Une bouffée de talent et de littérature.
S'il y a une période qui autorise qu'on s'égare délicieusement, c'est bien celle d'aujourd'hui qui nous confronte au quotidien avec la menace du coronavirus, les tragédies dont il est le responsable, les morts qui se multiplient.
Aussi ai-je eu envie d'écrire un billet sur Thomas Morales (TM), qui relève de ces écrivains et essayistes que leur grâce et leur légèreté revendiquée condamneraient à n'être pas pris au sérieux par les maîtres pontifiants qui font et défont les réputations artistiques, les succès littéraires.
J'avais lu les chroniques étincelantes de TM dans Causeur, cette publication libre, intelligente et pluraliste, et immédiatement je m'étais dit : quel style !
J'ai eu le bonheur de faire sa connaissance dans le jury des Hussards, ce prix créé par le regretté Christian Millau et qui depuis quelques années est apparu dans le monde éditorial telle une étrangeté parce que - je peux en témoigner - les livres sont lus et aucune considération extérieure à l'appréciation purement littéraire ne vient pervertir le jugement.
Il n'est déjà pas simple de dégager, dans un univers de pesanteurs et de conformisme, le miracle d'une écriture et d'une invention ne prétendant pas porter la société sur leurs épaules et se faire un principe de mettre exclusivement les sans-papiers à l'honneur, par exemple !
Ma complicité avec TM n'était pas gagnée d'avance puisque journaliste indépendant travaillant pour la presse d'entreprise, il est un spécialiste reconnu de l'automobile et des voitures de collection, domaine où mon ignorance est abyssale et mon intérêt réduit.
Mais il est aussi un passionné du cinéma des années 60 et 70, un auteur qui, comme dans Adios, fait l'éloge du "monde d'avant", cultive le doux regret, décline un "alphabet du coeur" et pourfend avec esprit les "profanateurs de la nostalgie qui nous enserraient, nous encerclaient".
Quand je lis l'hilarant et émouvant "Un été chez Max Pécas", je trouve chez TM une conception de la littérature et une justesse de la vision et des analyses qui me contraignent à réfléchir au-delà de lui.
Il n'est pas seulement, grâce à la perfection allègre de son style, un Antoine Blondin qui n'aurait pas sombré dans l'alcoolisme, mais un humaniste tendre qui se penche sur nos ridicules et se plaît à faire ressurgir, tel un Proust modeste, ironique, désinvolte et concis, un temps non pas perdu mais si intensément inscrit dans nos mémoires, pour le futile comme pour le grave, qu'il suffit de l'attention et du souvenir brillants d'un TM pour le remettre au goût de nos jours.
Réactionnaire alors peut-être ? Oui mais sans aigreur, sans la moindre visée politique, seulement inspiré par l'absurdité de nous présenter notre présent comme un cadeau quand le passé nous point le coeur et l'esprit mais que nous avons honte de l'avouer. Tous ces épisodes, ces images et ces plaisirs de la France d'avant, méprisés comme passéistes, balayés par le progressisme mais qui demeurent en nous, imprégnés du charme de ce qui n'est plus, ne reviendra pas mais pourtant s'est enkysté à vie dans nos sensibilités. C'est parti mais c'est toujours là !
Ce ne serait pas encore assez pour expliquer ce qu'il y a d'injustice, à mon sens, dans la perception que trop de spécialistes, d'éditeurs, de critiques ont de cette littérature de chroniques et de regards pluralistes et étincelants portée au comble par TM et quelques autres de sa famille d'écriture.
Injustice parce que ces écrivains ont cette qualité, dans un univers infiniment vaniteux et sûr de soi, de ne pas se surestimer, blâmant souvent leur légèreté quand elle est une grâce, leur futilité qui débarrasse des maux de tête, prenant leurs mots d'esprit et leur absence absolue de lourdeur pour une faiblesse alors qu'ils constituent la plus belle des richesses. Il est infiniment plus aisé aujourd'hui de s'illustrer par la pompe plutôt que de briller par l'éclat fugace d'un trait, d'une pensée et d'une phrase. D'être promu par la télévision plutôt que par sa valeur discrète et sans vulgarité.
Injustice, plus profondément, parce que la gravité constante, le nombre de pages, l'approbation des journaux qui comptent, la conscience politique, l'engagement pétitionnaire et la perversion du goût ont entraîné presque inéluctablement une sous-estimation du vrai talent, de la faculté d'user de mille feux, une relégation de l'intelligence vive et spontanée au profit de l'illusion dévastatrice que n'importe quel ouvrage ennuyeux, pesant et socialement correct représenterait l'idéal de ceux qui achètent encore des livres.
