L'accusé Jonathann Daval (JD) a été condamné,le 21 novembre, à 25 années de réclusion criminelle, sans peine de sûreté, par la cour d'assises de la Haute-Saône après que l'avocat général avait requis la réclusion criminelle à perpétuité.
Les parents de la victime Alexia Fouillot ont salué "une très bonne décision" et les avocats de la défense ont annoncé que JD n'en relèverait pas appel.
On pourrait, à partir de ces éléments, ne pas s'interroger plus avant et considérer que Justice a été faite et qu'elle a été bien rendue. D'autant plus que pour la conduite des débats aucune critique n'a été émise sur la maîtrise du président Matthieu Husson.
Celui-ci a su, parfois, au contraire, avec intelligence et intuition, favoriser des dialogues et des confrontations, sans s'y immiscer, dans l'espérance de sincérité, d'émotion et de moments intenses qui pourraient constituer le drame judiciaire en un bienfaisant mélodrame.
Pourtant, en dépit de cette indéniable qualité, je n'ai cessé de ressentir un malaise tout au long de cette histoire criminelle, depuis sa découverte et l'interpellation de JD jusqu'à sa conclusion avec l'arrêt de condamnation.
J'ai bien conscience que n'ayant pas assisté au procès, je ne peux me prévaloir d'une connaissance directe mais sans immodestie de ma part, je n'ai pratiquement rien manqué de ce qui a été écrit ou dit sur ce crime, sur son auteur et les familles concernées par cette horreur. J'ajoute que ma perception inquiète s'est évidemment nourrie de mon expérience d'ancien avocat général à la cour d'assises de Paris.
D'une certaine manière, le professionnel et le citoyen se sont accordés pour les observations que je propose sans la moindre présomption. Elles tiennent compte de ce que j'ai tenté toujours de respecter dans mes fonctions d'accusateur public durant plus de 20 ans.
D'abord je n'ai pas aimé cette médiatisation certes liée à la chose criminelle mais aux motifs parfois inspirés par des ressorts troubles. Non seulement elle a été surabondante depuis l'origine, dans un pluralisme désordonné, avant que le procès ait livré ses conclusions, mais elle a surtout continué à s'offrir ostensiblement dans les coulisses et la périphérie des débats eux-mêmes. L'autarcie royale et tellement nécessaire du procès a été battue en brèche par un certain nombre de déclarations qui à mon sens relevaient plus du narcissisme que du devoir.
Cette absence totale de décence m'a donné l'impression que nous n'étions plus dans le domaine de la légitime information mais dans celui d'une hystérisation qui avait pour conséquence d'entraîner dans sa course folle, et par réaction, les parents éplorés de la victime, ainsi que des intervenants judiciaires qui auraient dû se taire et garder pour les jurés leur argumentation.
Ainsi, quelle n'a pas été ma surprise d'entendre une avocate des parties civiles répondre longuement aux médias la veille de sa plaidoirie et ainsi dilapider un verbe qui aurait dû n'être réservé qu'à la cour d'assises ! Je n'ai d'ailleurs pas été moins étonné de l'explication de ses réquisitions par un avocat général commentant sa demande de réclusion criminelle à perpétuité devant la presse sur le perron du palais de Justice de Vesoul !
À force de vouloir faire comprendre, on tombe dans une vulgarisation qui nous éloigne de l'essentiel, qui est le procès, pour nous faire tomber dans des commentaires et des paraphrases totalement inutiles.
Au-delà de ces dérives de communication qui pouvaient en effet laisser croire, selon l'expression pertinente de Me Jean-Hubert Portejoie, que c'était à l'opinion publique de trancher, autre chose m'a perturbé qui se rapportait à cette exigence constante de vérité à laquelle l'accusé devait se soumettre, à cette répétition lassante et jamais satisfaite d'une injonction pour qu'il révèle ses ressorts, son mobile, ce qui soudain avait fait surgir, chez cet "homme ordinaire" selon la défense, le pire. On n'a pas cessé, durant tout le procès, d'attendre cette parole d'élucidation, de l'espérer, de l'entendre puis de ne pas l'accepter (Le Parisien).
