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31 juillet 2019

Commentaires

Noblejoué

@ duvent

Mais non, c'était parfait. Cela montre le côté château de cartes des religions, sur le "fait", non prouvé qu'il y a un Dieu on "déduit" à partir de textes écrits par des humains mais dont la traçabilité à Dieu serait garanti...

...que Dieu est masculin.

De plus, les femmes ont intégré qu'elles devaient rester dans l'ombre "comme il se doit", que l'une ou l'autre le dise ou le fasse, peu importe.
Ce qui compte est le symptôme.

Bien sûr, les croyantes doivent rester dans l'ombre comme les femmes dans l'Islam être voilées et les domestiques ne pas parler aux membres du club et autres exemples.
En général, les gens en question intègrent ces comportements, parce qu'il leur en coûterait trop d'aller contre... Chacun reste à sa place.

Ici donc, on voit que la femme est seconde, serve, en religion, donc, culte-serve.
Dépossédée du droit d'avorter voire de moyen de contraception en bien des endroits, et toujours menacée en cela, la femme est ventre-serve ou menacée de l'être.

Rester à l'ombre d'un noyer est moins dangereux, à mon avis, qu'être croyant. Etre croyant prédispose si on est un homme à asservir les femmes, si on est une femme, à être asservie par les hommes.
En un mot, la religion pousse à être injuste, loin d'élever moralement, elle abaisse.

Si par hasard un incroyant tombe sur le dieu unique ou un autre, mieux vaut qu'il reste avec lui sans se commettre avec les autres.
Dans le jeu de rôle des religions, les rôles sont lamentables, et les maîtres du jeu, aussi.

duvent

Mais à quoi mon temps était-il donc occupé, quand Lucile et Tipaza échangeaient des propos si intéressants ?

J'ai vérifié et le 3 août, j'ai passé le plus clair de mon temps à l'ombre d'un noyer, j'y ai même sombré dans le sommeil ce qui est très déconseillé, mais j'aime vivre dangereusement.

Cependant, je viendrai, tardive et inutile contribution, dire qu'il est bon de se souvenir que saint Paul, le pauvre, a dit beaucoup de choses, qu'il a fait de son mieux, mais ce mieux était peu.

Que Dieu n'a pas fait l'homme à son image... Je tiens cette information de source sûre !

Que l'homme est vraiment plein d'imagination... Et il faut reconnaître que cela est très pratique, pour un tas de choses, comme par exemple : (ici, complétez suivant les pointillés !)........

Que la condition des femmes est assez peu propice aux élucubrations (oui, car il y a beaucoup à faire...), mais quand elles y succombent, une fois sur une, elles sont obligeamment conduites sur un feu de camp où elles deviennent le clou de la soirée !
En parlant de clous, je ne sais pas ce que j'ai fait de mon arrache-clous !
Let's go to the stoning !

Aliocha

Vrai et faux tout à la fois, nous dit Tipaza le quantique.
Cela me rappelle un souvenir lointain d'étude de physique que je fis en ce temps où j'obéissais aux injonctions familiales qui n'avaient de respect que pour les sciences dures, et où je préférais déjà la promenade littéraire, ne retenant de cours où j'allais comme à des conférences que ce qui m'y semblait poétique, notamment cette phrase de notre professeur, brillant chercheur en physique fondamentale qui sut mettre en abîme, de son ton saccadé de grand nerveux perclus de tics, l'abstraction quantique :

"Nous ne pouvons naturellement pas en conclure que l'humain n'est qu'une probabilité de présence."

Heureusement que les femmes sont là pour nous le rappeler, le chat dans la boîte est mort ou vivant, le quantique alors ne décrit que l'état vibratoire de nos perceptions, cette trace aléatoire que la réalité laisse en nous et que nous serions tenté de prendre pour elle, mais pourtant, si l'on sait reconnaître le mouvement du cœur qui est ce qui construit notre mémoire, nous avons la capacité d'échapper au temps pour enfin, et dans toute sa plénitude, appréhender le Réel :

"Et peut-être, si tout à l’heure je trouvais que Bergotte avait jadis dit faux en parlant des joies de la vie spirituelle, c’était parce que j’appelais vie spirituelle à ce moment-là des raisonnements logiques qui étaient sans rapport avec elle, avec ce qui existait en moi à ce moment — exactement comme j’avais pu trouver le monde et la vie ennuyeux parce que je les jugeais d’après des souvenirs sans vérité, alors que j’avais un tel appétit de vivre maintenant que venait de renaître en moi, à trois reprises, un véritable moment du passé.

Rien qu’un moment du passé ? Beaucoup plus, peut-être ; quelque chose qui commun à la fois au passé et au présent, est beaucoup plus essentiel qu’eux deux.

Tant de fois, au cours de ma vie, la réalité m’avait déçu parce que au moment où je la percevais, mon imagination qui était mon seul organe pour jouir de la beauté, ne pouvait s’appliquer à elle en vertu de la loi inévitable qui veut qu’on ne puisse imaginer que ce qui est absent. Et voici que soudain l’effet de cette dure loi s’était trouvé neutralisé, suspendu, par un expédient merveilleux de la nature, qui avait fait miroiter une sensation — bruit de la fourchette et du marteau, même inégalité de pavés — à la fois dans le passé ce qui permettait à mon imagination de la goûter, et dans le présent où l’ébranlement effectif de mes sens par le bruit, le contact avait ajouté aux rêves de l’imagination ce dont ils sont habituellement dépourvus, l’idée d’existence — et grâce à ce subterfuge avait permis à mon être d’obtenir, d’isoler, d’immobiliser — la durée d’un éclair — ce qu’il n’appréhende jamais : un peu de temps à l’état pur. L’être qui était rené en moi quand, avec un tel frémissement de bonheur, j’avais entendu le bruit commun à la fois à la cuiller qui touche l’assiette et au marteau qui frappe sur la roue, à l’inégalité pour les pas des pavés de la cour Guermantes et du baptistère de Saint-Marc, cet être-là ne se nourrit que de l’essence des choses, en elles seulement il trouve sa subsistance, ses délices. Il languit dans l’observation du présent où les sens ne peuvent la lui apporter, dans la considération d’un passé que l’intelligence lui dessèche, dans l’attente d’un avenir que la volonté construit avec des fragments du présent et du passé auxquels elle retire encore de leur réalité ne conservant d’eux que ce qui convient à la fin utilitaire, étroitement humaine qu’elle leur assigne. Mais qu’un bruit, qu’une odeur, déjà entendu et respirée jadis le soient de nouveau, à la fois dans le présent et dans le passé, réels sans être actuels, idéaux sans être abstraits, aussitôt l’essence permanente et habituellement cachée des choses se trouve libérée et notre vrai moi qui parfois depuis longtemps, semblait mort, mais ne l’était pas autrement, s’éveille, s’anime en recevant la céleste nourriture qui lui est apportée. Une minute affranchie de l’ordre du temps a recréé en nous pour la sentir l’homme affranchi de l’ordre du temps. Et celui-là on comprend qu’il soit confiant dans sa joie, même si le simple goût d’une madeleine ne semble pas contenir logiquement les raisons de cette joie, on comprend que le mot de mort n’ait pas de sens pour lui ; situé hors du temps, que pourrait-il craindre de l’avenir ?"

https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Proust_-_Le_Temps_retrouv%C3%A9,_tome_2.djvu/19

Merci à fugace et Lucile de rappeler que, si nous nous aimons, nous mourons aussi les uns pour les autres, et que ce mouvement du cœur est l'unique et fugace (!), mais pourtant vraie, trace de la réalité en nous, qui sait sur les chemins partagés de la mémoire nous permettre d'accéder à la vie éternelle, et entonner alors le quantique des cantiques.

fugace

@ Julien WEINZAEPFLEN | 06 août 2019 à 05:24

https://www.bing.com/search?q=hier+encore+aznavour&pc=MOZI&form=MOZTSB

Je ne résiste pas à mettre ce lien qui colle si bien au billet de notre hôte.

Julien WEINZAEPFLEN

Pas de côté par rapport à cette page d'introspection presque déchirante et qui rencontre tellement les questions que je me pose à propos de moi-même et ce que je pense de moi ces jours-ci.