Le plaisir, ce gros mot, contre la culture.
Alors peut-on accepter l'idée qu'il y aurait une morale pour Thomas Morales ? Je suis sûr qu'il n'aimerait pas cette manière de le hausser en l'inscrivant dans une telle problématique.
J'ai plutôt envie, pour donner à beaucoup l'envie de le lire, de souligner qu'il n'est pas seulement, en effet, un Blondin qui aurait bien tourné. Mais aussi un Nimier sympathique et sans sarcasme, un Déon sans la Grèce, un Laurent sans Caroline chérie mais avec des voitures anciennes, un essayiste qui réussit, un chroniqueur qui serait capable de long cours.
Bref, tout simplement, Thomas Morales.
@ sbriglia
Je ne sais trop s’il y a erreur sur la personne, mais vous parlez peut-être du Savonarole que j’ai, de mes yeux vu, se faire mettre à la porte sans ménagement de la Closerie des Lilas, il y a quelques mois de cela. J’ai été plutôt étonné de le trouver en ces lieux, attendu que je le savais sous 5 ans de trique à Paris. Plutôt mal boumé qu’il était, et bien chargé à voir les chaussures à bascule qu’il avait enfilées ! Dans un état que ça foutait les flubes ! Il a commencé par s’en prendre à la statue de Michel Ney, et il a ensuite enfilé l’avenue de l’Observatoire pour aller jeter des pierres à une fenêtre d’un immeuble en hurlant (à ce que j’ai cru entendre…) après une certaine Marie Canavaggia. Jusqu’à ce que le concepige, qui boumait fort, sorte de l’immeuble en lui bonissant que ça faisait des lustres qu’elle avait défuncté, la petite dame ! Pas sûr que l’espingo lui laisse faire ce ramona sur les remblas… Le genre de plaisanterie qui peut valoir un séjour au Tercio de Extranjeros…
Rédigé par : ALFRED LELEU | 26 avril 2020 à 09:45
ÂGE
Par hasard, je suis conduit à écouter sur YouTube un écrivain contemporain que je ne connaissais pas. Il a des cheveux tout blancs et une barbe toute blanche. J'ai envie d'en savoir plus sur cet écrivain qui me semble bien vieux. J'ouvre Wikipédia et je lis tout. Cela commence par la date de naissance. Surprise : c'est un jeune qui a neuf ans de moins... que moi. Mon erreur sur l'âge est venue de ce fait : je n'ai que des tempes grisonnantes. La seconde raison est que, après un certain âge, on a du mal à admettre l'âge que l'on a quand on lit sa date de naissance. On se dit parfois : « Quoi ! J'ai cet âge-là ? »
Rédigé par : Patrice Charoulet | 25 avril 2020 à 16:27
@ Achille | 25 avril 2020 à 13:20 (@olivier seutet)
"Manifestement on ne mange pas à la même cantine"
En ce moment, la cantine est fermée, je n'y vais de toute façon jamais parce que les droits d'admission sont dissuasifs. Nous n'avons pas les mêmes valeurs Achille, vous profitez et vous riez, mais rira bien qui rira le dernier.
En ce moment, mon compte "Chèques-Déjeuner" continue à être crédité, mais la cantine est fermée, celle-là même qui ne prend pas les Chèques-Déjeuner.
Rédigé par : Vamonos | 25 avril 2020 à 15:47
@ olivier seutet | 25 avril 2020 à 10:58
Chacun voit la lucidité à l’aune de ses convictions, ou plutôt de ses certitudes quand il s’agit de la droite réactionnaire.
Personnellement, je me contente de mon édito de Thomas Legrand sur France Inter à l’heure du petit déj. Éventuellement le billet de François Morel le vendredi que malheureusement je loupe trop souvent.
Manifestement on ne mange pas à la même cantine ! :)
Rédigé par : Achille | 25 avril 2020 à 13:20
Thomas Morales, Elisabeth Lévy : tout ce que j'aime dans ma revue préférée dont l'abonnement sera reconduit avec enthousiasme !
Tonique, spirituelle, iconoclaste, libre : ces qualités qui manquent à tant de médias soumis à la ligne sinueuse du Président, "le Médecin malgré lui" à la une du numéro d'avril !
https://www.causeur.fr/magazine
Rédigé par : Saltapiou | 25 avril 2020 à 11:02
Quelle lucidité touche Achille : il nous avoue qu'il écrit pour ne rien dire ; il confesse ne pas lire Causeur.
