Peu de temps avant de mourir au champ d'honneur à la fin du premier mois de la guerre de 14-18, Charles Péguy a écrit une note profonde et magnifique qui demeure d'une actualité absolue et concerne les intellectuels, les enseignants, les fonctionnaires, entre autres, qui "veulent avant tout être tranquilles...sédentaires" (Note conjointe sur M.Descartes et la philosophie cartésienne).
Elle touche d'autant plus le magistrat que j'ai été qu'à de nombreuses reprises les esprits forts, les médias satiriques, les pourfendeurs de l'institution judiciaire, se sont abandonnés à la facilité, face à la magistrature "debout", de dénoncer la "couchée". Ce qui est une offense à la fois fausse et indigne même si quelques pratiques, au fil du temps, ont pu rendre plausible cette qualification.
Cette pensée lumineuse de Péguy, sa dénonciation de "la paresse, de la tranquillité..." et de l'immobilisme qui affectent certains esprits me sont totalement familières, avec immodestie, parce qu'elles s'attachent à condamner, contre les mouvements de l'être, le caractère "assis" de tant de positions, d'idées et d'ambitions. Par exemple "...ces intellectuels, ces fonctionnaires... qui courent tous après les chaires, non point parce qu'on y enseigne mais parce qu'on y est assis..."
On me pardonnera de faire référence à une pratique que j'ai toujours eue, au-delà de mon champ professionnel qui me voyait évidemment requérir debout aussi bien dans les audiences correctionnelles de mes débuts - pas seulement le séant légèrement levé ! - que durant plus de 20 ans à la cour d'assises, aussi bien dans les entretiens médiatiques en tête-à-tête que dans les nombreuses conférences qui m'ont sollicité.
Je me suis en effet obstinément tenu physiquement debout, parce que je percevais naturellement ce qu'une parole spontanée et/ou en réponse proférée par un locuteur assis allait devenir, se dégradant probablement, grâce à l'apparent confort de la posture, en une pensée "rassise", en un verbe trop familier, en une désinvolture risquant l'avachissement physique, intellectuel et syntaxique.
Entre l'opprobre du "couché" et l'allure du "debout", il y a ce moyen terme sur lequel Péguy attire notre attention. La mollesse, le conformisme et la tiédeur de "l'assis". Ce qui ne fait pas bouger et maintient dans la douceur ouatée des banalités et des consensus sans risque.
Je suis persuadé qu'on en connaît tous, dans les existences que nous côtoyons et les personnalités que nous fréquentons, de ces "assis" répétitifs, monotones, monomaniaques, épris inlassablement du plus petit dénominateur commun, "assis" dans le sens de l'Histoire comme dans le progressisme jamais questionné.
Jamais je n'ai dérogé à cette répudiation de tout ce qu'il pouvait y avoir "d'assis", superficiellement et profondément, dans un corps, un esprit et une sensibilité. Je me suis efforcé sur ce plan de n'être pas trop indigne du maintien "debout".
Et de la superbe et glorieuse leçon de Charles Péguy.
Il peut paraître iconoclaste de rapprocher Péguy et Courteline. Ils étaient contemporains, l’un théâtreux, l’autre philosophe... Tous deux observaient leur siècle... et ont exprimé, dans des registres certes fort différents, une opinion commune sur « les ronds-de-cuir » pour l’un, « les fonctionnaires » pour l’autre.
Extraite des derniers écrits de l’élève de Bergson, la citation de notre hôte vilipende en fait les philosophes de l’époque, « sédentaires de l’esprit ». « Ce sont des fonctionnaires et des tranquilles et des sédentaires, écrit-il. Ils ont un système de pensée, un mécanisme mental, une machinerie intellectuelle de sédentaires, de tranquilles et de fonctionnaires (...) ».
On ne peut être plus clair... et plus actuel ! Hormis les soignants qui sont admirablement debout, nos fonctionnaires d’aujourd’hui sont-ils assis, rassis ou couchés, du simple rédacteur au directeur des institutions les plus prestigieuses ?
Deux exemples, l’un micro-local, l’autre de dimension nationale :
- Les deux cantonniers de la commune où je demeure (70 habitants au km2, 24 km de chemins vicinaux à entretenir...) ont disparu depuis le premier jour du confinement, mais les éboueurs de la société de ramassage des ordures ménagères qui assure ce service sous DSP, eux, travaillent...