"Vouloir faire de chaque cours" comme Jean Caron ou de chaque intervention comme vous et moi un événement ou quelque chose qui suscite un moment singulier suppose du charisme. Une de mes amies opposait les charismatiques et les classiques. Votre propre clacissisme ne manque pas de charisme.

Un autre correspondant m'écrivait un jour pour m'accabler: "Il y en a toujours qui sortent du moule pour faire du mal." La formule était bien trouvée et disait ce qu'elle voulait dire. J'ai fait beaucoup de mal sans avoir jamais eu l'intention d'en faire, ou comme l'amoureux de Frida qui n'a jamais "tué de chat" et qui en proteste d'un ton déchirant dans la chanson de Brel. Mais je ne suis pas sorti du moule, je n'étais pas dans le moule.

Une autre chose que je remarque, ayant basculé depuis un an dans la seconde moitié de la quarantaine: à vingt ans, on regarde son passé, et on accuse, on déshonore ses parents, persuadé que l'on écrira une page vierge où l'on fera beaucoup mieux. A quarante, on regarde son passif et on se dit qu'on a fait nettement bien pire. A vingt ans, on pourlèche ses blessures et on se dit qu'on a beaucoup souffert. A quarante, on regarde celles qu'on a infligées et on se dit qu'on a beaucoup fait souffrir. On aimerait bien se débarrasser des regrets éternels, mais ils sont notre planche de salut, bien que nos erreurs ne nous fassent pas avancer d'un pouce ni tellement grandir ou grandement nous corriger. Il y a dix ou quinze ans, j'étais scandalisé par ces paroles d'une chanson de Daniel Balavoine: "La vie ne m'apprend rien." Je constate à regret aujourd'hui qu'il avait amplement raison.

Aliocha

Blague africaine.

- Dis-moi, dis-moi, puisque tu redescends du paradis, il est comment, Dieu ?

- Elle est Noire !

Mes amitiés, Lucile.

Tipaza

@ Lucile | 05 août 2019 à 11:18
« Ce sont maintenant les femmes qui sauvent son honneur. Discrètement, comme il sied. »

C’est l’Anima qui sauve les situations les plus difficiles, les plus périlleuses, mais il ne faut pas le dire, ça porterait ombrage à qui de droit.
Ou alors le dire discrètement comme vous le faites.


Lucile

@ Tipaza | 05 août 2019 à 07:48

Je plaisantais. Vous, je n'en suis pas si sûre maintenant.

Plus sérieusement, pas la peine de m'expliquer que la religion catholique - y compris saint Augustin - ne laisse aux femmes qu'une place restreinte et qu'un rôle secondaire, à l'ombre des hommes. Cela dit l'Eglise vient d'être frappée de plein fouet par le retour du refoulé en quelque sorte. Mais elle a du mal à s'en apercevoir.

Ce sont maintenant les femmes qui sauvent son honneur. Discrètement, comme il sied.

Tipaza

@ Lucile | 04 août 2019 à 17:41
« Vous avez donc rejoint l'école de pensée de Xavier Nebout, j'en prends note. »

Notez, notez il en restera toujours quelque chose.
Concernant Xavier Nebout, lui c’est lui et moi c’est moi.

Surpris de votre réponse. On pouvait dire beaucoup, ou rien, ce qui était le plus simple.
Vous vous présentez comme lectrice de Saint Augustin, je fais donc l’hypothèse que vous êtes catholique et je cite un des textes fondateurs de cette religion, l’épître aux Corinthiens.

C’est un texte de saint Paul, dont je rappelle qu’il n’a pas connu Jésus et donc pour moi ses paroles sont les paroles d’un homme, qui interprète les paroles de Jésus. Vous y adhérez ou pas.

Pour le caractère masculin de Dieu, j’ai employé l’expression de Grand Barbu, car il ne faut pas abuser de certains « gros mots », je rappelle que les trois religions monothéistes attribuent à Dieu un caractère masculin, que Bouddha était un homme, et Lao Tseu père du taoïsme était aussi un homme.

Le seul cas dans l’histoire où il y a eu une femme à la tête d’une tentative de religion, c’est la déesse Raison de Robespierre, et vous conviendrez avec moi que ça a mal fini ;-)

Plus sérieusement la tradition chrétienne, la religion orthodoxe, le gnosticisme, font intervenir aux côtés de Dieu, une entité, la Sophia, c’est-à-dire la Sagesse philosophique, qui est son élément féminin chargé de compenser ce que le caractère exclusivement masculin de Dieu peut avoir d’excessif.
Enfin sans entrer dans la gnose ou la religion orthodoxe, pensez à l’importance de la Vierge dans le catholicisme.

Bref j’en resterai là, et je vous avoue qu’être considéré comme un macho borné m’amuse, car c’est vrai et faux à la fois, un peu comme le chat de Schrödinger qui est vivant ou mort dans sa boîte avant que l’on découvre son état en ouvrant la boîte...

Mon état macho ou pas est défini par le féminin que j’ai en face de moi ;-)

PS : Ce n’est pas moi qui ai attribué au mot féminin le genre masculin !

Lucile

@ Tipaza | 03 août 2019 à 18:18

Vous avez donc rejoint l'école de pensée de Xavier Nebout, j'en prends note.

Michel Deluré

@ Achille 03/08 21:22
« …si un jour la mort venait me rendre visite ».

J'en suis à envier votre admirable état d'esprit Achille ! La mort n'étant qu'une hypothèse, vous êtes donc déjà dans l'éternité puisque la vie est alors finalement éternité ! Quelle saveur doit alors prendre la vie lorsque la mort n'est plus une certitude.

Achille

@ Tipaza | 03 août 2019 à 18:18

Pas mal votre histoire. Je me demande bien ce que je lui dirais, si un jour la mort venait me rendre visite. Peut-être demanderais-je un petit délai. Il doit bien y avoir moyen de négocier. Après tout rien ne presse vu qu'ensuite nous avons l'éternité devant nous...

Tipaza

@ Achille | 03 août 2019 à 10:28

Croyez-vous vraiment échapper à votre destin en allant plus vite ?
Tenez, lisez jusqu’au bout cette petite histoire. Depuis que je la connais, et il y a longtemps que je la connais, elle me poursuit et j’ai failli choisir comme pseudo Samarcande tellement j’ai eu l’occasion de la vérifier pour moi et d’autres, mais dans d’autres occasions que la mort !

http://www.regietheatrale.com/index/index/thematiques/auteurs/Deval/jacques-deval-ce-soir-a-samarcande.html

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@ Lucile
« Mais pourquoi donc Dieu, s'il est bien celui qui est, serait-il barbu ? «

Mais parce qu’il a fait l’homme à son image.
Puis, c’est-à-dire après (encore une histoire de temps), il a fait la femme à l’image de l’homme.

L’épître aux Corinthiens 11 :7 est très claire à ce sujet, dans toutes les traductions !
« L'homme ne doit pas se couvrir la tête, puisqu'il est l'image et la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l'homme. »

https://saintebible.com/1_corinthians/11-7.htm

Lucile

@ Tipaza

Désolée de vous contredire. Mais pourquoi donc Dieu, s'il est bien celui qui est, serait-il barbu ? Il a créé Adam et Ève "homme et femme, à son image". Ce qui signifie qu'il est à la fois homme et femme. Il faudra vous y faire.

Achille

@ Tipaza | 03 août 2019 à 08:51

Selon Einstein, la vitesse dilate le temps. En d’autres termes, le temps s'écoule plus lentement pour un observateur qui se déplace rapidement que pour un autre observateur, fixe ou animé d'un mouvement plus lent. Autrement dit, plus on va vite et plus le temps ralentit.

Raison pour laquelle je préfère prendre les autoroutes (130 km/h) que les routes départementales (80 km/h, ramené à 70 en cas de pollution). Cela permet de vivre plus longtemps même si ce n'est que de quelques nanosecondes...

Tipaza

@ Lucile

J’avoue que je ne sais trop quoi dire sur les propos de saint Augustin.
Il est assez confus, on le serait à moins.
Dans certaines expressions il donne l’impression d’aborder un concept de temps déployé et pour d’autres il aborde simplement la flèche du temps, le déroulement du temps.

