Quelle destinée que celle de Jean-Pierre Jackson !
Instituteur, d'extrême gauche et meneur en Mai 68, formidable batteur de jazz, scénariste et cinéaste, il a introduit en France les films de Russ Meyer et de Ozu. Auteur de livres références sur plusieurs créateurs emblématiques du jazz, il a créé une maison d'édition qui ne fonctionne que par abonnés et est très exceptionnelle : Coda. Elle publie des livres philosophiques et /ou politiques qu'on ne lit plus malheureusement ou qu'on ne trouve plus. Par exemple les matérialistes du 18e siècle, Spinoza dans une nouvelle présentation, Prévost-Paradol ou une vision de la Commune par un bourgeois qui apporte un heureux contrepoint aux historiens "communards". Jackson est à la fois très connu et apprécié dans le milieu du cinéma, du jazz et de l'édition mais une figure d'une infinie discrétion. Je devais m'attacher à sa présentation avant un entretien qui montrera, par les réponses qu'il me donne, son intelligence, sa liberté et sa singularité.
Comme nombreux de sa génération, il s'était laissé bercer (berner) par les chantres du marxisme, de la révolution prolétarienne, de la lutte des classes et du bonheur pour tous ("debout les damnés de la terre, les forçats de la faim, le monde va changer de base, nous ne sommes rien soyons tout.." etc.) après l'élimination des bourgeois, du grand capital, mais aussi et surtout, la mise au rancart des vertus ancestrales, familiales et patriotiques jetées aux orties !!
Et comme beaucoup, il s'est un jour réveillé de ce mirage pseudo-révolutionnaire avec la gueule de bois, conscient de son erreur de trajectoire et faisant alors volte-face plus par tactique que par conviction, faisant alors mine de critiquer sans vergogne ce qu'il avait adoré, sans pour autant renier son appartenance initiale à la gauche.
Preuve que le poison marxiste n'avait pas été éliminé et pourrait se réactiver et se rallumer à la moindre étincelle !
Rédigé par : Mary Preud'homme | 17 novembre 2019 à 20:56
Juste un petit mot :
MM. Cohn-Bendit et Goupil ne sont pas du tout mes "copains" et ne l'ont JAMAIS été.
Je ne porte pas de costume Armani.
Les opinions que l'on juge détestables ne se règlent pas par la loi mais par le combat politique. C'est justement en se reposant sur la loi, et son interprétation par les juges, que l'on croit l'affaire réglée et qu'on laisse ces opinions prospérer, croyant que le silence apparent est une victoire. Souvenez-vous de la Prohibition.
Le "capitalisme à visage humain" était juste une plaisanterie utilisée autrefois par ceux qui se disaient révolutionnaires pour disqualifier les réformistes.
Enfin, contrairement à ce que je me suis laissé aller à dire (grosse bêtise) je ne discuterais pas avec Tariq Ramadan, pour qui j'ai le plus profond mépris. Mais je discute souvent et volontiers avec des musulmans comme avec toute autre personne dont je ne partage pas les convictions.
Rédigé par : Jean Pierre Jackson | 17 novembre 2019 à 20:53
@ Lucile | 17 novembre 2019 à 10:50
"Un spécimen intéressant !"
En un mot, un seul, qui rendrait jaloux n'importe quel anthropologue, Lucile assassine et épingle le bonhomme avec la froideur de l'entomologiste !
Du grand art, ça pourrait être du Saint-Simon ou du La Fontaine, c'est tout simplement du Lucile.
Je ne sais pas pourquoi (si, je le sais), ça me rappelle le film "Arsenic et vieilles dentelles", que j'adore. Il est so british !
Lucile doit le connaître ;-)
Rédigé par : Tipaza | 17 novembre 2019 à 20:43
@ Savonarole | 16 novembre 2019 à 22:38
"Le révolutionnaire trotsko finit toujours en surpoids, voyez ses copains, Daniel Cohn-Bendit ou Romain Goupil, ils craquent dans leur Armani."
En somme ils ont réussi "leur" révolution en 68 en mettant le pays à sac et sur la voie qui nous a conduits dans le pétrin actuel et en en tirant tout le bénéfice !
Ils se préparaient un futur douillet, ils ont réussi !
Ils étaient les casseurs, les voilà célébrités, nouveaux intellos, se pavanant sur tous les médias !