- Le patron de l’Agence nationale de sécurité du médicament exige les preuves que la troisième étude conduite par le « grand scientifique » (dixit Macron lui-même) Didier Raoult sur le remède qu’il utilise pour limiter l’action du virus est de caractère « observationnelle » et non « interventionnelle », auquel cas, avant de la lancer, il aurait dû demander - et obtenir - l’autorisation de l’institution susdite...
Donc, si je comprends bien, en pleine bataille, le capitaine du char est prié de quitter son poste de combat pour aller vérifier en soute si les obus tirés sont bien pourvus de leur certificat d’origine.
France : 23 000 morts ; Allemagne : 4 500... L’urgence, après la victoire, sera, non pas de réformer notre administration obèse, mais de la repenser. De fond en comble !
Rédigé par : Serge HIREL | 22 avril 2020 à 11:15
@ Deviro
@ sbriglia
Oui, monsieur sbriglia est très bien pourvu, jamais pris au dépourvu côté humour entre autre ! Alors pas pourvu que ça dure !! Non non !! Ça durera au moins ad aeternam, Sissi !
Rédigé par : Cactus | 22 avril 2020 à 10:16
@ Antoine | 21 avril 2020 à 16:16
Il est possible que j’aie un peu trop simplifié la situation, mais le drone est une arme de plus en plus utilisée dans l’armée. Et elle compte de nombreux succès notamment contre les djihadistes.
Rédigé par : Achille | 21 avril 2020 à 21:10
De temps en temps, un enfant, silencieux, la mine vive, le geste sûr: un futur sauvé, si le regard qui l'envisage n'est pas trop désespéré et enchâssé dans l'histoire du passé, qui ne revient jamais, parfois c'est mieux, il paraît.
Allez, et qu'on lâche un peu les volatiles de papier, et la colère aussi, le verbe égal au très haut brille pour ceux qui, comme en ce moment les oiseaux, éclatent de joie aux accents paisibles qui rompent le silence de la nuit :
https://www.youtube.com/watch?v=ERYOe6KBvGo&list=RDITjvsz0DtP8&index=2
Rédigé par : Aliocha | 21 avril 2020 à 20:25
@ sbriglia | 21 avril 2020 à 06:24
Où l'on apprend qu'un avocat pourvu d'humour ne sombrera jamais dans la mélancolie...
Rédigé par : Deviro | 21 avril 2020 à 17:42
En cette période plus que troublée, nous allons essayer de rester debout.
Mais n'oublions pas que si nous avons des morts dans quasiment tous les pays de la planète c'est à cause de la Chine communiste... Chauve-souris ou pas chauve-souris, that is the question !
"Sans le parti communiste chinois, on n'en serait pas là".
"La Chine restant un pays avec des traditions barbares, une épidémie s’y est produit.
La Chine étant un pays communiste, elle a menti, et l’épidémie est devenue pandémie.
Le monde occidental subit à présent les milliers de morts de la pandémie. La Chine essaie maintenant de voir comment elle pourrait tirer avantage du désastre. Il est impératif de regarder la réalité en face: le désastre est un désastre communiste chinois. La Chine devra en subir toutes les conséquences. L’Occident devra en tirer toutes les conclusions requises."
https://www.causeur.fr/coronavirus-chine-parti-175636
Il est toujours bon de rappeler ce qui s'est passé en amont...
Nous sommes trop dépendants de la Chine mais pas seulement d'elle. Allons-nous en tirer les leçons, rien n'est moins sûr !
Je critique souvent la macronie mais j'avoue que je salue la patience de J-M Blanquer qui doit jongler avec tous ces enseignants qui ne veulent pas accomplir leur mission et posent des tas de conditions sine qua non.
Pas facile de diriger un tel pays de râleurs... Les caissières, les camionneurs, les éboueurs et les soignants, pour ne citer qu'eux, n'ont pas fait autant de simagrées... D'autant plus que les "sachants qui savent" nous disent à présent que les enfants ne seraient pas trop porteurs du virus... Gardons notre calme, gardons notre calme !
Si les enfants ne peuvent pas retourner à l'école toute la journée, comment font faire les parents qui doivent retourner au travail, faire appel aux grands-parents plus fragiles que les jeunes enseignants ?!