Pour conclure sur ce sujet, je précise qu’outre le concept de temps déployé, on fait appel dans la théorie des cordes, en physique quantique, au temps multidimensionnel.
Un peu comme il y a deux dimensions pour les nombres, réels et complexes, mais avec le temps, le nombre de dimensions est plus élevé, allant jusqu’à douze dans les cas limites.

À titre personnel je crois que le temps et la création de la vie sont hors du domaine de l’intelligence humaine.
Il y a bien eu des tentatives de création de vie, c’est-à-dire de matière organique à partir d’éléments inorganiques, par des décharges électriques de haute intensité dans des mélanges de gaz, mais cela n’a rien donné.
Quant au temps, le maîtriser revient à se hausser au niveau divin.

C’est bien, c’est très bien qu’il y ait de la recherche dans ces domaines, mais en même temps il y a dans cette recherche de création de vie ex nihilo et de maîtrise du temps quelque chose de l’attitude luciférienne, Lucifer cet ange qui se voulait l’égal de Dieu.

Et si un jour le Grand Barbu décidait de faire un reset, comme on dit en informatique ?
Après tout il l’a déjà fait avec la disparition des dinosaures et autres animaux de ce temps.
C’est bien ce que nous prédisent les écolos apocalyptiques avec le changement climatique.

On voit par cette prévision combien le spirituel a disparu de notre civilisation. Autrefois la fin du monde était réservée à Dieu, aujourd’hui elle serait l’œuvre des hommes, qui pour l’occasion se haussent du col.
Il n’y aura pas de fin de la planète par l’effet anthropique du changement de climat !
Mais c’est un autre sujet.

Catherine JACOB

@ fugace | 02 août 2019 à 17:51
"Un départ dans la vie qui ne peut que laisser des traces invisibles, et plus ou moins encombrantes, par la suite."

Dans mon cas, il semblerait qu'il ne s'agisse que de la première mise à l'épreuve d'une ténacité atavique.

fugace

@ Catherine JACOB | 02 août 2019 à 08:55

Un départ dans la vie qui ne peut que laisser des traces invisibles, et plus ou moins encombrantes, par la suite. Les personnes nées avec le cordon autour du cou en savent quelque chose pour la plupart.

Et quand le destin s'acharne à reprendre trop tôt cette vie qu'il avait permise, quelques années plus tôt, trop d'interrogations naissent.

Ainsi, il y a tellement de raisons et circonstances qui aboutissent à un atypisme et et une singularité, qu'on ne saurait les citer toutes.

Lucile

@ Michel Deluré | 02 août 2019 à 09:07

Le texte va bien au-delà des quelques passages que j'ai cités. Il demande une certaine patience. À la première lecture on pourrait se gratter la tête, mais si l'on persévère, quelle récompense !
Je n'ai lu jusqu'ici de Comte-Sponville que le "Petit traité des grandes vertus", avec un grand intérêt. Merci de me signaler cet ouvrage sur le temps.

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@ Tipaza

La conception du temps comme d'un tout qui se déroule pour nous sous forme de séquences n'est-elle pas en germe dans l'idée, toujours de Saint-Augustin, que nous ne mesurons pas le temps, nous mesurons seulement son passage ? Ce qui équivaut à dire que le temps n'existe que comme un tout non mesurable mais qui se déploie pour nous en séquences mesurables. Quand il dit que la différence entre le présent et l'éternité tient seulement à ce que le présent "vole au passé" et entrevoit l'avenir, il effleure aussi la même idée, pour la réfuter en partie aussitôt... mais pas tout à fait, puisqu'il dit que ce que nous appelons l'avenir est la perception d'éléments du présent à partir desquels nous ne faisons qu'extrapoler, et que ce que nous appelons le passé consiste seulement en réminiscences actuelles.

Quand il parle de "la traversée de ces eaux mobiles de la vie", on n'est pas loin non plus de votre comparaison avec un paysage à travers lequel c'est nous qui nous déplaçons. Mais avec lui, le paysage se meut lui aussi. On a encore cette idée de tout sans limite dans : "On plonge, on surnage ; et il n’y a là ni fond, ni rive". Mais cependant, dit l'auteur, "nous montons à l'échelle de l'âme, en chantant (le cantique des degrés)".

Si ce dernier point est vrai, tant mieux.

Tipaza

@ fugace

Votre commentaire traite à la fois de la mort et du concept de temps. Les deux sont liés dans la mesure où la vie sur terre est limitée temporellement.

Quelques mots sur le concept de temps qui reste encore une énigme pour la physique et qui le restera probablement encore longtemps.

Parmi les théories physiques il en est une qui considère l’espace-temps comme un bloc, dans lequel le futur a autant d’existence que le passé.

L’espace-temps serait une structure intégralement déployée « de toute éternité » au sein de laquelle tous les phénomènes qu’ils soient passés, présents ou futurs coexisteraient.

Costa de Beauregard évoque le temps comme un paysage que l’on traverserait. La colline ou le vallon que l’on ne voit pas encore existe bien et le futur invisible existe également.

Étienne Klein, autre physicien quantique, prend l’image de la bobine d’un film de cinéma. Rangée sur une étagère, elle contient « en même temps » toutes les images du film, sans temporalité propre. Mais dès qu’on installe la bobine sur un projecteur, elle acquiert une temporalité par le défilement successif des images sur un écran.

La difficulté, et le mot est faible, est le passage du monde microscopique où cette approche est défendable par les équations, au monde macroscopique où on risque de tomber dans des spéculations purement philosophiques.

Le pas à franchir est dangereux pour un scientifique qui peut y jouer sa réputation.
Costa de Beauregard l’a franchi en particulier dans sa participation au « Colloque de Cordoue » avec d’autres physiciens de haute volée comme David Bohm.
Étienne Klein est plus prudent.

Lorsque je dis que :
« Nous faisons tous librement ce qu’il était fatal que nous fissions », il s’agit là d’un raccourci brutal, caricatural, qui demanderait à être infiniment nuancé, même si je le pense un peu mais ce n’est pas si simple.

Si vous êtes intéressé par le sujet, je vous suggère ces ouvrages d’Étienne Klein :

Le facteur temps ne sonne jamais deux fois, Flammarion, 2007

Matière à contredire, essai de philo-physique, éditions de l'Observatoire, 2018

Pour Olivier Costa de Beauregard

Le Temps déployé, passé, futur, ailleurs, éditions du Rocher, 1988.

Le Temps des physiciens : "La Notion de temps" et "Le Second principe de la science du temps", Rééd., Aubin, 1996

Enfin sur la mort, je ne dirai rien. Mais j’ai été surpris de votre référence à Marie-Louise von Franz. Je pensais qu’elle avait disparu des écrans radars alors qu’elle est un complément indispensable aux ouvrages de C.G. Jung souvent abscons.

Michel Deluré

@ Lucile 02/08 00:09

Vous nous avez livré un très beau texte de saint Augustin.
Si ce passionnant sujet sur le temps de la conscience opposé au temps des horloges vous intéresse, permettez-moi alors de vous conseiller l'ouvrage d'André Comte-Sponville, « L'être-temps », aux éditions Puf/Perspectives critiques.
Faisant référence au texte que vous nous avez proposé, l'auteur affirme précisément que « l'on peut partir de saint Augustin, puisque personne, sur le temps de la conscience, n'a mieux dit l'essentiel ».
Mais peut-être avez-vous déjà consulté cet ouvrage ?

Catherine JACOB

@ fugace | 01 août 2019 à 13:07

Texte interminable comme la longue vie de ce psychiatre et analyste qui s’est remarié à 79 ans. Vous y évoquez les gens qui voient venir la mort et au dernier instant tentent de l’intimider, ainsi que l’étonnement de leurs accompagnants.

Il y a cependant de tout autres expériences et moi qui suis née dans l’intervalle d’une EMI ou d’une « near-death experience » (NDE) si on préfère, parce que mon père a refusé toute intervention et notamment celle de forceps et m’a aidée à venir au monde par la force de sa volonté, persuadé que la mère comme l’enfant s’en sortiraient, mais dont le cordon a ainsi été coupé avant de l'être dans les faits, j’en ai gardé le cri aigu et perçant qu’on prête aux bean sí ainsi qu’à ceux qui en Orient, rappellent le mourant à la vie en criant son nom dans un puits.

