueur. Ce sera à lui seul de peser au trébuchet les avancées et les régressions.
Quelle histoire !
Fillon était le triomphateur quasiment élu puis il a décliné. Marine Le Pen en tête a un peu fléchi. Macron s'est propulsé à l'avant-poste et il espère tenir. Mélenchon a brûlé la politesse à Hamon, ce qui était prévisible ; il aurait dépassé Fillon et est en train de rêver. Fillon s'accroche à son noyau dur, fait fond sur tous les indécis et n'imagine pas que la droite puisse être absente le 6 mai. Et vaincue.
Les choses au moins sont devenues claires. Pour des citoyens comme moi. Avec cette possible arrivée sur les talons les uns des autres, la gratuité et l'irresponsabilité n'ont plus le droit de s'amuser. Quelles que soient les divergences - exagérées par le feu et le réflexe de la campagne -, je ne peux pas imaginer qu'on ne fasse pas tout pour assurer un second tour plausible, cohérent et rehaussant la France et son image. Mélenchon-Le Pen, la gauche communiste face à la droite extrême, serait-ce pensable ?
Même en ayant abandonné la partie, le président de la République a trouvé le moyen de laisser la France aussi inquiète que s'il s'était représenté.
Rédigé le 11 avril 2017 dans Actualité, Justice, Médias, politique, Société, Télévision | Lien permanent | Commentaires (145)
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Je n'étais pas seul l'autre soir au Théâtre des Déchargeurs.
Je pourrais continuer : ...ce n'était que Luchini... et me glisser infiniment petit dans l'ombre de Musset.
On ne fait jamais le tour de Fabrice Luchini.
Il y a des personnalités notamment artistiques qu'on entend et qu'on voit partout. Et à chaque fois c'est un sentiment de saturation qui vous envahit. Elles ne sont pas à la hauteur de la surabondance qu'on leur octroie.
On entend et on lit beaucoup Fabrice Luchini, pas seulement à l'occasion de la promotion de ses spectacles et de ses films. Parce qu'il a autre chose à dire et que, se répétant, toutefois il innove.
Avec lui, la coupe n'est jamais pleine, au contraire on en a besoin, on en redemande !
Parce que, pour moi, il demeure un mystère et que celui-ci exige, pour être percé à jour, une inlassable fréquentation de sa personnalité, des mille variations de son être, avec l'admiration qu'il suscite, une curiosité infinie pour sa manière de lire, de commenter, de railler, d'éblouir ou de digresser, une écoute jamais lassée des tonalités de sa voix - je l'adore quand soudain elle devient puissante, formidablement articulée, puis qu'elle retombe dans le familier ou le complice.
Je me casse l'esprit à tenter de découvrir les secrets de sa fabrication, les "recettes" qui font de ses représentations des objets artistiques non identifiables (OANI) mais non pas en pure perte, seulement avec l'intuition qu'il y a encore quelque part de l'inconnu et qu'il est sans doute vain de s'efforcer de démembrer l'invention, que le jaillissement ne s'analyse pas. Il y a de l'inépuisable qui est en même temps, pour la curiosité et la passion de comprendre, une tentation et une heureuse défaite renouvelée.
Pourtant il faut s'y risquer, d'abord à cause de la gratuité de l'exercice - les élucidations désespérées sont les plus belles - et parce qu'aucune des pistes qu'on trouve ici ou là dans les journaux et magazines n'est totalement convaincante.
Ce n'est pas à l'évidence le seul talent de savoir lire des textes superbes, faciles d'accès ou austères. Il s'en éloigne parfois et surtout, dans son dernier spectacle, "Des écrivains parlent d'argent", ses choix n'ont rien d'une quelconque démagogie littéraire mais visent à élever l'auditeur en le contraignant à une exigence qui le détournera du confort de l'esthétique au bénéfice de l'intelligence et de l'éthique.
Emile Zola, Marx ou Charles Péguy ne permettent pas plus à Fabrice Luchini d'éclabousser superficiellement qu'ils n'autorisent le spectateur à décrocher de la gravité en attendant patiemment l'ironie ou le sarcasme qui seraient la spécialité de celui qu'ils sont venus applaudir (Le Figaro Magazine).
