Tout est perdu y compris l'honneur.
Laurent Wauquiez que pour ma part je n'ai jamais sous-estimé avait fait un bon choix avec François-Xavier Bellamy - dont les défauts dans la campagne des élections européennes étaient plutôt le signe d'une qualité intellectuelle et humaine rare. Mais, sur le plan politique, la liste LR s'est trouvée de plus en plus dans une impasse, serrée par un implacable étau entre LREM et le RN.
Ils s'en donnent à coeur joie, tous ces charognards qui se délectent de la défaite des LR.
La sale satisfaction des ministres "transfuges de la droite" constituant leur départ opportuniste de 2017 comme la preuve de leur lucidité en 2019. Allant même jusqu'à inciter les personnalités qui comptent au sein de LR - pour Raffarin, c'est déjà fait ! - à les rejoindre pour rendre encore plus achevée la suite de l'échec-victoire du président de la République (Le Monde).
L'éblouissement face à l'intelligence politique et au brillant cynisme d'Emmanuel Macron qui après avoir laminé la gauche semble avoir fait de même avec la droite républicaine. Et il faudrait tendre l'autre joue ?
Comme s'il fallait admirer l'artiste qui avec talent et persévérance est parvenu à institutionnaliser le duel de son camp avec le RN.
RN qui par ailleurs ne cesse de progresser, de sorte que le plafond de verre présumé certain en 2022 et garantissant sa réélection ne sera peut-être pas aussi solide que l'espère le président de la République.
Une stratégie à court terme, fondée sur le fait que la moitié des électeurs de François Fillon a voté en faveur de la liste présidentielle, va entraîner, en vue des municipales, un glissement intéressé vers LREM de la part des Républicains désireux de sauver leur mise. Notamment à Paris.
Ce souci des positions à sauvegarder est humain mais sera, immédiatement, un handicap grave pour réfléchir à une droite rénovée. A la fois assurée et ouverte. Fière de ses convictions, ne les assénant pas sur la société comme une épée de Damoclès mais telle une authentique chance démocratique.
Encore faut-il que LR ne joue pas perdant en estimant fatal son déclin. En se persuadant, pour donner bonne conscience à son impuissance, que tout se trouve chez le président de la République et qu'il ne laisserait plus aucun espace à ses adversaires.
Même si on admet la pertinence provocatrice de la saillie de Gaspard Gantzer pour qui "aujourd'hui, Macron est un combo entre Trudeau et Sarko", en la prenant au pied de la lettre elle permet d'entrevoir que, contre la tendance "Trudeau" LR a trop négligé d'ouvrir un front décisif (Valeurs actuelles). Bizarrement, ce parti a été tellement offensé de voir le président crédité de mener une politique de droite qu'il ne l'a attaqué que sur ce terrain alors que la gauche chez Macron aurait été beaucoup plus vulnérable. Parce que, de la vision judiciaire à l'approche "sociétale", elle existe et trouble.
Quant au côté "Sarko", il ne faut rien exagérer.
D'abord l'ancien président, au nom de sa complicité avec Emmanuel Macron (d'ailleurs réciproque : tout est bon pour affaiblir LR et surtout Laurent Wauquiez détesté par les deux), a refusé de s'exprimer clairement et publiquement pour la liste Bellamy de sorte qu'ainsi il a conforté le travail de sape du président de la République.
Ensuite, si la première année du mandat - contrat de travail et réforme de la SNCF - n'a pas été sans faire référence à des combats que la droite au pouvoir aurait dû mener, elle n'a pas opéré un tel bouleversement que seraient devenues inutiles toutes autres avancées dans ce domaine.
Le champ qui demeure pour une démarche conservatrice cohérente est étendu. Courageuse, populaire, respectueuse des majorités, attachée à poser son regard et son action sur l'ensemble de la vie politique et sociale, sur le fonctionnement trop négligé des institutions régaliennes - notamment police et Justice -, sur l'univers culturel et sur le monde médiatique. Au fond, sur toute cette immense part dont la droite s'est débarrassée parce que lâchement, elle a considéré que la gauche en était propriétaire.
Cette droite aujourd'hui introuvable ne serait pas loin de ressembler à celle singulière, atypique, exaltante, universelle que la campagne de 2007 avait présentée aux Français l'ayant majoritairement consacrée avec l'élection de Nicolas Sarkozy. Après, malheureusement, il y a eu le quinquennat.
Il y a une page démocratique sur laquelle le nouveau monde devait écrire. Elle est toujours vierge puisque l'ancien monde, depuis deux ans, pour l'intégrité, la morale civique et politique, les nominations, les combines, les dépendances, le poids d'intérêts mettant à mal l'éthique de gouvernement, nous a offert un triste tableau de la République. Si la droite acceptait d'admettre que ces dérives ne sont pas inévitables, consubstantielles au jeu politique, elle aurait de quoi se réconcilier avec l'opinion publique.
Cette révolution impose d'abord de cesser d'imaginer que les jeux sont faits. Emmanuel Macron n'est pas plus la fin de la politique française que la chute du Mur de Berlin n'a été celle de la vie internationale.
Elle exige aussi qu'on quitte les chemins du vaudeville, un Gérard Larcher obligé de contourner un Laurent Wauquiez qui s'enkyste dans un poste, pour lequel il n'est plus légitime à cause de son fiasco politique, afin de réunir la droite et le centre dans une délibération collective dont on espère qu'elle n'aboutira pas à un macronisme bis.
Il serait tout de même extravagant que par exemple un Bruno Retailleau, un Jean-François Copé ou un Xavier Bertrand qui pensent dans leur coin ne puissent pas, dans une confrontation de bon aloi, redéfinir la droite comme une idée neuve pour demain. Encore trois ans jusqu'en 2022 !
Est-il concevable aussi, sans être qualifié de fasciste, de glisser dans la réflexion la piste d'une union des droites quand un jour peut-être le retrait de Marine Le Pen aura dédiabolisé cette éventualité ?
Il est terrible de constater comme la déroute crée une étrange fascination. Comme si, un temps, elle ne laissait pour alternative que de sombrer doucement ou de s'abandonner pieds et poings liés à l'adversaire, aussi suave et rouée que soit l'emprise présidentielle. Et, surtout, sa volonté prioritaire, et même plus dissimulée, de pomper ce qu'il y a de meilleur à droite pour ajouter à ses ministres transfuges des prises politiques de fond d'une tout autre portée.
La droite est sonnée. Mais elle doit se ressaisir en trouvant sur un mode adapté ce qui lui fait totalement défaut aujourd'hui : une identité, une intelligence, la croyance en son utilité et sa nécessité.
Si elle a un peu d'orgueil, elle ne se laissera pas humilier ainsi de toutes les manières. Et, d'abord, elle ne se quittera pas elle-même.
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