Rédigé par : Sophie | 21 avril 2020 à 16:48
@ Achille
Allez dire ça aux soldats de l'opération Barkhane, par exemple. N'oubliez jamais le soldat des trois cents derniers mètres !
Rédigé par : Antoine | 21 avril 2020 à 16:16
« ETRE EN CAPACITE DE »
Je signale à tous les abrutis de France, qu'ils soient journalistes, députés ou ministres, qu'ils devraient renoncer une fois pour toutes à « être en capacité de » et qu'ils seraient bien inspirés d'utiliser désormais le verbe « pouvoir ».
Rédigé par : Patrice Charoulet | 21 avril 2020 à 15:44
Que de paradoxes et de contradictions assumées par de belles plumes. Et puis, de l'idéal aussi, avec la verticalité, invoquée par tous les montagnards, à juste titre. Mais encore, la posture du dictateur. Imagine-t-on Staline au coin du feu ? Mais Cendrars bien sûr, qui engendra le mythe de l'errance aventureuse avant une fille stalinienne.
L'histoire de la genitrix stipendiée est très drôle, moins fréquente jusqu'au système aujourd'hui, car faisant parte de l'univers féminin asservi. Dans une autre vie, contraint d'œuvrer dans les logements dits sociaux, je faisais le relevé des boîtes à lettres où fleurissaient des noms en catalogue pour généralement rencontrer dans les pénates un désordre de romano et une femme traînante, désabusée, mais pleine de rouerie instinctive. Etait-ce de cela qu'elle se servait pour trouver le temps de se laisser faire ou n'y songeait-elle même pas ? Vaincue, là comme ailleurs. L'aide sociale régnait ici en maîtresse, ordonnatrice des nécessités, garde-fou d'enfants effrontés, garçons sans avenir, et filles à l'avenir trop prévisible. De temps en temps, un enfant, silencieux, la mine vive, le geste sûr: un futur noyé.
Rédigé par : genau | 21 avril 2020 à 14:48
"Charles Péguy ne nous veut pas assis !" (PB)
Admettons. Mais là n'engage pas le pire, par contre ici, annoncé tel quel, je le crains :
https://i.goopics.net/YrGGg.png
Rédigé par : Giuseppe | 21 avril 2020 à 14:22
@ Achille
J'avais écrit "se battaient"...
Profitez du confinement pour lire attentivement :))
Rédigé par : Chemins de traverse | 21 avril 2020 à 13:45
Tout dépend certes des circonstances mais il me paraît, au-delà des questions de pure forme, que le propos a plus de poids, plus d'impact, qu'il capte plus aisément l'attention de l'auditoire et la maintient plus éveillée s'il est formulé debout. Cette position impose une meilleure maîtrise du sujet traité par l'orateur, offre à ce dernier une plus grande aisance qu'il peut exploiter à son profit et mettre au service du thème développé. Elle met enfin l'orateur, élément non négligeable, dans une situation dominante par rapport à son auditoire.
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@ Patrice Charoulet 21/04 08:45
Il me semble cependant que « Les Assis » de Rimbaud n'ont que peu de points communs avec ceux auxquels notre hôte fait référence et qui ne sont pas encore que vieillards à la fantasque ossature.
Vision assurément bien sombre que Rimbaud nous donne là de la vieillesse, mais qui ne nous étonnera point de sa part, étant coutumier de ces états qu'il décrivait parfois ainsi :
« Et, quand j'ai ravalé mes Rêves avec soin,
Je me tourne, ayant bu trente ou quarante chopes... » (Oraison du soir)
Rédigé par : Michel Deluré | 21 avril 2020 à 12:10
@ Chemins de traverse | 21 avril 2020 à 08:58
« Tous les soldats se battaient debout !
Même le PDG, il lui arrive de se lever pour réfléchir ! »
De moins en moins. Les soldats sont de plus en plus des techniciens qui pilotent des drones à distance, assis derrière leur clavier.
Quant au PDG, il s’appuie, non pas sur son bureau, mais derrière une armée de conseillers bardés de diplômes qui lui préparent ses arguments. Ce qui lui facilite grandement la tâche.
Eh oui, les temps ont bien changé. Désormais on n’utilise pratiquement plus les chemins de traverse, mais des routes bien balisées aidé de son GPS.
Il faut s’adapter !