Pourtant je pressens que la relation qu'entretient Luchini avec la littérature, la philosophie ou la modernité disséquée par un Philippe Muray est fondamentale. Non seulement parce qu'elle représente pour lui une permanente opportunité d'admiration - il n'est pas l'autodidacte caricatural qui vous inonde mais il partage ce qu'il a lu et appris pour en enrichir les autres - mais surtout parce qu'elle le garde de lui-même, met un écran entre le réel et sa part sombre, trop clairvoyante.
Non que Luchini soit médiocre dans ses "shows" audiovisuels où sa spontanéité et sa liberté font merveille mais l'entraînent parfois vers des dérives où il n'est plus gouverné, au point qu'il s'abandonne à des vulgarités qu'il détesterait profondément ailleurs. Il sait, il sent combien il est facile de stimuler l'intérêt et de faire s'esclaffer avec parfois une gouaille salace qui n'est pas de lui et en lui.
Il est d'ailleurs si lucide sur ses failles qu'avec tolérance et certainement adhésion, il n'hésite jamais à faire écho à la critique ou au regret sur ce plan précis. Je l'ai constaté. Il ne cache pas ce qui l'affecte : il l'a deviné bien avant vous tant il raffole de l'introspection qui pour être authentique doit savoir être amère. Tout entretien avec lui qui se contenterait d'être hagiographique manquerait sa plénitude qui laisse d'immenses qualités et quelques débordements non pas se contredire mais se compléter.
La littérature est précisément ce ce qui le sauve. Lire, comprendre, offrir ce qu'il y a de meilleur ici ou là dans l'écriture est un miraculeux garde-fou. Les textes l'emplissent d'une véritable allégresse et en même temps constituent un butoir. Ils sont présents comme des amis qui vous évitent de dépasser les limites, de donner trop de place à l'effervescence d'une personnalité au détriment de l'essentiel.
Ce qui ne signifie pas qu'il n'est pas capable, avec les beaux textes penchés sur lui comme de bienveillants tuteurs, d'enthousiasmer par une parole et une invention libres, décapantes, se moquant de lui comme elles mettent en pièces la modernité financière erratique d'aujourd'hui. Son passage sur les subprimes est un parfait exemple de ce talent exceptionnel qui fait rire une salle de ce qu'elle a pu connaître ou endurer parce que précisément Fabrice Luchini, avec son ton et son verbe, fait de ces épisodes une épopée drolatique du quotidien. Le commun des spectateurs n'est pas loin de toucher, alors, à un statut héroïque. Tout ce courage qu'il a fallu pour supporter même l'idée qu'on allait tout perdre !
Cette infinie capacité d'admiration vraie, cette générosité dans le partage de la beauté, cet acharnement à se mettre au service d'autre chose que de lui-même est définitivement ce qui l'écarte de la vanité. L'orgueil de Luchini tient à la richesse de ce qu'il propose, à la manière somptueuse, royale dont il délivre ses messages et prodigue ses offrandes, au fait qu'à sa place, résistant irremplaçable et modeste à une société qui tombe sans même plus avoir le charme romantique des déclins, il participe d'un combat de haute volée. Rien qui se rapporte à lui intimement, tout pour son art et le bouclier qu'il constitue.
Je n'ai pas levé tout le voile. J'ai ajouté quelques lueurs.
Fabrice Luchini, on en redemande !
Rédigé le 09 avril 2017 dans Actualité, Art, Médias, Société | Lien permanent | Commentaires (23)
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On voudrait nous enfermer dans une alternative, sur le plan pénitentiaire, entre la surpopulation d'aujourd'hui et le laxisme, la débandade de demain.
Comme si le fait qu'on ne puisse pas avoir un rapport joyeux avec la prison et les délits ou les crimes en amont qu'elle induit devait nous interdire de répondre aux multiples défis et questions que l'incarcération soumet à notre démocratie.