Il a bien tort de ne pas le lire car la cohorte de ceux qui y écrivent sont non-conformistes et brillants à instar de Thomas Morales et d'Elisabeth Lévy ; je crains que le conformisme soit sa tasse de thé.
Il a bien raison d'être lucide ; "pourvou qué ça doure" ; comme Letizia, j'ai un doute.
Rédigé par : olivier seutet | 25 avril 2020 à 10:58
@ sbriglia
Hi hi hi je n’avais pas vu votre com’ à Savonarole, hi hi hi « du navet à la carotte » excellent ! Vous méritez vraiment la palme d’or du commentaire drôle et plein de bon sens unique ! Je ne dirai point, comme je disais avant ici, Cancannes 2020, trop de respect pour vous qui me fîtes et me faites encore tant rire !
Rédigé par : Cactus | 25 avril 2020 à 10:42
@ Achille | 24 avril 2020 à 22:05
Moi non plus je ne connais pas cet écrivain, c'est peut-être un parent de ce Morales-là :
https://www.youtube.com/watch?v=vmafTYkO654
Rédigé par : duvent | 25 avril 2020 à 10:03
Superbe découverte, merci Monsieur Bilger ! Faut dire que je vis à Lyon, c’est la campagne, le trou perdu... vive le confinement, qu’il dure longtemps encore ! (J’y pense souvent au fait, vous président, ça irait tellement mieux ! Pensez-y et pas qu’en vous rasant, vous qui ne nous rasez jamais !)... Comment ça on rase gratuit déjà, hi hi hi !
Rédigé par : Cactus | 25 avril 2020 à 09:51
Je lis souvent "Causeur" et j'apprécie Thomas Morales.
Toujours un petit pas de côté, de l'humour juste ce qu'il faut... Un certain détachement... Et surtout, il ose tacler comme ça, l'air de rien. Quelqu'un qui ose penser différemment, c'est plutôt rare !
Concernant les pipoles et leur générosité légendaire !
"L’industrie du divertissement piaffe, la billetterie tourne à vide, les musicos grattent dans leur salle de bain, les chanteurs vocalisent sur les balcons, tous ces artistes ou affiliés ont tellement besoin de s’exprimer, de communier avec leur public, oui, de partager leurs émotions, c’est qu’ils sont sensibles à la détresse humaine. Derrière l’artiste, il y a un cœur qui bat, peut-être même, une conscience citoyenne. Ils aimeraient tellement pouvoir aider l’hôpital, les éboueurs, les caissières, les livreurs et même les policiers. Ils veulent se rendre utiles à la Nation. Ils ont le désir d’agir. C’est louable et nous les remercions sincèrement. Ce don de soi, cet altruisme sanitaire, ça m’émeut presque si je n’avais pas aussi mauvais esprit. Je suis le genre de type, pessimiste par plaisir, adepte du verre à moitié vide, coupeur en quatre, toujours à renâcler quand toute la tablée s’amuse." Thomas Morales (Causeur)
https://www.causeur.fr/people-coronavirus-confinement-175975
J'aime beaucoup Frédéric Schiffter, un peu dans le même style. Cela nous change du prêchi-prêcha obséquieux et insipide...
Rédigé par : Isabelle | 25 avril 2020 à 09:05
Thomas Morales je ne connais pas, la revue Causeur je ne la lis pas. Il m’arrive d’écouter Elisabeth Lévy, la directrice de Causeur, quand elle est invitée à l’émission « L’heure des pros », mais j’avoue que je ne partage pas ses valeurs.
Alors que dire sur Thomas Morales ? Ben rien.
D’ailleurs je me demande bien pourquoi j’écris ce commentaire. Sans doute parce que comme le dit Raymond Devos , quand je n’ai rien à dire je veux qu’on le sache.
Bonne soirée !
Rédigé par : Achille | 24 avril 2020 à 22:05
Mesdames messieurs je voudrais vous présenter, dans la série « Connaissance du Monde », notre conférencier, le très remarquable Savonarole qui va, images à l’appui, ouvrir notre cycle 2020 sur le thème : Max Pecas, du navet à la carotte.
À vous la parole cher conférencier.
Rédigé par : sbriglia | 24 avril 2020 à 19:28
Heureusement que certaines voix s'élèvent pour soutenir et célébrer le talent vrai ! Et, au passage, un beau soutien à un magazine qui mérite un plus ample lectorat.
Rédigé par : Martial Watrin | 24 avril 2020 à 19:16
Bravo, c'est tellement ça, quel talent chez vous deux !!
Rédigé par : Stéphanie des Horts | 24 avril 2020 à 18:26