Rédigé par : Achille | 21 avril 2020 à 09:38
Oui ! c'est sûr qu'il serait préférable de s'adresser à la foule assis sur le rebord de son bureau de travail, avec les mains le tenant pour éviter une chute malencontreuse et le dos tourné aux livres ouverts et/ou fermés qui furent (?!) notre nourriture philosophique et/ou politique... n'est-ce pas Achille ?
Tous les soldats se battaient debout !
Même le PDG, il lui arrive de se lever pour réfléchir !
Rédigé par : Chemins de traverse | 21 avril 2020 à 08:58
Rimbaud, très surfait, et dont je ne raffole pas, a écrit sur votre thème un poème intitulé "Les assis". Il a mal vieilli. Beaucoup de vers délirants. On peut sauver de cet ensemble ce vers de la strophe 6 :
"Oh ! ne les faites pas lever ! C'est le naufrage..." et ce bonheur d'expression
"...ont toujours fait tresse avec leurs sièges". Le dernier vers de ce poème est... inattendu, pour le moins.
https://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/Poemes/arthur_rimbaud/les_assis
Rédigé par : Patrice Charoulet | 21 avril 2020 à 08:45
Quel parfum admirable en nos confinements monastiques, la route de Chartres et la cathédrale de Monet, le point central de l'homme de loi qui suit le fils de la juive et du catholique, notre saint Mémé, scandale de tous les intégristes nostalgiques de cartésianisme se retrouveront-ils enfin au carrefour de la vérité:
"Je l'ai faite, moi, la route de Chartres. Permettez-moi de vous le dire, ce qui fait aller à Chartres,
ce n'est pas les bornes kilométriques et ce n'est pas
les poteaux indicateurs.
— Alors, qu'est-ce que c'est, mon enfant.
— Mon père c'est la vieille croix de bois qui se
dresse à l'angle des routes, rongée de mousse, rongée de
vétusté. Tantôt elle porte le Christ ; et alors elle forme
ce que nous nommons un crucifix, un Christ fixé sur une
croix. Et tantôt elle ne le porte même pas, tellement
c'est simple. Tantôt une inscription, souvent effacée. Et
tantôt pas même d'inscription, tellement c'est simple.
Et puis on n'a pas besoin d'une inscription pour
savoir ce que c'est.
Quand toutefois on en peut déchiffrer une, on n'y
trouve aucune indication métrique. Il semble que cette
croix ignore qu'on l'ait dressée à l'angle de telle ou
telle route, plutôt que de telle ou telle autre. Elle est
là, quelque part sur terre. Elle a l'air de savoir que c'est
toujours la même terre.
Et les quelques mots qu'elle porte, généralement du
latin, évoquent un bien autre voyage.
Le prêtre sentit le coup et marqua le coup."
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9606780k/f316.image.texteImage
Péguy avait-il lu Cendrars en ce 1er août 1914 ? Peu importe, tellement c'est simple pour ceux qui cheminent vers la justice :
"...Seigneur, rien n’a changé depuis que vous n’êtes plus Roi.
Le Mal s’est fait une béquille de votre Croix.
Je descends les mauvaises marches d’un café
Et me voici, assis, devant un verre de thé.
Je suis chez des Chinois, qui comme avec le dos
Sourient, se penchent et sont polis comme des magots.
La boutique est petite, badigeonnée de rouge
Et de curieux chromos sont encadrés dans du bambou.
Ho-Kousaï a peint les cent aspects d’une montagne.
Que serait votre Face peinte par un Chinois ?
Cette dernière idée, Seigneur, m’a d’abord fait sourire.
Je vous voyais en raccourci dans votre martyre.
Mais le peintre, pourtant, aurait peint votre tourment
Avec plus de cruauté que nos peintres d’Occident.
Des lames contournées auraient scié vos chairs,
Des pinces et des peignes auraient strié vos nerfs,
On vous aurait passé le col dans un carcan,
On vous aurait arraché les ongles et les dents,
D’immenses dragons noirs se seraient jetés sur Vous,
Et vous auraient soufflé des flammes dans le cou,
On vous aurait arraché la langue et les yeux,
On vous aurait empalé sur un pieu.
Ainsi, Seigneur, vous auriez souffert toute l’infamie,
Car il n’y a pas de plus cruelle posture.