Xavier NEBOUT

Être classique, c'est l'honnêteté ; l'audace, c'est l'honneur.
Avec l'une, on a peu d'amis, avec l'autre, on a des ennemis.
L'une donne la paix, l'autre la gloire intérieure.

Alors haut les coeurs, Philippe Bilger.

Lucile

@ fugace

Je viens de lire une fois votre texte de Marie de Hennezel et vous en remercie. Je le relirai encore. Pour l'instant, il m'a fait penser à la méditation de Saint-Augustin sur le temps, dont je reproduis quelques passages auxquels vous ne serez peut-être pas insensible, vu votre pseudo :

"Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne m’interroge, je le sais ; si je veux répondre à cette demande, je l’ignore. Et pourtant j’affirme hardiment que si rien ne passait, il n’y aurait point de temps passé ; que si rien n’advenait, il n’y aurait point de temps à venir, et que si rien n’était, il n’y aurait point de temps présent. Or, ces deux temps, le passé et l’avenir, comment sont-ils, puisque le passé n’est plus, et que l’avenir n’est pas encore ? Pour le présent, s’il était toujours présent sans voler au passé, il ne serait plus temps ; il serait l’éternité. Si donc le présent, pour être temps, doit s’en aller en passé, comment pouvons-nous dire qu’une chose soit, qui ne peut être qu’à la condition de n’être plus ? Et peut-on dire, en vérité, que le temps soit, sinon parce qu’il tend à n’être pas ?"

"S’il est vrai que l’avenir et le passé soient, où sont-ils ? Si cette connaissance est encore au-dessus de moi, je sais pourtant que, où qu’ils soient, ils n’y sont ni passé, ni futur, mais présent : le futur, comme tel, n’y est pas encore ; le passé, comme tel, n’y est déjà plus. Où donc qu’ils soient, quels qu’ils soient, ils ne sont qu’en tant que présent."

"Or, ce qui devient évident et clair, c’est que le futur et le passé ne sont point ; et, rigoureusement, on ne saurait admettre ces trois temps : passé, présent et futur ; mais peut-être dira-t-on plutôt avec vérité : il y a trois temps, le présent du passé, le présent du présent et le présent de l’avenir. Car ce triple mode de présence existe dans l’esprit ; je ne le vois pas ailleurs. Le présent du passé, c’est la mémoire ; le présent du présent, c’est l’attention actuelle ; le présent de l’avenir, c’est son attente."

"Au lever de ce jour, je serai debout pour le contempler, et j’en publierai à jamais la splendeur. Au matin de l’éternité je serai debout."

On dirait presque que c'est pour les malades dont vous parlez qu'il écrit aussi : "La lune et les étoiles luisent sur la nuit, sans être obscurcies par ses ténèbres ; elles lui donnent toute la lumière qu’elle peut recevoir".

Marc GHINSBERG

@ hameau dans les nuages.
"Dans un monde d'hypocrites et de faux semblants moutonniers, vous avez réalisé un exploit."

Je savais bien que je finirais par gagner votre admiration !

J.A

Je pense que le dernier combat d'une vie est celui que l'on mène avec sa conscience...

Savonarole

"J’ai parfois dans ma vie été bien malheureux, mais je n’ai jamais quitté mes gants blancs"
Barbey d’Aurevilly

Ce billet est à deux doigts du dandysme, "savoir vivre ou mourir", etc.
"Le dandysme est le dernier éclat d’héroïsme dans les décadences" (Baudelaire)


Exilé

D'être forcément fier de son atypisme et de sa singularité comme si ces états à eux seuls étaient gage de qualité, voire de supériorité. Je les ai ressentis longtemps comme une chance par détestation du groupe, du pluriel qui m'étouffaient et à la fois me mettaient au supplice à cause de ma timidité et de cette certitude qu'il y avait quelque chose de pire qu'être seul : être à plusieurs.

Me reconnaissant en partie dans ce portrait et ayant éprouvé à de multiples reprises l'impression d'être seul dans la foule, je puis affirmer avec le recul du temps que la fuite perpétuelle des moutons et des perroquets est une discipline assez dure à respecter, qui oblige parfois à se demander si dans le troupeau tenu à distance il ne pouvait pas parfois se trouver malgré tout quelque perle rare sortant du lot.
Mais c'est comme ça.

Bien entendu, se complaire dans l'atypisme même raisonné et justifié peut comporter un écueil, à savoir celui de se croire supérieur au reste du monde et de se prendre pour un éternel incompris, ce qui ressemble fort à de l'orgueil.

Mary Preud'homme

@ Robert | 01 août 2019 à 11:36
"Antoine de Saint-Exupéry a écrit cette lettre la veille de sa disparition. Une réflexion superbe :
https://theatrum-belli.com/30-juillet-1944-lettre-dantoine-de-saint-exupery-au-general-x-ecrite-la-veille-de-sa-disparition/"

Merci cher Robert pour le rappel de cette magnifique lettre de Saint-Exupéry.
Comme un signe de ce qui demeure vraiment par rapport à ce que nous fûmes et avons à léguer à nos descendants.
En ce qui me concerne, à part l'espérance - mais ce n'est déjà pas si mal - je ne vois pas.

sbriglia

"Oui, je sais, passer juste derrière un commentaire du camarade genau est un moment difficile. Mon style de bûcheron tranche nettement avec le sien tout en délicatesse.
Inutile de me le faire remarquer, Tipaza !"
Rédigé par : Achille | 01 août 2019 à 10:21

Mais pour qu’il y ait un ébéniste il faut qu’il y ait un bûcheron...

Et pour que les deux existent il faut que la graine ait été plantée...

Le roseau de service... qui se gardera bien de rajouter sa modeste contribution à ce cénacle de haute volée.

breizmabro

@ Philippe Bilger

Vous faites aussi "café philo" sur votre blog ?

Si ce n'est vrai ça y ressemble un peu vu les interventions sur le sujet du jour...

Etait-ce le but ? "that is..." comme disait machin...

Tipaza

@ Achille | 01 août 2019 à 10:21
« Inutile de me le faire remarquer, Tipaza ! »

Ah ça mais ! Non seulement je n’ai rien dit, mais je n’en pense même pas moins.
Je rentre d’une rando d’une quinzaine de kilomètres à travers monts et vallons de notre si beau Massif central, et voilà qu’Achille voudrait me faire philosopher.

À la question « Sommes-nous vraiment maître de notre destin ? », posée à 07:59, j’ai déjà répondu :
Nous faisons tous librement ce qu’il était fatal que nous fissions.

Et si je n’étais pas aussi fatigué, je parlerais de la rétrocausalité, théorie proposée par Costa de Beauregard, physicien quantique dont l’originalité fait partie des chemins de traverse dont parle le billet.

Pour ceux qui sont curieux, je leur propose de lire à l’heure de la sieste cet article pas mal rédigé sur Costa et sa philosophie, vue à travers la physique quantique.

https://www.agoravox.fr/actualites/technologies/article/olivier-costa-de-beauregard-189336

Quant aux rêves de jeunesse, ils sont les promesses électorales que nous nous faisons pour nous motiver dans l’entrée de la vie.
Rêves et promesses se heurtent au principe de réalité, l’important c’est de ne pas dévier de cap.

Qu’importe si nous ne trouvons pas le trésor au pied de l’arc-en-ciel, puisqu’en le cherchant nous serons devenus adultes.

Giuseppe

@ boureau | 01 août 2019 à 09:39

Cher boureau (cela fait un drôle d'effet quand même), j'adhère, pour les autres un billet de train et/ou d'avion, ils pourront méditer :

https://i.goopics.net/G8JZD.png

Cordialement, on ne sait jamais, après les premiers mots… Je taquine.

hameau dans les nuages

@ Marc GHINSBERG | 31 juillet 2019 à 18:03
"Avec le désenchantement de n’avoir été que soi-même."

Dans un monde d'hypocrites et de faux semblants moutonniers, vous avez réalisé un exploit.

fugace

@ genau | 01 août 2019 à 00:44

« On ne meurt pas seulement pour soi, on meurt les uns pour les autres, et parfois les uns à la place des autres. »

Désolé je n'ai pas retrouvé le lien du texte qui mentionne en sa conclusion, la citation ci-dessus et que votre immense culture saura relier à son auteur.

