L'avion n'a pas toujours réussi à certaines de nos personnalités politiques. Jusque-là Emmanuel Macron avait échappé aux méfaits possibles de l'élévation. Malheureusement, revenant d'Israël et s'entretenant avec trois journalistes, il s'est "crashé" sur les plans intellectuel et judiciaire et en cette saison qui ne lui réussit pas, il n'était pas vraiment nécessaire d'ajouter une épreuve dans la désolation.
Pourtant, au sujet de l'affaire Halimi, alors qu'il aurait dû se taire, il a parlé. Lui qui si souvent, par une coquetterie inutile, refuse de s'exprimer quand le sujet le regarde, a décidé de donner son avis quand il n'aurait pas dû. Au-delà de la constatation que notre président se fait une gloire de ne pas emprunter les sentiers battus, on ne peut que condamner son intervention.
Je n'ose imaginer le tintamarre réprobateur - auquel j'aurais mis ma modeste pierre - qui aurait surgi si Nicolas Sarkozy ou François Hollande s'était permis cette immixtion choquante dans le cours d'une procédure judiciaire qui a défrayé la chronique depuis tant de mois.
Emmanuel Macron, en effet, s'est cru autorisé à évoquer "un besoin de procès" alors que le meurtrier de Sarah Halimi a été jugé pénalement irresponsable et que, surtout, la Cour de cassation doit se prononcer prochainement sur le pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction.
C'est une grave faute de la part d'un président de la République qui ne cesse de faire accroire qu'il échappe, lui, aux pièges dans lesquels ses prédécesseurs sont tombés.
Ce qui n'est déjà pas admissible de la part d'un grand-rabbin de France - mon billet du 27 décembre 2019 : le grand rabbin de France a-t-il forcément raison ? - est absolument interdit à un président de la République.
Pourquoi celui-ci s'est-il aventuré sur un terrain qui aurait dû lui demeurer étranger, par "déontologie présidentielle" ? Parce que probablement a-t-il été incapable de résister à la vanité d'offrir sa réponse à une question posée sur cette affaire - et qui aurait dû susciter une fin de non-recevoir.
Tout ce qui relève d'un processus judiciaire en cours doit demeurer hermétique, étranger à un président de la République qui, à l'exception des étranges modalités de nomination du procureur de la République de Paris, avait su donner l'impression de se maintenir là où il devait être.
Il convient de distinguer ses observations philosophiques, intéressantes mais sans autorité particulière, sur le caractère du procès de ses critiques directement reliées à l'affaire Halimi et qui offensent l'exigence de retenue présidentielle
Il faut les rattacher à ce qu'il avait déclaré à Jérusalem: "J’ai reçu tant de lettres, entendu tant d’émoi, vu tant de rage, de colère, à l’idée que, au fond, la justice ne soit jamais faite et ne puisse passer". Contrairement à cette assertion proférée devant un public qui en avait besoin et voulait l'entendre, justice pour l'instant est faite et elle le sera encore bien davantage quand la Cour de cassation aura tranché, quel que soit son arrêt. Il poussait encore plus loin sa complaisance à l'égard de ses hôtes en soulignant qu'il admettait "le besoin de procès", relevant le "besoin que toutes les voix s’expriment (et) se disent afin que l’on comprenne ce qu’il s’est passé". (Le Figaro).
Il concluait que "la question de la responsabilité pénale est l'affaire des juges". Il la limite trop et oublie la sienne qu'il a en partage avec eux: ils ont, les premiers comme le second, en charge la responsabilité de l'état de droit, notamment avec ce principe, supérieur à la revendication des victimes, de l'absence de tout procès quand le criminel est sorti, lors de son acte, d'une complète rationalité.
Face à ses propos à terre puis en vol, je suis tristement conduit à estimer qu'il est retombé dans son péché habituel: à l'étranger, il dit ce que l'étranger désire entendre et ainsi - j'assume l'outrance - il a joué contre la justice française. Sans le courage d'une parole indépendante ou moins clientéliste.
Le tollé qu'il a suscité bien au-delà de la magistrature était d'autant plus évitable qu'Emmanuel Macron rappelait qu'il n'avait "pas à commenter une décision de justice ni à prétendre la remettre en cause".
Au vrai il a fait pire.
Tout ce qui relève d'un processus judiciaire en cours doit demeurer hermétique, étranger à un président de la République qui, à l'exception des étranges modalités de nomination du procureur de la République de Paris, avait su donner l'impression de se maintenir là où il devait être.