Ensuite, on vous aurait forjeté aux pourceaux
Qui vous auraient rongé le ventre et les boyaux.
Je suis seul à présent, les autres sont sortis,
Je me suis étendu sur un banc contre le mur.
J’aurais voulu entrer, Seigneur, dans une église;
Mais il n’y a pas de cloches, Seigneur, dans cette ville.
Je pense aux cloches tues: — où sont les cloches anciennes?
Où sont les litanies et les douces antiennes?
Où sont les longs offices et où les beaux cantiques?
Où sont les liturgies et les musiques?
Où sont tes fiers prélats, Seigneur, où tes nonnains?
Où l’aube blanche, l’amict des Saintes et des Saints?
La joie du Paradis se noie dans la poussière,
Les feux mystiques ne rutilent plus dans les verrières.
L’aube tarde à venir, et dans le bouge étroit
Des ombres crucifiées agonisent aux parois.
C’est comme un Golgotha de nuit dans un miroir
Que l’on voit trembloter en rouge sur du noir.
La fumée, sous la lampe, est comme un linge déteint
Qui tourne, entortillé, tout autour de vos reins.
Par au-dessus, la lampe pâle est suspendue,
Comme votre Tête, triste et morte et exsangue.
Des reflets insolites palpitent sur les vitres…
J’ai peur, — et je suis triste, Seigneur, d’être si triste.
« Dic nobis, Maria, quid vidisti in via? »
– La lumière frissonner, humble dans le matin.
« Dic nobis, Maria, quid vidisti in via? »
– Des blancheurs éperdues palpiter comme des mains.
« Dic nobis, Maria, quid vidisti in via? »
– L’augure du printemps tressaillir dans mon sein.
Seigneur, l’aube a glissé froide comme un suaire
Et a mis tout à nu les gratte-ciel dans les airs.
Déjà un bruit immense retentit sur la ville.
Déjà les trains bondissent, grondent et défilent.
Les métropolitains roulent et tonnent sous terre.
Les ponts sont secoués par les chemins de fer.
La cité tremble. Des cris, du feu et des fumées,
Des sirènes à vapeur rauques comme des huées.
Une foule enfiévrée par les sueurs de l’or
Se bouscule et s’engouffre dans de longs corridors.
Trouble, dans le fouillis empanaché des toits,
Le soleil, c’est votre Face souillée par les crachats.
Seigneur, je rentre fatigué, seul et très morne…
Ma chambre est nue comme un tombeau…
Seigneur, je suis tout seul et j’ai la fièvre…
Mon lit est froid comme un cercueil…
Seigneur, je ferme les yeux et je claque des dents…
Je suis trop seul. J’ai froid. Je vous appelle…
Cent mille toupies tournoient devant mes yeux…
Non, cent mille femmes… Non, cent mille violoncelles…
Je pense, Seigneur, à mes heures malheureuses…
Je pense, Seigneur, à mes heures en allées…
Je ne pense plus à vous. Je ne pense plus à vous.
Blaise Cendrars
New York, avril 1912
https://wheatoncollege.edu/vive-voix/titres/les-paques-newyork/
L'un mort, l'autre blessé dans les tranchées, démontrant et jusqu'au sacrifice l'absurdité du sacrifice, mais oui, debout face au destin fatal des assis qui ne les épargneront pas, nous invitant à retrouver ces accents si français :
« Je voulais indiquer aux jeunes gens d’aujourd’hui qu’on les trompe, que la vie n’est pas un dilemme et qu’entre les deux idéologies contraires entre lesquels on les somme d’opter, il y a la vie, la vie, avec ses contradictions bouleversantes et miraculeuses, la vie et ses possibilités illimitées, ses absurdités beaucoup plus réjouissantes que les idioties et les platitudes de la « politique », et que c’est pour la vie qu’ils doivent opter, malgré l’attirance du suicide, individuel ou collectif, et de sa foudroyante logique scientifique. Il n’y a pas d’autres choix possibles. Vivre ! »
Le Lotissement du ciel, Blaise Cendrars
En ces instants où il faudrait choisir entre la liberté et la mort, il est urgent de se souvenir de tous ceux qui sont morts pour la liberté, que là est le plus profond combat de la vie.
Nous vaincrons !