Notre réflexion n'est pas caduque parce qu'elle admet le constat d'une dignité matérielle à instaurer ou à restaurer dans le monde carcéral. Qu'il s'agisse des prévenus, des condamnés ou des surveillants qui vivent de plus en plus l'enfer - il y a des lieux où les détenus font la loi -, agressés à l'intérieur ou à l'extérieur des établissements (Le Parisien).
Un collectif de sept personnalités - des artistes, un écrivain et un avocat lié à cette mansuétude par sa fonction - a publié, le 5 avril, un texte dans Le Monde sous ce titre méprisant : "Prétendre qu'il faudrait plus d'incarcération relève d'une imposture".
Ce même quotidien qui à l'évidence s'est fait une spécialité de ce combat unilatéral avait déjà ouvert le chemin, le 4 avril, avec un article annonçant clairement son parti pris, avec cette interrogation : "Davantage de prisons, mais pour quoi faire ?".
Le paradoxe est qu'il est précisé : "Les candidats à la présidentielle rivalisent sur la question, omettant une partie du débat".
Car celui qui "omet une partie du débat" est ce journal prestigieux et orienté qui ennoblit quelques poncifs jamais remis en cause qui structurent non seulement la vision de la gauche dite progressiste mais aussi celle d'une part de la droite conservatrice embarquée par la mauvaise conscience et l'ignorance dans la même confusion.
La perversion fondamentale est de considérer que le seul remède à la surpopulation serait de multiplier les peines de substitution sans lien avec la gravité des infractions, de libérer à outrance de manière anticipée ou de réduire à presque rien les détentions provisoires.
Et donc d'exclure l'unique solution qui à la fois assurerait la tranquillité publique, rassurerait les citoyens et offrirait le moyen, enfin, de donner au monde carcéral un avenir qui, sur tous les plans, ne soit pas désastreux. Construire de nouvelles places de prison ne sera pas, contrairement à une absurdité répandue, une opportunité pour les occuper sans nécessité mais la soupape de dignité et de sécurité dont l'enfermement a besoin pour s'humaniser.
Il est aberrant de n'appréhender la surpopulation que par rapport à la réalité quantitative du présent sans s'interroger sur une délinquance et une criminalité dont l'accroissement et la gravité justifieraient des constructions pour le futur. L'erreur est de s'arrêter à l'état actuel des prisons comme s'il constituait une ligne Maginot et donc de ne prévoir que des libérations pour répondre demain à l'insécurité et aux rigueurs inévitables de la Justice. Désemplir avec légèreté face à la surabondance de la menace serait un crime contre la société. Une authentique "imposture".
Prendre conscience de ce risque impliquerait aussi qu'on cessât de ressasser cette antienne selon laquelle la prison serait responsable de la récidive.
D'abord, heureusement, tous ceux qui retrouvent la liberté ne récidivent pas. Il y a des libertés et des responsabilités qui s'exercent pour le meilleur. Pour les autres - la moitié environ - serait-il provocant de soutenir ce qui pourtant est la stricte vérité ? Le récidiviste a créé sa récidive. Quelles que soient les conditions carcérales, elles ne sont jamais telles qu'elles puissent effacer toute autonomie et abolir toute volonté à l'air libre. Je sais bien que l'humanité aime se consoler ainsi. Cela la rassure de penser que les prisons sont coupables plus que les personnes que la justice a dû y enfermer.
Dans les libelles anti-prisons, en particulier dans la charge du Collectif que j'ai mentionnée, la main sur le coeur et l'esprit facilement humaniste on nous déclare, certes, que les prisons sont trop pleines, qu'il faut libérer mais jamais on ne se heurte à la dure et éprouvante loi du réel et de sa malfaisance, on feint d'oublier le pire : il y a des crimes et des délits qui sans la prison seraient source renouvelée de détresses et de malheurs quotidiens. Il est alors trop confortable d'opposer à la surpopulation carcérale un monde qui, à l'extérieur, serait irénique et en tout cas n'aurait pas besoin de la prison et, à vrai dire, demain encore plus qu'aujourd'hui.
J'aurais bien envie de rendre comptables de toutes les transgressions que le rousseauisme judiciaire et pénitentiaire a facilitées, permises ou n'a pas su empêcher, les bons apôtres qui en sont les inlassables prêcheurs jamais contrits.