Mais sur le sujet voici ce que j'ai pu retracer :

"La vie plus forte que la mort :
Entre le déni et l’espoir" - par Marie de Hennezel

"Les réactions de certaines personnes, arrivées à la phase terminale de leur maladie, sont parfois difficiles à comprendre.
Alors que leur état clinique laisse à penser que leur mort est proche, et que l’on s’attend à ce qu’ils désinvestissent ce que les psychanalystes appellent « leurs objets d’amour », c’est-à-dire la relation avec ceux qu’ils aiment ou qui les soignent, ou tout simplement la vie, alors qu’on s’attend à ce qu’ils se laissent glisser dans la mort, ces patients font preuve au contraire d’un sursaut de vitalité pour le moins surprenant.
C’est de ce sursaut de vitalité que les soignants nomment tantôt « déni », tantôt « espoir », dont j’aimerais vous parler.

Les soignants se disent souvent déroutés, et à juste titre. Voilà un patient qui semblait s’éteindre depuis plusieurs jours, voire plusieurs semaines, un patient qui semblait lucide sur cette mort qui approche, qui l’a évoquée, de façon allusive « je n’en ai plus pour longtemps ! » vous de façon directe : il a réclamé le notaire à son chevet ou le prêtre, pour se mettre en ordre avant de mourir, et puis de manière tout à fait inattendue, le voilà qui témoigne d’un regain de vitalité : il vous dit par exemple, « je me sens revivre, et quand j’irai mieux je deviendrai bénévole dans votre service », ou il vous accueille avec un grand sourire, et vous parle du livre qu’il a décidé d’écrire, alors que la veille il vous faisait part de ses volontés concernant ses funérailles.

Le psychanalyste Michel de M’uzan a très bien décrit dans un article intitulé «Le Travail du trépas », ce comportement déroutant :

« A la veille de leur mort ou dans les heures qui la précèdent, le comportement de certains patients laisse déduire un surprenant élan pulsionnel, une avidité régressive... qui ferait presque parler d’un embrasement du désir. Un malade qui avait complètement perdu l’appétit se jette voracement sur la nourriture : alors
qu’on s’attendait à une extinction accélérée de tous les processus, voilà que sous une forme certes insolite, qui crée quelque malaise, la vie semble soudain s’exalter. Et
comme les personnes encore présentes sont étreintes par l’angoisse, elles utilisent pleinement le déni. Aveugles à la valeur de pronostic funeste de ce qui se passe, elles commencent à croire à une miraculeuse rémission. »

Michel de M’uzan affirme que ce comportement s’observe à partir du moment où ayant dépassé la phase de dépression, le patient en vient à une sorte d’acceptation de son destin.

Nous nous posons alors deux questions :
1°) - Que se passe-t-il pour ces patients ?
- Ces patients sont-ils dans le déni, face à une réalité inacceptable ? Ou bien leurs réactions rendent‐elles compte d’une réalité plus complexe : le fait que l’inconscient ne croit pas à la mort, et que toute personne humaine sent dans les tréfonds de son être que la vie est plus forte que la mort ?

2°) Quel est le sens de ce regain de vitalité ?
- A-t-il un rôle à jouer dans l’accomplissement de la vie humaine ?
I ‐ Que se passe-t-il pour ces patients ? Comment expliquer ce paradoxe « je sais que je vais mourir mais je me comporte comme si je n’y croyais pas » ?
Le poète Max-Pol Fouchet disait « mourir existe, la mort n’existe pas ». Il disait ainsi poétiquement que la conscience de notre mortalité est doublée, de façon mystérieuse, d’un déni inconscient.

C’est ce que Freud, déjà, révélait dans un texte intitulé « le clivage du moi ». il y a un authentique déni de la mort au sein d’un moi pourtant lucide.
Freud explique que sous le coup d’une nouvelle, ou d’une prise de conscience impossible à intégrer (par exemple la nouvelle de sa mort prochaine, ou le pressentiment de cette mort), le « moi » se clive en deux parties : l’une tient compte de la réalité, l’autre s’en détache.
Le « clivage du Moi » a pour conséquence le cheminement de deux pensées contradictoires, deux attitudes psychiques qui coexistent mais n’ont aucune relation entre elles. C’est ce que nous observons souvent avec les patients qui sont proches de leur mort, et c’est ce que j’évoquais au début de mon exposé.

Quand un patient qui sait qu’il va mourir échafaude un projet à plus ou moins long terme, ce qui souvent déconcerte les soignants et les proches, cela fonctionne comme si une partie d’eux était lucide, et l’autre partie non.

Comment Freud explique-t-il ce clivage ?
Il n’y a pas de représentation de la mort dans l’inconscient, nous dit‐il, et si l’on rêve de sa propre mort, on est alors toujours là pour la constater, comme si notre conscience, du moins, échappait à la catastrophe biologique. Freud en conclut que la mort psychique (la mort de l’âme) n’est pas représentable pour l’inconscient.

Ainsi dans "Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort" écrit‐il :
« Notre propre mort est en fait inimaginable et si nous essayons de nous la représenter, nous pouvons nous rendre compte que nous survivons comme spectateur. Il en résulte qu’au fond, personne ne croit à sa propre mort, ou ce qui revient au même chacun dans son inconscient est conscient de sa propre immortalité ».

Ce clivage modifie notre rapport au temps. Ainsi comprend-on mieux que des personnes très âgées puissent dire comme le disait Carl Gustav Jung, dans une interview qu’il a donnée à la BBC quelques mois avant sa mort, « Je vis comme si j’allais mourir demain et en même temps comme si j’avais cent ans devant moi » !
Michel de M’uzan dit que pour sa part, il est porté à croire qu’il se produit à la toute fin, une extraordinaire condensation des données temporelles, comme si la conscience était alors progressivement affectée par la loi d’intemporalité qui règne dans l’inconscient.

Marie‐Louise von Franz (1985) dans un livre sur les rêves et la mort, rapporte le témoignage d’une conversation qu’elle a eue avec une mourante. Cette dernière avait l’impression de vivre deux sortes de temps: « L’un des deux est large et profond comme si j’avais le pouvoir d’être partout en même temps. Je me sens alors comme si mon corps et moi étions faits d’air ou plutôt de lumière, comme s’il n’y avait plus aucune limite... L’autre sentiment est le suivant : j’ai l’impression que quelqu’un compte les instants de ma vie, ça continue sans répit, je ne peux arrêter cela. Il me semble que je ne cesse de m’amoindrir.»

La même patiente à quelques jours de sa mort a raconté à sa thérapeute le rêve suivant : « Je vois un champ de blé entièrement brûlé, sauf un arbre qui se dresse en son centre, avec une pomme d’or accrochée à son feuillage ». La thérapeute n’a guère eu à interpréter ce qui parlait comme une évidence : certes, tout sera détruit, sauf l’arbre de vie et la pomme d’or qui symbolise l’essence de l’être.

Ce témoignage me fait penser à un témoignage que nous avait donné Jacqueline de Romilly, de l’Académie française, dans un ouvrage intitulé « les Révélations de la mémoire ». Dans ce petit livre remarquablement écrit, cette vieille dame de 98 ans, quasiment aveugle, et donc assignée à un espace de vie de plus en plus restreint, nous faisait part d’une expérience étonnante : le surgissement inattendu de souvenirs anciens, sans aucune importance, mais qui s’imposaient à elle avec une présence et une sensualité tout à fait étonnantes, provoquant chez elle un éblouissement, un émerveillement dont elle cherchait à comprendre le sens. Le souvenir n’est pas du passé qui revient mais du présent. « Tout se passe comme si un coup de lumière apparaissait dans une nuit obscure.. . ou comme si un couvercle était brusquement ôté ».

Ce surgissement de souvenirs anciens immobilisés dans la lumière amène cette intellectuelle, qui se défend de vouloir tirer de son expérience une quelconque preuve de l’existence d’un au-delà, à se demander s’il ne lui a pas été donné de manière fugitive d’entrevoir ce qu’elle nomme l’éternité.
« Moi qui ai toujours vécu inspirée par la raison et le culte du vrai, j’ai jugé que je ne pouvais pas garder pour moi ce clignotement de lumière apparu dans un monde qui aujourd’hui se présente si souvent de façon dramatiquement sombre. Après tout, nos actes quotidiens et nos petites expériences ont sans doute plus d’importance que nous ne le pensons, puisqu’on peut ainsi les retrouver immobilisés dans la lumière. J’ai à présent presque complètement perdu la vue, mais cette lumière m’a véritablement remplie d’une stupeur heureuse.»

