Ce billet est publié alors que les réquisitions du PNF dans le procès de Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, Thierry Herzog, son avocat et ami, et Gilbert Azibert, ancien magistrat qui a occupé plusieurs postes prestigieux impliquant une certaine confiance politique à l'égard de leur titulaire, ont été prises le 8 décembre.
Jean-François Bohnert, chef du parquet national financier (PNF), Jean-Luc Blachon et Céline Guillet, deux de ses représentants toujours présents aux audiences, ont requis contre les prévenus quatre ans d'emprisonnement dont deux avec sursis et, pour Me Herzog, 5 ans d'interdiction professionnelle.
Comme il se doit, l'appréciation sur l'argumentation développée par le ministère public est critique voire ironique. Cette tonalité ne fait que me confirmer davantage dans la certitude que, prochainement, trois relaxes seront édictées (Le Figaro).
Je n'ai pas assisté aux audiences mais j'ai lu tous les comptes rendus des débats, et au travers de leurs approches diverses, sinon contradictoires, il me semble pouvoir confirmer mon intuition anticipée. Aussi bien le Figaro, le Monde, le Parisien, Libération que Marianne et Mediapart ont offert au citoyen que je suis et au magistrat que j'ai été, un pluralisme très éclairant.
Pour cette affaire, sans en être spécialement gêné, trois de mes relations amicales sont concernées : Thierry Herzog lui-même et deux remarquables avocats, Jacqueline Laffont qui défend Nicolas Sarkozy et Hervé Temime au soutien de la cause de son confrère et ami Herzog. Il n'y a pas là de quoi entraver ma liberté d'expression.
Ce ne sont évidemment pas les relaxes qui probablement seront prononcées qui me perturbent dès lors qu'elles s'attacheront seulement à des éléments juridiques indiscutables et à une analyse fouillée et sans complaisance des écoutes Sarkozy-Herzog aussi bien officielles que dissimulées, un certain temps, sous la fausse identité de Bismuth.
Alors qu'en revanche, depuis le début du procès, on peut constater l'étendue de tout ce qui, politiquement et médiatiquement, est mis en oeuvre pour persuader le tribunal correctionnel (dont la présidente aurait pu être plus pugnace, notamment dans le questionnement de son ancien collègue Azibert) qu'elle est saisie d'une affaire dérisoire voire "minable" et qu'elle perd son temps. Sur l'accusation qui a osé ces renvois, pèse l'opprobre d'avoir ajouté une page sérieuse au feuilleton judiciaire de Nicolas Sarkozy et d'avoir, par l'entremise de Me Herzog, touché à l'honneur sacro-saint du barreau.
Dans tous les cas, il était léger d'évoquer le caractère vain de la Justice quand la qualité des prévenus - c'est une première pour un ancien président de la République - rend cette espèce passionnante et dépasse de très loin son objet apparent qui au demeurant n'est pas médiocre.
D'abord l'absence de Gilbert Azibert le premier jour, d'où l'obligation d'un renvoi après une expertise médicale ne s'opposant pas à sa comparution. Comme s'il était possible pour Gilbert Azibert d'avoir paru fuir ainsi sa responsabilité.
Ensuite une salle majoritairement emplie d'avocats en robe pour soutenir leur confrère Me Herzog. Comme si le respect du secret professionnel était en débat et non pas son éventuel dévoiement en vue d'une infraction.
Je n'ose imaginer ce qu'on aurait pensé d'une assistance de policiers venant, telle une pression forte, prendre fait et cause pour des policiers renvoyés devant le tribunal correctionnel. On aurait estimé, avec justesse, cette surabondance déplacée.
Comment avoir eu l'inélégance, par ailleurs, de souiller judiciairement d'aussi belles histoires d'amitié ! Celle entre Thierry Herzog et Gilbert Azibert, celle entre Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog. Rien dans cette entente qui puisse être suspecté. Que du sentiment. Des bavardages tranquilles. Sans la moindre finalité. Beaucoup d'écoutes pour rien, en quelque sorte !
Nicolas Sarkozy n'avait rencontré que rarement l'ancien magistrat mais sa moralité lui avait été attestée par Patrick Ouart, son conseiller Justice, notamment dans l'affaire Bettencourt et ses aléas ! Tout est dit !
Il s'est agi clairement de dissocier le trio et de substituer au dessein collectif qui lui était prêté des relations singulières, sans la moindre prestation à accomplir, ni la moindre réciprocité, de telle manière qu'à l'évidence Thierry Herzog s'est dévoué - tactiquement ou sincèrement ? - pour sortir Nicolas Sarkozy du champ de la prévention pénale.
Cet avocat, au centre du jeu, a cherché à sauver Gilbert Azibert mais bien davantage son ami Nicolas Sarkozy, en danger politique et judiciaire. Il faut reconnaître que Me Herzog, sur ce plan, a été aussi doué comme prévenu que comme avocat ailleurs.
J'ai eu l'impression parfois que le rôle des mis en cause n'était pas perçu comme celui de prévenus mais qu'il s'agissait d'acteurs dont on attendait avec impatience la prestation sans s'interroger une seconde sur leur crédibilité. Comme si on était d'emblée presque heureux de les voir quitter le terrain judiciaire au profit d'une atmosphère théâtrale, d'une jouissance narcissique.
Pourtant des interrogations auraient-elles été indécentes face aux explications longuettes de Gilbert Azibert sur la Cour de cassation - une conférence ou une comparution ? -, au départ précipité de Me Herzog pour Monaco où se trouvait Nicolas Sarkozy afin de lui parler seulement de Patrick Buisson et de son épouse Carla et au changement subit de tonalité dans les écoutes des portables, la ligne officielle venant apparemment tout de suite contredire ce que la clandestine avait révélé ? (Mediapart)
Enfin Nicolas Sarkozy vint ! Il piaffait, il piétinait, il avait hâte.
Son verbe a été loué, son énergie, sa force, son talent. Un superbe exercice d'oralité.
Mais, à le lire, on y retrouve ce qui depuis tant d'années est le fond de toutes ses apologies. Il est victime, le PNF lui en veut, les procès qu'on lui intente sont politiques et il n'y a rigoureusement rien contre lui dans les dossiers. Jamais. Il se compare à de Gaulle qui n'avait plus l'âge pour être "dictateur", pourquoi deviendrait-il, lui, "malhonnête" à 65 ans ?
Il tire des procédures multiples engagées contre lui la preuve de sa moralité, on pourrait y voir l'inverse : tout ce dont on le soupçonne est plausible, il en est capable. De Gaulle non.
Avec cette faille constante : il ne procède que par indignations, dénonciations morales. Comme s'il était forcément au-dessus du droit et pourvu d'une sorte d'exemplarité de principe. Ce qui ne peut que laisser songeur au vu de sa trajectoire présidentielle et de la dénaturation de la République irréprochable promise en 2007, si vite oubliée.
Les représentants du PNF et le chef de ce dernier ont été intelligents et vaillants.
Mais le vent souffle à la défense.
Je parie donc que trois relaxes seront édictées, le moment venu.
Parce que depuis le début on ne cesse de diffuser par tous moyens, bien au-delà du strict plan judiciaire dégradé en spectacle, que l'innocence est éclatante et qu'il ne resterait qu'à la valider.
Les juges me feront-ils mentir ?
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