Rédigé le 07 avril 2017 dans Actualité, Justice, Médias, Société | Lien permanent | Commentaires (80)
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Il doit bien rigoler, le candidat du NPA.
Il a eu le débat mais il n'a pas voulu la photo !
Le voilà devenu au lendemain de ce long moment à onze, dense, profus, désordonné, excitant et inégal, la nouvelle idole médiatique (BFMTV).
Je me souviens de l'époque où on se moquait de lui, au contraire, quand il avait pris la relève d'Olivier Besancenot et qu'il faisait plus rire avec condescendance que susciter un intérêt poli.
Je le dis d'autant plus volontiers que j'avais écrit un billet pour le défendre et souligné le caractère exceptionnel et positif de l'implication d'un ouvrier dans la joute présidentielle.
J'ai dénoncé, bien plus tard, les attitudes scandaleuses à son encontre de ONPC et de la bande de Laurent Ruquier, qui avec une dérision proche du mépris lui avaient manifesté comme il comptait peu.
De là à le béatifier, à s'en prendre à Anna Cabana parce qu'elle l'a jugé "indigne, irrespectueux"! Comme si on n'en avait pas le droit et qu'il convenait toutes affaires cessantes de rattraper le peu de crédit qu'on lui avait depuis toujours octroyé par une surenchère d'estime et d'admiration !
Personne n'a, par exemple, osé, devant son invocation permanente du travail, lui répliquer que lui et ceux qu'il soutenait, parfois avec gouaille et verve, n'en avaient pas le monopole et que les capitalistes qu'il dénonçait avec simplisme n'étaient pas déconnectés d'un labeur quotidien certes bien payé mais éprouvant et intense. Le terrorisme intellectuel d'une extrême gauche s'étant approprié la dureté de la vie avait encore frappé.
Le choquant est qu'on s'esbaudit avec un enthousiasme naïf de ses charges sommaires contre François Fillon et Marine Le Pen sans s'interroger une seconde sur des éructations prétendument drolatiques qui violaient sans aucune mauvaise conscience la présomption d'innocence.
Parce que ces saillies choquantes émanaient de Philippe Poutou, il fallait bien sûr s'en amuser au lieu de les déplorer. Il fallait les valider parce qu'elles faisaient mal à des personnalités qu'on n'appréciait pas mais s'abstenir de toute critique même la plus justifiée.
J'ai aimé que le seul à intervenir dans la joute à onze pour énoncer une double vérité ait été Emmanuel Macron. Après le réquisitoire expéditif de Philippe Poutou, il a mis en avant la présomption d'innocence, ce qui implicitement venait au secours de François Fillon et de Marine Le Pen, et considéré qu'on n'avait pas à dénigrer la justice et les juges, ce qui battait en brèche l'attitude des mêmes. Sa position, toute d'équilibre et de courage dans l'effervescence créée par un Poutou de plus en plus histrion, m'a plu. Personne ne lui a emboîté la pensée sur ce plan. Dommage.
Dans les comptes rendus médiatiques, évidemment aucun journaliste de droite ou de gauche ne prend le risque d'émettre la plus légère réserve à l'égard de ces procès si peu démocratiques.
Qui seraient excusables parce que c'était Philippe Poutou et que de lui on ne pouvait rien attendre d'autre que ces transgressions.
Je regrette infiniment que cette démarche consensuelle d'adoration spectaculaire, après la bataille, ne soit profondément que la manifestation d'un mépris qui au fond n'a jamais cessé.
Quand on respecte les gens en République, on ne les ménage pas, quoi qu'ils soient, s'ils s'égarent.
Rédigé le 05 avril 2017 dans Actualité, Justice, Médias, politique, Société | Lien permanent | Commentaires (176)
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La folie au sens d'un engouement exceptionnel, d'une adhésion sans mesure.
Qui l'eût cru ?
Jean-Luc Mélenchon (JLM), certes, maîtrise superbement la parole, a une culture dont il se flatte, incontestable et reconnue par tous. Elle irrigue ses interventions et ses réponses. Il nous dit lui-même qu'il a aussi beaucoup changé, que le rogue s'est adouci et, avec honnêteté, il avoue avoir tiré les leçons de ses précédents échecs.