Rédigé par : Aliocha | 21 avril 2020 à 08:11
Bonjour Philippe,
Assis ou debout, quand on mange dans la même gamelle, ce n'est qu'une question de confort personnel. D'image que l'on se renvoie à soi-même.
Accepter de faire contre soi pour ce qui est juste humainement me paraît mieux.
Par exemple, j'ai lu sous quelques claviers l'importance, la primauté que certains accordent à l'état de droit. Le clavier m'importe peu. L'idée beaucoup plus. Effarante.
Heureusement que nous avons eu des Mandela, Luther King, Rosa Parks, Brink, De Gaulle (Vichy était un état de droit), Louis Lecoin, Gandhi… irrespectueux de l'état de droit.
Entre la banalité d'un braillard inintéressant comme Dupond-Moretti et la nonchalance insolente et brillante d'un Jacques Vergès, je préfère infiniment le second.
Se tenir droit n'empêche pas de courber l'échine devant les puissants.
Rédigé par : Jérôme | 21 avril 2020 à 08:02
« La mollesse, le conformisme et la tiédeur de "l'assis". Ce qui ne fait pas bouger et maintient dans la douceur ouatée des banalités et des consensus sans risque. »
Debout ou assis, le discours n’est pas le même assurément.
La première position est destinée à convaincre son auditoire. La seconde à laisser la place à la réflexion.
En ce qui me concerne je préfère les propos assis tenus avec mesure et discernement, que les harangues que certains orateurs lancent devant un peuple facile à manipuler.
Que de conflits sont nés de gens qui étaient debout pour s’adresser à la foule !
Rédigé par : Achille | 21 avril 2020 à 07:41
C'était dans un autre temps, il n'y avait pas de confinement, alors les amis se rassemblaient et discutaient entre eux.
L'un d'eux raconta:
J'étais tranquille sur mon fauteuil, assis depuis très longtemps. Tout le monde s'occupait de moi.
IL est arrivé, et a crié d'une voix qui n'admettait pas de contestation : Prends ton lit, sors et marche.
Je me suis mis debout, et les ennuis commencèrent.
Un autre pris la parole et raconta une histoire semblable. Il nous dit:
J'étais couché depuis quatre jours, plongé dans un repos que je croyais éternel.
IL est arrivé et m'a dit : Lève-toi et marche.
Je me suis mis debout, et les ennuis commencèrent pour moi aussi.
Rédigé par : Jean-Luc | 21 avril 2020 à 07:21
Je me souviens de ma première plaidoirie en décembre 1971, quelques jours après avoir partagé les ors et lambris de la première de la Cour avec un certain Charles de Gaulle, petit-fils d’icelui... Tante Yvonne, discrète, assistait à la prestation de serment du fils de l’Amiral, aussi présent.
Le surlendemain tombait une AJ me valant de défendre à huis clos dans la salle des délibérés de cette même première une pauvre femme qui demandait des subsides au plombier qui avait eu le malheur de venir réparer une fuite et l’avait engrossée.
Un antenniste et un livreur avaient, les années passées, subi les mêmes mésaventures de la part de la donzelle dont les factures servaient de pièces à conviction ainsi que les témoignages de son voisin relevant les plaques des camionnettes.
Trois mioches sans papa mais non sans subsides, demandés à chaque grossesse...
Tremblant, je venais demander la confirmation d’un jugement face à des vieillards à mes yeux de puceau judiciaire alors qu’ils avaient sans doute dix ans de moins que mon âge actuel.
Il n’y avait pas de femmes conseillères à la Cour à cette époque.
Nous étions tous assis autour de la table recouverte de feutrine verte, même l’avocat général est resté assis lors de sa brève de comptoir « application de la loi ».
Ce jour-là j’ai appris un peu plus sur la rouerie féminine et aussi que la roulette autour d’un tapis vert ne se jouait pas qu’au casino.
Et que tout le monde ne pouvait commencer sa carrière en défendant Landru.
Rédigé par : sbriglia | 21 avril 2020 à 06:24
Monsieur Bilger a raison de prendre Péguy, ou un autre, peu importe, comme prétexte pour se glorifier lui même.
C'est si rare des gens qui se jettent ostensiblement des fleurs pour nourrir leur ego surdimensionné et donc par conséquent leur manque de confiance en eux.
"On n'est jamais mieux servi que par soi-même" il paraît.
Parce que c'est ce qu'est ce billet.