Je suis très loin d'être un thuriféraire de M. Macron et je suis un des premiers à dénoncer ses petites phrases honteuses lâchées de préférence à l'occasion d'un voyage à l'étranger, comme s'il avait besoin de se mettre à l'abri du scandale qu'il cause.
Et même quand sur le fond il n'a pas entièrement tort, il faut toujours qu'il s'arrange volontairement ou non pour l'exprimer d'une façon contestable, c'est dans sa nature.
Ceci dit, rappelons tout de même qu'il est en principe le « gardien de la Constitution ».
Et que dit-elle, cette Constitution, dans son article premier sinon :
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion.(...) »
Donc, ce « gardien de la Constitution » n'est-il pas habilité à se prononcer dans tous les cas où cette dernière pourrait être atteinte, y compris dans le domaine judiciaire ?
Or, le monde judiciaire nous habitue à multiplier les exemples selon lesquels « l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion » est allègrement violée à travers un deux poids deux mesures manifeste quand pour des affaires d'un niveau de gravité équivalent, les accusés peuvent se voir appliquer un traitement différent en fonction de leur origine sociale ou ethnique.
Nous ne demandons pas à M. Macron de faire directement pression sur les magistrats, mais en tant que président il a tout de même le droit et le devoir de tirer la sonnette d'alarme quand la justice a tendance en général à bafouer l'état de droit, ce qui pourrait être aussi le cas dans l'affaire Halimi.
Nos aïeux disaient dans un tel cas : « Ah, si le Roi savait ça ! ».
Donc, remercions pour une fois M. Macron d'avoir marqué le coup, même avec maladresse.
Rédigé par : Exilé | 27 janvier 2020 à 10:54
J'ai lu vos réflexions. Revenant d'Israël le chef de l'Etat a dit ce qu'il a dit sur l'affaire Halimi. Vous le désapprouvez. Je l'approuve. Comme j'avais approuvé le grand rabbin
de France. Comme j'approuve tous les Juifs qui vivent en France, unanimes à penser la même chose sur ce sujet.
Rédigé par : Patrice Charoulet | 27 janvier 2020 à 10:53
Allons-nous enfin comprendre que Macron n'est pas un faux c*n mais un vrai.
Quand tous les lèches-bottes habituels, voire institutionnels, auront réalisé que le messie ce n'est pas lui, on pourra tourner la page des erreurs qui se cumulent.
Et que l'on ne dise pas : "par qui le remplacer ?" car il existe, dans ce pays, des dizaines de milliers de types de même envergure que lui. Macron n'a qu'une qualité, il est culotté et heureusement pour lui car sans cela la France se plierait en deux.
Et qu'il arrête ses soins journaliers de maquillage suivi de séances photographiques et qu'il cesse de cracher sur la France.
Rédigé par : Shadok | 27 janvier 2020 à 10:42
Ce président appartient au monde auquel il appartenait avant d'être présenté comme homo novus. C'est une vérité de La Palice ; mais il convient de la garder à l'esprit, puisqu'elle explique tant de choses.
Cela explique notamment le contresens du moment au sujet de la gestion policière des manifestations, où l'on passe du discours ultra-répressif, incarné jusqu'au choix d'un préfet de police de Paris qui n'a pas la rondeur habituelle des préfets, à une plateforme pro-David Dufresne et autres ex-anarcho-autonomes ou avocats orientés, pris comme interlocuteurs valides alors qu'ils servent une soupe réchauffée.
Rédigé par : Marcel | 27 janvier 2020 à 10:17
"Affaire Halimi : le président se crashe !"
Et pas seulement sur ce sujet cher P. Bilger !
Réquisitoire honnête auquel je souscris. Mais où est le brillant jeune homme qui a conquis le pouvoir ? Qu'est devenue cette intelligence si vantée ?
Il accumule les erreurs sur la plupart des points délicats qu'il doit traiter. Serait-ce la malédiction de "l'enfant-roi", comme le soulignait un journaliste pendant le week-end ?
Cette accumulation d'erreurs dans beaucoup de domaines y compris dans les rapports aux autres chefs d'Etat commence à montrer qu'il n'est pas devenu, à ce jour, un homme d'Etat. Tant s'en faut !
De l'imprudence d'élire une personnalité qui n'a jamais eu d'expérience politique de terrain. Personnalité qui, pour l'instant, n'a pas montré, selon moi, sa maturité.