La fureur est rentrée et l'habileté n'est plus méprisée.
La forme demeure de qualité avec, ce qui est l'essentiel, un élan et une force dans l'expression de la conviction et le développement de l'argumentation. Elle s'accompagne moins, pour transmettre un fond problématique, de rudoiements et d'impatiences à l'égard de ceux, généralement journalistes, coupables d'incompréhension, et soupçonnés d'une passion des détails aux antipodes des abstractions à la fois romantiques et révolutionnaires de JLM !
Ces attributs et ces métamorphoses ne sont pas rien mais ne suffisent pas à expliquer "la folie Mélenchon", le fait qu'aujourd'hui il dépasse Benoît Hamon et se prend à songer qu'il pourrait être au second tour. L'annonce que pour une majorité il est le candidat qui incarne le mieux la gauche a dû l'emplir de fierté, lui donner une légitimation politique et bien sûr une consécration personnelle.
Malgré tout cela, qui aurait pu croire qu'il susciterait une appétence si singulière, de moins en moins imprégnée par une concordance idéologique et une adhésion authentique à son projet si justement dénoncé par Julien Dray (L'Express) ? Il ne lui suffirait pas en effet de montrer ses muscles à l'Europe pour que celle-ci devienne ce qu'il espère et la VIe République est d'autant plus un excellent slogan qu'il ne se heurtera jamais au réel.
D'où vient alors cette "folie Mélenchon" qui fait surgir un enthousiasme indépendant de ce qu'est l'homme, de ce qu'il pense, du caractère erratique et pointilliste de son programme avec cette apparente et dangereuse cohérence des constructions abstraites ? Comme si cette folie représentait un besoin dans une campagne présidentielle où l'empathie d'un Emmanuel Macron se trouve trop seule et les possibilités d'admirer trop rares.
Cette folie atteint tout le monde. Les journalistes d'abord. On ne parle plus que de lui, on écrit sur lui, on s'émerveille de le voir devenu si civilisé, si urbain. Un Laurent Neumann loue la fraternité de ses réunions - encore heureux que ses soutiens ne l'agressent pas et qu'il ne les houspille pas ! - par comparaison avec, bien sûr, les manifestations du FN (BFMTV).
Dans toutes les couches de la société, France du haut, France du bas, des calmes se découvrent, grâce à lui, l'âme révolutionnaire, le progressisme délirant a ses quartiers de noblesse et l'insoumission vient caresser les plus conformistes. Il donne à tout ce qui était récusé, détesté, honni, un tour acceptable, presque convenable. Lui qui n'était pas à recommander, devient recommandable, à fréquenter absolument.
Et si on allait faire un tour chez Mélenchon pour s'encanailler en écoutant un excellent français ? On a l'impression de frôler des gouffres, de border des précipices mais, dans le fond, prétendre tout changer, appauvrir les riches qui ne travaillent pas et sont forcément malhonnêtes pour venir en aide à ceux qui travaillent et manquent de tout, cela vous pose une conscience, une morale, une humanité !
On va vers Jean-Luc Mélenchon depuis quelques semaines, vers cette "folie" délicieuse - cela fait du bien de se sentir audacieux, provocateur, talentueux, exemplaire, absolutiste, justicier, la roideur de la personnalité et le velours des mots, par procuration - comme, dans certaines périodes cruciales de l'Histoire, l'élégance, le snobisme et le besoin effréné de se croire du côté de l'avenir radieux se sont rués vers le désastre. D'abord le leur.
Cette frénésie ne serait que risible - le personnage qui en bénéficie n'est d'ailleurs pas à blâmer, il mérite attention et considération - si elle ne se rapportait pas à la campagne présidentielle et ne manifestait pas, par cet excès, à quel point certains de ses concurrents manquent d'éclat et déçoivent. Benoît Hamon a la gauche certes sérieuse mais, sans le désobliger, elle n'exalte pas. Il s'efforce mais n'y arrive pas.
Le triomphe d'un Mélenchon est la preuve d'un monde qui est prêt à aller n'importe où pourvu qu'il y ait du verbe et de l'intelligence.
