La loi contre la haine en ligne a été adoptée.
Les plateformes auront, sous 24 heures, à retirer les contenus "manifestement haineux".
Cette loi serait le triomphe de la députée LREM Laetitia Avia.
Faut-il absolument, pour satisfaire une ambition et amplifier le cours d'une carrière, se battre pour une mauvaise cause et donner son nom à des dispositions législatives dangereuses ?
Je ne peux pas éviter d'en parler : cette députée qui se pose en vigie et en gardienne de la décence en ligne est celle qui en même temps a été accusée par cinq de ses ex-assistants parlementaires de propos racistes, sexistes et homophobes (Mediapart). Ils ont déposé plainte pour harcèlement moral.
"Un tableau mensonger" selon Laetitia Avia qui a annoncé son intention de déposer plainte pour diffamation (Le Figaro).
Quoi qu'il en soit, cette péripétie pour le moins vient troubler la merveilleuse candeur humaniste d'un combat qui n'avait pas besoin de cela pour voir discutée sa légitimité.
Le fait que Sibeth Ndiaye - pour la première fois, un porte-parole est classé dernier dans le baromètre des ministres (Le Point) - ait vanté une proposition de loi portée "avec brio" ne rassure pas, bien au contraire.
Avoir confié à Facebook, à Twitter et à YouTube la mission de supprimer les "contenus haineux" que les utilisateurs leur signaleront est une erreur. Sont concernés l'injure, la provocation ou l'appel à la haine contre des personnes en raison de leur religion, orientation sexuelle ou origines, la négation et l'apologie des crimes contre l'humanité et le harcèlement sexuel en ligne.
Outre l'extrême difficulté de définir avec précision les "contenus haineux" et en raison de l'amende qui pourra s'élever à 1,25 million d'euros, il est facile de prévoir que les GAFA ne feront jamais bénéficier la liberté d'expression du doute mais que pour sauvegarder leurs intérêts elles useront d'un redoutable zèle pour censurer.
Ce qui aurait dû relever de l'autorité judiciaire lui a été soustrait par une loi liberticide. On privatise au profit de puissances équivoques la transparence et l'équité du regard public.
Quand on songe avec quelle précipitation, sur Twitter par exemple, n'importe quelle opposition politique, même correctement exprimée, est qualifiée de "haineuse", je n'ose imaginer les dégâts que les GAFA vont causer. Ces infractions sont trop floues et malaisées à appréhender, même par des juridictions spécialisées, parce qu'elles ne relèvent pas de la délinquance ordinaire.
Derrière cet unanimisme d'une majorité parlementaire pour soutenir une proposition de loi, dont le caractère prioritaire était rien moins qu'évident en cette période, on reconnaît l'obsession d'un pouvoir qui est gêné par la liberté. Il y avait déjà eu la loi très controversée contre les fake news, adoptée à la fin 2018 ; puis l'absurde "Désinfox coronavirus" sur le site du gouvernement, retiré tout de même après quelques jours (Le Figaro).
La loi Avia s'inscrit dans cette continuation perverse qui prétend régenter, caporaliser, interdire parce qu'il serait intolérable de laisser s'épanouir la liberté même avec ses excès ; on préfère une éradication avec des effets dévastateurs bien plus considérables.
On peut décrire ce processus comme "l'algorithme contre la liberté" (Le Figaro) et l'apposition d'une dictature toute de bonne conscience sur un mouvement imprévisible et inventif, fluctuant et guère maîtrisable. Donc il fallait en devenir maître !
A force de vouloir, par la loi, purger l'humanité de ce qu'elle a de mauvais, on va détruire ce qu'elle peut avoir de bon dans sa nature.
Cette majorité parlementaire m'inquiète.
Je ne lui reprocherai plus d'être un bloc car aujourd'hui ce n'est pas exact.
Mais je lui reprocherai de voter des dispositions mécaniquement, sans réfléchir, parce qu'elle ne voit pas plus loin, sur certains sujets, que le bout de son horizon immédiat ou se plaît à donner des gages à une députée longtemps bien en cour.
Mais je lui reprocherai d'approuver le renouvellement d'une expérience sur les cours criminelles sans jury populaire. Les créer était déjà une catastrophe et je rejoins l'ensemble du barreau sur ce plan. Favoriser leur poursuite révèle un entêtement dans l'erreur qui fait douter de LREM : on ne change donc pas une loi qui a perdu.
Je prends le risque malgré le vote, préjudiciable à la démocratie, de cette loi Avia : il faut la haïr.
@ Achille
"Rien ne saurait justifier la haine"
Pourquoi voudriez-vous tant enlever l'humanité des gens ? La haine est un sentiment naturel, tout comme l'amour. Les deux ont leur rôle à jouer dans la préservation de notre société.
"Rien ne peut la justifier" : êtes-vous mou à ce point ?
Je peux vous donner bien des exemples justifiant une haine profonde, qui est même nécessaire afin de savoir comment répliquer: le meurtre d'une personne chère, un viol, un accident grave par négligence, une attaque terroriste contre votre pays, une guerre...
Quant à Zemmour, mais qu'est-ce que peut vous faire qu'il ne soit pas gentil ? Zemmour ne frappe pas à la porte des gens pour les obliger à l’écouter. Ce sont eux qui font le choix ; s'ils n'aiment pas, qu'ils changent de chaîne.