Cordialement.
Rédigé par : boureau | 27 janvier 2020 à 09:44
Un texte de Michel Onfray qui relate bien l'historique de la situation catastrophique de la France.
https://michelonfray.com/interventions-hebdomadaires/macron-dictateur-
Rédigé par : Sophie | 27 janvier 2020 à 09:38
La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a jugé le 19 décembre 2019 que « le fait que la bouffée délirante soit due à la consommation régulière de cannabis ne fait pas obstacle à ce que soit reconnue l’existence d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, puisque aucun élément du dossier d’information n‘indique que la consommation de cannabis par l’intéressé ait été effectuée avec la conscience que cet usage de stupéfiants puisse entraîner une telle bouffée délirante ».
On touche, ici, au summum de l’argument spécieux.
Tant que des magistrats se livreront à ce genre d’acrobatie intellectuelle je ne serai pas choqué que le garant de l’indépendance de la magistrature leur suggère avec délicatesse et sans hypoxie de faire attention à leur balancier sous peine de tomber dans le ravin.
P.-S.: Philippe, ôtez-moi d'un doute: la virulence de votre propos ne saurait être liée à la présence de notre "ami" Francis S. en partie civile, n'est-ce pas ?
Rédigé par : sbriglia | 27 janvier 2020 à 09:35
Je suis complètement en phase avec l’analyse. Il me semble que notre Président prend conscience de l’échec de la possibilité de réaliser ses objectifs, d’une société meilleure, libérée des carcans, plus juste etc. à son corps défendant et ceci à cause de ce qu’il nomme l’Etat profond.
C’était prévisible en effet mais il y avait cru (je crois).
Alors comme beaucoup de présidents avant lui qui ont fait le même constat d'impuissance (?), il parle. Il cherche à justifier l’injustifiable à ses propres yeux.
C’est peut-être et sans doute accéder concrètement à la différence entre la start-up Nation et l’Etat. Un président ne peut pas tout et c’est bien cela le paradoxe. Ce paradoxe qui prend sa source dans une campagne électorale qui fait toujours croire à l’inverse ! Seule récréation avant que l’étau ne se resserre sur... le peuple inexorablement.
Finalement la personnalité d’un président qui a l’apparence d’un démocrate (et y croit sincèrement) n’est que l’arbre qui cache la forêt d’un régime très dur. Sur lequel se cassent beaucoup de dents...
Victime ou coupable, chacun répondra à sa façon. Ceux qui souffrent le plus de ce régime répondront coupable ! Dans le camp de ceux qui ne souffrent pas concrètement (seulement éventuellement intellectuellement de la situation), il se passe en effet quelque chose de cette nature, en ce moment sur ce plan. Me semble-t-il...
Rédigé par : Cn | 27 janvier 2020 à 09:14
Là, Monsieur Bilger, vous prêtez des propos à Monsieur Macron qu’il n’a pas eus. Il parle de « ceux » qui lui ont fait part de leur indignation, et pas seulement à l’étranger, mais bien en France. Et vous le savez puisque ça a été le cas ici, pour une large majorité de vos commentateurs si je les ai bien lus, sans partager personnellement leur colère d’ailleurs. Et il conclut bien sur la responsabilité pénale qui appartient aux juges et uniquement à eux.
Rédigé par : Jachri | 27 janvier 2020 à 09:11
Que celui qui est l'incarnation de la République et qui ne manque pas régulièrement, dans ses discours, de rappeler aux citoyens leurs devoirs envers cette même République prenne des libertés avec les principes qui en régissent son fonctionnement, voilà qui est pour le moins paradoxal !
EM a certes, comme tout un chacun, une opinion sur le sujet en question, mais plus que tout autre, parce qu'il est le président de cette République, il devait se soumettre à un devoir de réserve aussi longtemps qu'il n'avait pas été définitivement statué sur ce dossier.
Rédigé par : Michel Deluré | 27 janvier 2020 à 09:02
Il n'a dupé que vingt pour cent des citoyens français ! Les autres sont lucides sur son cas depuis le début de sa campagne...
Rédigé par : Chemins de traverse | 27 janvier 2020 à 08:32
M. Macron dit toujours ce que les gens veulent entendre. Pour agir, c'est autre chose. Macron fait du marketing, il fait du vent.