Serait-ce l'offenser ou lui complaire que de le rapprocher de l'une de ses admirations historiques ?
D'un Robespierre qui ne couperait pas les têtes.
Rédigé le 05 avril 2017 dans Actualité, Médias, politique, Société | Lien permanent | Commentaires (35)
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Rien de ce qui concerne Emmanuel Macron (EM) ne m'est étranger.
J'attends avec une patience qui s'émousse au fil du temps la chance de pouvoir le questionner comme je l'entends pour enrichir la liste pluraliste déjà fournie des invités pour mes entretiens vidéo.
En même temps je le sais suffisamment ouvert et intelligent pour comprendre et supporter un point de vue critique.
Je considère qu'il a perdu le sud lors de son passage à Marseille avec un grand discours où il s'en est pris à François Fillon - sur un mode acceptable, à l'exception du "masque de haine" et de la référence indécente à 1934 - - et au Front national dans un registre où il m'est apparu méconnaissable, artificiellement éloigné de lui-même. Il n'y a aucune raison que le nord soit le seul point cardinal à manifester le dérèglement.
Certes on nous annonce avec une constance qui devient de moins en moins improbable un deuxième tour de l'élection présidentielle entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Les deux semblent avoir intégré cette confrontation si proche maintenant. Ils se cherchent, se combattent, ne se lâchent ni de l'esprit ni du verbe ni de la dénonciation. Ils seraient à l'évidence déçus si le sort politique les privait l'un de l'autre.
Mais quelle mouche polémique, tribunitienne, a piqué EM pour qu'à Marseille, tout en enjoignant à ses nombreux partisans et soutiens de lutter vigoureusement contre le FN, il ait éprouvé le besoin de vitupérer "ce parti du repli, du mépris et de la haine" (Le Figaro).
Le thème du repli est largement utilisé, je l'admets, et a une connotation presque technique puisqu'il fait référence au recentrage, qui serait calamiteux, du FN sur le franco-français et décrit un mécanisme qui aboutirait à une catastrophe pour la France en Europe et dans le monde.
Mais haine, mais mépris ?
Sans qu'EM ait pris la peine, comme ses concurrents aussi hostiles que lui au FN, de distinguer les responsables de ce parti et la masse de ses électeurs. De sorte que c'est faire bon marché de ceux-ci et pour le coup les mépriser que de les globaliser en les accusant de n'être inspirés que par la haine et le mépris. Alors que probablement l'un des ressorts fondamentaux de leur adhésion au FN est la conséquence du mépris dont on les accable et de la haine qu'on leur voue !
Aussi bien Jean-Luc Mélenchon que Benoît Hamon et François Fillon se sont toujours efforcés de distinguer le bon grain égaré de l'ivraie manipulatrice et extrémiste comme s'ils n'avaient pas totalement abandonné l'ambition de faire revenir, au sein de leur espace, ces citoyens qui actuellement font du FN le premier parti ouvrier de France.
Avec par exemple le paradoxe justement souligné par Guillaume Tabard que la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon est "populaire mais sans le vote populaire", qu'elle a le mot mais pas la substance (Le Figaro).
Emmanuel Macron, avec son invective sur la haine et le mépris, a décidé clairement de ne pas faire d'En Marche !, un possible réceptacle de ceux qui pourraient encore s'échapper du FN si on les tentait par un atypisme opératoire et honorable, des abstentionnistes et des indécis pour les détourner du choix extrême qu'ils pourraient opérer en toute fin de campagne ! Il est clair que son argumentation de rejet, sans la moindre discrimination, est déjà choquante en elle-même mais bien plus si on la compare avec l'attitude générale, à forte tonalité démocratique, d'Emmanuel Macron.
François Bayrou, fraîchement converti et donc plus inconditionnel que les auxiliaires de la première heure, semble à ce sujet fantasmer sur son candidat en invoquant le général de Gaulle qui au contraire avait une conception qui n'aurait passé aucun Français, quelles qu'aient été ses convictions, par pertes et profits, ni laissé aucun citoyen en déshérence (Le Grand Jury).