Voilà deux exemples de personnes, qui arrivées au terme de leur vie, font l’expérience d’un autre temps, d’autre chose, que je nommerai ici, comme Jacqueline de Romilly le propose, « l’éternité ». Certains de nos patients, aux confins de la mort, ne font‐ils pas à leur façon une expérience similaire, qu’ils expriment dans ce que nous nommons « le mieux de la fin » ?

Nous nous demandons alors :
- D’où vient que l’inconscient se croit immortel ?
- D’où vient ce sentiment d’éternité ?
Pour Freud, ce sentiment trouverait son origine dans le vécu fœtal. Le fœtus vit dans un état d’homéostase parfaite, un équilibre parfait, source de bien‐être et de plénitude. le sentiment de l’infini, le sentiment « océanique » seraient des héritages de ce narcissisme fœtal nommé aussi narcissisme primaire.
Lou Andreas-Salomé, une des premières analystes femmes du cercle de Freud, pensait que ce sentiment d’infini venait de plus loin encore. Elle parlait de « narcissisme originaire » : « état dans lequel nous sommes enracinés et auquel nous restons incorporés, tout en nous en détachant, comme la plante reste attachée à la terre, bien qu’elle s’en éloigne dans sa croissance vers la lumière.» Lou Andreas introduisait pour la première fois dans le monde analytique une notion plus cosmique de l’inconscient.

Mais c’est C.G. Jung, avec sa théorie de l’inconscient collectif, qui nous apporte finalement l’éclairage le plus consistant. Au-delà de l’inconscient personnel, il y aurait un champ d’expériences illimité, dépassant de loin l’histoire du sujet, une réalité psychique qui sortirait de l’espace‐temps, une sorte de mémoire éternelle . C’est cette réalité psychique qu’il baptise « inconscient collectif » et qu’il conçoit comme une matrice qui contient des archétypes, c’est-à-dire des structures psychiques fondamentales fondées sur les expériences de l’humanité depuis la nuit des temps.

L’expérience humaine de l’éternité serait inscrite depuis toujours dans ce noyau structurel de l’inconscient collectif que Jung nomme le « soi ».
Le « soi » serait notre expérience inconsciente de l’éternité et ceci indépendamment de toute croyance religieuse. c’est-à-dire que toute personne, même n’ayant aucune référence religieuse, aurait au cœur de son inconscient, dans son « soi », accès à ce sentiment que la vie est plus forte que la mort.
Ainsi lorsque nos patients ne croient pas à leur mort – tout en sachant qu’ils vont mourir – ils ne sont pas dans le déni, mais dans ce que j’appellerais un « savoir » inconscient universel.

Face à ce clivage, l’ajustement des soignants et de l’entourage est affaire de subtilité, on se voit mal rappeler à un patient qu’il va mourir, lorsqu’il fait un projet, qui exprime le sentiment que la vie continue pour lui. Nous connaissons ces situations où un patient vit ce que nous appelons « le mieux de la fin ». Cette appétence relationnelle que de M’uzan a bien repéré dans son texte sur le travail du trépas: le patient se reprend à espérer, à parler de guérison, de retour chez soi, voire cherche à se lever (le syndrome de Lazare). Difficile pour les proches d’être dans l’attitude juste. On peut être tenté de compenser, de réagir. Je me souviens du malaise de l’équipe soignante face à un patient mourant qui affirmait son désir de vivre coûte que coûte. On sentait poindre le désir de le ramener à la réalité, et donc à sa mort. C’est seulement lorsque l’équipe a pu en prendre conscience au cours d’une réunion qu’elle a pu rectifier son attitude, prendre acte du mieux, respecter cette bouffée d’espoir qui traduit justement le paradoxe et l’expérience intime – qui échappe aux bien portants – d’une vie qui ne peut pas mourir.

Mais un autre risque existe face à cette affirmation de vie, le risque pour les proches d’espérer une amélioration et de tomber aussi dans une sorte de déni. J’ai vu ainsi des médecins décider de reprendre un traitement, ou décider d’un transfert dans une unité curative. Seule une expérience clinique fine des fins de vie permet alors de repérer ce qui est en jeu : cette force de vie.
Nous comprenons alors pourquoi il est si important de repérer ce qui se passe. La deuxième question que nous nous posons est la suivante : quel est le sens de ce regain de vitalité ? a-t-il un rôle à jouer dans l’accomplissement de la vie humaine ?

Revenons à l’observation faite par Michel de M’uzan. Si cette vitalité in extremis témoigne d’un « savoir paradoxal » que l’on pourrait résumer par la phrase poétique de Max-Pol Fouchet, évoquée tout à l’heure : « Mourir existe, la mort n’existe pas », elle poursuit néanmoins un objectif.
Ce regain d’énergie, cette « expansion libidinale », cette « exaltation de l’appétit relationnel » serait au service d’un travail psychique, d’une dernière tâche, que M’uzan nomme le travail du trépas.

Celui qui va mourir « tente de ressaisir et assimiler tout ce qui n’a pas pu l’être dans sa vie pulsionnelle, comme s’il tentait de se mettre complètement au monde avant de disparaître.»
Et M’uzan rajoute « comme s’il voulait ou devait encore faire quelque chose de ce qui lui arrive ».

Cette ultime énergie serait alors au service d’un dernier effort pour s’accomplir, c’est-à-dire pour entrer vivant dans la mort.
Un témoignage d’accomplissement particulièrement précieux nous a été livré par cette romancière française, Christiane Singer, qui, après s’être entendu dire qu’elle avait tout au plus six mois à vivre, a tenu quotidiennement le journal de ses six derniers mois de vie.
Lucide, elle l’était. Toutes les émotions que connaissent ceux qui sont gravement malades vont agiter son âme en détresse. Tout y passe : la lassitude, la tristesse, la fâcherie, la colère (« je me mets à trouver mon sort laid... quelque chose de moi se rebiffe... je pleure la vulnérabilité de tout ce qui est sous le soleil »).
Son courage vacille. elle qui ne voulait pas marchander son sort, la voilà qui n’en peut plus et qui supplie Dieu, les larmes aux yeux, de la garder.
« J’ai mendié comme une malheureuse... j’ai supplié qu’un miracle se produise ».
Et puis la réalité s’impose. Elle entre en soins palliatifs. Les journées de douleur alternent avec les journées d’apaisement mais dans cet espace des dernières semaines, elle témoigne elle aussi de ce regain de vitalité dont nous avons parlé : « Dans l’espace où j’évolue, vivre et mourir est la vie. J’opte pour le tout . J’ai pris la peine de prévenir tant d’amis chers que je mourrai. J’ai pris congé de tant d’âmes. Je vis toujours. C’est burlesque et délicieux à la fois... et vertigineux. Ce que je ne pouvais soupçonner pourtant, c’était que je puisse être encore baignée d’une telle vitalité, d’un bonheur sans fin qui ne veut rien, n’attend rien, ne sait rien de rien, sinon l’émerveillement que lui cause chaque instant, chaque rencontre... Qui eût pu soupçonner qu’au cœur d’une aussi difficile épreuve se soit lovée la merveille des merveilles. »

Ce vécu des patients à une encablure de leur mort n’est certes pas le lot de tous. Bien des patients, pourrait-on dire, meurent avant de mourir, soit qu’ils se laissent mourir, soit qu’ils supplient qu’on abrège leurs jours.
Michel de M’uzan s’interroge lui aussi sur cette dégradation de l’énergie psychique chez certains mourants, sur cette « défaite de la pulsion qui oblige tout vivant à tenir bon à la vie ».
Comme le mentionne Freud dans son texte « Deuil et mélancolie ».

Que se passe-t-il pour eux ? Y a-t-il derrière ce retrait de l’énergie vitale, derrière cette demande que l’on hâte sa fin, une autre demande, qu’il faut savoir déchiffrer ? Le mourant attend-il « qu’on ne se soustraie pas à cette relation, à cet engagement réciproque qu’il propose presque secrètement, parfois à son insu, » et dont va dépendre son travail du trépas ? Michel de M’uzan pense pour sa part que le plus souvent ce sont les autres qui entravent le travail du trépas. Aveugles à ce qui se passe, ils attendent du mourant qu’il retire en lui toute son énergie pour la laisser se dégrader...