Pourquoi blâmer les casseurs d'aujourd'hui ?
"Démolissez, démolissez, vous en tirerez toujours quelque chose !"
Et nous prétendons être le pays de Descartes !
Comme la mémoire, la logique s'est raccourcie en France !
Rédigé par : Claude Luçon | 17 novembre 2019 à 19:34
Quelle destinée que celle de Jean-Pierre Jackson ! Et quel flair de votre part pour nous faire passer avec cet invité un formidable moment de réflexions qui sortent de ce que l'on entend tous les jours. Une vraie écoute de bonheur comme vous y faites brillamment allusion à la fin de votre interview.
Rédigé par : philippe b. | 17 novembre 2019 à 14:54
"Un curieux occidental", il affiche une grande curiosité, ce sont les paroles du PDG qui nous a embauchés, quelques-uns de ma génération.
Du diplôme ESTP à... "Soyez curieux !" nous avait-il dit, était la signature en bas de la lettre d'embauche.
Toujours vérifier ses sources pour proposer des solutions "exhaustives", et puis aimer le jazz, nous étions faits pour nous entendre.
Bon, j'aime le bayan par-dessus tout et… Enfin ceci est une autre histoire, le bayan et le jazz…
Le bayan dans tous ses états, enfin, un de ses états :
https://youtu.be/Z0nfW_dDNrc
En fait beaucoup de similitudes avec celui qui nous a fait grandir.
Rédigé par : Giuseppe | 17 novembre 2019 à 14:07
Un spécimen intéressant ! Il a conservé un vocabulaire et des catégories de raisonnement qui rappellent ses premiers pas en politique, mais tous les chemins mènent à Rome ; on le rejoint quand il réclame l'inscription dans le parchemin d'une vraie liberté de penser et de dire, et quand il chante la louange des entrepreneurs.
Rédigé par : Lucile | 17 novembre 2019 à 10:50
Cher Philippe,
La vie intellectuelle se judiciarise, la liberté d'expression est gravement menacée. Ce sont des faits.
Il existe un communiste qui a donné une très bonne définition de l'intolérance à savoir que llintolérance serait le refus de reconnaître la liberté des autres, c'est-à-dire leur droit à exister différemment. Le mot exister disparaît dans les périodes historiques abordées par Jean-Pierre Jackson.
Cet homme a fait fermer un pavillon de chroniques dans un Centre Hospitalier Spécialisé dans lequel 50 hommes et femmes couvraient le sol d'excréments, étaient privés de sortie et de couverts pour s'alimenter, souffraient de nombreuses maladies telles la gale, quelques cas de choléra et étaient encadrés par de rares infirmiers alcooliques, nommés les douze trous car pour faire face à la détresse du lieu, ils s'imbibaient de douze bouteilles de vin rouge avant de tremper quelques sardines dans leur café.
Cet homme a été exclu du parti communiste dans les années 85 après avoir participé à la propagande de ce parti et s'est réfugié chez les Verts Rouge.
Un autre communiste a porté la loi Gayssot et votre invité dénonce cette loi en prétendant que le fait de pouvoir se dire raciste, négationniste serait un plus pour l'humanité.
Dans son doute profond que nous ne critiquons pas, cette certitude est douteuse !
Une autre certitude que nous ne partageons pas est celle de penser que l'Univers vieillirait. Non l'Univers ne vieillit pas, il se transforme.
Le temps n'existe pas et nous sommes matérialité et ondes comme tout ce qui compose les univers. Spinoza a évoqué cette sensation bien avant que nos physiciens ne le vérifient.
Un entretien très intéressant, qui passe trop rapidement sur le jazz et le coup de klaxon valait le détour ! Votre inconscient demande sa libération d'expression et votre humour pourrait se faire plus présent si votre autocensure l'autorisait.
françoise et karell Semtob
Rédigé par : semtob | 17 novembre 2019 à 01:58
Son passé de soixante-huitard et son actuelle confortable situation me rappellent le préfet Grimaud, qui voulant disperser en Mai 68 un défilé d’étudiants boulevard Saint-Michel, s’écria « Rentrez chez vous ! Dans dix ans vous serez tous notaires ! »
C’est bien le cas, le voici notaire, le voici pour un « capitalisme à visage humain » avec l’embonpoint qui va avec. Le révolutionnaire trotsko finit toujours en surpoids, voyez ses copains, Daniel Cohn-Bendit ou Romain Goupil, ils craquent dans leur Armani.