Bien sûr que j'ai besoin d'un procès. Traoré a choisi sa victime parce qu'elle était juive, il la harcelait depuis des mois. Il avait fumé comme d'habitude. Un expert a conclu qu'il était pénalement responsable, un autre a dit non.
Justice doit être faite.
Rédigé par : Vamonos | 27 janvier 2020 à 07:52
« Emmanuel Macron, en effet, s'est cru autorisé à évoquer "un besoin de procès" alors que le meurtrier de Sarah Halimi a été jugé pénalement irresponsable et que, surtout, la Cour de cassation doit se prononcer prochainement sur le pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction. »
Comme beaucoup de Français, pas seulement de confession juive, Emmanuel Macron a été affecté par le verdict du procès de l’affaire Sarah Halimi.
J’imagine qu’il a été très sollicité par les médias, les politiques et même de simples citoyens lors de son voyage en Israël et que donc il a ressenti le besoin de s’exprimer sur cette affaire afin d’assurer les juifs de France de son soutien en ces moments où ils sont très préoccupés par les actes antisémites qui se perpétuent en France.
Il est des jugements comme celui-ci qui laissent pantois car difficilement acceptables que l’on soit juriste ou non.
Il faut imaginer l’incompréhension et la révolte de la famille de la victime qui se voit privée d’un procès au motif que l’assassin de Sarah Halimi a été pris « d’une bouffe délirante » et était donc irresponsable au moment des faits.
Si cette décision venait à faire jurisprudence, on imagine sans peine les conséquences lors des prochaines agressions provenant de « déséquilibrés » ayant agi dans le même état.
Il n’y aurait plus de coupables même présumés, mais uniquement des irresponsables à bouffées délirantes. On va où là ?
Reste maintenant à savoir si la réaction du président est le fait d’une émotion bien naturelle ou s’il s’agit d’une opération de com destinée à s’attirer les faveurs de la communauté juive qui est influente.
On peut tout imaginer en politique, en particulier à la veille d’élections, même et peut-être surtout, municipales qui vont s’avérer un bon indicateur de la situation du parti LREM. Parti monté en toute hâte et qui comporte pas mal d’erreurs de casting, à commencer par Cédric Villani qui aurait mieux fait de rester derrière ses équations. La politique n’a rien de rationnel.
Mais je crois qu’en la circonstance, EM était sincère concernant Sarah Halimi. C’est sans doute mon côté naïf, mais je l’assume.
Rédigé par : Achille | 27 janvier 2020 à 07:32
Monsieur Bilger,
J’attendais, avec d’autres certainement, votre point de vue sur l’étrange « mal de l’altitude » qui saisit le Président Macron… L’avion présidentiel est-il bien pressurisé ??
Vous écrivez :
« Face à ses propos à terre puis en vol, je suis tristement conduit à estimer qu'il est retombé dans son péché habituel: à l'étranger, il dit ce que l'étranger désire entendre et ainsi - j'assume l'outrance - il a joué contre la justice française. Sans le courage d'une parole indépendante ou moins clientéliste.
Le tollé qu'il a suscité bien au-delà de la magistrature était d'autant plus évitable qu'Emmanuel Macron rappelait qu'il n'avait "pas à commenter une décision de justice ni à prétendre la remettre en cause".
Au vrai il a fait pire. »
En fait il a fait encore pire en ajoutant à ces propos - qui pour moi sont entre autres de bas électoralisme - ceux sur l’Algérie, que l’on peut classer au même niveau vis-à-vis d’un autre électorat :
« Je suis très lucide sur les défis que j’ai devant moi d’un point de vue mémoriel, et qui sont politiques. La guerre d’Algérie est sans doute le plus dramatique. Je le sais depuis ma campagne. Il est là, et je pense qu’il a à peu près le même statut que la Shoah pour Chirac en 1995 »
En matière de Justice il n'y avait pas besoin de cela, Mme Belloubet se charge assez bien toute seule (avec l'appui du Conseil d'Etat) de la détermination du lieu du siège de la future Cour Administrative d'Appel qui sera à Toulouse
https://actu.fr/occitanie/montpellier_34172/cour-administrative-dappel-toulouse-conseil-detat-repond-maire-montpellier_31032822.html
Bizarre, bizarre...
https://www.dailymotion.com/video/x6tvfj
https://www.dailymotion.com/video/x6tvfj
Rédigé par : Pierre Blanchard | 27 janvier 2020 à 00:35