Rien n'est plus absurde - et pourtant compréhensible de la part des proches de la victime - que cette sollicitation impérieuse, ressassée judiciairement et médiatiquement, pour obtenir des explications qui ne seront de toutes façons pas admises. Cette illusion est dévastatrice qui met constamment les parties civiles, dans ce procès comme pour tant d'autres que j'ai pratiqués, en état de déception.
D'abord elles réclament des lumières au moment même où l'accusé les donne si on se fonde sur la relation que JD a donnée de son crime le 19 novembre. Mais ces dernières ne seront jamais suffisantes comme s'il y avait, derrière le propos tenu et assumé, toujours des ombres, des mystères délibérément occultés.
Ensuite, cette revendication de transparence est d'autant plus malaisée à satisfaire que ceux qui la réclament ne sont pas prêts, la plupart du temps, à admettre que la relation honnête d'un processus criminel implique une interaction qui, face à une culpabilité et une malfaisance même indiscutables et reconnues, peut mettre en cause le comportement de la future victime.
Un crime est une histoire qui ne surgit pas de rien. Mais qui, obsédé par une vérité que le coupable refuserait prétendument d'avouer pleinement, serait capable d'écouter sans être offensé, sans frémir ? La victime doit être irresponsable à tout instant.
Enfin quelle étrange présomption de s'imaginer que l'accusé, même le plus lucide sur soi, est capable d'aller chercher dans ses tréfonds la totalité de ce qui l'a mobilisé pour le pire. À l'évidence il y aura toujours une part de lui qui lui demeurera inconnue. Même si d'autres ont toute liberté pour imaginer ce qu'elle peut être, comme par exemple une homosexualité refoulée : c'est la thèse d'un avocat, Me Pierre Farge.
JD, à supposer qu'il n'ait pas tenté de tout livrer de lui, n'est pas coupable de n'avoir pas pu tout déchiffrer de ses pulsions, de ce qui l'a fait passer d'une humanité en partage à l'accomplissement d'un acte semblant l'en exclure. Il ne pouvait avouer que ce qu'il était parvenu à appréhender de lui, dans les obscurités tragiques dont Alexia a été la victime. Rien de plus, et c'était déjà beaucoup.
Je conçois que cette quête sans relâche des parties civiles et de leurs avocats s'est trouvée amplifiée et d'une certaine manière légitimée par la comédie initiale que JD a jouée quand avec ses larmes, son chagrin et sa faiblesse, il avait feint d'être, lui, une autre victime. Ce simulacre a sans doute laissé penser qu'il serait fatalement incapable de sincérité par la suite.
Lire que ce procès a été hors norme est doublement vrai.
D'abord, parce qu'il n'est pas un crime qui ne soit une rupture de la normalité, une contradiction effroyable avec l'ordinaire d'un destin.
Surtout parce que le procès de JD a poussé jusqu'à la caricature, jusqu'à un paroxysme insupportable, les effets judiciaires et médiatiques habituels tenant au fonctionnement de cette institution remarquable qu'est la cour d'assises. Grâce au jury populaire pourtant scandaleusement réduit depuis quelques années...
La médiatisation du procès d'un mouton devenu enragé est venue fort à propos pour éclipser la tenue concomitante du procès du terroriste islamique du Thalys dont les répercussions sont plus susceptibles de peser sur l'avenir.
Par ailleurs et sans aucunement excuser le meurtre, si la belle-doche a modelé sa fille à son image, elle devrait réfléchir à sa propre part de responsabilité dans le drame !
Rédigé par : revnonausujai | 23 novembre 2020 à 07:05
Ce billet propose, depuis une expérience professionnelle évidemment de bon aloi, force énonciations fort judi... cieuses.