« Et lorsque cela tarde trop à s’accomplir, ceux qui avaient été d’abord des objets d’amour et qui avaient aimé ne voient plus dans le mourant qu’une chose un peu sale, une sorte de reste qu’il faut cacher, presque une souillure dont il faut se débarrasser » et le psychanalyste de conclure : par là, celui qui refuse d’entrer dans cette ultime expérience relationnelle « s’expose à rater lui-même son deuil et à échouer plus tard au moment de sa propre mort ».
On comprend alors que, pour la personne qui va mourir, entrer vivante dans sa mort n’est pas seulement un enjeu personnel.

Comme mon amie Johanne de Montigny aime le rappeler en citant Bernanos:
« On ne meurt pas seulement pour soi, on meurt les uns pour les autres, et parfois les uns à la place des autres. »"

Aliocha

Mais non, Achille, l'ardu est d'être simple, oui, c'est moi qui le dis, et ce sont nos complexités qui nous empêchent d'accéder au miracle qui nous est offert, la conscience qui nous est donnée d'avoir le choix de consentir, ou non, à notre condition et d'en accueillir le mystère incompréhensible.
Si nous sortons du jugement, le pipi de chat de l'autre comme du sien propre, nous accédons à ce qui est à notre main, qu'au-delà de nos différences nécessaires, il nous est possible alors, du fond de nos solitudes, de formuler ce que nous partageons.

Michel Deluré

"Il faut croire que la seule occupation valable, quand on n'a rien à faire, est l'examen de conscience".

Il arrive effectivement que l'oisiveté, mais pas seulement, conduise à se poser la question de savoir si nous avons réussi notre vie, surtout si nous n'appartenons pas à cette catégorie de personnes qui vivent apparemment dans l'insouciance la plus totale.

Avons-nous su dompter l'ennui, surmonter la banalité du quotidien, concilier les contraintes et obstacles extérieurs avec nos désirs, nos rêves profonds, donner du sens à notre vie ?
Autant de questions et bien d'autres encore auxquelles chacun de nous n'apportera certainement pas de réponses systématiquement satisfaisantes.

Car, si nous avons bien des raisons de nous réjouir de certains aspects de notre vie, nous en avons aussi bien d'autres qui peuvent être source d'insatisfaction.
Il en va ainsi pour chacun d'entre nous car nous n'avons point la maîtrise parfaite de notre destin et que, comme le disait Spinoza,  nous sommes "ballottés par les causes extérieures".

Mais il est un indice, Philippe Bilger, qui peut vous indiquer si vous avez atteint le but que vous vous étiez fixé. C'est Bergson qui nous le révèle : "Elle (la nature) nous avertit par un signe précis que notre destination est atteinte. Ce signe est la joie... La joie annonce toujours que la vie a réussi, qu'elle a gagné du terrain, qu'elle a remporté une victoire : toute grande joie a un accent triomphal".

Robert

Ce début de phrase : "Je ne suis plus loin de me convaincre que l'originalité, l'écart délibéré et constant d'avec le troupeau et la solitude élue..." m'a rappelé, Monsieur Bilger, le mot que m'avait dit mon professeur de latin, alors que je lui faisais mes adieux en fin d'année de troisième, à savoir que mon comportement se distinguait de celui du "vulgum pecus" et que c'était là une qualité à conserver et à cultiver. Conseil que je me suis attaché à suivre ma vie durant : une certaine culture de l'indépendance, de la liberté de penser, du respect de l'autre comme de la loyauté.

Non, contrairement à ce qu'en conclut Proust, il ne s'agit nullement de la traduction de chagrins d'enfance, mais bien d'une manière d'aborder la société. A savoir : suivisme bêlant ou suivi de sa propre trajectoire.

La perfection n'étant aucunement de ce monde, seule la culture de l'excellence dans l'exercice des fonctions confiées me semble de nature, à l'automne d'une vie, à permettre de se retourner sur la vie personnelle comme professionnelle sans avoir à en rougir, mais en ayant le sentiment du devoir accompli. Sur ce point, l'estime conservée sans flagornerie de ceux que nous avons côtoyés (supérieurs, pairs ou subordonnés au plan professionnel, connaissances, amis ou parents) suffit à considérer en toute simplicité que sa vie a été utile aux autres et à sa nation.
Le reste n'est qu'écume des vagues...

Antoine de Saint-Exupéry a écrit cette lettre la veille de sa disparition. Une réflexion superbe :
https://theatrum-belli.com/30-juillet-1944-lettre-dantoine-de-saint-exupery-au-general-x-ecrite-la-veille-de-sa-disparition/

Charles

Le classicisme, une audace, donc une idée neuve en France ?

De deux choses l'une, ou vous avez écrit classicisme pour conservatisme, ou cela me semble tout à fait faux.
Mozart n'était pas classique en son temps, pas plus que Racine, Balzac, Champaigne dans le leur.

Achille

Oui, je sais, passer juste derrière un commentaire du camarade genau est un moment difficile. Mon style de bûcheron tranche nettement avec le sien tout en délicatesse.
Inutile de me le faire remarquer, Tipaza !

boureau

"Etre classique, aujourd'hui une audace ?"

"Miroir, mon beau miroir, dis-moi que je suis..." Narcisse, toujours Narcisse !

Au soir de la vie, les "qui suis-je" ou "que ne suis-je pas" ou "qu'ai-je raté" ou "qu'ai-je réussi" "suis-je classique ou pas" "aurais-je pu être un autre" ne sont d'aucun intérêt à mon avis !

Nous savons tous que, si c'était à refaire comme on dit, nous changerions sans doute beaucoup de choses de notre vie. Seuls les imbéciles disent : "je ne changerai rien".

A ce stade de notre existence, l'intéressant et l'important, sans doute pas assez intellectuel pour certains, c'est : que vais-je faire de valorisant du temps qu'il me reste à vivre ! Pour le reste...

Cordialement.

Aliocha

Proust aussi a dit cela, nous ne sommes rien ou pas grand-chose, si ce n'est la forme que l'être aimé a laissée en nos cœurs, et le chagrin de la perte indique par la souffrance de la chair que la seule réalité partagée réside dans la relation que nous eûmes, celle qui laisse au présent puis au futur sa trace, ce presque rien qui donne la sensation du tout, que si la vanité ne nous arrête à son désir illusoire des maîtrises mondaines où l'on penserait être quelque chose, l'invitation du vent nous convie au festin du temps qui sait, lui, nous inviter à l'éternel, dans la seule mesure où nous accepterions de n'être presque rien, d'en être l'instrument.
Musique, Maestro !

Catherine JACOB

«Jules César, Jésus-Christ, Jacques Cœur, Jacques Chirac. Les initiales JC semblent être réservées aux êtres exceptionnels», ainsi Jean Caron est-il cité dans l'article du Figaro auquel vous nous renvoyez.

Ah là là et les miennes qui à l'inverse, ne sont que CJ, d'où sans doute un destin sans rien d'exceptionnel comme se plairait à le faire remarquer mon faux débatteur sur votre billet du 25/07/19 "Cela va-t-il de soi, madame Buzyn ?"

"A vrai dire, une illumination m'est venue face au portrait de Jean Caron, professeur exceptionnel souhaitant faire de "chaque cours un événement" (Le Figaro). Sans prétendre me comparer une seconde, j'ai relevé, dans cette volonté, je l'ai éprouvé et l'éprouve dans chacune de mes interventions, le besoin de ne pas s'inscrire dans une continuité mais de la briser. Pour que chaque moment soit unique parce que probablement on ne supporterait pas de ne pas l'être."