A quoi cela sert-il de demander qu'on ne hue pas le FN quand, dans son discours, EM chauffe à blanc son public avec des outrances qui ne peuvent qu'engendrer l'effet contraire ? L'exigence de rassemblement qui est sincère chez lui s'arrêterait-elle aux portes du FN, comme s'il se donnait licence, dans ce seul domaine partisan, de se débrider et de se contredire ?
Le paroxysme de sa dénonciation est-il une concession qu'il fait à sa nature pour montrer de quoi sa personnalité est aussi capable et qu'il n'est pas un tribun en toc et de façade mais une force, une violence en marche ?
Emmanuel Macron est un intellectuel singulier. Il n'est pas comme de rares prédécesseurs qui ont fait de la politique mais du bout des lèvres et de l'action. Qui n'ont pas su vraiment choisir entre la vulgarité et l'audace partisanes, et la réflexion et les concepts. Raymond Barre, par exemple, Premier ministre, n'a jamais oublié les concepts du professeur, avec une touche de mépris et de condescendance pour cet univers de l'immédiat et de la démagogie.
Au contraire, EM est comme un poisson dans l'eau dans cette ambiguïté et le politique, chez lui, n'y perd rien : il y gagne. La manière suavement cynique dont il a mis François Hollande au rancart est du grand art. Il s'est servi de sa pensée pour sortir vainqueur des rapports de force et peut-être triompher demain. Il n'a pas laissé l'intellectuel pourrir ses ambitions. Il l'a mis au service de celles-ci et ainsi a ajouté à leur plausibilité. Drôle de bulle que celle qui enfle et n'éclate jamais !
Emmanuel Macron indiscutablement politicien - il y a une manière de prétendre ne pas faire de politique qui est le comble de l'habileté politicienne - me paraît cependant avoir un rapport malaisé avec son verbe public comme s'il aspirait à épouser un style tribunitien qui n'est pas son genre. Il force le trait avec dans certaines circonstances - quelle tentation que Marseille ! - un fond que la forme manichéenne et expéditive gouverne et des décrets péremptoires et offensants qui visent moins à persuader qu'à enflammer, moins à rassembler qu'à exciter. Crier est l'aveu d'une faiblesse. La véritable éloquence pour se faire entendre n'a pas besoin du surrégime.
J'analyse ses dérapages dans l'outrance et le conflictuel conformiste comme une preuve qu'il se donne à lui-même : il sait tout faire, du Macron plein d'empathie à l'égard de tous au Macron qui exclut quand Marseille le stimule.
Il n'empêche qu'ayant perdu le sud, Emmanuel Macron ne devrait pas abuser de ces séquences où il révèle qu'il peut être aussi un autre. Et pas le bon.
Rédigé le 03 avril 2017 dans Actualité, Médias, politique, Société | Lien permanent | Commentaires (103)
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Chaque époque se persuade qu'elle est unique pour le meilleur et pour le pire, chacune se vit comme l'un de ces moments charnières qui ouvriront sur un futur inimaginable au sens propre.
Pourtant ces derniers mois, sur les plans politique et médiatique mais pas seulement, ont multiplié les surprises, les provocations, les bouleversements et les transgressions, suscité des polémiques et des controverses, découragé les citoyens, brisé des espérances, fait surgir de l'inédit.
A tel point que la démocratie ne ressemble plus vraiment à cette structure familière et convenue à laquelle on adhérait presque par réflexe et que, chahutée, elle nous prive de nos repères traditionnels et classiques.
Un président de la République qui jette l'éponge.
Une droite en perte de vitesse, une extrême droite au plus haut, un socialisme écartelé ne concédant à son candidat officiel que la portion congrue et se livrant pour l'essentiel à un rebelle atypique et soyeux, une extrême gauche magnifiée par un verbe tribunitien et caustique, des promesses solennelles reniées, des désertions sans honte, des frontières devenues volatiles, du flou à foison, un espace médiatique de plus en plus contesté avec parfois des confrontations honteuses, des puretés affichées se révélant problématiques, des joutes médiatiques acceptées puis refusées, une Justice prenant une importance démesurée puisqu'il ne s'agit plus seulement de proclamer les lumières des projets mais de cibler les ombres de ceux qui les portent, des privilèges si longtemps inscrits dans l'exercice du pouvoir, des responsabilités et des charges qu'il était impensable de voir battues en brèche, chaque jour apportant son lot d'étonnements, une masse impressionnante d'indécis demeurant en lisière, prêts ou non à sauter demain le pas du vote (Le Monde).