Toutefois la critique de FOND sur la dérive "victimo-phonique", pour souligner "victimo-obsédée" jusqu'à l'ivresse collective, n'a pas été évoquée. Or un procès criminel sert d'abord la Chose Publique en son axe d'Ordre Public, ainsi en Amérique en dépit de l'effarant business médiatique dont elle est le berceau, le procès criminel, de A à Z, ne se départ pas de la philosophie politique optimale et définitivement indépassable, à savoir que la Victime égale... la Société !
Il s'agit de la première République durable, toujours en vigueur en dépit des sons tonitruants mais fugaces de Monsieur Trompe.
La victime EST la société et non pas cette immense Mater Dolorosa laquelle est allée dans la presse-aux-séants jusqu'au slogan militant : "Pour Toutes les Femmes Victimes de Violences"...
Evoquer un certain parallèle prudent avec, en miroir, la célébrissime affaire Jacqueline-Sauvage, emblème propagandiste s'il en est, n'eût pas été hasardeux sur un plan épistémologique. Mais le Droit romain puis napoléonien pourrait-il accéder intellectuellement aux démarches cognitives contemporaines ? L'imaginer c'est hélas rêver.
Le jeune Avocat-d'Ordre-Public ("Général" ??), qui a joui d'aller se faire... voir des médias, confirme l'existence d'une obligation sous-jacente correspondant à un bain idéologique qui ferait s'esbaudir Gramsci de jouissance ("ils appliquent Mes leçons !").
Pourtant, M. Bilger, au terme d'un luxe de circonvolutions rédactionnelles comme il les affectionne, entrebâille un menu soupirail (soupir, rail) tel un garçonnet effronté craignant la punition matriarcale : "peut mettre en cause le comportement de la future victime".
Laissez-nous compléter en précisant une piste qui a été culturellement décrite depuis si longtemps : l'effet Poupées-Russes. Avec dans le casting : matriarque-Fouillot en Babouchka, laquelle enserrait en son antre hystérocrate la pauvre mariée Daval dans le rôle de la Matriochka. L'utérus de cette dernière n'avait pas déjà géré, donc dans ce cas d'application il manque le personnage de la plus petite poupée emboîtée : la Filiochka (parfois écrite la Viliochka, on sait par exemple que le suffixe 'vili' de nombreux patronymes géorgiens provient du latin 'filius', ailleurs suffixe 'vic' ou encore 'vitch', etc.).
L'hypothèse, respectant toutefois pleinement l'"Art du Doute" (la Zététique), d'une pré-détermination jusqu'à l'extrême provocation par humiliation permanente sous tyrannie Poupées-Russes, aurait pu être intellectuellement avancée. Mais peut-on espérer que dans ces tribunaux tels qu'ils s'acharnent à persister, il soit question de vraies questions humanistes et non pas seulement :
- de l'état économique de la profession d'avocat, sauf rare exception ?
- de l'état psychologique de l'immense majorité des magistrats (*) qui ont choisi ce titre pour compenser-camoufler leurs troubles identifiés dès l'adolescence ?
(*) Les plus âgés des magistrats d'active, ceux qui ont encore eu leur bachot dans les années 70, échappent encore majoritairement à cette analyse ; les moins de 40 ans présentent très souvent des carences de personnalité effroyables, ils seront bientôt déclencheurs imbéciles de l'inéluctable guerre civile qui vient...
Rédigé par : Henri Gibaud | 23 novembre 2020 à 03:46
Excellente analyse dont je partage totalement le contenu. J’ai été ahuri de voir l’avocat général venir expliquer à la presse le sens de ses réquisitions. Proprement inadmissible de la part d’un magistrat, lequel d’ailleurs n’a pas convaincu la Cour qui a rejeté ses réquisitions.
La décision me paraît équilibrée, ce que souligne le fait qu’elle ait été acceptée par toutes les parties.
Rédigé par : Merville | 23 novembre 2020 à 00:17