Puis-je m'autoriser à vous rappeler ce mot de F. Nietzsche extrait de « Le Voyageur et son ombre » - aphorisme 217 in Humain trop humain, 2ème partie:

« Classique et romantique. — Les esprits, au sens classique, tout aussi bien que les esprits au sens romantique — les deux espèces existeront toujours — portent en eux une vision de l’avenir : mais la première catégorie fait jaillir cette vision de la force de son temps, la seconde de sa faiblesse. »

Achille

« Ou plutôt décide-t-on vraiment de ce qu'on est et de sa manière de se comporter au milieu des autres ? Je me suis demandé tout à coup, sur le tard, de ce qu'il advient véritablement de nous. »

Même si cela ne vous empêche pas d’avoir de multiples activités (Institut de la Parole, Vraies Voix, chaîne YouTube, théâtre, cinéma, lecture, sans oublier, bien sûr votre blog où vous êtes très bien secondé par la vigilante Pascale, vous êtes arrivé à un âge, Philippe Bilger, où l’on a naturellement tendance à faire le point sur sa vie : les réussites, les échecs, les regrets, les remords, les moments de pur bonheur et ceux d’infinie tristesse.

Nous avons tous connu cela et, avec le recul, le sentiment que nous aurions pu faire beaucoup mieux, agir plus fort, aller plus loin. Mais soit par manque de confiance en soi, soit par paresse (ce qui fut souvent mon cas) nous avons renoncé.

Sommes-nous vraiment maître de notre destin ? Je me le suis souvent demandé, car parfois il m’a semblé que les hasards de la vie prenaient les choses en main bien malgré moi. En fait nous n’avons la maîtrise que d’une part de notre destin, une grande partie est guidée par les aléas de la vie.

Autre question qui me turlupine : qu’adviendra-t-il de notre vécu, des mille choses que nous avons acquises, souvent douloureusement, dans notre fugitive existence une fois arrivés au bout du chemin ? Sera-ce perdu, à tout jamais ? Dans ce cas quel gâchis. Tout ça pour ça ?

Vastes questions existentielles sur lesquelles je ne m'étendrai pas. C'était mon moment de philosophie de bazar, bref mon « pipi de chat ».

genau

Celui-là est mort à son orgue sur le ré qui conclut la Toccata et un visiteur de l'église, s'étonnant de la trop longue tenue de la finale, a donné l'alerte.

Celle-ci est morte dans son lit en lisant la revue "Alpes de Lumière" et la surveillante de l'étage l'a trouvée ainsi, les doigts raidis sur la tranche de la couverture.

Celui-ci m'a regardé pour la première fois avec tendresse, avant de fermer les yeux et cet autre, que j'aimais tant, d'une amitié du berceau, a repoussé ma main pour franchir la rivière.

Demain, ma belle, nous irons sur le plateau pour le plus beau spectacle que je connaisse: le vent dans les herbes folles, le vent et rien d'autre sur cette aire désolée, où pousse le buis au sommet des empreintes de fosses vides depuis des millénaires mais toujours visibles, et le kermès qui frémit à peine au bord des carroyages creusés dans le calcaire.

Il vit toujours l'enfant que la mère, épuisée, a laissé tomber de ses bras et les hurlements à son réveil ne l'ont pas ramené. Il vit ailleurs.

Peu importent aujourd'hui les toges et les hermines, qui l'on fut, et ce qu'on a dit a poussé la porte de l'oubli.
Le vent seul, dans les herbes, porte tous les messages que nos regrets engendrent et ranime seulement les silhouettes.
Il n'y a que les héros qui souffrent de leur caducité ou les professeurs qui ont sculpté leur matière voient le silence étouffer les rumeurs d'amphithéâtre.
L'artisan ferme simplement la porte de son atelier et laisse doucement s'éteindre les vibrations que ses mains ont accumulées.
Le vent disperse les idées, dispense de penser, caresse les restes de vie pour les noyer dans les ondulations des herbes folles.

Marc GHINSBERG

@ pierre blanchard
« N'avoir été "que soi-même", n'est-ce pas déjà un accomplissement ?  »

Bien sûr. Mais si on compare par rapport aux rêves de jeunesse, on voulait changer le monde et c’est le monde qui nous a changés. Certains rêvaient d’être Proust, d’autres Camus. On se contente de n’être que soi-même. Un rappel à la modestie.

Tipaza

@ pierre blanchard | 31 juillet 2019 à 22:13
« N'avoir été "que soi-même", n'est-ce pas déjà un accomplissement ? »

Effectivement c’est une bonne remarque.
Les questions que pose le billet sont des questions que la plupart d’entre nous se posent, il suffit pour cela d’être un minimum lucide.

Chacun répondra à sa façon.
Il y a une réponse pourtant qui me paraît évidente, que l’on peut se faire à soi-même, encore faut-il qu’elle soit sincère, c’est : « J’ai fait tout mon possible ».

Et pour ceux qui y croient, lorsque nous arriverons devant le grand Barbu en robe blanche assis sur son nuage et qui demandera comme nous le demande notre conscience : « Qu’as-tu fait de ton talent » ?, je répondrai avec beaucoup d’humilité et un zeste d’insolence : « J’ai fait tout mon possible avec les moyens que vous m’avez donnés ».

Réponse risquée je l’avoue, en aurai-je le courage, et là se reposent les questions du billet.
Da capo !

pierre blanchard

@ Marc GHINSBERG | 31 juillet 2019 à 18:03
"Vient un âge où l’on se pose la question : Qu’ai-je fait de ma vie, qu’est-ce que la vie a fait de moi ?
Avec le désenchantement de n’avoir été que soi-même."

Pourquoi donc cette forme de désenchantement, Monsieur Ghinsberg ?

N'avoir été "que soi-même", n'est-ce pas déjà un accomplissement ?

Avoir été, plutôt que de vouloir paraître avoir été un autre !

Metsys

M. Bilger, le classicisme a beaucoup de rapport avec l'ordre judiciaire. Ce n'est pas pour rien que Stendhal lisait tous les matins deux ou trois pages du Code civil. Il me semble aussi que vous-même avez dit quelque part (je peux me tromper) que les meilleures plaidoiries sont impeccablement structurées mais donnent l'impression d'une grande improvisation. C'est valable aussi pour les classiques. Pour finir, réduire la sauce, saupoudrer de litote et remuer avec doigté...

En se limitant aux réquisitoires, deux exemples en contrepoint se rapportant à un couple célèbre, jugé à quelques mois d'intervalle.

"Qu'examen fait de toutes les pièces transmises par l’accusateur public, il en résulte, qu’à l’instar des Messaline, Brunehaut, Frédégonde et Médicis, que l’on qualifiait autrefois de reines de France, et dont les noms à jamais odieux ne s’effaceront pas des fastes de l’histoire, Marie-Antoinette, veuve de Louis Capet, a été depuis son séjour en France, le fléau et la sangsue des Français ; qu’avant même l’heureuse révolution qui a rendu au peuple français sa souveraineté, elle avait des rapports politiques avec l’homme qualifié de roi de Bohême et de Hongrie ; que ces rapports étaient contraires aux intérêts de la France ; que non contente, de concert avec les frères de Louis Capet, et l’infâme et exécrable Calonne, lors ministre des finances, d’avoir dilapidé d’une manière effroyable, les finances de la France (fruit des sueurs du peuple), pour satisfaire à des plaisirs désordonnés, et payer les agents de ses intrigues criminelles, il est notoire qu’elle a fait passer, à différentes époques, à l’empereur, des millions qui lui ont servi et lui servent encore à soutenir la guerre contre la république, et que c’est par ses dilapidations excessives qu’elle est parvenue à épuiser le trésor national" : pas classique.

"On ne peut point régner innocemment : la folie en est trop évidente. Tout roi est un rebelle et un usurpateur" : classique.

Tipaza

Tiens, ce billet nous offre la toute dernière traduction de la célèbre tirade d’Hamlet :
« Être ou ne pas être »
Excellente traduction et excellente idée.
Un soir d’été, le moment idéal pour revoir la pièce en DVD.

L’une des meilleures versions à mon avis :

https://www.amazon.fr/Shakespeare-meilleur-John-Cleese/dp/B00LOL34KW/ref=sr_1_9?adgrpid=57304753398&gclid=EAIaIQobChMI6eSPkMvf4wIVhYXVCh0qHAMfEAAYASAAEgIEvfD_BwE&hvadid=275328279813&hvdev=c&hvlocphy=9055219&hvnetw=g&hvpos=1t1&hvqmt=b&hvrand=18063049183938541564&hvtargid=aud-612562153841%3Akwd-301660289017&hydadcr=841_1782466&keywords=dvd+hamlet&qid=1564590899&s=gateway&sr=8-9

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