Monsieur Bilger qui se rend hommage à lui-même et accessoirement se sert de Péguy à cette fin.
Oserai-je dire que c'est toujours dégu*ulasse de se servir des morts à des fins de promotion personnelle ?... Ah ben, trop tard, c'est fait.
C'est tellement commun que ça n'étonne plus même si c'est toujours autant pitoyable.
Et comme je ne suis pas meilleur que les autres, il faut bien avouer que toutes proportions gardées, c'est un peu comme quand je "balance" dans un échange mon grand-père résistant de 40 (et pas de 45 comme beaucoup d'autres...), qui a sauvé des juifs puisqu'il a fourni des faux papiers à la famille de sa future femme qui est donc devenue ma grand-mère.
On est tous pareils.
Rédigé par : Wil | 21 avril 2020 à 00:36
Il est bien connu qu'"un intellectuel assis va moins loin..." que, par exemple, un magistrat debout ?
Rédigé par : Jean le Cauchois | 20 avril 2020 à 23:21
Je me suis efforcé sur ce plan de n'être pas trop indigne du maintien "debout". (PB)
On voit par là le résultat d'une éducation d'autrefois, où le "tiens-toi droit" était un des principes ou préceptes fondamentaux de toute éducation familiale et scolaire.
Un "tiens-toi droit", qui rectifiait la posture naturellement avachie de tout enfant et ado, mais qui surtout signifiait tiens-toi droit dans ta tête.
Une formule que l'alpiniste Stéphanie Bodet a exprimé dans une splendide formule digne des plus grands philosophes, qui est le titre de son livre : "À la verticale de soi".
La verticale de soi, c'est-à-dire être soi-même, dans la meilleure acception philosophique, mais aussi être à sa juste place dans l'ordre du monde, et en même temps, n'être pas immobile, mais s'élever en permanence.
Un "deviens qui tu es" revu, corrigé et amélioré.
Le debout n'étant pas l'immobilisme, tellement rejeté par Charles Péguy, mais c'est la prise de risque par une ascension qui nous élève.
L'ascension physique n'étant qu'un aspect de l'ascension de soi pour être au-dessus de soi.
Un idéal de verticalité qui est inaccessible.
Un horizon inatteignable en quelque sorte, ce qui pour une alpiniste est le comble du défi !
Rédigé par : Tipaza | 20 avril 2020 à 22:55
Il jouait du piano debout...
Rédigé par : Marc GHINSBERG | 20 avril 2020 à 22:38
Debout ou assis, quelle différence aujourd'hui ?!
Ils se sont tous couchés ! Peu sont ceux qui défendent l'ordre, les lois et la justice par rapport à ceux qui lorgnent les largesses de leurs carrières pour augmenter leurs pensions de retraite quelques mois avant le départ. Comme un certain procureur avoue au dernier moment après l'enquête que s'il a menti c'était pour couvrir et plaire à M. Macron. Une petite mutation par le chef et le voilà tout propre. Ce genre de faute chez les fonctionnaires du palais il n'en manque pas.
Dans le privé ce serait la porte immédiate et sans indemnités.
Autant j'ai un profond respect pour des magistrats droits et honnêtes, autant je me méfie de ceux qui cirent les pompes de l'exécutif. C'est horrible !
Rédigé par : Ellen | 20 avril 2020 à 22:15
Etre assis est la position de l’impartialité, debout celle de l'engagement. Il est bien normal que la magistrat qui tranche soit assis et celui qui plaide debout de même que l'avocat.
On reproche à certains d'être debout et de bouger, on reproche à d'autres le contraire.
Pour moi, ça n'a pas de sens. Une position n'est qu'une position, un point stratégique, tout dépend de ce qu'on est, fait et vise.
Un juge qui devrait être impartial, partial, ça ne va pas, un plaideur endormi non plus.
Que doit être celui qui pense ?
Tout dépend. A mon avis, en science, il doit être impartial.
Pour le reste...
Au fait : doit-il y avoir un reste ?
Bon, des fois, il y a des nécessités, on n'est pas payé que pour faire de la recherche. Il faut donc enseigner, une perte de temps dont on se plaindra abondamment aux étudiants. Ou alors, on s'endort en les endormant.
Dans ce cas, on est assis. Mais les timides aussi, et en tendant l'oreille, on peut trouver un cours très intéressant.
