Récemment une affirmation d'Eric Zemmour m'a fait réfléchir et m'interroger sur mon comportement et la nature de mes interventions écrites et orales.
Il a déclaré : "Je fais de la contre-programmation idéologique face à tous les médias qui vont dans un sens et qui fascisent toute opinion dissidente ou patriote" (CNews). Définissant ainsi sa mission, il est clair qu'il l'exerce avec talent et intelligence.
Je me suis demandé si dans un champ infiniment plus réduit quoique fondamental pour les citoyens, à mon niveau je ne me suis pas laissé porter par un maximalisme aussi bien sur ce blog que sur les plateaux de télévision (L'Heure des pros) et à Sud Radio chaque soir dans les Vraies Voix. Ce que signifie dans mon titre l'adjectif "régalienne" est une synthèse entre la liberté d'expression mutilée, la sécurité, la Justice, les prisons, l'exécution des peines, la police, les débordements violents au quotidien et, plus généralement, les mille manifestations de la faiblesse de l'autorité de l'Etat.
J'ai été d'autant plus enclin à faire cet examen de conscience que j'ai comparé mes positions d'aujourd'hui avec ma pratique d'avocat général aux assises, qui s'est terminée en 2011. Je ne crois pas avoir été jamais un tendre ou, pire, un laxiste dans cette fonction mais il est vrai que l'obligation, pour chaque affaire aussi horrible qu'elle ait pu être, de comprendre aussi bien les parties civiles que l'accusé ajoutait forcément une curiosité empathique, un devoir d'humanité à ma philosophie générale qui d'ailleurs en l'occurrence n'avait pas le droit d'être préjudiciable à la vérité, à l'équité et à la société.
Le fait d'être devenu un citoyen n'oubliant pas qu'il a été magistrat mais dépassant largement ce passé, a probablement durci mes points de vue mais sur ce plan je voudrais non pas m'absoudre - parce que la lucidité même trop amère n'a pas à s'excuser - mais expliquer pourquoi ils n'ont été au fond, dans le domaine où on ne me dénie pas toute compétence, que des réactions.
Des répliques, des ripostes, une "contre-programmation" à un conformisme massif émanant aussi bien de de politiques et de médias, d'une partie des citoyens mal informée et orientée, d'un syndicalisme judiciaire souvent mal inspiré et de l'emprise du barreau sur notre vision collective en matière de démocratie, de sécurité, de Justice et d'Etat de droit : en gros, la société est plus coupable que le transgresseur et comme chacun même auteur du pire doit être défendu, on n'est pas loin, avec cette exigence, de valider à tout coup l'intolérable, l'inadmissible.
La liberté d'expression, par ailleurs, n'est plus à sauvegarder à tout prix mais à dépecer : chacun en veut un bout et le conformisme de la décence a remplacé l'exigence de vérité. Quoi qu'il en coûte.
On ne peut pas séparer mes petites luttes quotidiennes sur tous ces registres (mine de rien, fatigantes et pourtant il ne faut rien céder) d'un humanisme paresseux et lâche, de la mansuétude régalienne ou pire, longtemps, de l'indifférence du pouvoir, du président de la République et de ses choix arbitraires et irresponsables de certains ministres, confiant parfois, comme avec Eric Dupond-Moretti, à l'incendiaire la tâche d'étouffer le feu. Ce qui a été politiquement et démocratiquement absurde et provocateur.
C'est donc à partir d'un climat délétère de compréhension, mais molle, de tolérance, mais coupable, et de légitimation constante d'une réalité insupportable que je me suis campé, souvent minoritaire, dans une attitude de "contre-programmateur" dont j'ai la faiblesse de penser qu'aussi limitée qu'elle soit, elle n'est pas totalement inutile. Quelques graines de dissidence jetées dans un esprit public vicieusement gouverné.
Est-ce à dire que cet extrémisme ne m'a jamais nui, n'a jamais altéré mon souci d'honnêteté ? Bien sûr que non.
Je voudrais prendre l'exemple de mon précédent billet où m'appuyant sur une source policière reprise par Valeurs actuelles, j'ai relaté un épisode criminel qui aurait eu lieu le 10 avril à Paris près de la station de métro Miromesnil. Il illustrait si bien le contraste entre les abstractions généreuses d'un pouvoir et la réalité odieuse du quotidien que j'avoue n'avoir pas hésité à en parler. Par intégrité je n'ai pas cessé de compléter cet écrit en faisant mention des incertitudes qui semblaient affecter cette information initiale. Rien de plus n'a à être exigé de moi que la reconnaissance de la fausseté d'un fait ou d'un propos ou au moins de leur incertitude.
Ce qui contrairement à tant d'autres ne m'a jamais contraint à rétracter un tweet ou à effacer un billet. Tout au plus à le compléter ou à l'adapter.
J'en profite pour battre en brèche la manière dont certains conçoivent mon blog : outre la permission de libérer leur parole à eux (ce qui ne m'intéresse pas), il aurait à se confondre avec l'écrit d'un journaliste ou d'un historien alors que sa seule richesse est précisément de donner libre cours à une subjectivité qui s'enrichit des contradictions qu'on lui apporte, si on accepte d'appréhender le fond du billet.
Ces précautions prises ne réduisent pas à rien l'envie d'ajouter ma pierre à une contre-offensive à l'égard du politiquement, socialement et judiciairement correct. Non pas que l'incorrection ait forcément raison et que le caractère minoritaire soit le gage évident de la vérité.
Mais dans tous les cas, comme Eric Zemmour appelle à une réaction emplie de sens à l'encontre de ceux qui "fascisent" tout, et sur un mode délibérément hémiplégique, si je ne prétends pas surestimer l'impact de ma contre-programmation régalienne et démocratique, en la proposant chaque jour je n'éprouve pas le besoin de m'en excuser.
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