Mais ne nous mettons pas martel en tête, ce trotsko est par ailleurs bien sympathique.
Rédigé par : Savonarole | 16 novembre 2019 à 22:38
"On est parti d'une presse censurée à une presse censurante"
(aux environs de la 40')
Ne serait-ce pas le résumé parfait du "monde journalistique" que nous subissons ?
Rédigé par : Pierre Blanchard | 16 novembre 2019 à 21:17
Intelligence, lucidité sur le passé, incertain sur l'avenir (capitalisme à visage humain ? ), courage...
Une vraie vie.
Mais toujours le même "complexe" des gens de gauche qui, même en constatant que les doctrines émises par la gauche ont toutes échouées, continuent à se dire de gauche. Comme si être de droite était forcément une tare, même si en fin de compte on finit par en pratiquer une partie des valeurs.
La meilleure preuve : Jean-Pierre Jackson est devenu entrepreneur "capitaliste". Mais en restant "de gauche" intellectuellement of course !
J'aurai aimé qu'il développe son "capitalisme à visage humain" : une étrangeté !
Des mots importants : "tout vieillit, tout vieillit" - "Je n'ai qu'une certitude, c'est que je vais mourir" - "l'univers ne sait faire qu'une seule chose, il vieillit" - "la vie c'est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort".
Merci P. Bilger d'avoir permis cette écoute.
Cordialement.
Rédigé par : boureau | 16 novembre 2019 à 20:30
@ Giuseppe | 16 novembre 2019 à 15:22
Mon propos sur sa condition d’instituteur n’avait rien de dévalorisant, bien au contraire.
Jean-Pierre Jackson a montré qu’avec de la passion il est possible de maîtriser des domaines qui au départ ne correspondaient pas à sa formation initiale.
J’ai toujours eu la plus grande admiration pour les autodidactes qui se hissent au niveau des gens qui ont suivi une formation longue et difficile pour acquérir leur compétence et même parfois les dépassent.
Rédigé par : Achille | 16 novembre 2019 à 17:06
@ Achille | 16 novembre 2019 à 09:16
N'y voyez pas polémique, mais est-il besoin de rappeler sa condition d'instituteur ?
Comme si pour réussir il faudrait sortir de la cuisse de Jupiter.
J'ai connu des imbéciles de tous bords, les galons ne sont rien, le courage et l'abnégation font beaucoup.
" ...d’un autodidacte qui a su dépasser sa condition d’instituteur pour se consacrer à des domaines artistiques (littérature, cinéma, musique) avec talent."
Rédigé par : Giuseppe | 16 novembre 2019 à 15:22
Pour autant que j'en juge, un bonhomme à mettre à la tête du ministère de la Culture. Cela nous ferait un peu d'air frais.
Je suis allé voir la présentation de "Ethique" du père Baruch sur le site des éditions Coda:
http://www.editions-coda.fr/pid191-Ethique
Je suis resté sur ma faim. Je ne vois pas fondamentalement l'apport de cette traduction par rapport à l'édition de Bernard Pautrat. Si Monsieur Jackson avait l'obligeance de m'éclairer, j'en éprouverais de la reconnaissance.
Et merci pour l'édition de "Parerga et Paralipomena" de Schopi. C'est une plaie pour la dénicher.
Gros poutous à Monsieur Jackson.
Rédigé par : F68.10 | 16 novembre 2019 à 10:31
Intelligence, simplicité, érudition. Tout est là dans cet entretien d’un autodidacte qui a su dépasser sa condition d’instituteur pour se consacrer à des domaines artistiques (littérature, cinéma, musique) avec talent.
Un petit bémol toutefois concernant sa position sur la loi Gayssot tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe.
La liberté de pensée mal maîtrisée conduit inévitablement au communautarisme, à la violence et pour finir à la privation de cette liberté, ainsi que nous pouvons le constater en ce moment.
Mais à part cela, bravo pour ce parcours exceptionnel d’un véritable philosophe qui mérite d’être mieux connu.
Rédigé par : Achille | 16 novembre 2019 à 09:16