Une démocratie bouleversée. Qu'on a du mal à reconnaître.
Et qui est trop aisément vilipendée. La campagne présidentielle serait médiocre, une "farce", les programmes d'une pauvreté préoccupante, la République serait gangrenée par les affaires alors que pourtant une forte majorité de Français considère qu'il est normal d'en parler. Une chape d'opprobre et de pessimisme pèse sur ces séquences dont on redoute l'issue.
Si cette vision n'allait pas plus loin que le bout d'une démocratie banale alors que nous sommes plongés dans un territoire inconnu qui déjoue nos habitudes et rend vaines les résistances de ceux qui s'accrochent à hier ? Quand la droite classique gagnait ou perdait mais n'était opposée qu'à la gauche conventionnelle ? Si tout ce que je viens d'écrire pouvait être renversé sur la table et se muer de désordre en trésor, de désastre en embellie ?
La découverte que la qualité de la parole et l'argumentation chaleureuse et structurée grâce à un verbe supérieur entraînent d'infinis bénéfices.
Des indignations presqu'unanimes devant d'indécentes et vulgaires haines médiatiques.
Un pouvoir présidentiel qui n'a pas pu compter sur sa seule existence pour démontrer son utilité.
La tentation de promettre moins dans la campagne qu'on ne tiendra dans la réalité.
La morale personnelle et l'éthique publique ne se contentant plus d'être invoquées en façade mais étant mises au premier plan par les citoyens et leurs exigences.
La possibilité inouïe de voir s'affronter au deuxième tour le FN et Emmanuel Macron avec la victoire de celui-ci qui serait alors notre président de trente-neuf ans. Le vieux monde derrière avec devant l'obligation d'inventer, de comprendre, de dialoguer et de rassembler.
Les trahisons dénoncées étant peut-être moins de choquants revirements que la consécration des idées face au dogmatisme des partis, de la spontanéité et de la liberté contre la massification des structures.
Un socialisme orthodoxe réduit à sa plus simple expression parce qu'il ne mérite pas mieux.
Une droite qui aura peut-être besoin de son échec pour cesser de trembler dans ses profondeurs devant une gauche s'évertuant à lui donner mauvaise conscience.
Une démocratie chahutée parce qu'elle s'effondre ou pour se renouveler et repartir de plus belle sans se changer en VIe République hypothétique ?
Ne se trouve-t-on pas dans un grincement de porte historique, politique et social, selon Gramsci, où l'ancien renâcle à laisser la place mais doit pourtant céder le pas au neuf, à l'inconnu, au singulier, au jamais vu ?
Une France déboussolée mais une France prête peut-être à apprendre l'avenir.
Derrière le tohu-bohu et les incohérences, une effervescence positive qui n'attend que de se démontrer.
Je ne peux pas m'empêcher de songer à la magnifique fin d'Electre par Jean Giraudoux. Elle explique mon titre et elle me semble accordée à aujourd'hui et encore plus aux suites probables de l'élection présidentielle au début du mois de mai.
Lisez.
"Oui, explique. Je ne saisis jamais bien vite. Je sens évidemment qu'il se passe quelque chose mais je me rends mal compte. Comment cela s'appelle-t-il quand le jour se lève comme aujourd'hui et que tout est gâché, que tout est saccagé, et que l'air pourtant se respire et qu'on a tout perdu, que la ville brûle, que les innocents s'entretuent mais que les coupables agonisent dans un coin du jour qui se lève ?
Et le mendiant répond : Cela a un très beau nom, femme Narsès. Cela s'appelle l'aurore".
Et si nous y étions ?
Rédigé le 01 avril 2017 dans Actualité, Justice, Médias, politique, Société | Lien permanent | Commentaires (100)
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