La liberté d'expression est la liberté de choquer. Pour aligner des compliments ou des lieux communs on n'a pas besoin d'une loi, ou d'un article dans la constitution ou dans la déclaration des droits de l'homme. Dans la poursuite de la vérité, on se doit parfois d'insister, de blesser même lors d'un débat, pour creuser d'avantage. Après tout on n'est pas en porcelaine, ce ne sont que des mots.
Moi j'ai déjà arrêté de poster des commentaires dans les forums des médias français, ils sont toujours refusés (et non, je n'insulte personne). L'ironie, et certains vont être sans doute choqués, est qu'aujourd'hui on est bien plus libre de s'exprimer en Russie qu'en France.
Voilà le chemin que vous chérissez, Achille.
Rédigé par : Valéry | 17 mai 2020 à 07:27
Achille, quand cette loi sera publiée, les algorithmes des GAFA auront trouvé cinq raisons au moins de supprimer votre commentaire si d’aventure vous vouliez le divulguer sur les réseaux sociaux.
Les algorithmes sont faits pour prendre des décisions au millième de seconde.
Je vous laisse chercher ces cinq raisons : mettez-vous dans la tête d’un algorithme, ça devrait vous aider.
Ce doit être facile, il n’a pas de tête.
Rédigé par : sbriglia | 17 mai 2020 à 06:38
Bonjour M. Bilger,
Il est intéressant de noter aussi le vote favorablement majoritaire à cette loi des députés LR...
Rédigé par : Stephane | 17 mai 2020 à 05:54
Pleinement d'accord avec vous, M. Bilger.
Loi Avia... Avia... l'idiote utile de la Macronie. Je me demande d'ailleurs si elle ne serait pas plus idiote qu'utile...
Après avoir institutionnalisé le relâchement et la vulgarité depuis quarante ans (complaisance politique et médiatique de caniveau, Education nationale à la dérive, culte du moi et j'en passe), le gouvernement tente d'en juguler les effets délétères. Qui sème le vent récolte la tempête !
Et comme on a un pouvoir faible qui n'a guère les moyens de ses ambitions, il délègue aux GAFAM le soin de faire la police, en infraction avec le pacte républicain. Un ramassis de Branquignols !
Un clou de plus dans le cercueil démocratique. Les Macrondolâtres (version moderne des Munichois) vont adorer !
Rédigé par : Nic | 17 mai 2020 à 04:55
La haine comme l'amour sont des sentiments qui sont dans la nature humaine et qui ne se légifèrent pas. Dans l'esprit des grandes dictatures "humanistes" comme le communisme chinois, l'harmonie formelle en société traduit le bon équilibre de la marche du monde et cette loi n'en est qu'une émanation à peine édulcorée : les commissaires du peuple sont ici remplacés par des associations d'activistes subventionnés qui mettront à profit cette loi pour terroriser avec profit la liberté d'expression, de concert avec les GAFA qui en seront les piliers techniques.
Ainsi donc, ce qui s'exprimera dans l'espace public sera publié à la discrétion ou au bon vouloir du censeur, comme dans toutes les dictatures. La société n'en deviendra que plus violente car là où l'homme ne peut déverser ses sentiments, fussent-ils vifs virtuellement et ils ne sont parfois qu'une fièvre traduisant une maladie, se substitue la catharsis dans la rue. On voudrait soulever un peuple qu'on ne s'y prendrait pas autrement.
Mais les Français dans leur majorité ne semblent plus si attachés que cela à la liberté : le plus grand danger serait qu'ils puissent, fatigués, inquiets ou léthargiques, la vendre ou la rogner contre un plat de lentilles. Le nouveau centre du monde oscille à l'Est et il n'est pas dit qu'après avoir été sous l'influence des libéraux de l'Ouest nous ne basculions pas dans cet étatisme orientalisant, et qu'au final les Perses finissent par asservir la démocratie qui, comme chacun le sait, se mérite.
Rédigé par : Philippe | 17 mai 2020 à 03:51
« Je prends le risque malgré le vote, préjudiciable à la démocratie, de cette loi Avia : il faut la haïr. »
Je ne suis pas d’accord sur le terme haïr. Rien ne saurait justifier la haine.
Tout n’est pas mauvais dans cette loi Avia, même si la députée qui la porte est un personnage très controversé.
Il suffit d’aller sur Twitter pour avoir une idée des propos haineux et vulgaires qui y sont répandus tous les jours. Sans parler des infox et autres propagandes séditieuses.
Je pense qu’il est possible de critiquer une personnalité politique, un journaliste, ou simplement un twittos qui donne son avis sur Twitter sans lui déverser un tombereau d’injures. Il en est de même sur un blog ou dans un débat télévisé.
Eric Zemmour disait dernièrement dans l’émission Face à l’info qu’il a le droit de ne pas aimer tout le monde. Ce n’est pas ce qu’on lui demande, surtout pas à lui dont on sait bien qu’il n’a rien d’un humaniste béat.
Mais une personne de sa notoriété et de son talent oratoire a une grande influence auprès du public qui l’écoute et certains de ses propos qui, trop souvent, pèchent par un manque de nuances, risquent d’être mal interprétés par des gens qui ne possèdent pas sa subtilité intellectuelle.
Le droit à la haine est malsain car il autorise les pires comportements de la nature humaine.
Rédigé par : Achille | 17 mai 2020 à 01:29