Des passionnés peuvent parfois se lever. Ou des théâtreux, ou un mélange des deux. Que le cours soit intéressant ou non, au moins, le texte est habité, ce qui aide à entrer dedans.
Sinon, il y a le créateur, en science ou en autre chose, qui se lève et dit ainsi parlait Zarathoustra.
Ou plutôt, moi. Ou encore, ainsi parle mon groupe.
Bon... Est-ce que l'acteur, le chanteur, le chercheur, l'écrivain, le créateur d'entreprise, le champion d'échec, le créateur de logiciel doit absolument s'engager ?
En art, on doit souvent être debout : qu'on songe au sculpteur... Un écrivain doit-il être debout ou assis ?
Çà dépend, par exemple du moment... En fait, de même qu'on varie les points de vue, on alterne les positions.
Un écrivain, un chanteur, ou quiconque d'ailleurs, un commentateur doit-il être "assis" impartial ou "debout" partial ?
À mon avis, il doit être honnête, donc autant que possible, les deux à leur incandescence, et si possible en distinguant ce qui relève de l'un et de l'autre. Il se repérera mieux dans le monde et en lui-même et informera les autres plus honnêtement... Cependant, il n'est pas obligé d'être lourd pour autant ou de tant baliser la route que, pire encore, il en oublie de tracer sa voie.
D'un autre côté, le monde est dur. Qu'est-ce qui oblige à être un héros, ce que nous avons reçu peut-être ?
Le froid, la faim, l'insécurité et l'impermanence, le manque de confiance en soi et le désamour des autres, il y a mille raisons de chercher quelque recoin où se cacher, voire grappiller quelque bonheur.
A ce jour on peut dire que le feu ou les asticots nous empliront plus sûrement que la vie ne l'a fait de bonheur.
Rédigé par : Lodi | 20 avril 2020 à 21:46
"(Non je ne dirai pas Sissi cette fois pour surprendre notre Mary à nous !)"
Rédigé par : Cactus | 20 avril 2020 à 19:07
Je ne sais si vous êtes musicien mais cela me touche que vous parliez de moi de cette façon, tout autant que la chanson de Francis Cabrel "Petite Marie"
https://youtu.be/iZfbql8LlvO
Et pour revenir au billet merci et applaudissements à Philippe Bilger toujours debout à la barre en dépit des aléas et chausse-trappes, ainsi qu'à son épouse Pascale, fidèle à la manœuvre depuis une quinzaine d'années.
Rédigé par : Mary Preud'homme | 20 avril 2020 à 21:00
Charles Péguy refusait de considérer la journée d'hier, le salut disait-il ne pourra être envisagé que demain. Sans penser au lendemain ce qui serait une pure vanité, les gens doivent se tenir prêts pour mériter le salut qui ne pourra advenir que dans le futur. Pour cela, il faudra être debout, fier et sans reproche.
Mes pauvres mots ne reflètent qu'imparfaitement la riche écriture de Charles Péguy, celle du mystère des Innocents ou de tant d'autres ouvrages qui sont autant de pépites oubliées.
Rédigé par : Vamonos | 20 avril 2020 à 19:18
« Ni assis, ni rassis ni occis, debout ! » Jean-Jacques Debout à sa Chantal Goya ! Beaucoup moins noble que Charles Péguy, certitude absolue ! Oserais-je rajouter « soyons tous des coiffeurs ! » mais l’enseignant assis, ça c’est du passé ça c’était avant l’invention du téléphone transportable, la belle époque où les cancres jamais las somnolaient au fond de la classe, le prof diffusant son cours magistral plus ou moins long en bon diffuseur-vaporisateur anti-mouche... tique, confortablement assis à son bureau de maître des colles, oui tout ça est bien fini ! (Non je ne dirai pas Sissi cette fois pour surprendre notre Mary à nous !)
Rédigé par : Cactus | 20 avril 2020 à 19:07
Jamais je n'ai dérogé à cette répudiation de tout ce qu'il pouvait y avoir "d'assis", superficiellement et profondément, dans un corps, un esprit et une sensibilité. Je me suis efforcé sur ce plan de n'être pas trop indigne du maintien "debout".
Et plouf, un pavé dans la mare de la magistrature assise...
Rédigé par : Exilé | 20 avril 2020 à 18:42